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dimanche 24 juin 2012

Un livre/ Un jeu : Goethe et Sokourov : Faust


Faust et Méphistophélès par  Eugène Delacroix



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 Réponse à l'énigme  N° 38

Ceux qui ont signé un pacte avec Méphisto sont  :  Dasola, Eeguab, Miriam

  La pièce de théâtre : Faust de  Goethe

Le film : Faust de Sokourov actuellement sur les écrans.







Faust, la pièce de Goethe est parue en 1808. Elle a été suivie d'un Faust II en 1832 qui est la suite de la première pièce et que Goethe a écrit dans sa vieillesse. C'est le Faust I que je présente ici.

Le personnage historique, le docteur Georgius Sabellicus Faustus Junior, alchimiste allemand du XVI siècle accusé de sorcellerie, qui a inspiré la pièce a réellement existé même si sa vie nous est mal connue, déformée par les différentes versions qu'il nous en a été donné.  Voir ICI  
C'est que très tôt, ce personnage a frappé l'imagination des créateurs et a été à l'origine d'oeuvres qui ont répandu sa légende, en particulier la pièce de Christofer Marlowe écrite en 1590. Mais c'est surtout depuis Goethe que le mythe a pris une telle ampleur.


Le sujet de la pièce
 Faust, devenu, vieux, se plaint que la connaissance s'est toujours dérobée à lui alors qu'il a pourtant voué sa vie à l'étude. Il décide de mourir en avalant du poison. Le Diable, Mephistophélès, qui s'est introduit chez lui sous la forme d'un chien noir, lui propose un pacte : il lui fera goûter les plaisirs de la vie mais Faust lui donnera son âme. Faust rencontre Marguerite, fille modeste et vertueuse, qu'il n'a de cesse de séduire. Celle-ci, pour que Faust puisse la rejoindre dans sa chambre, donne un somnifère à sa mère mais celle-ci en meurt.Valentin, le frère de Marguerite, veut venger l'honneur de sa soeur et est tué par Faust avec l'aide de Méphistophélès. Faust s'enfuit avec son diabolique compagnon et parcourt le monde. Apprenant que Marguerite est condamnée à mort pour infanticide, il s'introduit dans la prison pour la sauver mais celle-ci refuse de partir avec lui. Elle meurt.

Lutte entre le corps et l'esprit

Dans le Faust I Goethe a voulu montrer comment l'homme toujours assoiffé de connaissance a peu de prise sur le savoir. Il se voudrait l'égal de Dieu pour expliquer le monde mais ne parvient à accéder qu'à une infime et insignifiante partie de cette explication.

Je le sens, en vain, j'aurais accumulé sur moi tous les trésors de l'esprit humain... lorsque je veux enfin prendre quelque repos, aucune force nouvelle ne jaillit de mon coeur; je ne puis grandir de l'épaisseur d'un cheveu, ni me rapprocher tant soit peu de l'infini.

Vaut-il la peine dans ces conditions de consacrer  sa vie à l'étude, comme l'a fait le docteur Faust, de donner la prééminence à la pensée. Ne vaudrait-il pas mieux se tourner vers l'action? C'est l'éternel dilemme de l'homme, ce duel entre le corps et l'esprit.

Deux âmes, hélas! se partagent mon sein et chacune d'elle veut se séparer de l'autre : l'une, ardente d'amour, s'attache au monde par le moyen des organes du corps; un mouvement entraîne l'autre loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux!

Athéisme?

La pièce de Goethe  et le film de Soukorov posent des problèmes philosophiques et métaphysiques qui me dépassent et j'avoue que je n'ai pas tout saisi avec une seule lecture du livre et un seul visionnement du film. Il faudrait lire et relire, voir et revoir, analyser, étudier, tant les deux oeuvres sont riches et complexes, semblables et différentes. Je vous livre ce que je crois avoir compris :
Quand Faust commente l'Evangile de Jean : Au commencement était le Verbe, Faust, traducteur du texte grec, commet un blasphème en remplaçant le mot Verbe par : Au commencement était l'action. Première question : Faust est-il athée? On peut se le demander. En récusant le mot Verbe, il refuse Dieu car le Verbe c'est Dieu comme  l'affirme Saint Jean. En prônant l'action, il se prend parti pour l'Humain car l'action c'est l'homme! Pourtant si le personnage de Faust de Goethe est athée, son auteur ne l'est pas! A la mort de Marguerite, le Diable s'exclame  "elle est jugée" et  une voix céleste répond : "elle est sauvée". Dans le Faust II, Faust échappera à la damnation par l'intercession de Marguerite auprès de Dieu.


Il est écrit : « Au commencement était le Verbe ! »
Ici déjà j'hésite ! Qui m'aidera à aller plus loin ?
Il m'est impossible de priser si haut le Verbe,
Il faut que je traduise autrement,
Si je suis bien illuminé par l'Esprit.
Il est écrit : Au commencement était la Pensée.
Médite bien sur cette première ligne,
Afin que ta plume n'aille pas trop vite !
Est-ce la Pensée qui crée et produit tout ?
Il faudrait mettre : Au commencement était la Force !
Mais à l'instant même où je transcris ces mots,
Quelque chose m'avertit que je n'en resterai pas là.
L'Esprit me vient en aide ! Je vois soudain la solution
Et j'écris avec assurance : Au commencement était l'Action !
 

Dans le film de Sokourov, Faust est très nettement athée et il l'affirme devant son assistant Vagner. En disséquant des cadavres, il n'a jamais trouvé l'âme; l'homme n'est fait que d'organes et de chair qui se corrompent vite. On pourrait penser que signer un pacte avec le diable prouve l'existence de Dieu aux yeux de Faust. Mais il n'en est rien car le fait que le Mal existe ne signifie pas l'existence du Bien. Contrairement à Goethe, Sokourov refuse l'intervention divine. En ne  donnant aucune limite à la liberté humaine, il se pose lui aussi en athée. Faust nie le Diable, se débarrasse de lui, déchire le contrat et part à la conquête du savoir, marchant vers les plus hautes cimes des montagnes enneigées dans une orgueilleuse solitude.

Le thème de l'amour

Dans sa recherche de jouissance immédiate et superficielle, Faust est pressé de posséder le corps de Marguerite et, dans la pièce comme dans le film, il exige de Méphisto qu'il accède au plus vite à ses désirs. En vain, le Diable essaie-t-il de lui faire comprendre que les petites attentions, l'attente, les préliminaires qui permettent de vaincre la pudeur de la jeune fille, sont le meilleur de la jouissance.  Une fois qu'il a obtenu ce qu'il voulait Faust se désintéresse de sa maîtresse. Mais dans la pièce nous voyons qu'il est sensible à la tragédie que vit Marguerite puis qu'il va jusqu'à la secourir. Dans le film, il est à peine question de la jeune fille pour apprendre aux spectateurs ce qui lui est arrivé. Cela ne détourne pas Faust de sa quête du savoir qui est non seulement solitaire mais brutale et égoïste.



 Faust et Marguerite par le peintre romantique Ary Shafer

Le romantisme de Goethe

Cette pièce se rattache au courant Sturm und Drang (Tempête et passion), inspiré de Jean-Jacques Rousseau et de William Shakespeare. Le Sturm und Drang est un mouvement politique, social, littéraire et artistique qui s'est développé à la fin du XVIII siècle en Allemagne autour de Goethe, Herder, Kingler... Il est caractérisé par son aspiration à la liberté dans un monde dominé par l'absolutisme et par un intérêt nouveau pour la Nature. Il refuse les conventions sociales mais aussi littéraires et se soustrait aux règles classiques aboutissant à des formes littéraires nouvelles. Il est à l'origine du romantisme allemand qui, par la suite, fut une source d'inspiration pour le romantisme français.

