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mardi 7 juin 2011

Jouer Juliet and Romeo à 76 et 66 ans



Sian Phillips et Michael Byrne dans Roméo et Juliette
photo de Donald Cooper  The Guardian

Voici un billet de Flora qui est allée voir Roméo et Juliette dans une mise en scène... pour le moins originale!. Flora est écossaise. Vous la reconnaîtrez quand elle écrira dans Ma Librairie au logo représentant le drapeau écossais. Universitaire, elle connaît aussi bien la langue française que sa langue maternelle.
Jouer Juliet à 76 ans et Romeo à 66… Inconcevable!  Mais l’an dernier, Sian Phillips et Michael Byrne, tous deux vétérans de la scène britannique, ont réussi  le coup dans une réalisation de Juliet and her Romeo pour le Theatre Royal à Bristol. Qui plus est, Phillips, dont la belle structure osseuse du visage résiste à une maigreur cadavérique, n’avait jamais joué la jeune infortunée de la famille Capulet.
- « Même à 19 ans j’ai  toujours paru trop vieille : j’aurais pu passer pour une femme qui aborde la trentaine. »
Tom Morris, metteur en scène et directeur artistique du théâtre avait conçu l’idée de cette adaptation avec son homologue, Sean O’Connor.  Juliet et Romeo habitent tous deux dans une maison de retraite, Juliet dans l’aile luxueuse réservée aux nantis, Romeo dans l’aile miteuse des SDF où (fidèle au texte de Shakespeare) il essaye (vainement) de séduire Rosaline, cette fois-ci une des assistantes sociales. Les futurs amoureux "seniors" se retrouvent lors d’un thé dansant (ou peut-être "danse macabre"), et c’est le coup de foudre.  Hélas, la fille de Juliet a d’autres idées. Les frais de l’hébergement dans la maison de retraite sont onéreux et elle a repéré un vieux monsieur distingué et riche (qui s’appelle Paris) qu’elle destine pour sa mère avec un froid calculateur  digne de Marivaux.
Jusque-là, on croit voir une pièce contemporaine inspirée par Romeo et Juliet- souvent très drôle  mais avec un fond sérieux qui met en relief un problème de plus en plus actuel. Mais insensiblement cette amitié naissante entre Juliet et son Romeo évolue vers un amour passionnel vécu dans la clandestinité devant l’opposition des deux familles. Du coup on se rend compte – non sans un petit choc – que dans ce triste décor de fauteuils roulants, de cannes et de lunettes oubliées on entend les vers familiers de Romeo et Juliet, encore plus émouvants que lorsqu’ils sont prononcés par les amants éternellement jeunes et "star-cross’d" de Shakespeare.  Après une exposition relativement courte, le texte reste presque inchangé mais étrangement renouvelé.  S’il est un peu surprenant de voir Romeo attaquer Tybalt avec un déambulateur avant de l’étouffer avec un coussin, la tendresse touchante et digne de Byrne envers sa Juliet maintient la tension dramatique et empêche le dénouement  de tomber dans l’absurde. Au contraire, on a même l’impression de découvrir comme pour la première fois le tragique de cette pièce trop connue. L’interprétation remarquable de Phillips et Byrne réussit à nous convaincre que l’épanouissement d’un dernier amour n’est pas moins précieux qu’une première passion et que sa perte n’en est pas moins déchirante.

Challenge de Maggie et Claudialucia


Shakespeare : spot the quote (or crypto-quote) "Word, words, words"



Pour introduire notre challenge, voici un texte  de Flora qui présente la richesse de la langue shakespearienne. Flora est écossaise. Vous la reconnaîtrez quand elle écrira dans Ma Librairie au logo représentant le drapeau écossais. Universitaire, elle connaît aussi bien la langue française que sa langue maternelle. Quant à ses connaissances de Shakespeare, remercions ses "blinking idiots" professeurs de lui avoir fait entrer Shakespeare dans la tête et de lui avoir "cudgel her brain"dans sa prime jeunesse pour notre plus grand bonheur :  celui de lire ce texte brillant, composé de citations de Shakespeare.

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Shakespeare had a vocabulary of at least 21,000 words.  The King James Bible of 1611 used only about 10,000 and even today, despite all the thousands more neologisms which have entered the language in the intervening four hundred years, the average educated person in the UK can only claim to have a vocabulary roughly half of Shakespeare’s.The way in which Shakespeare impregnated and transformed the English language is extraordinary– English is indeed the language of Shakespeare, as I hope you’ll see from the sad story of a lazy schoolgirl below.
Not so long by the head as honorificabilitudinitatibus…..
Creeping unwillingly to school in my salad days, I first made my acquaintance with Shakespeare. Well, what the dickens would you expect? (No, nothing to do with Charles –it’s from The Merry Wives of Windsor.) Our teachers force fed us the plays– just the plays, not the sonnets (much too homoerotic for an all-girls grammar school). They meant well, our literary mentors. They were being cruel only to be kind, but we were lily-livered teenage air-heads and we thought they were just harping on.Why would we want to cudgel our brains by reading plays about hunchbacked kings and mad Danes?  To us, those pedagogic proselytisers were just blinking idiots so we rolled our lack-lustre  baby-eyes and sighed heavily, when we had to read the Scottish play in one fell swoop. Did someone say Frailty, thy name is woman?  (Well, yes, actually –and I’ll give you a clue : it wasn’t Racine!)
To put it in a nutshell in those days, we were green in judgment. The play’s the thing,said our teachers,  though more in sorrow than in anger. We thought all that extravagant praise for our national bard was laid on with a trowel, but we didn’t know a hawk from a handsaw’ at thirteen years old!  If we weren’t love-sick we were in a holiday humour, much more interested in planning our next midsummer madness than watching old men lurking behind arrases or androgynous spirits lying in cowslip bells.  It ‘beggared description!
But now in the sixth age, I look back wistfully and in my mind’s eye see those flighty thirteen-year- olds, oblivious of the brevity of summer’s lease, as yet untouched by the slings and arrows of fortune, outrageous or otherwise.  Those ‘sweet sprites’ thought they led a charmed life and never a time would come when ‘all our yesterdays’ simply vanish into thin air…. Ay, there’s the rub’.
To day, my way of life has fallen into the sear, the yellow leaf and I’m well past my dancing-days. If the entire world’s a stage, I’m a lot nearer the exit than the entrance.   I wish I’d lent my ears more willingly (or even at all) to those earnest teachers when I was thirteen.  For one thing, if I’d fed of the dainties that are bred in a book with a bit more gusto and shown a bit more will-power (Will-power ??)  to resist the dainties bred in a pâtisserie, then maybe this too, too solid fleshof mine might never have accumulated in the first place….!
So much for remembrance of things past!  Thanks to Shakespeare, anyone who understands even a few words of English has been at a great feast of languages, and stolen the scraps.   Shakespeare left the alms-basket of wordsspeak the speech overflowing.  Every time we speak the speech of this scepter’d isle Shakespeare’s words , will come trippingly on the tongue, in almost every sentence. ….
So here’s to Le Challenge Shakespeare –Lay on, Macduff; and damn’d be him that first cries, "Hold, enough!’’

shakespeare2_p.1289751255.jpgVoir Maggie de Mille et un classiques et Claudialucia 

Hamlet et Ophélie? (3)

Mels Gibson dans Hamlet

 Hamlet pose de nombreuses énigmes. L'une d'elle a trait aux sentiments qu'éprouve Hamlet envers Ophélia. Hamlet a-t-il réellement aimé Ophélia? Pourquoi s'en détache-t-il? Comment expliquer la dureté dont il fait preuve à son égard? Est-ce du mépris? de la misogynie? Peut-il y avoir une autre explication?
Certains  indices comme la lettre qu'il écrit à la jeune fille et qu'elle donne à son père semblent prouver que le jeune prince du Danemark aime sincèrement Ophélia. (II 3)
Doute que les étoiles soient du feu
Doute que le soleil se meuve
Doute de la vérité même
Mais ne doute pas que je t'aime.
A jamais à toi, ma dame très chère
tant que ce triste corps sera le mien.

Pourtant  si cet amour a existé, il est mort maintenant si l'on en  croit la déclaration du jeune homme : (III 1)
je vous ai aimé autrefois
Mais peu de temps après avoir lancé cette affirmation, Hamlet se rétracte à nouveau et répond ainsi aux reproches de la jeune fille
Vous n'auriez pas dû me croire.. Je ne vous aimais pas

Donc dans cette scène 1 de l'acte III, la question n'est pas tranchée et ceci d'autant plus que Hamlet sait qu'il n'est pas seul avec la jeune fille (Claudius et Polonius l'épient) et il ne veut pas lui dire ce qu'il pense vraiment. Le mystère reste entier et nous restons dans le doute :
Hamlet n'a jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle?
Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?
Hamlet aime toujours Ophélia mais lui ment pour une raison encore inexpliquée?

