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lundi 25 novembre 2013

Léonor de Récondo : Pietra viva

Michel Ange : Le tombeau de Jules II Moïse (détail)

Dans un pierre vive /L'art veut que pour toujours/Y vive le visage de l'aimée  écrit Michel Ange dans un madrigal composé pour Vittoria Colonna que Léonor de Récondo place en exergue de son roman. Pietra viva : La pierre vive, la pierre qui enferme les formes que Michel Ange distingue avec  prescience, enfouies dans le marbre, et qu'il ramène à la surface en leur donnant vie. C'est cette quête que nous conte Léonor de Récondo  dans cet ouvrage qui présente quelques mois de la vie de Michel Ange dans les carrières de Carrare. Il y est venu pour arracher à la montagne les blocs de marbre qui lui permettront de réaliser les statues du tombeau monumental commandé par le pape Jules II à l'artiste. Pourtant, Michel Ange a une autre raison d'être là; il a fui Rome bouleversé par la mort d'Andrea, un jeune moine qu'il aimait et qui vient de mourir, le laissant désespéré par cette mort subite.
Je dois le dire clairement, la romancière malgré ses qualités de style et de conteuse n'est pas complètement parvenue à emporter mon adhésion. Je suis souvent restée en dehors devant cette analyse intelligente, certes, mais qui m'a semblé un peu trop cérébrale et où le sentiment reste muselé.. J'ai aimé pourtant la manière dont Léonor de Récondo conduit son récit pour ressusciter Michel Ange non seulement en tant qu'artiste, un des plus grands de son temps, mais aussi en tant qu'homme. La démarche est originale et réussie.

La romancière ne cherche pas, en effet, à écrire la biographie du sculpteur même si elle introduit très habilement de nombreux éléments  sur sa vie et sur l'histoire de son pays : son enfance chez une nourrice dont le mari est carrier et son initiation précoce à la pierre, ses dons exceptionnels pour le dessin, la mort de sa mère quand il a six ans, les oeuvres qu'il a déjà sculptées au moment du récit, sa rencontre avec Lorenzo le Magnifique, les autodafés de Savonarole, les terribles épidémies qui moissonnent les vies, les emportements de Jules II…
Mais à côté des faits historiques, concrets, il y a surtout de la part de la romancière tout un travail d'imagination, de compréhension intuitive, bref! un réel talent pour peindre l'homme sous l'artiste. Semblable en cela à la démarche du sculpteur qui taille dans la pierre vive pour délivrer les esclaves de la gangue qui les retient, Léonor de Recondo scrute la mémoire pour faire remonter les souvenirs perdus de Michel Ange et ainsi nous révéler le personnage de l'intérieur.
La mort d'Andréa, en effet, va le renvoyer à celle de sa mère qu'il s'est toujours efforcé d'oublier par crainte de souffrir. Il ne peut même plus se rappeler ses traits. Cette remontée du souvenir se fait par degrés successifs : un parfum d'abord, des images, et la lecture de la bible que lui a laissée Andrea en sont les moteurs. Peu à peu Michel Ange, prisonnier de lui-même, accède au souvenir, accepte les sentiments et la souffrance, émerge à la vie.
Ce thème  traité avec beaucoup de finesse est associé à celui de l'art et interroge sur le rôle que celui-ci doit jouer :  l'art comme travail de la mémoire, l'art pour conserver le souvenir du passé, l'art vécu comme une "fièvre de la pierre", comme une nécessité vitale.
Autres centres d'intérêt du roman : la vie des carriers et de leur famille, les dangers de l'exploitation de la pierre et les personnages vivants ou surprenants qui gravitent autour de l'artiste, le petit Michele doté d'une forte personnalité qui révèle Michel Ange à lui-même, Cavalino qui se voit comme un cheval, Topolino qui se faufile comme une "souris" entre les blocs de marbre, son épouse, Chiara , un beau portrait de femme… De beaux passages décrivent l'irréalité des paysages, de cette carrière et de cette pierre de lune, le marbre :
Imagine le visage des premiers hommes quand un bout de paroi est tombé, quand le blanc a scintillé et qu'ils ont découvert ces pierres si blanches, issues de cette montagne si vertes. Ils ont dû se retourner pour regarder la lune briller dans le ciel nocturne et se sont dits que des morceaux d'elle s'étaient échoués là.
Le roman de Léonor de Recondo, très bien écrit, présente donc de grandes qualités dans la manière d'aborder le personnage comme si elle l'extrayait de la roche, dans sa description du travail du carrier mais le style m'a paru un peu froid. Les phrases courtes, nettes, rapides, l'emploi du présent de narration qui donne une clarté crue aux actions, refusent tout sentiment. La romancière m'apparaît comme un chirurgien du style :  elle tranche dans le vif, elle dégage l'abcès, elle cautérise. La retenue, la distance volontaire qu'elle maintient par rapport à son personnage m'a donc laissée spectatrice plutôt que partie prenante du récit. C'est pourquoi si j'ai été intéressée et séduite intellectuellement je n'ai pas ressenti de véritable émotion.