Le romantisme de Goethe s'exprime par un style lyrique, ample, qui exalte la Nature. Seule, elle permet à l'homme de se libérer de la pesanteur de son corps :
Oh! que n'ai-je des ailes pour m'élever de la terre et m'élancer ... dans une clarté éternelle.! Je verrais à travers le crépuscule tout un monde silencieux se dérouler à mes pieds, je verrais toutes les hauteurs s'enflammer, toutes les vallées s'obscurcir, et les vagues argentées des fleuves se dorer en s'écroulant.
C'est un beau rêve tant qu'il dure! Mais hélas! le corps n'a point d'ailes pour accompagner le vol rapide de l'esprit

Romantique aussi le fantastique dans lequel baigne l'oeuvre. Faust dans sa fuite autour du monde et sa recherche des jouissances terrestres assiste au sabbat des sorcières. Dans le cours de l'action viennent s'intercaler des passages oniriques : Songe d'une nuit de Sabbat ou Noces d'or d'Obéron et de Titania.  Les personnages de Shakespeare  hantent cette nuit de Walpurgis.

Le romantisme de Goethe, c'est aussi le recours aux chansons populaires, le romantisme allemand recherchant son inspiration dans les contes et les légendes du pays, dans la musique et les chansons du peuple. La légende du roi de Thulé que chante Marguerite en est le plus bel exemple.

Il était un roi de Thulé
A qui son amante fidèle
Légua, comme souvenir d'elle,
Une coupe d'or ciselé.
C'était un trésor plein de charmes
Où son amour se conservait :
A chaque fois qu'il y buvait
Voir  ICI

Les étudiants et les soldats dans les tavernes, Méphisto lui-même, chantent des airs populaires, comme le fameux air de la puce.

 
Une puce : La damnation de Faust Hector Berlioz

Une puce gentille
Chez un prince logeait.
Comme sa propre fille,
Le brave homme l'aimait,
Et, l'histoire assure,
A son tailleur un jour
Lui fit prendre mesure
Pour un habit de cour.
L'insecte, plein de joie
Dès qu'il se vit paré
D'or, de velours, de soie,
Et de crois décoré.
Fit venir de province
Ses frères et ses sœurs
Qui, par ordre du prince,
Devinrent grands seigneurs.
Mais ce qui fut bien pire,
C'est que les gens de cour,
Sans en oser rien dire,
Se grattaient tout le jour.
Cruelle politique !
Ah ! plaignons leur destin,
Et, dès qu'une nous pique,
Écrasons-la soudain!


Cet air sous son apparence légère est aussi une  critique de l'absolutisme. Car le sentiment de liberté qui est l'expression même du romantisme allemand s'exprime souvent dans Faust par une critique virulente de ceux qui détiennent un pouvoir sur les autres mais ne sont que mensonge et corruption. L'église, avide, cupide, n'échappe pas à la satire comme ce prêtre qui prend les bijoux que Faust a donnés à Marguerite, assurant à la jeune fille et sa mère que cela sauvera leur âme. Les jeunes filles subissent la violence des hommes et la société prend de le relais lorsqu'elles sont enceintes, exerçant une telle pression sur elles  qu'elle les pousse à l'infanticide..


Cette pièce, la plus importante du patrimoine littéraire allemand, est universellement connue. Elle a eu plusieurs grands traducteurs dont  Gérard de Nerval alors âgé de 18 ans, dont la traduction a assuré à elle seule le renom; elle a été à l'origine de nombreux opéras dont, en France, La Damnation de Faust de Hector Berlioz  (1846) Le Faust de Gounod (1859). En littérature, elle a inspiré des écrivains du monde entier : pour ne citer que quelques exemples Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, Marguerite de la nuit de Pierre Mac Orlan, Mon Faust de Paul Valéry, Faust au village de Jean Giono, Docteur Faustus de Thomas Mann, Faust de Fernando Pessoa,  Le Maître et la Marguerite de Mickaïl Boulgakov. Au cinéma, outre la version de Sokourov, celle de Murnau est très belle. Notons aussi La beauté du diable de René Clair avec Gérard Philippe et Michel Simon.



Maria Callas L'air des Bijoux Faust de Gounod




Renée Fleming chante Marguerite au rouet de Frantz Schubert





samedi 23 juin 2012

Un livre/Un jeu : Enigme n° 38








Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 38
 
Cette pièce créée au début du XIXème siècle est une des plus célèbres de l'histoire du théâtre et a nourri un véritable mythe inspiré par un personnage ayant existé au début du XVIème siècle. De nombreux créateurs se sont emparés de ce mythe dans le domaine de la musique, de l'art pictural, du  roman,  du cinéma.  La pièce pose des questions  philosophiques fondamentales sur la liberté de l'homme et sa soif de connaissance.

Il est écrit : « Au commencement était le Verbe ! »
Ici déjà j'hésite ! Qui m'aidera à aller plus loin ?
Il m'est impossible de priser si haut le Verbe,
Il faut que je traduise autrement,
Si je suis bien illuminé par l'Esprit.
Il est écrit : Au commencement était la Pensée.
Médite bien sur cette première ligne,
Afin que ta plume n'aille pas trop vite !
Est-ce la Pensée qui crée et produit tout ?
Il faudrait mettre : Au commencement était la Force !
Mais à l'instant même où je transcris ces mots,
Quelque chose m'avertit que je n'en resterai pas là.
L'Esprit me vient en aide ! Je vois soudain la solution
Et j'écris avec assurance : Au commencement était l'Action !
 

jeudi 21 juin 2012

Leonardo Padura : Les brumes du passé






Les brumes du passé de Léonardo Padura, écrivain cubain, est un très beau livre dont on subit le charme, peu à peu, en entrant dans l'histoire du personnage récurent Mario Conde et d'un pays Cuba.

Mario Conde est entré dans la police par idéal, parce qu'il n'admet pas que les coupables ne soient pas punis pour leurs actes. Mais ce qu'il a vu dans la police, corruption, malhonnêteté, l'a dissuadé d'y rester. Il s'est donc reconverti dans le commerce des livres anciens que les collectionneurs  revendent pour ne pas mourir de faim dans l'île qui subit la crise de plein fouet. Un jour d'été 2003, il découvre une bibliothèque inestimable dans la maison d'un riche propriétaire qui a dû fuir l'île après la révolution cubaine de 1959. Et dans un de ces livres prestigieux, il  trouve la photo d'une ancienne chanteuse de bolero, Violeta del Rio. Sans trop savoir pourquoi l'image et bientôt la voix de cette femme envoûtante vont le hanter. Il part donc à la recherche des brumes du passé, essayant de retrouver les traces de cette artiste qui a brutalement disparu de la scène. Parallèlement,  Dioniso Ferrero, le propriétaire de la bibliothèque découverte par Mario, est assassiné et six livres disparaissent. Ceci suffit à expliquer que Mario Condé et son associé soient considérés comme les premiers suspects. L'ancien policier, pour se disculper, va donc se lancer dans une enquête pour retrouver le meurtrier. Quelque chose lui dit que cette recherche est indissociable de celle qu'il a entreprise à propos de Violeta del Rio.
Le récit est raconté à la troisième personne et suit le personnage de Mario Conde évoluant dans le Cuba contemporain des années 2000. Il est entrecoupé des lettres d'une femme inconnue mais dont on devine vite la personnalité qui sont écrites dans les années post-révolution.