Première hypothèse : Hamlet n'a jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle
 
L'attitude de Hamlet avec Ophélia, son rejet violent et sarcastique de la jeune fille, semblerait indiquer que Hamlet n'a jamais éprouvé pour elle un sentiment profond .
Va-t-en dans un couvent!  Gets to a nunnery!  lui crie-t-il  dans la scène 1 de l'acte III. Jeu de mots qui jette le doute car l'anglais nunnery, couvent, dans son acceptation argotique peut signifier maison de prostitution.
Son mépris qui  s'étend d'ailleurs à la femme en général s'exprime ensuite de cette manière  :
j'ai entendu aussi parler et bien trop de vos barbouillages. Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre; vous vous trémoussez, vous trottinez, vous zézayez, et vous donnez des surnoms à ce que Dieu a créé, vous êtes impudique sous une feinte candeur..(III;1)
On serait donc tenté de dire, devant cette brutalité, que Hamlet a été attiré par Ophélie, l'a séduite et la rejette maintenant qu'il a obtenu ce qu'il voulait d'elle. Nous adhérons donc aux paroles adressées par Polonius à sa fille  :
Vous parlez comme une fillette nice*, inexpérimentée.. Oui-da, pièges à alouettes! Je sais, je sais, quand le sang brûle, combien l'âme est prodigue à prêter la langue des serments.  (* simple) (I;2)
D'autre part, de nombreuses allusions, à double sens, tenues par Hamlet à Ophélie semblent faire allusion à un relation charnelle entre eux et au mépris que le jeune homme conçoit pour elle  à cause de cela :
-Madame puis-je m'étendre entre vos genoux?
-Non, monseigneur
-Je voulais dire, ma tête sur vos genoux?
-Oui, monseigneur
-Pensiez-vous que j'avais en tête l'idée de choses vilaines?
-Je ne pense rien monseigneur
-Rien, c'est une belle pensée à mettre entre les jambes des pucelles (III;2)

Deuxième hypothèse : Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?

Pourquoi? Là encore il y a plusieurs réponses à cette question!
Même s'il a aimé sincèrement la jeune fille, Hamlet n'éprouve plus que du mépris pour elle parce qu'il a obtenu d'elle des relations avant le mariage. Désormais, il la considère comme une femme volage, d'où ses allusions à la beauté incompatible d'après lui avec la vertu.

Hamlet  :  - Ha! ha! Etes-vous vertueuse?
Ophélie : - Monseigneur?
H- Etes-vous belle?
O - Que votre seigneurie veut-elle dire?
H - Que si vous êtes vertueuse et que si vous êtes belle, votre vertu se devrait de mieux tenir à l'écart  de votre beauté.
O - La beauté pourrait-elle avoir une meilleure compagne que la vertu, monseigneur?
H - Oh! certes oui, car le pouvoir de la beauté fera de la vertu une maquerelle, bien avant que la force de la vertu ne façonnes à sa ressemblance la beauté.
 
De plus, Hamlet reproche à Ophélia sa trahison. Ophélie est de mèche avec Polonius et Claudius pour le faire espionner. Ces derniers, en effet, veulent savoir à quoi attribuer la folie (simulée) de Hamlet. Polonius est persuadé qu'elle est due à l'amour contrarié que le prince éprouve pour sa fille. Claudius suspecte d'autres raisons. Ils demandent donc à Ophélie de donner un rendez-vous à Hamlet dans le vestibule du château d'où ils pourront écouter les propos du jeune homme. Mais Hamlet a surpris la conversation du roi et de son chambellan comme nous le prouve  la  didascalie II; 2 :
 
  Hamlet entre dans le vestibule. Il s'arrête un moment inaperçu.
au moment où Polonius dit à Claudius :
 
Polonius - Dans un de ces moments-là je lâche sur lui ma fille,
Et vous et moi sous la tapisserie
Nous observons la rencontre..
 
Hamlet sait donc qu'Ophélie se prête à ce jeu d'où la colère et la violence de ses propos quand il la rencontre. Il se sent trahi car la jeune fille fait front avec ses pires ennemis. C'est pourquoi plus tard il interpelle Polonius de cette manière quand il le revoit :
 
O Jephté, quel trésor tu avais!
 
Hamlet reproche à Polonius d'avoir sacrifié sa fille comme l'a fait Jephté à Israël et d'utiliser Ophélie pour le faire espionner mais peut-être lui reproche-t-il plus encore ?
Nous savons qu'il a déjà traité Polonius de maquereau et en allant voir de plus près l'histoire de Jephté nous apprenons que le sacrifice de la fille de Jephté peut-être interprété de plusieurs façons : Soit Jephté l'offre en Holocauste au Dieu, soit il à l'intention de l'offrir comme prostituée au temple ou bien, il est suggéré qu'il la déflore lui-même? Soit il lui refuse le mariage pour préserver sa virginité. Que sa virginité soit sauvegardée implique qu'il lui interdit d'avoir des relations avec un autre homme, de concevoir des enfants, ce qui est une forme de possessivité, voire d'inceste de la part d'un père.
Hamlet accuse peut-être Polonius d'avoir jeté Ophélie dans son lit pour satisfaire ses ambitions politiques et faire de sa fille une reine, ce que corroboreraient les ordres de sagesse mercantile que Polonius donne à sa fille (I.2) :
 
Et désormais soyez un peu plus avare de votre virginale présence,
Mettez votre rencontre à plus haut prix qu'une offre de parlementer..
 
Quoi qu'il en soit Hamlet se détache d'Ophélie.
Une autre explication, freudienne celle-là, peut-être attribuée à son rejet d'Ophélie. Un Oedipe profond le lie à sa mère Gertrude, sentiment encore aggravé par le drame que vit le jeune homme. Il vient d'apprendre que son père a été assassiné. De plus sa propre mère a épousé le meurtrier sans attendre la fin de son deuil! Ceci est d'autant plus grave aux yeux de la société et du jeune homme que l'union entre beau-frère et belle-soeur est interdite, considérée comme un inceste. On comprend l'horreur éprouvée par Hamlet et la mysogynie qu'il manifeste alors. Enfin, pour peu que l'on adhère à l'interprétation freudienne du personnage, le jeune homme qui ressent des désirs incestueux envers sa mère est en quelque sorte le rival de Claudius. Ce qu'il éprouve pour Ophélia n'est pas assez fort pour lutter contre de tels sentiments.
Cette dernière version est celle retenue dans le film de Zeffirelli ou Mels Gibson qui incarne Hamlet est manifestement amoureux de sa mère (Glen Close) et réciproquement. Quand il lui reproche ses ébats avec son nouveau mari, il la jette sur le lit dans un transport passionné qui ne fait aucun doute sur ses intentions incestueuses. Du coup le personnage de Gertrude devient principal et celui d'Ophélie secondaire malgré une très belle scène de la folie où Helena Bonham-Carter est excellente. Zeffirelli ne se demande pas si Hamlet aime Ophélie; ceci ne l'intéresse pas.

 
3) Troisième hypothèse :  Il l'aime toujours et renonce à elle
 
Mais il y a une autre interprétation au fait que Hamlet repousse Ophélie; ce qui  impliquerait qu'il l'aime toujours. Elle tient à ces paroles que le jeune homme prononce peu de temps après avoir reçu l'ordre du spectre réclamant vengeance: ( I ; 4)
 
Le spectre :
Adieu, adieu, adieu, ne m'oublie pas!
Hamlet :
Que je ne t'oublie pas?
O pauvre spectre, non tant que la mémoire
Aura sa place sur ce globe détraqué.
(...)
Des tables de ma mémoire
je chasserai tous les futiles souvenirs,
tous les dires des livres, toute impression, toute image,
qu'y ont notés la jeunesse ou l'étude,
et seul vivra ton commandement...
 
Ainsi Hamlet chargé d'une tâche qui l'écrase et qui va détruire sa vie, décide d'abandonner le monde et tout idée de bonheur. Dans la scène 2 de l'Acte II, Ophélie le voit arrivé en proie à un tel désordre qu'elle est effrayée. Elle raconte la scène à son père :
 
Pâle comme un linge, les genoux qui s'entrechoquaient et la mine aussi pitoyable que si l'enfer l'eût relâché...
Il m'a saisie le poignet et m'a serrée fort
Puis avec l'autre main .. il m'a regardée au visage aussi aigûment que s'il eût voulu le peindre.
puis il poussa un soupir si piteux et profond qu'il parut ébranler tout son corps et mettre fin à ses jours..