Le tombeau de Jules II della Rovere



Dans Pietra viva Léonor de Recondo fait dire à Michel Ange : Le tombeau sera sur deux étages, comme une maison sans toit. Le tout entouré de colonnes, de fenêtres, de niches et de sculptures. A l'intérieur de ces murs, il y aura la tombe à proprement parler où l'on déposera le corps du Pape.

C'est en 1505 que Michel Ange se rendit à Rome où le pape Jules II della Rovere le chargea de construire  son tombeau sur cinq ans. Il devait mesurer 7 mètres de large et 8 mètres de hauteur et être orné de 40 statues. Il était prévu un niveau inférieur où figurerait l'homme, un niveau central pour les saints et les prophètes et un niveau supérieur représentant le Jugement Dernier.

Mais entre temps, Michel Ange, à la demande du pape, aura  à réaliser le plafond de la chapelle Sixtine, ce qui lui prendra quatre années à partir de 1508. Le pape Jules II l'inaugurera en 1512.

A noter aussi une autre interruption que le roman de Mathias Enard Parle-leur de batailles, d'amours et d'éléphants  situe en 1508.  A cette date, Michel Ange humilié par le pape qui refuse de lui donner une avance alors qu'il est en train de sculpter le Moïse, délaisse le tombeau pour se rendre à Constantinople à la demande du sultan Bazajet afin de contruire un pont sur le Bosphore.

Ce n'est qu'après la mort du Pape en 1513 que le sculpteur reprendra le tombeau qui ne sera achevé par étapes qu'en 1545. Celui-ci sera plus petit et placé contre un mur. Il sera mis en place non pas à la cathédrale Saint Pierre comme prévu initialement mais à l'église Saint Pierre in Vincoli. Les esclaves destinés à l'étage inférieur disparu, sont exposés pour quatre d'entre-eux à Florence et pour deux à Paris.

voir aussi le billet de Dominique A sauts et à gambades




Les quatre esclaves de Florence




Merci à Price Minister et aux éditions Sabine Wespieser











chez Eimelle

dimanche 24 novembre 2013

Au Centre Pompidou, le surréalisme et l'objet.

Arnaud Labelle-Rojoux : A la main du Diable

Je sortais à peine de la Maison de Victor Hugo où dans La cime des rêves  (voir ici) étaient présentés les rapports du poète avec les surréalistes que je découvre à Pompidou une autre exposition  : Le surréalisme et l'objet. Aussitôt j'y cours. Vous l'avez peut-être compris, je suis accro à ce mouvement artistique! J'en aime l'esprit de dérision, de provocation, de subversion et de liberté; j'aime la volonté affichée de détruire le regard conventionnel, étroit et convenu que l'on porte trop souvent sur l'art; j'aime cet appel à sortir des sentiers battus, à réfléchir sur la notion d'Art; j'aime aussi l'aspect ludique qui parle à l'imagination ou l'impossible devient possible!