Non, Les brumes du passé, n'est pas un livre policier, même s'il l'est, oui..  C'est aussi un roman noir avec avec Violeta del Rio, La Dame de la nuit, ce personnage de femme fatale qui évolue, dans les années 1950,  dans un univers sinistre où les plus grands bandits sont les hommes qui ont le pouvoir. Mais il est tellement autre chose aussi, tellement riche avec ces thématiques passionnantes et ses personnages qui finissent par être attachants même s'ils ne sont pas exempts de défauts. Représentants de l'humanité moyenne, ils doivent composer avec leur conscience pour s'en sortir dans un pays où les restrictions alimentaires sont terribles depuis la crise, où les tickets d'alimentation ne permettent que de survivre, où l'on n'est pas sûr de pouvoir manger le lendemain.
Ce livre c'est d'abord l'Histoire de Cuba dont le passé s'accumule par strates, expliquant le présent des personnages et du pays. L'écrivain nous présente plusieurs époques , instaurant un va-et-vient  désordonné de l'une à  l'autre au gré du récit, de la présidence de l'immonde dictateur Batista, à la révolution de Fidel Castro, jusqu'à notre époque qui se marque par un constat d'échec.. Ces allers-retours permettent de comprendre ce qu'était Cuba sous Batista avec un gouvernement et des riches qui ne se préoccupaient que de s'enrichir encore plus, organisant eux-mêmes la prostitution de luxe avec des mineures, la vente de la drogue, faisant en sorte que le pays serve de bordel aux Etats-Unis... Face à eux, un peuple affamé et inculte livré à la prostitution, à la drogue, au banditisme.. On comprend pourquoi la révolution a été si bien accueillie par les gens modestes. On comprend pourquoi Mario Condé et ses copains y ont cru et ont sacrifié les meilleures années de leur vie pour parvenir à créer un monde meilleur. On comprend aussi ce qu'ils éprouvent à présent en voyant leur pays à l'agonie, en comprenant qu'ils ont été floués, que leurs idéaux ont été bafoués, qu'une autre caste sociale détenant le pouvoir a remplacé l'autre. La révolution a échoué,  ils doivent renoncer à un rêve qui aurait pu être beau mais qui a été corrompu. Cuba est redevenue aujourd'hui un  lieu de tourisme sexuel pour les étrangers, un immense terrain où la drogue, la corruption, la violence et le vol règnent en maître...  à faire regretter sinon la vie avant la révolution, du moins les lieux d'amusement - comme l'explique un vieux musicien-  les cabarets qui permettaient sous Batista d'oublier la misère, la musique populaire et surtout le bolero, chanson sentimentale cubaine, souveraines dans l'île à cette époque et qui a disparu de nos jours!  Le lecteur ressent avec beaucoup d'acuité le désenchantement, la nostalgie de ces vieux bonhommes, ces personnages qui sont à l'heure du bilan, Mario et ses amis, Flaco et sa mère, Candito, le Paloma..

Car Les Brumes du passé est une belle histoire d'amitié. Quand on est à l'heure des illusions perdues, il n'y a vraiment que les amis qui comptent. C'est ce que pense Mario Conde qui veille sur ses copains comme une mère sur ses enfants, se faisant du souci pour leur santé, partageant avec eux, en beuverie et en ripaille, l'argent qu'il gagne avec la vente de livres.

Et c'est aussi un hymne aux livres. Mario Conde a appris à aimer les livres grâce au vieux bibliothécaire de son lycée qui lui a fait découvrir tous les classiques. Cet amour, il le porte en lui comme la part la plus propre qui compose sa personnalité. Il vend de vieux livres, poussé par la nécessité, certes, avec un brin de culpabilité, mais il les aime, il les protège, il refuse que les grands livres patrimoniaux quittent le territoire de son pays. Et c'est ce que j'ai aimé dans le personnage, cette pureté qu'il parvient à conserver quand il s'agit de tout ce qui lui tient à coeur, les amis, les livres, l'honnêteté.  J'ai aimé qu'il soit "un Martien" comme lui dit son ami Yoyi Palomo,  incorruptible, refusant la cupidité, la prostitution, la drogue, n'ayant même jamais fumé un joint de sa vie.
Un très beau livre. J'ai vraiment découvert un écrivain de talent et j'ai hâte de lire d'autres livres de lui!

Dans le cadre des écrivains latino- américains

dimanche 17 juin 2012

Un livre/Un film : Réponse à l'énigme 37 Shakespeare, Le marchand de Venise


Al Pacino dans le rôle de Shylock





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  Un voyage à Venise pour  :   Dasola, Eeguab, Gwen,  Keisha, Maggie, Miriam, Pierrot Bâton, Somaja...

  La pièce de théâtre : Le marchand de Venise  de Shakespeare
Trois interprètes célèbres du rôle de Shylock : Edmund Kean (Début 1800) David Warfield (Début 1900) ; Al Pacino (début 2000)
Le film :
Le marchand de Venise de Michael Radford





 Et oui, certaines d'entre vous ont déjà lu mon billet écrit en 2011 sur Le marchand de Venise au retour  de mon voyage dans la cité des Doges! Voilà ce que j'écrivais alors :

Bien sûr, lire Le Marchand de Venise à Venise s'imposait pour moi! Pourtant, en le lisant, ce n'est pas dans cette ville que je me suis retrouvée mais en Angleterre sous le règne d'Elizabeth avec comme principale question : quels sont les rapports de la société anglaise avec les juifs au siècle de Shakespeare? Car, ce qui frappe d'abord dans cette pièce, c'est la figure du Juif, Shylock, usurier, avare, fourbe et cruel. Reflet de la haine du juif liée à son époque? Fanatisme religieux hérité du Moyen-âge d'où l'impression de malaise que j'ai ressentie en lisant la pièce?
Comme toujours dans l'oeuvre de Shakespeare la réponse n'est pas aussi simple et la complexité des personnages fait que, face à Shylock, le juif, les chrétiens ne s'en tirent pas à si bon compte!

L'intrigue :

Bassanio, gentilhomme vénitien, léger et insouciant, a dilapidé sa fortune. Ruiné par une vie de plaisirs, accablé de dettes, il  demande à Antonio,  son ami,  riche marchand vénitien, de lui prêter une somme d’argent importante afin de séduire une riche héritière, Portia. Celle-ci a reçu l’ordre de son père défunt de n'accepter pour époux que celui qui saura choisir, entre trois coffres -  d’or, d’argent et de plomb- celui qui contient le portrait de la jeune fille. Antonio, atteint d'une grave mélancolie, veut obliger son ami dont l'amitié est le seul sentiment qui le maintient en vie. Mais  toute sa fortune est engagée sur plusieurs navires en mer, aussi il se rend chez le Juif Shylock pour emprunter trois mille ducats contre intérêt. Shylock qui  hait  Antonio, ce dernier ne cessant d'insulter les Juifs parce qu'ils prêtent avec usure, voit l’occasion de se venger d'Antonio. Il lui propose de signer un billet qui stipule que si Antonio ne peut rendre l’argent prêté dans un laps de temps de trois mois, Shylock pourra se dédommager en nature en prélevant une livre de chair sur le corps d'Antonio. A la date du remboursement, les navires du marchand ne sont pas revenus, perdus vraisemblablement dans des  naufrages, et Shylock réclame son dû. Il faudra toute l'habileté de Portia et de sa suivante Nerissa pour sauver Antonio des griffes de Shylock au cours d'un procès où les deux jeunes femmes mènent le jeu. Notons que parallèlement au couple Portia-Bassanio, se forment deux autres couples déclinant les jeux de l'amour, celui de Nerissa-Gratiano (ami de Bassanio) et celui Jessica, la fille de Shylock, qui se convertit au christianisme pour épouser Lorenzo. LIRE LA SUITE ICI