Peut-être est-ce à ce moment-là qu'Hamlet décide de renoncer non seulement à Ophélia mais aussi à la vie? L'histoire d'amour de Hamlet et d'Ophélia ne serait donc pas secondaire mais au coeur de l'action puisque le revirement de Hamlet au sujet d'Ophélia ne s'expliquerait pas par le mépris d'un amant qui a tout obtenu de son amoureuse mais par la nécessité de couper ses attaches pour accomplir sa vengeance  et mourir. On peut dire la même chose du pouvoir. De la même manière qu'il dit non à  l'amour, Hamlet se désintéresse de la couronne du Danemark qui passera à Fortinbras, futur roi de Norvège.
Que croire? Amour? Désamour? Haine? Mépris?La seule certitude c'est que Hamlet déjà d'un naturel pessimiste et fragile est  fortement ébranlé par les révélations du spectre. Il traverse une crise morale d'un telle ampleur qu'il désire mourir. Il n'y a plus de place pour l'amour. Et si Hamlet ne met pas fin à sa vie, c'est seulement parce qu'il a peur de ce qui existe après la mort, de la punition d'un Dieu qui n'admet pas le suicide. Finalement si l'on ne renonce pas à vivre, nous dit-il, c'est par lâcheté, c'est par crainte de l'au-delà!  C'est le sens de la fameuse tirade  : être ou ne pas être.

Etre, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus.

Hamlet en guise d'introduction (1)

Le personnage d'Ophélie (2)

La suite : Hamlet aime-t-il Ophélie? (3 ) 

 

Challenge de Maggie et Claudialucia


Hamlet : Le personnage d'Ophélie (2)

Ophélia de Waterhouse

Le personnage d'Hamlet entraîne de nombreuses interprétations, toutes passionnantes, mais je suis contrariante,  j'ai choisi d'écrire sur Ophélie .

Une jeune fille docile ?
 
Ophélie peut apparaître à priori comme une jeune fille obéissante et sans grande personnalité dans l'acte I scène 3. Elle accepte docilement les leçons de son frère Laerte qui la met en garde contre les dangers de l'amour et promet de l'écouter. Mais cette impression est vite effacée quand elle lui conseille à son tour et non sans ironie de bien se comporter lui-même! Ce qui prouve qu'elle est loin d'être sotte et effacée. De même, elle est respectueuse et soumise devant son père Polonius qui lui demande de ne plus voir le Prince Hamlet en soulignant la différence de condition sociale qui rend cet amour impossible. Mais elle défend avec ardeur les intentions de Hamlet et reste persuadée de la sincérité du jeune homme. Elle plaide ainsi sa cause auprès de Polonius :
Il a confirmé son langage par presque tous les serments sacrés du ciel.
Nous savons que, par la suite, Ophélie obéit à son père puisqu'elle refuse de voir Hamlet et de recevoir ses lettres. Ce qui provoque une réaction violente de la part du jeune homme  (II 2). Elle va plus loin en transmettant à son père la lettre que Hamlet lui a écrite (II; 3). Enfin, elle donne rendez-vous au jeune homme dans la galerie pour permettre à  Polonius de l'espionner ( III; 1). Bref! elle trahit son amoureux.
On pourrait en déduire que ses sentiments sont peu ardents et que la raison, les conventions, la peur du qu'en dira-t-on et surtout le devoir d'obéissance d'une jeune fille bien élevée sont venus aisément à bout d'un amour naissant. Mais nous savons qu'il n'en est rien puisque Ophélie est poussée par un destin tragique qui l'amènera inexorablement jusqu'à la folie et la mort.
Comment expliquer qu'elle puisse passer d'une apparente sagesse et retenue aux sentiments extrêmes qui vont la conduire à sa fin ?

La folie d'Ophélie 
 
Ophélie Isidore Dagnan

 
 
  Ce glissement dans la folie se fait par étapes au cours desquelles la jeune fille va évoluer du chagrin au plus profond désespoir :
Première étape : (III; 1) : Hamlet parle avec une violence et un mépris total à Ophélia qui en est profondément secouée. Elle avait cru jusque-là à l'amour de Hamlet. Elle le croit fou.
 
Deuxième étape : ( III; 2) : Hamlet humilie Ophélie publiquement en tenant des propos à double sens à la limite de l'obscénité. Ophélie est désemparée et souffre.
 
Troisième étape :  Hamlet tue le père d'Ophélie en pensant qu'il s'agit de Claudius. (III; 4)
Dans l'acte IV scène 5 nous apprenons soudain que la jeune fille a perdu l'esprit mais il y a une ellipse dans l'action. Que s'est-il passé entre temps? La jeune fille a  appris le meurtre de son père, a assisté à l'enterrement sans fastes de celui-ci, indigne de son rang, elle sait que son frère Laerte est de retour pour tuer Hamlet. Cette succession d'évènements tragiques sont amplement suffisants pour justifier l'égarement de la jeune fille.
 
 
Une jeune fille déshonorée?
 
 
Ophélie parmi les fleurs : Odilon Redon

 
 
Pourtant les paroles du texte qu'elle chante semble indiquer qu'il existe encore d'autres raisons :

Demain, c’est la Saint-Valentin,
Debout dès les premières heures du matin.
Et me voici vierge à ta fenêtre,
Pour être ta Valentine.
Lors il se leva, puis mit ses habits,
Et ouvrit la porte de la chambre,
Fit entrer la vierge,

Qui vierge jamais n’en sortit

Hélas! oh fi! la honte!
Avant de me trousser, fit-elle
le mariage on me promit

Par le jour, l'eusse fait, la belle,
si tu n'avais cherché mon lit

 
La signification de ces paroles paraît sans équivoque. Si elle a "cherché le lit" de Hamlet, Ophélie s'est déshonorée selon la morale de l'époque, coupable devant son père et devant Dieu et méprisable aux yeux de son amant. Elle ne peut donc être que désespérée par l'attitude de Hamlet dont le rejet prend encore alors un tout autre sens. Celui de l'homme qui n'a que mépris pour la fille qui se donne. Certains critiques littéraires affirment même que Ophélie est enceinte, d'où son suicide, la seule issue pour échapper au déshonneur. On peut trouver une justification à cette affirmation dans les exhortations de Polonius ( I 4) qui craint que sa fille ne soit allée trop loin dans sa relation avec Hamlet et lui dit :
 
On m'a dit que bien souvent il vous avait parlé en privé. Si c'est vrai (...) il faut que je vous dise que vous ne   comprenez pas bien clairement les devoirs qui conviennent à ma fille et à votre honneur 
 
et aussi dans l'acte II scène 2  lorsque Hamlet traite Polonius de maquereau (proxénète) et observe :
 
 Le soleil engendre des vers dans un chien crevé, laquelle charogne est bien digne d'être baisée    il ajoute : Vous avez une fille? Qu'elle n'aille pas au soleil! Concevoir est une bénédiction, mais mon ami, veillez à la façon  dont votre fille peut concevoir.
 
La comparaison d'Ophélie avec une charogne et le terme to conceive qui en anglais comme en français peut vouloir dire concevoir par l'esprit ou être enceinte sont éloquents.

La mort d'Ophélie

 
La mort d'Ophélie

 
 
Tous les peintres séduits par l'image d'Ophélie ont représenté la jeune fille parée de guirlandes de fleurs. Cela n'est pas anodin. A partir du moment où Ophélie sombre dans la folie elle peut exprimer la vérité sur son amour et sur la mort de son père. Elle le fait de deux façons : par des chansons, nous l'avons vu, mais aussi par le langage des fleurs qui ont ici un sens symbolique.
 
Acte IV scène 5
Au roi : Voilà du fenouil pour vous et des ancolies
A la reine : Voici de la rue pour vous et pour moi.
Voilà une pâquerette; je vous donnerais bien des violettes, mais elles se sont toutes fânées quand mon père est mort.
 