La conscience poétique de l'objet


Loup-table de Victor Brauner

En 1924, André Breton proposait de fabriquer dans la mesure du possible, certains de ces objets que l'on n'approche qu'en rêve et qui paraissent aussi peu défendables sous le rapport de l'utilité que sous celui de l'agrément. 
En mettant ainsi la lumière sur l'objet surréaliste, à partir d'objets trouvés mais détournés de leur sens ou à partir d'objets rêvés concrétisés par leur fabrication avec des éléments du réel, l'exposition  montre comment les surréalistes ont donné une conscience poétique à l'objet, lui ont conféré une surréalité que Breton définissait comme "une sorte de réalité absolue". C'est le sens que j'ai retenu de cette exposition.

Les Readymade 


Dans les premières salles on retrouve des objets très connus du surréalisme, comme les Readymade de Duchamp ainsi son Porte-bouteilles, ou le téléphone-Homard de Dali... Pour Duchamp l'objet, même quotidien, banal ou prosaïque acquiert un statut d'oeuvre d'art par le seul fait que l'artiste l'ait choisi. Perçus comme scandaleux, choquants en leur temps, les Readymade ont eu pourtant une grande importance dans la réflexion sur l'art.  


Marcel Duchamp : Porte-bouteilles

Le mannequin et la poupée

 

Pour la première fois le mannequin est introduit dans une oeuvre que Chirico intitule Le Prophète car son  statut hybride -objet de forme humaine- lui confère une inquiétante étrangeté et Hans Bellmer accentue cet effet avec ses poupées de cire démantibulées qui renvoient au mythe de Pygmalion ou à l'Olympia d'Hoffmann  et qui ont aussi une dimension érotique soulignée pleinement par la projection d'une scène du film de Luis Berlanga :Grandeur nature dans lequel Michel Piccoli danse avec une poupée.

Giorgio de Chirico : Le prophète

Hans Bellmer : la poupée et Luis Berlanga : Grandeur nature

Objet à fonctionnement symbolique

 

Les objets à fonctionnement symbolique sont présentés dans une scénographie que j'ai beaucoup aimée. Elles sont plongées dans une semi-obscurité qui met en valeur l'objet éclairé, enfermé dans des écrins de verre comme des bijoux précieux et rares. Une caméra capte l'objet dans un mouvement tournant qui renvoie les images  sur les murs tendues de toile de la salle, permettant de magnifier les détails de ces créations. Ainsi l'objet à fonctionnement symbolique d'André Breton, la Boule suspendue de Giacometti, Le soulier de Gala de Salvador Dali, prennent leur sens en fonction du regardeur.. Et bien sûr il faut accepter de se perdre, de ne pas tout comprendre.
La chaussure de Gala par Dali a un sens érotique évident, associée au dessin d'un couple en train de copuler dans une boîte à chaussures :

Dali : La chaussure de Gala

On sait l'obsession de Dali pour la chaussure de femme, ce qui inspire à Elsa Schiaparelli le fameux chapeau-chaussure que porte Gala sur cette photo :


Gala Dali et le chapeau-chaussure

D'autres objets sont encore plus complexes à décrypter! Et ce n'est pas grave, il faut laisser son esprit cartésien au vestiaire! Parfois les surréalistes agissent comme des enfants facétieux qui cherchent à vous mener en bateau et ce côté ludique est passionnant.