samedi 16 juin 2012

Un livre/Un film : Enigme 37






Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 37
 
Je ne vous présenterai pas cette pièce de théâtre, très célèbre, autrement qu'en vous disant : reconnaissez le texte! Certains de ces vers sont si célèbres qu'ils sont passés comme proverbes!  ils sont connus de tous mais l'on oublie parfois d'où ils proviennent.   est le nom de l'auteur et le titre de la pièce?
Pour la ricaneuse qui trouvera la question trop  facile (il y en a bien une qui se reconnaîtra!), je pose une question supplémentaire : citez trois grands interprètes du personnage principal : l'un au début du XIX ième siècle, l'autre au début du XX et un autre encore au début du XXI siècle.

 Tout ce qui brille n'est pas or
 

Beau sépulcre a vers pour trésor


On souffre autant d'indigestion avec trop, que de famine avec rien.

C'est un bon  prêtre que celui qui observe ses sermons.

La vertu de la la clémence est de n'être forcée
Et le pouvoir terrestre est plus semblable à Dieu
Quand la clémence adoucit la justice.

Oh! si les fonctions, les rangs, les charges
n'étaient obtenus par corruption  et que l'honneur clair
Fut acquis au mérite du porteur,
Combien alors seraient couverts qui sont nu-tête!
Combien seraient commandés qui commandent!

mardi 12 juin 2012

Jonathan Safran Foer : Extrêmement fort et incroyablement près





Extrêmement fort et incroyablement près  est le deuxième livre que je lis de Jonathan Safran Foer .  Avant ce roman, j'avais découvert son essai passionnant :   Doit-on manger des animaux?  qui est  une étude accablante et consternante des méfaits de l'élevage industriel en Amérique, de son inhumanité et des risques qu'il fait peser sur la santé mondiale. (voir Ici)

Extrêmement fort et incroyablement près est d'une tout autre veine. Jonathan Safran Foer s'inspire des événements du 11 Septembre  et raconte l'histoire d'un petit garçon Oskar, extrêmement savant pour son âge, passionnément curieux, d'une grande sensibilité,  qui se trouve confronté à la mort violente de son père lors de l'attentat. Comment l'enfant va-t-il réagir face à l'inacceptable? Comment peut-il faire son deuil avec le poids de cette disparition mais aussi les secrets qu'il accumule, incapable de communiquer, d'exprimer ses sentiments. Un jour, pourtant, Oskar trouve une clef en fouillant dans les affaires de son père. Il va alors mener une enquête pour savoir quelle serrure elle ouvre. Peut-être apportera-t-elle une réponse à ses interrogations? C'est surtout un moyen de partir à la recherche de la mémoire de son père à travers New York et d'accepter une mort qu'un cercueil vide n'a pu matérialiser.
Le récit de cette quête que l'enfant consigne dans ses cahiers secrets, est entrecoupée par les écrits de son grand père et de sa grand mère qui tous deux ont dû fuir la barbarie nazie et émigrer aux Etats-Unis, portant eux aussi le deuil de ceux qu'ils aiment.
Le roman de Jonathan Foer est bouleversant car il raconte à travers des générations éloignées dans le  temps les terribles conséquences de la haine et de la violence. Le grand père, muré dans le silence, est tellement marqué par l'horreur de la guerre, qu'il a refusé de voir naître son fils parce que "vivre est terrifiant". Dans une longue lettre, il s'adresse au fils qu'il n'a pas connu. En revenant aider à son petit-fils, il lui permettra de ne pas refuser la vie comme il l'a fait lui-même! La personnalité de l'enfant, petit bonhomme submergé par le chagrin, le mélange de maturité et de naïveté touchante dont il fait preuve, le rendent particulièrement attachant. Sa vive imagination qui fait de lui un inventeur loufoque et plein de génie donne au récit un aspect poétique et émouvant qui se manifeste dans les rencontres qu'il va faire au cours de son enquête. Tous les adultes semblent, au contact du petit garçon, perdre leur défense et retrouver l'innocence de l'enfance. On a toujours envie de sourire avec Oskar tant il est vif, curieux, inventif, naturel, mais on reste toujours sur le fil du rasoir de l'émotion. J'ai adoré cette tonalité entre le le rire et les larmes, cet humour léger qui n'empêche pas la gravité.
La typographie du roman, sa forme, est, de plus, déroutante :  la prose a parfois l'aspect de vers, libres, bizarrement agencés, de lignes entrecoupées, de répétitions, comme si le contrôle échappait au narrateur écrivant, que ce soit l'enfant ou les grands parents. Les ratures, les pages blanches, les fautes de frappe, témoignent de l'émotion du personnage. La présentation est accompagnée de de photographies qui prennent un poids considérable au niveau du sens quand on les regarde différemment selon l'imagination du petit garçon. Des  pages de grafittis en couleur serrent le coeur car elles témoignent de la mémoire disparue avant de prendre encore une autre  signification.... bref! le livre  est étonnant de bien des manières!
Un très beau roman et un talent d'écrivain peu ordinaire! Excellent!

Jeunes auteurs américains

Arni Thorarinsson : Le temps de la sorcière





Einar, reporter du journal du soir, a été muté dans la petite ville d'Akureyri dans le nord de l'Islande pour implanter le journal dans cette région et faire augmenter les ventes... ce qu'il n'apprécie pas particulièrement! Deux collègues l'accompagnent :  Asbjörn qu'il déteste cordialement  et son amie  et confidente, Joa, la sympathique photographe du journal, qui ne s'intéresse pas aux hommes! Pas de sexe donc, pas d'alcool car Einar a renoncé à boire! Loin de Reyjavick et de sa fille Gunna, on comprend que notre journaliste broie du noir. Le travail routinier qui lui est demandé l'ennuie, compte-rendus de réunions électorales, questions stupides pour la rubrique hebdomadaire et il ne cesse d'avoir des prises de bec téléphoniques avec le nouveau rédacteur en chef qui est resté bien tranquillement à Reyjavik, lui! Sa seule distraction réside dans son tête-à-tête quotidien avec Snaelda mais lorsque vous aurez découvert la personnalité de cette compagne, vous comprendrez qu'il y a mieux comme distraction!
Cependant deux enquêtes vont bientôt l'occuper après le décès d'une femme dans la rivière et le meurtre d'un brillant mais étrange étudiant, Skarphedinn, qui disparaît le soir où doit avoir lieu la première de la pièce de théâtre où il tient le rôle principal. Quel lien entre ces deux meurtres? A priori, aucun puisque la mort de la femme est accidentelle mais la mère de celle-ci, Gunnhildur, est persuadée du contraire. Elle accuse même son gendre d'assassinat!
L'intrigue nous entraîne donc à la suite d'Einar dans les différents milieux de la ville, à la recherche d'indices qui permettraient de comprendre ce qui s'est passé et quelle est la personnalité de chacune des victimes. L'intérêt du roman dépasse alors la seule intrigue policière puisqu'il nous introduit dans la société islandaise et nous en dévoile les maux. Le capitalisme sans morale sacrifie la beauté de la nature islandaise pour en tirer le maximum de profit. L'industrialisation sauvage saccage et pollue les sites en entraînant une immigration intense. Les immigrés exploités d'un côté, sont rejetés de l'autre par une population qui se sent envahie et défend sa culture. Le racisme et ses violences sévissent. Les jeunes, quant à eux, trompent leur ennui et leur  mal être en  buvant et en se droguant.
Un constat bien noir qui est contrebalancé par l'humour de Thorarinsson. Vous l'aurez compris, Einar n'a pas bon caractère et sa patience a des limites. Les tribulations de notre anti-héros qui pratique l'auto-dérision nous font rire. Ses rapports avec l'étonnante Snaelda ; avec  Absjorn dont il résoud les problèmes conjugaux; avec Joa qui lui souffle sous le nez la seule femme séduisante de la ville, sont réjouissants. Sa rencontre, en particulier avec Gunnhildur, la vieille dame qui lui téléphone de sa maison de retraite  pour lui faire part de ses soupçons est touchante  :
Je voudrais simplement que personne ne soit méprisé ou mis hors jeu à cause de son âge. Ca s'applique aussi aux enfants. Et aux adolescents. Tout le monde a le droit d'être écouté.
Mais elle est aussi hilarante, la veille dame ne manquant pas de caractère! Voilà comment elle présente Einar à son amie Ragna :

