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mercredi 16 novembre 2022

Bucarest : le musée Satului ou musée du village roumain (6)

 Musée du village du paysan roumain
 

Il serait peut-être temps que je termine de parler de mon voyage à Bucarest et ceci, d'autant plus, que je m'apprête à partir à Lisbonne au mois de Décembre.

Le musée du village roumain appelé aussi musée Satului a été créé en 1936 et n’a cessé de s’étendre depuis. Il s’agit d’un écomusée qui illustre l’habitat des paysans dans chaque province historique de la Roumanie : Valachia,  Transylvania, Dobrogea, Moldavia, Bucovina, Maramures, Crisanan, Banat. Il a  pour but de faire connaître la vie des paysans et leurs traditions.

Les maisons ont été achetées à des paysans, démontées, transportées à Bucarest pour y être installées dans le parc Herastrau. Des panneaux explicatifs sont disposés devant chaque demeure pour préciser leur provenance, leurs caractéristiques  avec des photographies des anciens propriétaires posant devant la porte d’entrée.
 

Le musée expose à l'heure actuelle 346 bâtiments comprenant des fermes, des églises, des moulins à vent, des moulins à eau, et de nombreux objets du quotidien. 

C’est un des rares musées à être ouvert le lundi. Il faut en profiter.


Musée du village du paysan roumain : Brasov Transylvanie


Maison de Salciua Jos  Transylvanie

Cette maison qui date de 1815 est située à Salcuia Jos, village représentatif de l'habitat traditionnel de montagne au coeur de la Transylvanie.


Musée du village du paysan roumain: église de Dragomiresti  (Maramures)

Cette église de Dragomiresti dans la région de Mamamures  a été contruite en 1722 et transportée au musée en 1936.

Croix : église Dragomiresti (Maramures)
Maisons semi-souterraines Draghiceni (Valachie)

Les maisons semi-souterraines de Draghicini et de Castranova  (Valachie) qui datent du XIX siècle sont les plus étonnantes du musée Satului...  Elles sont enterrées dans le sol,  ne laissant dépasser que le toit et des petites fenêtres. L'entrée est en pente nécessitant de descendre pour pénétrer dans la maison. Le toit est double en bois de chêne sculpté à la hache ( en roumain : mârtaci ) et recouvert de canne, de paille et d’argile

  

Maisons semi-souterraines : fenêtre  Castranova (Petite Valachie)


Maisons semi-souterraines : porte d'entrée Castranova

 Elles correspondent à un climat assez rude, avec des vents violents et des grands changements climatiques entre l'hiver et l'été mais elles étaient une défense contre les incursions ottomanes fréquentes dans la région.. Celle de Castranova a été transférée en 1949 et a été la dernière de ce type.

Maisons semi-souterraines : Castranova (Valachie)
  


Musée du village du paysan roumain Zapodeni : Moldavie

 Zapodeni Moldavie (détail du toit)


Musée du village du paysan roumain : Zapodeni Moldavie

Musée du village du paysan roumain : Zapodeni Moldavie

Musée Satului , village du paysan roumain :  région Dobrogea  Jurilovca Tulcea

Cette maison riante, bleue et blanche,  de Jurilovca, a été  contruite en 1898. La Dobrogea est située au sud-est de la Roumanie, en bordure de la mer Noire. C'est une région partagée en deux, entre la Roumanie au Nord et la Bulgarie, au sud. C'est la région du delta du Danube.


Moulin à vent du XIX siècle



Eglise de Rapciuni (Moldavie)

L' église de Rapciuni en Moldavie est de 1773.

Eglise de Rapciuni (détail)


Eglise de Rapciuni (Moldavie)

Eglise de Rapciuni (Moldavie)

Bucarest : Le muzeul Colectiilor de Arta ou musée des Collections d'art (5)

dimanche 13 novembre 2022

Per Petterson : Je refuse

 

On refuse tout dans ce beau roman poignant de Per Petterson, y compris de  vivre !

Une amitié de jeunesse


Deux amis Jim et Tommy se rencontrent à nouveau après trente ans de séparation. Dans leur enfance, les deux garçons sont très liés bien qu’ils ne soient pas du même milieu social, l’un, Tommy, a un père éboueur, l’autre une mère professeur de langue et de religion. L’un a un père athée, l’autre est élevé dans la foi.

 Mais ils ont tous les deux des manques. Jim n’a jamais connu son père, il ne sait même pas qui il est. Tommy n’a plus de mère. Celle-ci a quitté son mari en laissant derrière elle ses quatre enfants à son mari alcoolique et violent. Tommy, sa soeur Siri et les jumelles sont battus pendant des années jusqu’au moment où Tommy, adolescent de 13 ans, se révolte et se retourne contre son père. Ce dernier part lui aussi, les enfants sont séparés, placés dans des familles d’accueil, et prennent des distances les uns envers les autres. Une famille dissoute, un crève-coeur pour Tommy qui prenait son rôle d’aîné très au sérieux. Quant à Jim, après sa tentative de suicide, à l’âge de dix-huit ans, il déménage avec sa mère. Les deux amis sont séparés.