André Breton : objet à fonctionnement symbolique
La compréhension de l'objet surréaliste se mérite! Son mode d'emploi c'est : se laisser aller à son imagination!  Avec cet objet à fonctionnement symbolique André Breton me laisse perplexe : on y voit un timbre et une selle de bicyclette reliés à une fronde munie d'un caillou, et une sorte de petit panier contenant des objets qui évoquent pour moi un utérus avec des embryons, la Naissance? La bicyclette au milieu des feuilles serait donc la représentation de la vie, son mouvement? et la fronde n'est-elle pas synonyme des difficultés, des blessures de la vie? Les feuilles séchées seraient alors la mort annoncée? Et que signifient certains objets que je n'identifie pas bien. Regardons un de ces détails grâce au film qui le sélectionne et le grandit :

André Breton : objet à fonctionnement symbolique(détail)
 Cet détail se révèle être un sablier, il évoque donc bien le temps qui s'écoule et nous amène inexorablement vers la mort.
Un objet surréaliste est une énigme! Et peu importe si ce n'est pas ce que l'artiste a voulu dire parce que voilà ce que déclare Dali à ce propos : Ces objets, qui se prêtent à un minimum de fonctionnement mécanique, sont basés sur les fantasmes et représentations susceptibles d’être provoqués par la réalisation d’actes inconscients. [...] Les objets à fonctionnement symbolique ne laissent aucune chance aux préoccupations formelles. Ils ne dépendent que de l’imagination amoureuse de chacun et son extra plastiques. » (Salvador Dalí, « Objets surréalistes », Le Surréalisme au service de la révolution, n° 3, décembre 1931.

 

Meret Oppenheim : Ma gouvernante


J'adore l'humour de ces chaussures blanches ficelées comme un gigot prêt à enfourner (ou à passer à la casserole) que Meret Oppenheim intitule : Ma gouvernante.
A noter tous les détails symboliques de l'objet :
Et d'abord la chaussure qui est la représentation érotique et fétichiste par excellence. On peut imaginer la gouvernante, objet des fantasmes prépubères du petit garçon.
La blancheur, symbole de pureté, de virginité,  est détournée par la ficelle qui ligote les chaussures et évoque des relations sado-maso ou tout simplement la domination du mâle impliquant la soumission de la femme voire son non-consentement.
Enfin le plat sur lequel est disposé cet objet a pour moi une double référence : Il renvoie d'une part à une video de l'exposition dans laquelle on voit Oppenheim et ses convives prendre un repas sur une table-femme, ce qui est peut-être l'image d'un cannibalisme amoureux faisant un sort aux expressions :" je te mangerai!""Tu es à croquer"!
D'autre part, je ne peux m'empêcher d'y voir un pastiche des tableaux de la Renaissance ou de l'art Baroque représentant la tête de Saint Jean-Baptiste posée sur un plat, offrande sacrificielle offerte à Salomé.

Andrea Solario, La tête de Saint Jean-Baptiste, 1507
Le Caravage : Salomé et Saint Jean-Baptiste

Les autres objets sont regroupés d'après les expositions internationales auxquelles ils ont participé, de 1933 à  1960 selon des thèmes divers, l'objet et son rapport avec  la sculpture, Eros, une dernière salle est consacrée à  Joan Miro,  après 1960, où l'artiste invente l'objet selon le principe des "cadavres exquis" avec des objets divers.

Joan Miro : personnage

Joan Miro : personnage


 Et enfin je vous laisse regarder certaines oeuvres et vous interroger sur leur sens si le coeur vous en dit!

 
Salvador Dali

Alberto Giacometti : Table
 
Dali : Le veston aphrodisiaque




Centre Pompidou, Paris
Le surréalisme et l'objet
30 octobre 2013 - 3 mars 2014
de 11h00 à 21h00 Galerie 1 -

vendredi 22 novembre 2013

Victor Hugo et les surréalistes : La cime du rêve à la Maison Victor Hugo



J'étais bien décidé lors de mon séjour à Paris à ne pas rater l'exposition sur Hugo et les surréalistes  La cime du rêve à la Maison Victor Hugo. Je me souvenais du plaisir et de l'intérêt que j'avais retirés de celle intitulée Les arcs-en ciel du noir lors de mon dernier passage en 2012. J'aime ce genre d'exposition, plus modeste et moins courue, mais intelligente et présentant des surprises.
Dans La cime du rêve le commissaire de l'exposition Vincent Gille s'attache à montrer la dette que les surréalistes -qui n'appréciaient pourtant pas tous l'écrivain passé de mode à cette époque- doivent à Victor Hugo. 
 Le Hugo des années 1920 n’est pas le Hugo consensuel qu’il est devenu aujourd’hui. C’est, d’un côté, un Hugo bien-pensant, un Hugo de manuels scolaires et de récitations, un Hugo statufié. C’est, d’un autre côté, un Hugo vilipendé par l’université pour sa fatuité, pour son côté verbeux et honni tant par l’extrême gauche que par la droite extrême, maurrassienne.