J'ai à mes côtés un jeune homme. Non,non, je ne le fais pas sauter sur mes genoux. Mais non, mais non... Tout ça est tellement jeune et fragile. Ma petite Ragna, je vais te l'envoyer (...) Ne te laisse pas impressionner... Il fait un peu benêt mais il n'est pas méchant. Il m'a apporté une boîte de friandises; je vais lui demander de t'en apporter une à toi aussi en le prévenant que sinon tu ne lui diras rien.

Thorarinsson signe avec "Le temps de la sorcière"  un  livre policier réussi!

Auteurs scandinaves

lundi 4 juin 2012

Départ pour Paris



Bientôt je verrai cette exposition!


Et voilà, je pars à Paris!  Mon blog sera à l'arrêt pendant quelques jours. Pas d'énigme samedi 9 Juin.

A bientôt

dimanche 3 juin 2012

Cormac McCarthy : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme réponse à l'énigme N° 36




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  Un  grand matador (hum?)  pour :   Aifelle, Eeguab,  Keisha, Nanou, Pierrot Bâton..

  le roman : Cormac  McCarthy Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme

Le film :  Les frères Coen : No country for old man (sous-titre : Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme)

  Pas d'énigme la semaine prochaine car nous sommes à Paris. Rendez-vous donc le samedi 9 Juin.


Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme est le titre français du roman de  Cormac  McCarthy paru sous le titre No country for old Man, titre conservé dans la version française du film des Frères Coen.

Le récit : Llewelyn Moss est un simple ouvrier. Aussi quand il découvre sur les lieux d'un massacre à la frontière du Texas et du Mexique, une mallette contenant deux millions de dollars, il a le vertige. Et il cède à la tentation, sachant qu'il libère ainsi toutes les forces du mal et ne devra attendre aucune pitié de ses poursuivants. Commence alors une cavale tragique à travers les paysages du Texas et Moss et sa jeune femme vont bientôt se rendre compte qu'ils ont déclenché un mécanisme irréversible et fatal.

Le récit proprement dit alterne les points de vue selon les personnages, que ce soit celui de Bell , le shériff, de Moss, l'ouvier qui a fait le Vietnam, de Chigurh, le tueur fou qui opère avec un matador, pompe a air comprimé pour tuer les animaux à l'abattoir...
 Il est entrecoupé par de petits chapitres séparés du récit par la présentation graphique,  en italique, et qui résonnent comme un commentaire de l'action et une réflexion sur l'Humain. Ces passages présentent les pensées intérieurs du shérif, le vieil homme du titre, celui qui ne se sent plus adapté dans ce pays qui est pourtant le sien mais dont l'évolution l'effraie. C'est pourtant un dur à cuire, le shérif Bell, il a fait la guerre en France avant de devenir shérif du comté mais cette violence gratuite qui se déchaîne autour de lui, y compris chez les plus jeunes, le fait que la frontière entre le Bien et le Mal soit devenue si floue, le font se sentir étranger :

Aujourd'hui les gens quand on leur parle du bien et du mal il y a des chances pour qu'ils vous regardent avec un petit sourire. Moi je n'ai jamais eu de doutes là-dessus. Quand je réfléchis à des choses comme celles-là. J'espère que je n'en aurai jamais.

Ce personnage est attachant, même s'il apparaît parfois comme un vieux réac, car il n'a pas perdu le sens de l'humain. Face à lui, Chigurgh, le tueur incarne le contraire, l'inhumain. Il est l'incarnation du mal car il ne se conforme plus  à aux lois des Hommes,et n'éprouve plus de sentiments. Ce qui le rend si fascinant, c'est qu'il obéit pourtant à un sens de l'honneur tout personnel. Ce qu'il a promis, il le tient, même si c'est absurde, même si cela implique la mort de personnes innocentes. Il incarne une sorte de démiurge du Mal, jouant la vie de ses semblables à pile ou face. Il est passé dans un autre monde, un no man'sland de la conscience et de la morale. Il est l'emblème de ce pays qui n'est pas pour le vieil homme. Entre les deux, Moss incarne l'humanité moyenne avec ses faiblesses (il vole l'argent et tue pour se défendre) mais qui conserve pourtant des valeurs morales : Il refuse de tromper sa femme, qu'il aime, avec la jeune fille qu'il prend en stop; et surtout il met sa vie en danger et il en a conscience en retournant sur le lieu du massacre pour donner à boire au blessé.

Le style  de Carmac McCarhty est assez déroutant bien que je l'aie déjà rencontré chez d'autres écrivains américains. On dirait que c'est un livre qui été rédigé pour être adapté au cinéma! Le style est réduit à de nombreux dialogues entrecoupés par un récit qui peint les actions sans s'arrêter sur les descriptions. Autrement dit, le roman est presque écrit comme un scénario. Je suppose que l'adaptation au cinéma ne doit pas être difficile! Personnellement cela m'a gênée et j'ai eu du mal à entrer dans l'action. Mais l'histoire est si forte, la dénonciation de cette société si violente, que j'ai fini par adhérer totalement au récit. Il ne s'agit pas d'un thriller où le mal est décrit  seulement comme un ingrédient pour exciter le plaisir des lecteurs mais pour l'amener à réfléchir  sur la société, la perte des valeurs et plus universellement sur nous-mêmes et la fragilité des frontières qui distinguent l'humain du monstre.  Un bon roman!

samedi 2 juin 2012

Un livre/ Un film Enigme N° 36





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
 

Enigme 36
 
Ce roman est l'oeuvre d'un écrivain américain né en 1933 qui a été couronné par des prix prestigieux comme le National Book Critics Award et le National Book Award. L'action se situe au Texas.  Le titre a été traduit en français pour le livre alors que le film affiche le titre anglais et le sous-titre français..