L'ancolie et le fenouil qu'elle offre à Claudius sont symboles d'infidélité et d'adultère, et elle attribue la rue, l'herbe du chagrin et du repentir à la reine Gertrude, et à elle-même. La pâquerette se dissimule pour avertir les filles de ne pas se fier aux belles promesses de leur amoureux. Les violettes, symboles de modestie et de fidélité sont fânées après la mort de Polonius, meurtre que le roi et la reine ont tenu caché devenant complices de Hamlet. Elles ne peuvent convenir à aucun des personnages qui ne sont pas dignes d'elles.
Les fleurs sont présentes aussi dans le récit de la mort de  la jeune fille que fait par la reine Gertrude à Laerte :
 
(IV  7)

Il y a un saule qui pousse en travers du ruisseau et mire ses feuilles grises dans le miroir du courant. C’est là   qu’elle tressa de fantasques guirlandes de boutons d’or, d’orties, de marguerites, et de ces longues fleurs pourpres que nos bergers hardis appellent d’un nom plus grossier mais que nos froides vierges appellent "doigts  d’homme mort". Là, tandis qu’elle grimpait pour suspendre sa couronne de fleurs aux branches inclinées, un rameau envieux se rompit, et ses trophées tressés de mauvaises herbes, et elle-même, tombèrent dans la rivière en pleurs... »

Le saule symbolise une fille pleureuse (Ophélie et la Desdémone d'Othello) mais également et cela paraît significatif : une fille volage. L'ortie est la rupture, le bouton d'or peut représenter selon le contexte l'ingratitude, la raillerie. La marguerite innocente est la fleur utilisée pour séduire. Enfin Les doigts d'homme mort aussi appelés Testiculus Morionis (une variété d'orchis mâle?) sont bien évidemment un symbole phallique. Un langage des fleurs éloquent!
Il est frappant de constater que dans Shakespeare, seule la folie permet aux êtres de se libérer et de se montrer tels qu'ils sont. Seul un fou (au sens d'insensé ou de bouffon) peut dire ce qu'il pense. C'est le cas d'Ophélie qui n'a jamais été aussi lucide que lorsqu'elle perd l'esprit, c'est aussi celui de Hamlet qui simule la folie, seul moyen d'atteindre la vérité.
 
 


Challenge de Maggie et claudialucia


Hamlet : en guise d'introduction (1)



Laurence Olivier interprète Hamlet

Lire et relire Hamlet! Voir et revoir la pièce! Et chaque fois être surpris de découvrir une autre interprétation, une autre manière de comprendre les personnages, un autre moyen de parvenir jusqu'à eux. Il n'est pas étonnant que cette pièce soit à l'heure actuelle la plus analysée de toutes les pièces de Shakespeare et que, depuis des siècles, penseurs, universitaires, critiques, écrivains, mouvements littéraires, médecins et psychiatres l'aient abordée selon un angle d'attaque différent.
Origine historique de l'intrigue
L'action de Hamlet (1601) se déroule au Danemark, dans le château d'Elseneur. William Shakespeare en a emprunté la trame  aux Histoires danicae de Saxo Grammaticus, auteur du XIIème siècle. Il s'agit de la vie d'un jeune prince danois Amleth qui simule la folie pour mieux venger son père tué par son propre frère. Le meurtrier a épousé ensuite sa belle-soeur, mère d'Amleth, et s'est emparé de la couronne.
William Shakespeare prend des libertés avec ce récit et crée une pièce complexe comptant un grand nombre de personnages et  de péripéties.
L'action
Dans la pièce de Shakespeare, il n'y a pas d'unité d'action comme dans le théâtre classique français mais une action principale :
Hamlet, fils du roi du Danemark et de la reine Gertrude, est abordé par le spectre de son père qui lui apprend qu'il n'est pas mort accidentellement comme tous le croient. C'est son frère, Claudius, qui l'a tué en lui versant du poison dans l'oreille et ceci pour lui prendre la couronne et épouser sa veuve Gertrude. Le spectre réclame vengeance et demande à son fils de tuer Claudius.
encadrée par deux intrigues secondaires :
Fortinbras, le neveu du roi de Norvège menace le Danemark et une guerre est prête à éclater. Claudius écrit au roi de Norvège pour entamer une négociation.
La fille de Polonius, le chambellan du roi, Ophélia, aime le prince Hamlet mais elle sombre dans la folie et se suicide quand Hamlet la repousse et tue son père.
Les principaux thèmes
La Vengeance  :
Hamlet est vu comme une tragédie de la vengeance, ce qui est, en effet, le principal mobile de l'action. Le spectre qui apparaît à Hamlet sous les traits de son père lui ordonne :  ( I 5)  :
Ecoute! Oh! écoute.. Si jamais tu as aimé ton père.. venge son horrible et monstrueux assassinat.
Mais alors comment expliquer les atermoiements de Hamlet? Pourquoi ne peut-il passer à l'acte? Pour quelles raisons simule-t-il la folie?
La quête de la vérité
Et si Hamlet plus qu'une tragédie de la Vengeance était d'abord une quête de la vérité? Une interrogation métaphysique sur la vie et la mort, sur la foi? Une quête aussi de soi-même?
Hamlet est en proie au doute : le spectre est-il  l'Esprit de son père? Que doit-il faire?
L'esprit que j'ai vu est peut-être le diable, et le diable a le pouvoir d'assumer une forme qui puisse plaire..( II, 3)
Il lui faut acquérir la certitude que son oncle est coupable d'où la mise en abyme de la pièce, le théâtre dans le théâtre.
L'illusion, le jeu de miroir
Hamlet avec l'aide des comédiens qui viennent d'arriver au château va mettre en scène le propre meurtre de son père. Les acteurs endosseront le rôle du roi mort, de son épouse Gertrude et de Claudius, l'assassin. Hamlet devient donc ici le double de Shakespeare comme dramaturge, metteur en scène et aussi comme acteur.
Cette mise en abyme de la pièce fonctionne comme un miroir qui permettrait d'accéder à la vérité dans un monde où tout n'est qu'apparence et où chacun emprunte un masque.
La folie : Hamlet simule la folie, Ophélie perd la raison. La folie semble être un moyen d'accéder à la vérité, de faire tomber les masques.


Quelques citations extraites de Hamlet :


Pour évoquer l'impuissance des mots face au réel :

Des mots, des mots, des mots.
réponse à Polonius : (II, 2 )

L'impuissance des mots face à la mort :

Tout le reste est silence
(V 2)

La différence entre les mots et l'intention, entre le langage et la vérité :

Les mots sans les pensées ne vont jamais au ciel.

(III 3)

Cette phrase est prononcée chaque fois que l'on constate des iniquités, des injustices dans son propre pays ou partout ailleurs :

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark.

(I, 4)

«Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être.» (IV;5)


«Qu'ils sont pauvres, ceux qui n'ont pas de patience !»

«Il n'est pas de vertu que la calomnie ne sache atteindre.» (I;3)


Le monologue de Hamlet pose la question pourquoi vivre? A quoi bon vivre?
- Etre, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus ;... et dire que par ce
sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures
naturelles qui sont le legs de la chair : c'est là un dénouement qu'on doit
souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l'embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l'étreinte de cette vie ? Voilà qui doit nous arrêter. C'est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d'une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les
flagellations, et les dédains du monde, l'injure de l'oppresseur,
l'humiliation de la pauvreté, les angoisses de l'amour méprisé, les
lenteurs de la loi, l'insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite
résigné reçoit d'hommes indignes, s'il pouvait en être quitte avec un
simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous
une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette
région inexplorée, d'où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté,
et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous
lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait
de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution
blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les
plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à
cette idée, et perdent le nom d'action...
III 2
Le challenge Shakespeare de Maggie et Claudialucia


Dimanche poétique : Ophélie de Rimbaud

Challenge Shakespeare oblige. je suis en train de lire Hamlet et vais bientôt publier un billet consacré à Ophélie. Alors je suis allée relire le poème bien connue de Rimbaud...

Ophélie de Odilon Redon


 I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II

Ô pâle Ophélia! belle comme la neige!
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton cœur entendait la voix de la Nature
Dans les plaines de l'arbre et les soupirs des nuits;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit, muet, à tes genoux !

Ciel! Amour! Liberté! : quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu.