Le roman alterne entre les personnages principaux, Jim, Tommy, et secondaires, sa soeur Siri et sa mère Tya, jonglant entre le passé et le présent, les années 1960-70 et les années 2000, entre l’enfance, l’adolescence et l’âge mûr.

Le refus

Quand ils se retrouvent, Jim et Tommy ont la cinquantaine. Jim est en congé de maladie depuis un an. Désormais, il ne peut plus prétendre à l’assurance maladie. Il refuse de se déclarer en invalidité, se retrouve sans travail et doit chercher du travail. Il est dépressif, a des crises nerveuses qui le terrassent, des moments de désespoir absolus. Sa femme Eve, l’a quitté. Il trompe sa solitude et le manque de sens en allant pêcher, cette occupation qu’il aimait tant quand il était jeune. Plus rien ne le retient, plus rien ne lui importe. Il refuse jusqu’à la possibilité d’aimer et même de vivre.

Tommy Berggren, lui, a réussi une carrière dans les finances grâce à son père adoptif. Mais que veut dire « réussir » ? Avoir de l’argent ? C’est autre chose, s’il s’agit de donner un sens à sa vie. Tommy est las de continuer à brasser de l’argent qui n’existe que sur le papier et qui lui procure une aisance dont il ne sait plus que faire. Déjà, lorsqu’il était adolescent, brutalisé par son père, il refusait la main tendue. Abîmé par la vie, il refuse l’amour, se contentant de liaisons sans lendemain. Il s’enlise dans la solitude, sombre dans l’alcool. Il refuse aussi son passé, ce père qu’il n’a plus vu depuis tant d’années et qui prétend renouer avec lui dans sa vieillesse.

La soeur de Tommy, Siri, refuse, de son côté, de reconnaître sa mère, nie en bloc son passé et efface de sa mémoire les enfants qui furent ses frère et soeurs.

La mère de Tommy, Tya, refuse de continuer à vivre avec cet homme brutal et aigri, son mari, qu’elle n’aime pas et qui la tue à petit feu.

Tous des personnes vulnérables, des hommes et femmes en colère, meurtris, blessés.

   Un certain déterminisme      

Mais les conséquences d’un refus ne sont pas anodines car les êtres humains interagissent les uns avec les autres. Un certain déterminisme lié peut-être au protestantisme et à l’idée philosophique de la prédestination ( Jim et sa mère sont très religieux) pèse sur les personnages de ce roman. Ainsi Tya mourra d’avoir abandonné ses enfants et son fils et ses filles porteront toute leur vie la marque de cette défection. De même l’absence de père va façonner Jim.
Déterminisme aussi et rigueur morale - on est sous l’oeil de Dieu - puisqu’un seul acte peut provoquer le mépris de soi-même, sans possibilité de pardon. C’est ce qui arrive à Jim lorsqu’il patine sur un lac gelé et qu’il repousse Tommy, dans sa hâte de fuir, car il croit que la glace est en train de craquer. Geste involontaire, certainement causé par la panique ? Il n’en est pas moins vrai que non seulement il n'a pas porté secours à son ami, mais il s’est préoccupé d’abord de lui-même, en causant la chute de Tommy.

"Tu crois que c’est vrai, cette histoire de conscience et de roue dentée » demande Tommy à Jim à un moment du récit.
Qu’est-ce que tu veux dire ?
Que la conscience est une sorte de roue dentée ou de scie circulaire qui tourne dans l’âme et te fait souffrir l’enfer, et quand tu fais le mal il y a le sang qui gicle, mais toi tu t’obstines, et les dents finissent par s’user, et ça fait des durillons à l’âme et la rend insensible et toi, t’es devenu un type comme ça."

 

Toute la vie de Jim, élevé par une mère très religieuse, porte sur la question du Bien et du Mal.  Et il ne pourra s’en libérer que  lorsque la vie n’aura plus de sens pour lui.

"Oui, j’étais délivré. J’ignorais ce que cela signifiait, j’ignorais si était un bien ou un mal. Mais ce n’était pas une question de bien ou de mal, l’essentiel n’était pas là. L’essentiel était que plus rien n’avait d’importance. Et ça, c’était nouveau.".

Saisir sa chance ?