Il n'y a rien dans la constitution du Texas sur les conditions à remplir pour devenir shérif. Pas la moindre disposition. Il n'y a même rien qui ressemble à un règlement au niveau des comtés. Pense à un poste où tu as pratiquement la même autorité que le Bon Dieu. Et il n'y a aucune règle qui t'est imposée et tu es chargé de faire respecter les lois qui n'existent pas alors allez me dire si c'est bizarre ou pas. Parce que ça l'est pour moi. Est-ce que ça marche? Oui? Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas. Il faut très peu de choses pour administrer de braves gens. Très peu. Et les gens malhonnêtes de toute façon on ne peut pas les administrer. Ou si l'on peut c'est la première nouvelle.


vendredi 1 juin 2012

René Manzor : Les âmes rivales




Les âmes rivales sont présentés comme un thriller surnaturel. Thriller parce que vous allez vivre avec ce roman des aventures angoissantes, des péripéties violentes,  poursuites, meurtres,...  Surnaturel parce que le "psychopathe", si on peut l'appeler ainsi,  n'est pas ici un simple mortel mais un fantôme qui se réincarne au cours des siècles pour retrouver la femme qu'il  a toujours aimée mais qui lui échappe toujours, amoureuse d'un autre.
Le récit commence en Louisiane dans les années 1970 et continue à New York. Cassandre une fillette d'une douzaine d'années est poursuivie par une ombre qui dit se nommer Jahal et être un ancien guerrier amérindien.  La fillette terrifiée se confie à un prêtre qui ne peut rien pour elle même s'il cherche à la protéger. Dix ans, après Cassandre tombe amoureuse de Thomas, ce qui déchaîne la colère du fantôme qui reconnaît en lui son âme rivale, celui qui l'a toujours supplanté dans le coeur de sa bien-aimée. Et pour cette raison, Jahal est prêt à tuer! C'est ainsi que commence le récit qui se poursuit jusqu'à notre époque.
Après cela l'écrivain qui a une imagination sans faille concocte une rocambolesque histoire avec doubles réincarnations que je vous laisse la surprise de découvrir. Je vous avoue que j'ai eu du mal à adhérer au récit et même que je n'y suis pas parvenue du tout! Mais c'est de ma faute, je me rends compte que j'ai parfois du mal avec les thriller, il y a quelque chose en moi qui se rebiffe : peur d'avoir (trop) peur, peur aussi que le thriller joue un peu trop sur les tendances et curiosité morbides qui est en chacun de nous! Bref! je n'ai pas envie d'adhérer à un livre pour de mauvaises raisons alors mon esprit entre en résistance et c'est dommageable pour la bonne continuation de ma lecture! Et, en plus, un thriller avec des fantômes!  Là aussi, la réincarnation, ce n'est pas pour moi! Je n'ai pas pu marcher! Alors me direz-vous qu'est-ce que tu fabriques avec ce genre de livres? Rien du tout! C'est une erreur! Le titre m'avait plu et la première de couverture aussi avec sa belle photo du pont sous la neige et puis j'aime bien découvrir de nouveaux auteurs, enfin cela se passait à New York!
Pourtant, pour les amateurs du genre, je dois reconnaître à René Manzor des talents de conteur, son livre est correctement écrit. Donc si cela vous dit je fais de ce roman un livre voyageur pour lui donner une autre chance!




Merci à Dialogues croisés et aux éditions Kero

jeudi 31 mai 2012

Premier anniversaire de Ma Librairie avec Vik Muniz à la fondation Lambert Avignon


Vik Muniz : Marlène Dietrich en "diamants"


Première anniversaire de mon blog Ma Librairie que j'ai ouvert dans blogger le 31 Mai 2011 après avoir été obligée de quitter le site Le Monde où les bugs et les spams  se multipliaient. J'ai enfin terminé de transférer tous mes billets anciens! Merci à tous ceux et celles qui m'ont suivie et aidée dans mon déménagement  et merci tous les nouvelles et nouveaux amis qui sont venus en visite ici et ne sont plus repartis et que j'ai découverts en retour!
Pour célébrer cette première année, j'ai envie de vous faire visiter l'exposition d'un artiste contemporain qui a été pendant des mois l'invité de la fondation Lambert, musée contemporain de la ville d'Avignon, et dont j'ai adoré l'univers et l'imagination. Un anniversaire avec des "diams" et Marlène Dietrich, qui dit mieux?






            WIK MUNIZ

Voilà la présentation de Vik Muniz dans le catalogue  de l'exposition intitulée : Le musée imaginaire

Né en 1961 à São Paulo, Vik Muniz, qui partage son temps entre le Brésil et New York, a une vie à l’image des Telenovelas de son pays natal. Issu d’une classe plutôt pauvre, l’artiste gagne un concours à l’âge de 14 ans et une bourse qui lui permettent pendant trois ans d’étudier le dessin dans une académie, le soir après l’école. C’est là qu’il découvre pour la première fois les classiques de l’histoire de l’art, non pas dans les musées quasi inexistants en Amérique latine à l’époque, mais à travers des ouvrages désuets ou anciens, mal imprimés ou très colorés. D’où son goût immodéré pour les études chromogéniques, découvrant que selon les livres et leurs qualités de reproduction, les chefs d’œuvre de l’histoire de l’art occidentale étaient pastels ou criards, en noir et blanc ou simplement colorisés...
Très vite, s’instaure chez Vik Muniz une méthode qu’il expérimente avec différentes tentatives au départ, jusqu’à définir un système incroyablement créatif qui fonctionne par séries et que l’exposition permettra de découvrir à travers plus de 110 œuvres.

Vik Muniz : d'après Monet (piments)
                                                                     
Tout comme Francis Alÿs ou Christian Marclay, avec Vik Muniz, c’est l’histoire de l’art qui est mise en abyme. Les références se télescopent, les chefs-d’oeuvre reconnaissables de tous sont associés à des petits bijoux que l’histoire de l’art cache et redécouvre en fonction de L’histoire de l’œil, pour reprendre le titre du très beau livre de Georges Bataille. Mais c’est André Malraux qui a été retenu dans cette bibliothèque idéale. Le Musée imaginaire est le titre de notre exposition, puisque grâce à Vik Muniz, la Collection Lambert sera un musée dans le musée abritant des Picasso et des Monet, des Goya et des Piranese, en puzzle, confettis ou sauce chocolat.


 Vik Muniz : Monstre en caviar



Monstre en Caviar (détail)

                          La Joconde en chocolat                       

                                                         Vik Muniz  objets de récupération

Oui, vous l'avez compris, Vik Muniz n'est pas un artiste comme les autres, qu'il se serve de toutes sortes d'objets provenant de décharges publiques, qu'il utilise des fleurs et du foin coupé, des épices ou du caviar, de curry, du safran ou de chocolat, des clous, des jouets ou des prismes de verre, des morceaux de puzzle ou des collages de papier, il nous ouvre un monde extraordinaire ou le Tout qui forme une image - un célèbre tableau de David, Goya, Monet, Wharol, Van Gogh et j'en passe...  - peut-être décomposé et regardé en détail livrant à l'intérieur de l'image globale d'autres petits images, d'autres objets où l'oeil se perd à l'infini. L'image s'ouvre sur une image qui s'ouvre sur... ?  C'est ludique, cela parle à l'imagination, et en plus c'est vraiment très beau! Voyez par exemple l'oeuvre suivante  et quelques détails.

Le zèbre d'après George Stubbs

Le Zèbre (Chaque détail forme un autre tableau)










Le Christ de Viz Muniz cache lui aussi un musée dans le musée :





 Vik Muniz : Le christ (détails)

PETIT JEU : Les reconnaissez-vous? Avec l'aide de matériaux de toutes sortes Vik Muniz crée son musée personnel que vous reconnaîtrez  certainement.  Je vous propose de retrouver le nom du peintre et le titre du tableau dont est extrait chaque oeuvre. Réponse à la fin du billet.