III


- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotte, comme un grand lys

                                                        Arthur Rimbaud 


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :

lundi 6 juin 2011

Mises en scène de Macbeth : Le Centaure/Macbeth africain (2)

 Le théâtre du Centaure et Macbeth

Le Théâtre du Centaure :

En 2002, à Avignon, la troupe du Théâtre du Centaure a joué Macbeth sous chapiteau, dans le cadre du Festival IN. C'est une représentation que j'ai appréciée.
Ce théâtre équestre, compagnie composée de quatorze acteurs, est implanté à Marseille, fondée en 1989 par Manolo bientôt rejoint par Camille. Tous deux  travaillent sur le concept de "l'Acteur Centaure".
Voilà la définition qu'ils en donnent : Mi-animal, mi-humain, le comédien à cheval réalise ce centaure, sacré ou monstrueux, qui par sa spécificité décuple les émotions de l'acteur et décrit toute la palette des sentiments, des plus sombres aux plus clairs. Avec cet acteur archétypal, le théâtre du Centaure ne fait pas que de la démonstration technique, il se confronte aux grands textes du répertoire.
Ce spectacle équestre, entre danse et théâtre, est d'une grande beauté tant l'union entre l'homme et le cheval quand il s'agit de Macbeth (Manolo) et de lady Macbeth (Camille) est réussie. Ce couple devient vraiment devant nos yeux un compromis entre l'animal et l'humain; la scène d'amour où ces deux êtres mythiques s'enlacent, se caressent, s'aiment, où le cheval et l'homme sont si étroitement liés que l'on ne sait plus les distinguer est à la fois poétique et sensuelle. Aux tuniques sombres du couple correspond les robes noires et moirées des chevaux nimbés de lumière, dans un clair-obscur qui ajoute au mystère, et renvoie à l'animalité de la nature humaine. Animalité dans l'accouplement mais aussi dans les pulsions qui les poussent au crime, dans l'âpreté de leur lutte pour le pouvoir, dans la destruction de leur humanité. Le premier meurtre, celui de Duncan, laisse la porte ouverte aux plus bas instincts chez Macbeth et le monstre apparaît en lui tandis que la folie ravage l'esprit de Lady Macbeth. On entend à l'extérieur du chapiteau la cavalcade des chevaux donnant l'assaut au château du roi usurpateur, des ennemis assoiffés de sang pénètrent au galop sur la piste et donnent à cette scène un aspect primitif et barbare.
Les amoureux du cheval sont ravis, eux qui savent combien cette symbiose entre le cheval et l'homme représente de travail, de compréhension réciproque, de respect mutuel et de talent. Ceux qui aiment le théâtre ne sont pas lésés, même si tout n'est pas parfait au niveau du texte, car le propos n'est jamais gratuit. L'image du centaure n'est pas seulement une recherche esthétique mais présente une justification symbolique qui renforce la vision Shakespearienne.





Un Macbeth africain :
Dans les années 70, j'ai assisté à Marseille, au théâtre du Gymnase, à une représentation de Macbeth par une troupe sénégalaise. Je ne suis plus sûre de mes références car trop d'eau a passé sous le pont depuis. Cependant, en consultant les archives du Web, j'ai pu constater que la scène du Théâtre Daniel Sorano de Dakar avait bel et bien monté la pièce de Shakespeare à cette époque et avait entrepris une tournée en Europe. Ce qui est sûr, c'est que la représentation m'a assez marquée pour que je m'en souvienne encore tant d'années après! J'étais encore jeune spectatrice alors et je me souviens avoir été un peu remuée de voir la transposition de notre Moyen-âge dans une civilisation aussi différente. Les sorcières devant leur chaudron parlant à des guerriers noirs armés de sagaies,  les cases en paille d'un village africain, les palabres, tout était surprenant pour moi. Et pourtant, la pièce fonctionnait on ne peut mieux. J'ai été prise par l'histoire, par ce drame sanglant qui se déroulait devant moi et qui montrait les forces primitives de l'homme, le combat toujours renouvelé et toujours triomphant du Mal sur le Bien, la soif du pouvoir qui pousse au meurtre, à la folie, le sang qui appelle le sang, l'escalade de la terreur qui enlève toute humanité, l'irréversibilité de l'acte accompli, l'impossibilité du retour en arrière, de la pureté retrouvée...
Here's the smell of the blood still; all the perfumes of Arabia will not sweeten this little hand.
(lady macbeth : Acte V scène 1
Reste toujours l'odeur de sang: tous les parfums de l'Arabie n'adouciraient pas cette petite main.
C'était Shakespeare qui parlait, une voix venue d'un autre temps pour dire la nature profonde de l'Homme à toutes les époques, dans tous les pays, tous les lieux, de l'Homme lorsqu'il fait sauter la carapace de la civilisation et de la morale, qu'il n'est plus contraint par les lois et qu'il cède à ses instincts. Il suffit de regarder autour de nous  actuellement  pour nous apercevoir que cela n'a jamais cessé d'être.


Challenge initié par Maggie et Claudialucia

Mises en scène de Macbeth : Le film d’Orson Welles (1)


Des sorcières prédisent au noble Macbeth qu'il deviendra roi. Cette prédiction n'a aucune raison de se réaliser  : le roi Duncan règne sur l'Ecosse et a un héritier. Mais lady Macbeth, ambitieuse, incite son mari à assassiner Duncan alors qu'il séjourne dans leur château pour usurper le pouvoir. Malgré ses réticences, Macbeth  cède et s'exécute. La prédiction des sorcières se réalise et conduira à la fin tragique du couple.
 
Les sorcières de Macbeth
 
Je viens de voir le Macbeth d'Orson Welles en DVD. Celui-ci est accompagné d'un livret fort intéressant rédigé par Jean-François Buiré qui va me servir pour présenter ce film.Sachez tout d'abord que Macbeth est une pièce maudite, censée porter la poisse à tous ceux qui se risquent à la mettre en scène et à l'interpréter. C'est pourquoi les comédiens au lieu de dire le titre à voix haute préfère employer une périphrase : "la pièce écossaise". Je ne sais quelle est la part de vérité dans cette superstition mais je peux vous dire que pour Orson Welles, cela s'est amplement vérifié! Le film qui connut un échec retentissant mit fin à la carrière américaine du cinéaste pendant  au moins dix ans. Il n'eut pas un très grand succès en Europe non plus! On le comprend! ll était en concurrence avec le Hamlet de Laurence Olivier qui remporta Le Lion d'Or au festival de Venise en 1948.
Il faut dire qu'à la suite de l'échec de son film précédent, Le tour du monde en 80 jours, les producteurs accordèrent à Welles des moyens limités : Macbeth devait être tourné en un temps record, dans un décor de fausse pierre, avec des costumes de pacotille qui, précise Orson Welles, dans le rôle de Macbeth "me faisait ressembler à la statue de la Liberté". Pour accélérer la réalisation, Orson Welles monte d'abord la pièce au théâtre avec des interprètes qui seront les mêmes pour le film et il pré-enregistre une grande partie des dialogues. Enfin il parvient à terminer le film en 23 jours seulement, le 17 juillet 1947.
Ce que j'ai ressenti : Au niveau du Théâtre je n'ai pas été convaincue par le film à cause des coupes  drastiques dans le texte, de l'accélération des scènes qui ne laisse pas le temps à l'action de s'installer et aux personnages d'évoluer. Tout est trop rapide, la tension psychologique, le combat de Macbeth contre le mal et son abandon, l'évolution de lady Macbeth et la longue descente aux Enfers du couple... Je suis restée sur ma faim. Je n'ai pas aimé, non plus, le côté surjoué, le manque de sobriété de l'interprétation. Par contre, j'ai admiré Orson Welles cinéaste. Avec rien, je veux dire aucun moyen, le metteur en scène transcende certaines scènes : il joue sur le contraste du noir et du blanc en accentuant le Noir pour peindre l'âme de Macbeth; il investit l'espace en plaçant ses personnages entre haut et bas, la supériorité de lady Macbeth, son ascendant sur son mari, étant marqués par  sa position en hauteur et les contre-plongées qui la grandissent alors que la plongée montre la faiblesse de Macbeth. L'apparition des sorcières au milieu du brouillard,  dominant Macbeth et ses compagnons du haut d'un roc, et brandissant chacune une fourche satanique introduit le fantastique dans le film. L'image est impressionniste avec des contrastes accentués et des formes étranges. A la fourche s'oppose la croix celtique, symbole du combat entre le Mal et le Bien, entre le paganisme et le christianisme.
La  forêt de croix celtiques qu'arborent les soldats dans la dernière scène où l'on voit la forêt en marche pour accomplir la prédiction des sorcières est d'une beauté saisissante. Cette magnifique image qui affirme le triomphe du Christianisme  témoigne en même temps de l'immense talent d'Orson Welles.
 
J. Nolan dans Lady Macbeth


Challenge de Maggie et claudialucia

Shakespeare : recueil de citations, généralités, biographie




C'est dans cette page que vous trouverez les citations de Shakespeare regroupées par pièce. N'oubliez pas de noter l'acte et la scène de l'extrait. Merci.