Victor Hugo : château

Le premier à reconnaître l'impact de Hugo sur le mouvement est André Breton même s'il le formule d'une manière un peu irrévérencieuse : Victor Hugo est surréaliste quand il n'est pas bête.
Mais André Breton rend plus largement hommage au travail graphique de Hugo dans In l'art magique
"Il est donc satisfaisant pour l'esprit que le dernier mot doive rester dans ce domaine à l'œuvre d'un homme qui n'était ni graveur, ni peintre de profession. Que cet homme ait vu déjà avant Rimbaud, dans l'encre utilisée par le pinceau comme par la plume, le moyen de "fixer des vertiges" et d'interroger son propre subconscient (préludant ainsi au psychodiagnostic de Rorschach). (...)
Que cet auteur négligé de lavis, de "taches d'encre" et de toiles de chevalet où la plus puissante imagination se donne cours, ait été un poète, et s'appelle Victor Hugo." .

Victor Hugo : brise-lames à Jersey
 La parenté entre Hugo et le mouvement, même si elle n'est pas entièrement assumée par la plupart d'entre eux, existe et le mérite de l'exposition est de nous le faire découvrir à travers les textes et les dessins de Victor Hugo mis en parallèle avec les écrits et les images des surréalistes. Bien sûr, Victor Hugo n'est pas un surréaliste mais loin du Hugo classique, apparaît un écrivain et un peintre étonnant, aux images surprenantes. Des textes, des tableaux et des photographies de Breton, Desnos, Ernst, Valentine Hugo, Picabia, Magritte, Brassaï, Masson, Bellmer, Man Ray... répondent aux oeuvres visionnaires de Hugo hanté par la mort, pratiquant l'occultisme et dont la représentation échappe à la réalité :  fulgurances de l'imagination, gouffres d'ombres, célébrations des paysages ou des créatures hors du commun. Cette parenté se lit aussi jusque dans les thèmes communs, châteaux, bestiaire, mer, tempête, ciel, mort, amour... et dans  les pratiques de Hugo pour réveiller l'imagination, laisser le champ libre au hasard qui ressemble fort à celles de Breton et de ses amis, jeux sur les mots, grattage, collages, taches d'encre, pochoirs.

Max Enrst : Forêt et soleil

Le plaisir et l'originalité de La cime du rêve est de nous faire redécouvrir ces correspondances à travers des oeuvres belles et intéressantes et comme toujours de rendre hommage au génie de Victor Hugo.

La cime du rêve
Maison Victor Hugo
Du jeudi 17 octobre 2013 au dimanche 16 février 2014

Tous les dimanches, mardis, mercredis, jeudis, vendredis, samedis
de 10h00 à 18h00

*sauf  le 25 décembre 2013 et le 1 janvier 2014




jeudi 21 novembre 2013

Le Nouveau Tartuffe : Molière/Pelaez/ Gélas au théâtre du Chêne Noir



Orgon (Damien Rémy) et Elmire (Sabine Sendra )

Le nouveau Tartuffe -comme  son titre l'indique-  donné à Avignon au théâtre Le Chêne noir et mis en scène par Gérard Gélas, n'est pas celui de Molière mais celui de Jean Pierre Pelaez qui nous en propose une réécriture.
Je le dis tout de suite, si je me méfie beaucoup des metteurs en scène qui prétendent "dépoussiérer" , "déstructurer",  selon les termes à la mode, les grandes pièces du répertoire théâtral classique comme si elles n'attendaient qu'eux pour avoir un sens, je ne suis pas contre la réécriture. Après tout Molière, Racine, Corneille, Shakesperare et bien d'autres l'ont  fait avant eux! Et il n'est plus temps à notre époque de relancer le débat entre les Anciens et les Modernes. Pascal le disait  : Quand on joue à la paume, c'est une même balle dont se sert l'un et l'autre mais l'un la place mieux!