1)



















Objets de récupération
2)


















petits jouets
3)
Cendres et cigarettes
4)















Objets de récupération
5)














Puzzle

Les photographies étaient autorisées mais, comme vous le voyez, difficiles à prendre à cause des grandes baies du musée qui laissaient entrer le soleil et du verre de protection des photos. Le jeu des reflets dans les tableaux a donné parfois des effets bizarres mais que j'aime bien  parce que l'on ne sait plus où est l'oeuvre et où est la réalité :





Réponses au jeu :

1) d'après  Picasso :  La repasseuse 
2) d'après la phototographie d'Alice Liddel de Caroll Lewis
3) D'après  Caspar Friedrich : Voyageur au-dessus d'une mer de nuages
4) d' après Michel Ange : la création d'Adam (détail chapelle Sixitine)
5) d'après Seurat, La grande jatte


lundi 28 mai 2012

Wilkie Collins : Je dis non!




Je dis non! n'est  certainement pas un des meilleurs livres de Wilkie Collins et s'il n'avait écrit que celui-là, je n'apprécierai pas autant l'écrivain, mais, comme d'habitude, Collins  a su nous concocter une intrigue bien complexe avec des personnages bien sombres et une innocente (mais pas idiote)victime! Alors, inconditionnelles de  Collins, ne boudez pas votre plaisir!
Le roman a pour mérite de faire vivre et d'opposer deux mondes, celui, modeste, dans laquelle vit Emily, dans un Londres gris et monotone et celui plein de plaisirs qu'elle entrevoit chez Cécilia dont le père, M. Wyvil, est conseiller au parlement. Mais cette société, si brillante qu'elle soit, n'en est pas moins bâtie sur des hypocrisies, des snobismes et les jeunes gens y chassent la dot plutôt que le véritable amour.


Dans le rôle de la sympathique victime, je vous présente Emily  Brown, intelligente, courageuse mais orpheline et donc pauvre! Pendant l'absence d'Emily,  son père est mort d'une maladie de coeur comme le lui a assuré sa tante qui l'a élevée.  Mais l'on comprend bien vite qu'un secret plane sur cette fin mystérieuse.
 Sa meilleure amie est Cécilia, une riche et gentille jeune fille, insouciante et légère, plutôt frivole. Dans la pension de Miss Ladd où elles vivent vient d'arriver une nouvelle, peu sympathique, Francine de Sor qui sera amenée à jouer un grand rôle dans le roman.
 A côté des jeunes filles une maîtresse d'internat, Miss Jethro paraît bien connaître Emily et surtourt son père. Qui est-elle? Que cache-t-elle? Ajoutez-y encore un couple d'aubergistes mis en faillite par un meurtre qui a eu lieu dans leur hôtel et un séduisant, jeune et éloquent clergyman, Miles  Mirabel. Enfin, dans le rôle de l'amoureux, d'abord éconduit, le maître de dessin Alban Morris, dont la fortune a subi des revers, ce qui explique qu'il ait pris cet emploi dans la pension de Miss Ladd. Il veillera sur la jeune femme en parfait gentleman pendant toutes les épreuves qu'elle traversera.
Les jeunes filles ont terminé leurs études. Emily, élevée par sa tante  sans fortune,  est sur le point de prendre un emploi lorsque la mort de sa tante et  les propos incohérents que cette dernière tient pendant son agonie remet tout en cause!

Et voilà, je ne démêlerai pas plus avant les fils de cette  rocambolesque intrigue et ne vous plaignez pas si je vous laisse empêtré(e) dans cette toile d'araignée! Après tout, vous n'avez qu'une chose à faire, allez lire le roman par vous-même! Et  surtout si vous avec une liseuse Kindle, sachez que, en un quart de seconde, vous pouvez charger le roman gratuitement! C'est pas beau ça!

Challenge d'Aymeline

dimanche 27 mai 2012

Réponse à l'énigme n° 35 : Jean Giono/ Marcel Pagnol, Jofroi de la Maussan


Jofroi de la Maussan extrait de Solitude de la pitié



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  Un  grand soleil provençal pour :  Aifelle, Asphodèle, Eeguab, Dasola, Pierrot Bâton.. Pas beaucoup d'élu(e)s aujourd'hui mais merci à toutes et tous pour votre participation

la nouvelle :  Jean Giono Jofroi de la Maussan  
le recueil :  Jean Giono  Solitude de la pitié

Le film :  Marcel Pagnol : Jofroi

 

 

Texte  de Wens et Claudialucia 

 

 

Jean Giono :  Jofroi de la Maussan

La nouvelle de Giono, Jofroi de la Maussan, est tirée du recueil Solitude de la pitié, paru en 1932. L'auteur s'est inspiré d'une histoire qui s'est réellement déroulée dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Jofroi, un vieux paysan se décide à vendre son verger à l'un de ses voisins, Fonse qui veut arracher les vieux arbres pour planter des céréales. Jofroi n'accepte pas de voir disparaître les arbres qu'il a plantés dans sa jeunesse et menace de mort Fonse, un fusil à la main, s'il touche à un seul de ses abricotiers. Toutes les tentatives de compromis organisées entre Jofroi et Fonse échouent. Le vieux paysan menace et tente même de se suicider si Fonse abat un seul fruitier. Le village finit par tenir le nouveau propriétaire pour responsable de la folie de Jofroi et Fonse  tombe malade. Quand Jofroi meurt de mort naturelle, Fonse  peut enfin prendre possession de sa terre.

Marcel Pagnol :  Jofroi 1933, un film précurseur du néo-réalisme

En 1933, pour la première fois Marcel Pagnol passe derrière la caméra. Quand il  termine la mise en scène de "Le gendre de Monsieur Poirier", une adaptation d'une pièce d'Emile Augier et Jules Sandeau, les producteurs  lui demandent de réaliser un film en complément de programme, d'une durée de 30 à 40 minutes. Le choix de Pagnol se fixe sur Jofroi une nouvelle de Giono qui accorde les droits d'adaptation de son texte. Pagnol écrit le scénario et les dialogues en quatre jours. Le premier problème est de réaliser le casting, pas question de demander à Raimu de jouer le rôle de Jofroi qui apparaissait trop court pour le célèbre acteur. Après la la lecture du scénario à ses collaborateurs, Pagnol leur pose la question : "Qui voyez-vous dans le rôle principal ?"  Vincent Scotto, le compositeur de musique, alors âgé de soixante ans   répond :" Moi !". C'est sa première apparition à l'écran. Pagnol affirmera que Scotto fut plus fier de son succès dans Jofroi que du succès mondial de ses musiques.  Pour compléter la distribution, Pagnol s'entoure essentiellement de comédiens  débutants ou d'amateurs qui ignorent tout de la comédie. C'est ainsi que le rôle de Tonin est donné à un fabricant de boîtes de conserves, Charles Blavette, qui commence là sa carrière fructueuse d'acteur. Le rôle de Fonse est tenu par Henri Poupon plus connu à l'époque comme parolier de chansons que comme acteur. Le film exige, en dehors de la séquence de l'achat du verger devant le notaire, de tourner essentiellement en extérieur. Pagnol choisit son village de La Treille, les figurants sont les villageois. La beauté du film vient en partie de ce tournage en décors naturels, la Provence surgit dans l'image et dans le son direct, la caméra s'affranchit des contraintes du studio, les mouvements de caméras sont fluides. De fait, le film est un témoignage sur la vie et les mentalités de son époque.
Jofroi (comme Toni de Jean Renoir ) peut être considéré comme un précurseur du courant néoréaliste italien par l'aspect documentaire du film, par le choix de tourner en décor naturel, par l'appel à des acteurs non professionnels sur le lieu du tournage.
Pagnol avec Jofroi, construit ses thématiques, son style. Quand il aborde des thèmes sérieux, il se refuse à sombrer dans la tragédie, il préfère déclencher le rire plutôt que les pleurs. Car Jofroi traite de de sujets graves : l'amour de la terre, la vieillesse, la mauvaise foi, la calomnie, le suicide…
Un film à voir et à revoir.  