La richesse de la langue shakespearienne : Spot the quote (or crypto-quote)

cité par Flora chez claudialucia


Antoine et Cléopâtre


Non, rien n'est plus certain, Iras : d'insolents licteurs
Voudront nous attraper comme des catins, et de vils baladins
Feront de nous des chansons criardes : les délurés comédiens
Nous joueront au théâtre impromptu et représenteront
Nos orgies alexandrines ; Antoine
Sera produit ivre sur la scène, et je verrai
Quelque piaillante Cléopâtre, un garçon, singeant ma grandeur
Avec les gestes d'une prostituée. (V, 2)
(cité par L'Irrégulière)

Beaucoup de bruit pour rien


(Beatrice :) I wonder that you still be talking, Signor Benedick. Nobody marks you.
(Benedick:) What, my dear Lady Disdain ! Are you yet living ?
- Is it possible disdain should die while she hath such meet food to feed it as Signor Benedick ? Courtesy itself must convert to disdain if you come in her presence.
- Then is courtesy a turncoat. But it is certain I am loved of all ladies, only you expected. And I would I could find in my heart that I had not a hard heart, for truly I love none.
- A dear happiness to women. They would else have been troubled with a pernicious suitor. I thank God and my cold blood I am of your humour for that. I had rather hear my dogbark at a crow than a man swear he loves me.
- God keep your ladyship still in that mind.
(…)
- Foul words is but foul wind, and foul wind is but foul breath, and foul breath is noisome, therefore I will depart unkissed.
- Thou hast frighted the word out of his right sense, so forcible is thy wit. (…) And I pray thee now tell me, for which of my bad parts didst thou first fall in love with me ?
- For them all together, which maintain so politic a state of evil that they will not admit any good part to intermingle with them. But for which of my good parts did you first suffer love for me ?
- Suffer love – a good epithet. I do suffer love indeed, for I love thee against my will.
- In spite of your heart, I think. Alas, poor heart. If you spite it for my sake I will spite it for yours, for I will never love that which my friend hates.
- Thou an I are too wise to woo peaceably.

Les mêmes en français
(Béatrice :) Je m’étonne que vous continuiez à parler, signor Bénédict, puisque personne ne vous prête attention.
(Bénédict :) Quoi ! chère demoiselle Dédain ! Encore de ce monde ?
- Est-il possible que meurt le dédain tant qu’il peut se nourrir d’aliments aussi appropriés que le signor Bénédict ? La courtoisie elle-même doit se muer en dédain si vous paraissez devant elle.
- En ce cas la courtoisie est une renégate. Il est pourtant avéré que je suis aimé de toutes les femmes, hormis vous seule ; et je voudrais en m’examinant le cœur découvrir que je n’ai pas le cœur dur, car en vérité je n’en aime aucune.
- Grand bonheur pour les femmes, car autrement elles eussent été ennuyées par un néfaste prétendant. J’en rends grâces à Dieu et à la froideur de mon sang : je suis comme vous sur ce point ; j’aime mieux entendre mon chien aboyer contre une corneille qu’un homme jurer qu’il m’aime.
- Puisse Dieu entretenir en vous, madame, ce sentiment !
(…)
- Sur quoi je vais t’embrasser.
- Des paroles insultantes ne sont que vent empoisonné, et le vent empoisonné n’est qu’une haleine empestée, et une haleine empestée est odieuse, donc je partirai sans me laisser embrasser.
- Tu as fait perdre leur sens aux mots en les effrayant, tant tu as l’esprit vigoureux. (…) Alors, je te prie, dis-moi maintenant lequel de mes défauts t’a le premier fait tomber amoureuse de moi ?
- Tous à la fois, car ils entretiennent une si parfaite entente dans le mal qu’ils ne permettent à rien de bon de se mêler à eux. Mais pour laquelle de mes qualités avez-vous pour la première fois souffert d’amour pour moi ?
- Souffert d’amour – belle expression. Je souffre d’amour en  vérité, car je t’aime contre mon gré.
- Contre votre cœur, je crois. Hélas ! pauvre cœur ! Si vous le malmenez par affection pour moi, je le malmènerai par affection pour vous, car jamais je n’aimerai ce que hait mon ami.
- Nous sommes, toi et moi, trop perspicaces pour nous courtiser paisiblement.


Hamlet


Pour évoquer  l’impuissance des mots face au réel :
Des mots, des mots, des mots.
réponse à Polonius :   (II, 2 )
L’impuissance des mots face à la mort  :
Tout le reste est silence
(V 2)
La différence entre les mots et l’intention, entre le langage et la vérité :
Les mots sans les pensées ne vont jamais au ciel.
(III 3)
Cette phrase est prononcée chaque fois que l’on constate des iniquités, des injustices dans son propre pays ou partout  ailleurs : Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark.(I, 4)
«Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être.» (IV; 5)
«Qu’ils sont pauvres, ceux qui n’ont pas de patience !»
«Il n’est pas de vertu que la calomnie ne sache atteindre.» (I;3)
Le monologue de Hamlet pose la question pourquoi vivre? A quoi bon vivre?
- Etre, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter
par une révolte ?. Mourir… dormir, rien de plus ;… et dire que par ce
sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures
naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit
souhaiter avec ferveur. Mourir… dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là
est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la
mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? Voilà
qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité
d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les
flagellations, et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur,
l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les
lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite
résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un
simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous
une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette
région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté,
et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous
lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait
de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution
blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les
plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à
cette idée, et perdent le nom d’action…
 III  2
cité par claudialucia

« Maintenant grave dans ta mémoire ces quelques préceptes. Refuse l'expression à tes pensées et l'exécution à toute idée irréfléchie. Sois familier, mais nullement vulgaire. Quand tu as adopté et éprouvé un ami, accroche-le à ton âme avec un crampon d'acier ; mais ne durcis pas ta main au contact du premier camarade frais éclos que tu dénicheras. Garde-toi d'entrer dans une querelle ; mais, une fois dedans, comporte-toi de manière que l'adversaire se garde de toi. Prête l'oreille à tous, mais tes paroles au petit nombre. Prends l'opinion de chacun ; mais réserve ton jugement. Que ta mise soit aussi coûteuse que ta bourse te le permet, sans être de fantaisie excentrique ; riche, mais peu voyante ; car le vêtement révèle souvent l'homme ; et en France, les gens de qualité et du premier rang ont, sous ce rapport, le goût le plus exquis et le plus digne. Ne sois ni emprunteur, ni prêteur ; car le prêt fait perdre souvent argent et ami, et l'emprunt émousse l'économie. Avant tout, sois loyal envers toi-même ; et, aussi infailliblement que la nuit suit le jour, tu ne pourras être déloyal envers personne. »

« Doute que les étoiles soient de feu,
Doute que le Soleil se meurt,
Doute que la vérité mente elle-même
Mais ne doute pas que je t'aime. »

cité par Théoma

LA REINE. - Un malheur marche sur les talons d'un autre, tant ils se suivent de près : votre soeur est noyée, Laertes.
LAERTES. - Noyée ! Oh ! Où donc ?. 
 LA REINE. - Il y a en travers d'un ruisseau un saule qui mire ses feuilles grises dans la glace du courant. C'est là qu'elle est venue, portant de fantasques guirlandes de renoncules, d'orties, de marguerites et de ces longues fleurs pourpres que les bergers licencieux nomment d'un nom plus grossier, mais que nos froides vierges appellent doigts d'hommes morts. Là, tandis qu'elle grimpait pour suspendre sa sauvage couronne aux rameaux inclinés, une branche envieuse s'est cassée, et tous ses trophées champêtres sont, comme elle, tombés dans le ruisseau en pleurs.
Ses vêtements se sont étalés et l'ont soutenue un moment, nouvelle sirène, pendant qu'elle chantait des bribes de vieilles chansons, comme insensible à sa propre détresse, ou comme une créature naturellement formée pour cet élément. Mais cela n'a pu durer longtemps : ses vêtements, alourdis par ce qu'ils avaient bu, ont entraîné la pauvre malheureuse de son chant mélodieux à une mort fang
euse.

HAMLET
Et pourtant, ce petit instrument qui est plein de musique, qui a une voix admirable, vous ne pouvez pas le faire parler. Sang-dieu ! croyez-vous qu'il soit plus aisé de jouer de moi que d'une flûte ?. Prenez-moi pour l'instrument que vous voudrez, vous pourrez bien me froisser, mais vous ne saurez jamais jouer de moi.

OPHÉLIA. -  Seigneur, nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être.

Cité par Eimelle

     La tempête


Ma bibliothèque m’était un assez grand duché. 
… my library was dukedom large enough.
I, 2, Prospero
Tout de  même que ce fantasme sans assises,
Les tours ennuagées, les palais somptueux,
Les temples solennels et ce grand globe même
Avec tous ceux qui l’habitent, se dissoudront,
s’évanouiront tel ce spectacle incorporel
Sans laisser derrière eux ne fût-ce qu’un brouillard.
Nous sommes de la même étoffe que les songes
Et notre vie infrime est cernée de sommeil…
( IV 1)
And like the baseless fabric of this vision
The clapped-capped towers, the gorgeous palaces
The solemn temple, the great globe itself
Yea, all which it  inherit, shall dissolve,
And, like this insubstantial pageant faded,
Leave not à rack behind : we are such stuff
as dreams are made on; and our little  life
Is rounded with sleep…
(IV 1)
Cité par claudialucia

So glad of this as they I cannot be,
    Who are surprised withal; but my rejoicing
    At nothing can be more. I’ll to my book,
    For yet ere supper-time must I perform
    Much business appertaining.