 Mieux? pas obligatoirement! Mais il suffit qu'il la place judicieusement, comme le fait Jean Pierre Pelaez en imaginant un Tartuffe de notre temps,  soit un médecin humanitaire dont les passages à la télévision servent de tremplin à  la carrière politique et financière :  portefeuille de ministre et  revenus substantiels. Vous aurez reconnu sans peine? Mais au-delà de l'anecdote, bien sûr, la pièce de Pelaez rappelle que les Tartuffes de notre époque sont aussi nombreux que jadis! Et si si les moyens d'y parvenir ont changé, le processus, lui, est resté le même et le but à atteindre aussi! La famille d'Orgon paraît bien appartenir à ce que l'on appelle la gauche caviar, confort, richesse et bonne conscience, avec leur jeune fille au pair colombienne (mais gênante quand elle la ramène trop!) et les jeunes gens de bonne famille qui s'évanouissent ou presque à l'idée de devoir travailler… pour vivre! Et bien sûr, de même que Molière prend soin de distinguer les vrais dévots des faux, Pelaez insiste sur la distinction entre les vrais humanitaires et.. les imposteurs, ceux qui ont, dit-il,  "leur compte en Suisse" et le porte-monnaie à la place du coeur!


Un Tartuffe réussi! (Jacky Nercessian)
Pour bien montrer cette permanence de l'espèce humaine au-delà des siècles,  les personnages  sont vêtus en tenue du XVII siècle mais Tartuffe en vêtement moderne - costume de lin blanc et écharpe blanche -, uniforme de ce faux humanitaire médiatisé. Le jeune messager qui rétablit l'ordre au dénouement d'une manière aussi factice ( en réalité ce sont toujours les Tartuffes qui gagnent) que dans le Tartuffe  du XVII siècle, l'un au nom du président de la République, l'autre  du roi, porte, lui, le costume du commissaire révolutionnaire de 1793 et arbore la cocarde tricolore. A noter aussi les beaux éclairages qui soulignent l'action.
La mise en scène est réglée comme un ballet, avec une précision rigoureuse qui souligne l'entêtement, la sottise, l'aveuglement, d'un Orgon, (excellent Damien Rémy) habité de tics, agité de gestes automatiques, traçant devant lui des dessins géométriques comme pour affirmer une autorité qui lui échappe. Le dialogue s'interrompt parfois pour laisser place à une danse saccadée ou chaque personnage perd son statut d'humain pour devenir automates, déshumanisés. La prestation homogène de tous les acteurs ajoute au plaisir du spectacle. Un bon moment théâtral.

Théâtre du Chêne Noir : Avignon
Le nouveau Tartuffe jusqu'au 24 Novembre

Challenge Théâtre  En scène chez Eimelle



dimanche 17 novembre 2013

Walter Scott : Ivanhoe

Ivanhoe de Walter Scott



La réponse à l'énigme n° 75 :

Sortent victorieux de ce tournoi médiéval :  Aifelle, Dasola, Dominique, Keisha, Miriam, Nanou, Nathalie, Pierrot Bâton, Syl, (s) ta d loi du cine...

Le roman : Ivanhoe de Walter Scott

Le film : Ivanhoe de Richard Thorpe avec Robert Taylor, Elizabeth Taylor, Joan Fontaine, Georges Sanders...