 

Marcel Pagnol et Vincent Scotto


Pagnol et Giono : problèmes d'adaptation

L'espace : Le récit se situe dans la région de Riez, dans les Alpes provençales. Seul le verger de la Maussan  est décrit comme pratiquement à l'abandon. Le village n'est pas présenté, les mas ne sont pas décrits. L'imprécision de ces descriptions permet une libre adaptation dans toute la région provençale.

La durée :  Dans le texte de Giono, le récit  raconté par un narrateur, (l'auteur lui-même?) s'étend sur une durée de trois saisons, on devrait donc voir le changement des saisons. Il n'est pas linéaire, car Fonse fait le récit de deux évènements antérieurs à l'action présente : l'achat du verger par Fonse quelques mois auparavant et son éviction du verger, évènement qui vient de se produire.
La question qui se pose est la suivante : Pagnol va-t-il rétablir l'ordre chronologique ou maintenir la structure du récit telle que l'a voulue Giono?
Pagnol rétablit la linéarité du récit qui commence avec l'achat de la propriété et il condense la durée. Tous les évènements s'enchaînent rapidement. L'espace temporel se réduit à une saison et le tournage est effectué en quatre semaines au village de La Treille.

Le narrateur
Chez Giono,  la nouvelle est écrite à la première personne, celle du narrateur. Celui-ci ne se contente pas de raconter une histoire mais est un des principaux protagonistes de l'action. D'abord à l'écoute de Fonse, il propose ensuite une négociation entre Fonse et Jofroi, puis il participe au sauvetage de Jofroi à plusieurs reprises. Il se sent découragé par son impuissance et s'apprête à quitter le village au moment où intervient la mort de Jofroi. Il semble impossible dans l'adaptation filmique de réduire le rôle du narrateur à une simple voix Off étant donné la place qu'il tient dans le récit!
Qui est ce narrateur? Giono ne nous donne pas de renseignements précis. Nous savons que ce n'est pas un paysan mais un "Monsieur", capable cependant de participer aux travaux des champs. Ce personnage peut jouer le rôle de médiateur parce qu'il est accepté par tous, probablement grâce à des liens de parenté avec une famille du village  et  de toutes façons par son origine locale.

Chez Pagnol, le rôle du narrateur est tenu par trois personnages imaginés par Pagnol : Tonin, sympathique paysan, plus amateur de pastis, de boules et de chasse que de travail! Le bon gros curé provençal et le longiligne instituteur laïc à l'accent pointu qui assument le rôle comique. Pour ces deux "intellectuels" de village, Pagnol crée un dialogue savoureux où les deux personnages emploient des mots qu'ils ne comprennent pas vraiment mais qui en mettent plein la vue aux autres habitants.


Pagnol et Giono : Deux univers très différents
Jean Giono a peu apprécié l'adaptation de sa nouvelle. Il a même déclaré que Marcel Pagnol avait traité son oeuvre "non en ami mais en sauvage". Giono n'a d'ailleurs jamais aimé les films que Pagnol a tiré de ses ouvrages : Jofroi , Angèle, Regain, la femme du boulanger. Cependant, pour les cinéphiles, Jofroi puis Angèle (réalisé peu après) sont deux oeuvres marquantes de l'histoire du Septième Art. Elles représentent un véritable tournant dans l'art de filmer en s'affranchissant de la dictature des techniciens de studio. Godard n'hésite pas à placer Angèle comme un des quatre ou cinq plus grands films de l'histoire du cinéma.

Mais si Giono n'aimait pas les adaptations de Pagnol pourquoi lui vendait-il ses droits si ce n'est que cela lui rapportait! En effet, les adaptations de Pagnol loin de le desservir accroissait sa popularité. Pourtant, l'univers de Giono et Pagnol est entièrement différent, provençal, certes, du même (?) pays des oliviers et des cigales, du soleil et de la sècheresse, des excès dans le climat mais aussi dans le caractère mais.. L'un est un homme des Alpes du sud, un homme des plateaux de la Haute Provence, du pays des gavots austères, durs à la tâche qui aiment la terre et la respectent. L'autre est homme de la plaine, là où la vie est plus facile, où l'on prend les choses à la légère. Pagnol est aussi un homme de la ville et l'on sait que la ville pour Giono est synonyme de corruption, de perdition. Ce que Giono reprochait à Pagnol, c'est de tourner en galéjade une histoire qui pour lui était vitale, celle d'un homme qui cherche à sauver ses arbres. Dans ses romans lyriques et  utopiques, Giono célèbre l'amour de la nature et le travail de la terre qui régénèrent l'homme, le rendent meilleur et lui apportent la joie de vivre : Regain, La naissance de l'Odyssée, Le chant du monde, Que ma joie demeure..  Giono, le chantre de la nature, n'appréciait donc pas les choix mélodramatiques, les exagérations comiques, l'univers de son ami Pagnol qui ne prend rien au sérieux et fait rire de ses personnages même si ce rire est empreint de tendresse et de complicité. On connaît, bien sûr, L'homme qui plantait des arbres. Joffroi est de la même veine. Pour Giono, cette histoire est un drame. Lorsque le Joffroi de Giono tente de se pendre, il n'est pas, comme chez Pagnol, un grand enfant qui fait des caprices et du chantage en attendant que les villageois viennent le sauver! Le Joffroi de Giono est vraiment prêt à mourir pour ses arbres qu'il aime d'amour. Avec eux, il défend un monde en train de disparaître, où le respect dû à la terre est remplacé par des considérations mercantiles, il se bat pour un monde ou les hommes sont meilleurs.

Nous avons suivi parce qu'au fond, nous sentons le gros mal de Jofroi. Nous savons que c'est une vérité, ce mal; au su et au vu de tous comme le soleil et la lune, et nous faisons les fanfarons.
On l'a dépendu et on l'a allongé au talus. Il ne dit rien; il souffle. Personne ne dit rien. La belle gaieté est partie. Les enfants sont là à se presser contre notre groupe, à regarder entre nos jambes pour voir Jofroi étendu. Plus de chansons. On entend le vent haut qui ronfle.
Jofroi se dresse. Il nous regarde tous autour de lui. Il fait un pas, et on s'écarte, et il passe. Il se retourne :
- Race de… Il dit entre ses dents. Race… Race de…
Il ne dit pas de quoi. Il n'y a pas de mots où il puisse mettre tout son désespoir.

Une histoire qui n'en finit pas.
Lors de la projection du film à Manosque, Jean Giono avait invité les protagonistes qui avaient inspiré sa nouvelle, histoire de tourner définitivement la page de l'histoire. Mais le résultat ne fut pas celui attendu:
 Quand on a donné le film à Manosque, j'avais amené avec moi à ma droite M. Redortier qui avait acheté le verger et à ma gauche la veuve de celui qui est mort de sa belle mort. Ils ont vu eux-mêmes leur propre histoire; ils ont recommencé à se disputer après, quand  le film a été fini.