                                                 Knowing I lov’d my books, he furnish’d me
From mine own library with volumes that 
I prized above may dukedom. 
Act3, Scene 1
Cité par Miriam

Le marchand de Venise

 

Sur le thème de l’Apparence trompeuse

Cette phrase, en réponse à Maroc, le roi qui a choisi le coffret d’or :
Tout ce qui brille n’est pas or : All that glisters is not gold (II;7)
Beau sépulcre a vers pour trésor : Gilded tombs do worms infold (II;7)

Aragon refuse le coffret d’or :
Oh! si les fonctions, les rangs, les charges
n'étaient obtenus par corruption  et que l’honneur clair
Fut acquis au mérite du porteur,
Combien alors seraient couverts qui sont nu-tête!
Combien seraient commandés qui commandent!  (II;9)
Bassanio (III;2)
Ainsi peuvent les apparences n’être rien -
Le monde est toujours égaré par l’ornement :
The worl is still deceived by ornement
Il n’est pas si total vice qu’il ne porte quelque empreinte de la vertu sur son extérieur.(III;2)

Sur le thème du monde comme un théâtre
Antonio (I,1)Le Monde n’est pour moi, Gratiano, que le monde- un théâtre où chacun a son rôle à tenir, le Mien en est un triste :
I hold the world but as the world, Gratiano - A stage, every man must play a part,
And mine a sad one.

Sur le thème du bonheur
Nerissa à Portia :  (I;2 )
On souffre autant d’indigestion  avec trop que de famine avec rien.  I see, they are as sick that surfeit with too much as they starve with nothing

Ce n’est donc pas un bonheur moyen qu’une condition moyenne, car le superflu a vite les cheveux blanchis et  la simple aisance vit plus longtemps.

Sur la difficulté de suivre un  sage conseil
Portia ( I;2)
S’il était aussi facile de faire que de savoir ce qu’il faut faire, les chapelles seraient des églises et les chaumières des palais.
C’est un bon  prêtre que celui qui observe ses sermons. It’s a good divine that follows his own instructions.

Sur l’amour
Bassanio à Portia
Belle dame, avec votre bon vouloir,
Je viens, cet ordre en main, offrir et recevoir.( III.2)

Sur la clémence
La vertu de la la clémence est de n’être forcée
Et le pouvoir terrestre est plus semblable à Dieu
Quand la clémence adoucit la justice.

Sur la force du Bien sur le Mal
Cette lumière qu’on voit brûle dans ma salle.
Que ce petit flambeau lance loin ses rayons
ainsi luit un bon acte en un monde méchant (V; 1)
Haw far that little candle throws his beams!
So shine o good deed in a naughty world. (V; 1)


Il est des gens qui n’embrassent que des ombres ; ceux-là n’ont que l’ombre du bonheur.  
                                                                  Le marchand de Venise
Acte II scène 9 (vers 66-67) Aragon choisit le coffret de plomb :
Some there be that shadow kiss
Such have but a shadow kiss

cité par Claudialucia


Le songe d'une nuit d'été



Macbeth


* Act I sc 5 Lady McB : "Mais je me défie de ta nature : elle est trop pleine du lait de la tendresse humaine pour que tu saisisses le plus court chemin. Tu veux bien être grand, tu as de l'ambition, mais pourvu qu'elle soit sans malaise"
"Yet do I fear your nature, It is too full o'th' milk of human kindness, To catch the nearest way. Thou wouldst be great, Art not without ambition, but without The illness should attend it".

* Act I sc 7 McB "J'ose tout ce qui sied à un homme, qui ose au-delà n'en n'est plus un".
  " I dare do all that may become a man, Who dares more is none".

* Act III sc 2 McB "Connaître ce que j'ai fait ! Mieux vaudrait ne plus me connaître!"
  "To know my deed, 'twere best not know myself"

* Act V sc 5 McB " Il fut un temps où mes sens se seraient glacés au moindre cri nocturne, où mes cheveux, à un récit lugubre, se seraient dressés et agités comme s'ils étaient vivants. Je me suis gorgé d'horreur. L'épouvante, familière à mes meurtrières pensées, ne peut plus me faire tressaillir."
  "I have almost forgot the taste of fears : the time has been, my senses would have sooled. To hear a night-shriek, and my fell of hair Would at a dismal treatise rouse and stir As life were in't. I have supped full with horrors, Direness familiar to my slaughterous thoughts Cannot once start me".

Cité par Hathaway

Et bien souvent pour gagner notre perte
Les puissances obscures nous disent le vrai,
Nous gagnent par futilités honnêtes, pour nous trahir
Dans les plus graves circonstances. (I, 3)
Cité par L'Irrégulière

"Venez, venez, esprits qui assistez les pensées meurtrières ! Désexez-moi ici, et du crâne au talon, remplissez moi de toute la plus atroce cruauté ; épaississez mon sang ; fermez en moi tout accès, tout passage au remords. Qu'aucun retour compatissant de la nature n'ébranle ma volonté farouche et ne s'interpose entre elle et l'exécution ! Venez à mes mamelles de femme, et changez mon lait en fiel, vous, ministres du meurtre, quelque soit le lieu où, invisibles substances, vous aidiez à la violation de la nature. Viens, nuit épaisse, et enveloppe-toi de la plus sombre fumée de l'enfer : que mon couteau aigu ne voie pas la blessure qu'il va faire ; et que le ciel ne puisse pas poindre à travers le linceul des ténèbres et me crier : 'Arrête ! Arrête !'"

"Seyton : La reine est morte, monseigneur.
Macbeth : Elle aurait dû mourir plus tard. Le moment serait toujours venu de dire ce mot là !... Demain, puis demain, puis demain glisse à petits pas de jour en jours, jusqu'à la dernière syllabe du registre des temps ; et tous nos hiers n'ont fait qu'éclairer pour des fous le chemin de la mort poudreuse. Eteins-toi, éteins-toi, court flambeau ! La vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur scène et qu'ensuite on n'entend plus ; c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie et qui ne signifie rien..." Acte V scène V


"la vie n'est qu'un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s'agite durant son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus ; c'est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie et qui ne signifie rien".
Cité par Maggie

Othello

 

Extrait acte  ?        scène?
« DESDÉMONA. - Moi je ne crois pas qu’il y ait des femmes pareilles.
EMILIA. - Si fait, une douzaine ! et plus encore, et tout autant qu’en pourrait tenir le monde servant d’enjeu. Mais je pense que c’est la faute de leurs maris si les femmes succombent. S’il arrive à ceux-ci de négliger leurs devoirs et de verser nos trésors dans quelque giron étranger, ou d’éclater en maussades jalousies et de nous soumettre à la contrainte, ou encore de nous frapper ou de réduire par dépit notre budget accoutumé, eh bien ! nous ne sommes pas sans fiel ; et, quelque vertu que nous ayons, nous avons de la rancune. Que les maris le sachent! leurs femmes ont des sens comme eux ; elles voient, elles sentent, elles ont un palais pour le doux comme pour l’aigre, ainsi que les maris.
Qu’est-ce donc qui les fait agir quand ils nous changent pour d’autres ? Est-ce le plaisir ? Je le crois. Est-ce l’entraînement de la passion ? Je le crois aussi. Est-ce l’erreur de la faiblesse ? Oui encore. Eh bien ! n’avons-nous pas des passions, des goûts de plaisir et des faiblesses, tout comme les hommes ? Alors qu’ils nous traitent bien ! Autrement, qu’ils sachent que leurs torts envers nous autorisent nos torts envers eux ! »
" Le volé qui sourit dérobe quelque chose au voleur."
"C'est se voler soi-même que dépenser une douleur inutile."
Cité par Théoma