Ivanhoe de Richard Thorpe

Walter Scott


Walter Scott est né à Edimbourg en 1771. Son père était avocat et il commença lui-même des études de droit mais la lecture de vieilles légendes et ballades écossaises ainsi que l'exploration du pays écossais jusque dans ses contrées les plus sauvages ont une grande influence sur lui. Il commence par écrire des poèmes puis se tourne vers le roman historique. Si Ivanhoe publié en 1819  assure sa notoriété en Angleterre et à l'étranger, il  avait écrit d'autres romans avant, en particulier un, paru anonymement en 1814 intitulé : Waverley ou soixante ans après. Ce livre eut un tel succès populaire que l'on appela tous les autres romans de Walter Scott qui suivirent les "waverley novels".


Quelques uns des principaux Waverley novels : 1816 L'Antiquaire  1817 : Rob Roy  1821 : Le Pirate; Kenilworth 1824 Quentin Durward 1828 : La jolie fille de Perth 1829 : Anne de Geierstein ou la fille des brumes
 Dans Les contes de mon hôte : 1819 : Lucia de Lammermoor 1831 : Robert, comte de Paris

Ivanhoe

Ivanhoe interprété par Robert Taylor dans le film de Thorpe
Avec Ivanhoé l'écrivain fait revivre l'Angleterre au temps de Richard Ier coeur de Lion.  Il présente la haine qui existe entre les Saxons et les Normands, inextinguible depuis le bataille d'Hastings (1066) qui donna la victoire à Guillaume d'Orange.  Ivanhoe, parti à la croisade, avec le roi normand Richard Coeur de Lion, apprend que celui-ci a été fait prisonnier en Autriche(1192) et que l'empereur Henri VI demande une riche rançon pour libérer son illustre prisonnier. Mais le frère de Richard, Jean sans Terre, ne veut pas payer la rançon et cherche à usurper le pouvoir. Brouillé avec son père Cédric le Saxon, farouche défenseur de la cause saxonne, Ivanhoe rentré en Angleterre, va tout mettre en oeuvre pour faire revenir Richard et lutter contre les normands qui abusent de leurs pouvoirs. Il demande un soutien financier à Isaac, le juif et fait connaissance de la brune Rebecca, sa fille, qui est aussi guérisseuse et qui tombe amoureuse de lui. Mais Ivanhoe est fiancé à la blonde Rowena, pupille de son père, qui l'aime en retour...

Rebecca, fille de Isaac de York
Lady Rowena, saxonne, pupille de Cédric

Walter Scott et son influence sur le romantisme français 

 

Influence de Walter Scott sur le romantisme français

L'influence de Walter Scott a été grande sur les écrivains du XIX siècle et sur le romantisme français. De nombreux écrivains à  son imitation vont écrire des romans historiques y compris les plus grands Victor Hugo, Stendhal, Balzac, Alexandre Dumas, Prosper Mérimée …
Pour la première fois avec Ivanhoe un roman historique mettait l'Histoire au premier plan  par rapport à l'histoire personnelle des personnages. En effet, Walter Scott, le premier, utilise l'Histoire non comme un décor ou un arrière-fond exotique. Les personnages sont inscrits dans leur époque et  représente des types sociaux. Dans Ivanhoe qui montre un pays, l'Angleterre, divisée par la haine entre les saxons envahis, humiliés, dépossédés du pouvoir et de leurs biens et les normands envahisseurs, pleins de morgue, utilisant la violence, chacun va incarner sa place dans la société par rapport au contexte historique : Cédric, baron saxon, père d'Ivanhoe représente l'opposition farouche et irréductible aux normands; Ivanhoe, saxon qui a fait allégeance à Richard, représente le parti de ceux qui veulent faire alliance à condition de voir rétablir leurs droits. Richard Coeur de Lion est le trait d'union possible entre ces deux parties. Le juif  Isaac de York représente le pouvoir économique et sous les traits de Rebecca le martyre vécu par ce peuple. A l'histoire de l'individu, Walter Scott substitue l'histoire des classes sociales. C'est une des raisons qui expliquent son succès parmi les romantiques français. * 

Balzac : Les Chouans

Mais Walter Scott a influencé le romantisme français pas seulement en qui concerne le roman historique mais aussi les romans de Balzac de La comédie humaine qui s'inspirent de lui et de son intérêt pour les classes sociales en évoluant vers le réalisme, les pièces de théâtre historiques qui envahissent la scène, les musiciens et les peintres qui s'emparent des sujets du romancier pour leurs opéras ou leurs tableaux.

 

Opéra de Donizetti : d'après Lucia de Lammermoor de Walter Scott

Le samedi 23 Novembre l'énigme aura lieu chez Eeguab 

*voir : Le roman historique à l'époque romantique : essai sur l'influence de Walter Scott (Nouv. éd.) / par Louis Maigron
 


samedi 16 novembre 2013

Un livre/Un film : Enigme N° 75



Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?
 
Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. 


Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.  
Le samedi 23 Novembre l'énigme aura lieu chez Eeguab

Enigme 75
 
 Ce roman historique qui retrace un moment de l'histoire médiévale (XIIème siècle) de l'Angleterre est paru au début du XIX siècle. C'est le premier roman de cet auteur; il obtint un immense succès et eut une grande et durable influence sur la littérature française.
Une circonstance, qui tendait surtout à rehausser la tyrannie de la noblesse et à doubler les souffrances des classes inférieures, dérivait particulièrement de la conquête de Guillaume, duc de Normandie. Quatre générations s’étaient succédé et avaient été impuissantes à mélanger le sang hostile des Normands et des Anglo-Saxons et à réunir, par un langage commun et des intérêts mutuels, deux races ennemies, dont l’une éprouvait encore l’orgueil du triomphe, tandis que l’autre gémissait sous l’humiliation de la défaite.

Le pouvoir avait été complètement remis aux mains de la conquête normande, par l’événement de la bataille d’Hastings, et on l’avait appliqué, comme nous l’assure l’histoire, avec une main immodérée. Toute la race des princes et des seigneurs saxons était, à peu d’exceptions près, extirpée ou déshéritée, et le nombre de ceux qui possédaient des terres dans le pays de leurs ancêtres, comme protecteurs de la seconde classe ou des classes inférieures, était extrêmement restreint.


 

mercredi 6 novembre 2013

Un bilan de ma visite à Paris : expositions, promenades, théâtre, rencontres...

 les vendeuses d'arums de Diego Rivera

Aujourd'hui, mercredi 6  Novembre est mon dernier jour  à Paris. J'ai vu de très belles expositions que j'ai déjà présentées ici et d'autres dont je parlerai bientôt plus longuement dans mon blog ou dans Glaz, le magazine numérique de Gwenaelle. Une pleine corbeille d'images et de souvenirs!

Désir et volupté à l'époque victorienne  : Musée Jacquemart (billet ici)













Georges Braque : Grand Palais (billet ici)










Félix Valotton : Grand Palais (intéressante)













Frida Khalo et Diego Rivera : musée de l'Orangerie (coup de coeur)








 
Kanak : Musée du Quai Branly (coup de coeur)













Lichtenstein : Centre Pompidou (très belle)











 

Le surréalisme et l'objet : Centre Pompidou (coup de coeur)













Victor Hugo et les surréalistes : la cime du rêve : Maison Victor Hugo (très intéressante)


Les peintres témoins de leur temps : Pinacothèque

1)Bruegel (quelques oeuvres intéressantes)










2) Goya ( des gravures intéressantes)











3) Chu Teh-Chun (coup de coeur)
Chu Teh-Chun










Le printemps de la Renaissance : musée du Louvre (très belle)









J'ai vu aussi un spectacle théâtral : La Locandiera de Goldoni au théâtre de l'Atelier avec Dominique Blanc dans le rôle titre.
J'ai visité le cimetière du père Lachaise et vu les tombes de Molière,  La Fontaine,  Musset,  Nerval, Balzac, Colette et tant d'autres...
Promenade dans le quartier La campagne à Paris et aux Tuileries
De belles rencontres avec Miriam du blog carnets de voyage, avec Isabelle et aussi avec Aurélia....

Un beau voyage...