Othello : -"Ah ! mon oiseau, si tu es rebelle au fauconnier, quand tu serais attaché à toutes les fibres de mon cœur, je te chasserai dans un sifflement et je t’abandonnerai au vent pour chercher ta proie au hasard !… Peut-être, parce que je suis noir, et que je n’ai pas dans la conversation les formes souples des intrigants, ou bien parce que j’incline vers la vallée des années ; oui, peut-être, pour si peu de chose, elle est perdue ! Je suis outragé ! et la consolation qui me reste, c’est de la mépriser. ô malédiction du mariage, que nous puissions appeler nôtres ces délicates créatures et non pas leurs appétits ! J’aimerais mieux être un crapaud et vivre des vapeurs d’un cachot que de laisser un coin dans l’être que j’aime à l’usage d’autrui ! Voilà pourtant le fléau des grands ; ils sont moins privilégiés que les petits. C’est là une destinée inévitable comme la mort : le fléau cornu nous est réservé fatalement dès que nous prenons vie…"
-" Le ciel aurait Voulu m’éprouver par des revers, il aurait fait pleuvoir toutes sortes de maux et d’humiliations sur ma tête nue, il m’aurait plongé dans la misère jusqu’aux lèvres, il m’aurait voué à la captivité, moi et mes espoirs suprêmes ; eh bien ! j’aurais trouvé quelque part dans mon âme une goutte de résignation. Mais, hélas ! faire de moi le chiffre fixe que l’heure du mépris désigne de son aiguille lentement mobile ! Pourtant j’aurais pu supporter cela encore, bien, très bien ! Mais le lieu choisi dont j’avais fait le grenier de mon cœur, et d’où je dois tirer la vie, sous peine de la perdre ! mais la fontaine d’où ma source doit couler pour ne pas se tarir ! en être dépossédé, ou ne pouvoir la garder que comme une citerne où des crapauds hideux s’accouplent et pullulent !… Oh ! change de couleur à cette idée, Patience, jeune chérubin aux lèvres roses, et prends un visage sinistre comme l’enfer !"
Cité par Eiluned

Richard III



"Tu étais heureuse épouse, tu es la plus désolée des veuves ; tu étais joyeuse mère, tu en déplores aujourd'hui même le nom ; tu étais suppliée, tu es suppliante ; tu étais reine, tu es une misérable couronnée d'ennuis. Tu me méprisais, maintenant je te méprise ; tu faisais peur à tous, maintenant tu as peur ; tu commandais à tous, maintenant tu n'es obéie de personne! Ainsi la roue de la justice a tourné et t'a laissée en proie au temps, n'ayant plus que le souvenir de ce que tu étais pour te torturer encore étant ce que tu es!" (Acte IV, scène 4) (cité par Céline du Blog Bleu)
"Si ton coeur rancuneux ne peut pardonner, tiens, je te prête cette épée effilée ; si tu veux la plonger dans cette poitrine loyale et en faire partir l'âme qui t'adore, j'offre mon sein nu au coup mortel et je te demande la mort humblement, à genoux. (il découvre sa poitrine, Anne dirige l'épée contre lui puis la laisse tomber) Non ! Ne t'arrête pas; car j'ai tué le roi Henry ... Mais c'est ta beauté qui m'a provoqué ! Allons, dépêche-toi : c'est moi qui ai  poignardé le jeune Edouard ! ... (Anne relève l'épée vers lui) Mais c'est ta face divine qui m'y a poussé ! (Elle laisse tomber l'épée.) Relève cette épée ou relève-moi !" (cité par Céline)
"Lady Anne : Qu'une nuit noire assombrisse ton jour, et la mort, ta vie !
Gloucester : Ne te maudis pas toi même, tu es l'un et l'autre." (Acte I, Scène 2)
"Un cheval, un cheval, mon royaume pour un cheval"

Cité par Céline

Roméo et Juliette



Car jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de Juliette et de Roméo.
 
Cité par L'Irrégulière

Juliette(III, 5)
... C’était le rossignol et non pas l’alouette
    Qui a percé le fond craintif de ton oreille
     Il chante sur ce grenadier
    Crois moi, mon amour c’était le rossignol….
cité par Miriam

"MERCUTIO. - Oh ! je vois bien, la reine Mab vous a fait visite. Elle est la fée accoucheuse et elle arrive, pas plus grande qu'une agate à l'index d'un alderman, traînée par un attelage de petits atomes à travers les nez des hommes qui gisent endormis. Les rayons des roues de son char sont faits de longues pattes de faucheux ; la capote, d'ailes de sauterelles; les rênes, de la plus fine toile d'araignée ; lesharnais, d'humides rayons de lune. Son fouet, fait d'un os de griffon, a pour corde un fil de la Vierge. Son cocher est un petit cousin en livrée grise, moins gros de moitié qu'une petite bête ronde tirée avec une épingle du doigt paresseux d'une servante. Son chariot est une noisette, vide, taillée par le menuisier écureuil ou par le vieux ciron, carrossier immémorial des fées. C'est dans cet apparat qu'elle galope de nuit en nuit à travers les cerveaux des amants qui alors rêvent d'amour sur les genoux des courtisans qui rêvent aussitôt de courtoisies, sur les doigts des gens de loi qui aussitôt rêvent d'honoraires, sur les lèvres des dames qui rêvent de baisers aussitôt ! Ces lèvres, Mab les crible souvent d'ampoules, irritée de ce que leur haleine est gâtée par quelque pommade. Tantôt elle galope sur le nez d'un solliciteur, et vite il rêve qu'il flaire une place ; tantôt elle vient avec la queue d'un cochon de la dîme chatouiller la narine d'un curé endormi, et vite il rêve d'un autre bénéfice ; tantôt elle passe sur le cou d'un soldat, et alors il rêve de gorges ennemies coupées, de brèches, d'embuscades, de lames espagnoles, de rasades profondes de cinq brasses, et puis de tambours battant à son oreille ; sur quoi il tressaille, s'éveille, et, ainsi alarmé, jure une prière ou deux, et se rendort. C'est cette même Mab qui, la nuit, tresse la crinière des chevaux et dans les poils emmêlés durcit ces nœuds magiques qu'on ne peut débrouiller sans encourir malheur. C'est la stryge qui, quand les filles sont couchées sur le dos, les étreint et les habitue à porter leur charge pour en faire des femmes à solide carrure. C'est elle ..."

" ROMÉO. - L'amour, qui le premier m'a suggéré d'y venir : il m'a prêté son esprit et je lui ai prêté mes yeux. Je ne suis pas un pilote ;mais, quand tu serais à la même distance que la vaste plage baignée par la mer la plus lointaine, je risquerais la traversée pour une denrée pareille."

"JULIETTE. - Oh ! renonce, mon cœur ; pauvre failli, fais banqueroute à cette vie ! En prison, mes yeux ! Fermez-vous à la libre lumière ! Terre vile, retourne à la terre, cesse de te mouvoir, et, Roméo et toi, affaissez-vous dans le même tombeau."

cité par Eiluned

« Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles,
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance. »
« ROMÉO. - Il se rit des plaies, celui qui n'a jamais reçu de blessures ! (Apercevant Juliette qui apparaît à une fenêtre.) Mais doucement ! Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l'Orient, et Juliette est le soleil ! Lève-toi, belle aurore, et tue la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur parce que toi, sa prêtresse, tu es plus belle qu'elle-même ! Ne sois plus sa prêtresse, puisqu'elle est jalouse de toi ; sa livrée de vestale est maladive et blême, et les folles seules la portent : rejette-la !... Voilà ma dame ! Oh ! Voilà mon amour ! Oh ! Si elle pouvait le savoir !... Que dit-elle ? Rien ... Elle se tait ... Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre ... Ce n'est pas à moi qu'elle s'adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu'à ce qu'elles reviennent. Ah ! Si les étoiles se substituaient à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n'est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! Que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherais sa joue ! »
 


Les sonnets

Sonnet XVIII   William Shakespeare
Shall I compare thee to a summer’s day?
Thou art more lovely and more temperate.
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer’s lease hath all too short a date.
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimm’d;
And every fair from fair some time declines,
By chance, or nature’s changing course, untrimm’d;
But thy eternal summer shall not fade
Nor lose possession of that fair thou owest;
Nor shall Death brag thou wand’rest in his shade,
When in eternal lines to time thou grows’t:
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.

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Devrais-je te comparer à un jour d’été ?
Tu es plus tendre et bien plus tempéré.
Des vents violents secouent les chers boutons de mai,
Et le bail de l’été est trop proche du terme.
Parfois trop chaud l’oeil du ciel brille,
Souvent sa complexion dorée ternie,
Toute beauté un jour décline,
Par hasard, ou abîmée au cours changeant de la nature;
Mais ton éternel été ne se flétrira pas,
Ni perdra cette beauté que tu possèdes,
Et la Mort ne se vantera pas que tu erres parmi son ombre,
Quand en rimes éternelles à travers temps tu grandiras;
Tant que les hommes respireront et tant que les yeux verront,
Aussi longtemps que vivra ceci, cela te gardera en vie.
(traduction Wikipédia)
cité par Claudialucia