Mais Je refuse montre également la nécessité, parfois, du refus, pour continuer à vivre. Car, et c’est la limite du pessimisme de l’écrivain, chacun a sa chance mais il faut savoir ou vouloir la saisir.
La chance de Tommy s’incarne en la personne d’une jeune femme, Berit, serveuse dans un restaurant, qui l’attire et dont la sincérité et le refus (elle aussi !) de l’hypocrisie le touchent. Donner rendez-vous à Berit est pour lui un acte de courage. C’est se tourner vers la vie ! C’est l’acceptation d’une relation amoureuse, d’une vie partagée. C’est refuser de refuser ! Et ce n’est pas facile !  "Comme si j’avais sauté en parachute pour la première fois de ma vie. Et survécu. "

Une approche profondément  humaine

Un roman humain qui témoigne d’un véritable  amour et  d’une compréhension des êtres humains. Nul jugement !  Il nous est même donné de comprendre le père maltraitant, alcoolique, éboueur déconsidéré et rejeté par la société, méprisé par son fils, subissant, cette fois, un déterminisme social qui l’empêche de s’élever : « Mon père n’a jamais pu monter en grade, il n’a jamais pu rejoindre les chauffeurs qui trônaient là-haut dans leur cabine bien propre sans même le regarder quand il s’épuisait à courir, ou lorsqu’il faisait son numéro à deux poubelles. Sans spectateurs, il les soulevait sur ses épaules et il devenait l’homme le plus fort du village. »

Pas d’analyse psychologique, mais des faits, des gestes, des dialogues, des impressions, qui nous font pénétrer dans l’intimité des personnages. Per Petterson nous met en symbiose avec eux et nous fait partager leur vie.
Ce que j’aime beaucoup, aussi, c’est qu’ils sont inscrits dans une réalité, un petit village norvégien, Mork, au nord d’Oslo, dans une société très chrétienne et « amidonnée » de valeurs morales mais où l’on peut être conscient de la souffrance d’enfants maltraités et ne pas intervenir. Un laisser-faire qui était peut-être la marque des années 70 ?
 La scène où Jim, malade, va pointer à la sécurité sociale - et là on est à l’époque actuelle - et où on lui annonce qu’il ne sera plus pris en charge par l’assurance maladie est d’une violence et d’une force étonnante en regard de l’économie de moyens au niveau stylistique. Il en faut peu à Per Petterson pour faire comprendre les rapports de domination entre Jim, humilié, et la secrétaire et le conseiller. Une façon d’écrire très serrée, qui mêle, dans le dialogue, le style direct pointant la sècheresse des interlocuteurs et leur condescendance et le style indirect qui traduit les pensées du personnage et sa souffrance. Un dialogue à la limite de l’absurde, comme un serpent qui se mord la queue, mettant en évidence l’impossibilité de communiquer avec le conseiller qui le reçoit  :

La secrétaire :

- Alors les règles changent. Vous comprenez ? Vous ne pouvez plus rester en congé de maladie.
- Je sais. Je sais tout ça.
- J’espère bien, a-t-elle dit.
Et j’ai pensé : Qui est-elle pour me parler comme ça ?

Le conseiller  qui lui demande de trouver du travail :

« J’ai répondu que, tout bien considéré, je pourrais certainement obtenir le poste que je voudrais du moins dans mon domaine, qui était celui des bibliothèques. Il a répliqué que ce n’était peut-être pas faux. Mais pour l’instant, j’étais là, dans son bureau, et je n’avais pas du travail du tout, ni dans mon domaine ni dans un autre. Parce que je suis en congé de maladie, ai-je rétorqué. Il le savait parfaitement, a-t-il dit, c’est pour ça que j’étais là. En effet, ai-je répondu. Vous cherchez à faire de l’humour ? a-t-il dit. Me parler comme ça, alors qu’il avait vingt ans de moins que moi. »

Ce roman est très riche et demande une participation au lecteur. Il faut aller au-delà de ce qui est dit pour comprendre ce qui n’est pas dit. Par exemple, le suicide de Jim à dix huit ans n’est pas expliqué. Le jeune homme est de ceux dont on dit qu’il a tout pour lui : la beauté, la classe, l’intelligence, un milieu sinon aisé du moins sans problèmes financiers, une mère qui est contre la punition corporelle et qui apparaît peu dans le roman mais dont on apprend qu’elle a menti à Tommy pour séparer les deux garçons quand Jim était hospitalisé. Une mère nocive ? Peut-être ?  De Tommy et de Jim, c’est ce dernier qui s’en sort le plus mal. C’est à nous d’apporter une réponse que l’auteur ne nous donne pas pour mieux saisir les personnages. C’est le genre de roman sur lequel on doit revenir pour mieux le comprendre et qui sait transmettre l’émotion, faire sentir les blessures de la vie. La fin reste ouverte. Jim et Tommy se reverront-ils … ou non ? Jim peut-il être sauvé ? Quand vous aurez lu ce roman, revenez me dire ce que vous pensez !

 
Un coup de coeur !



 

mardi 8 novembre 2022

Alvydas Slepikas : A l’ombre des loups

 


A l’ombre des loups de l’écrivain lituanien Alvydas Slepikas raconte l’occupation de la Prusse-orientale, limitrophe de la Lituanie, par les troupes soviétiques à la fin de la seconde guerre mondiale en 1946.

Alvydas Slepikas y décrit le terrible sort de la population allemande traitée impitoyablement par les vainqueurs dans un pays détruit par la guerre, une population chassée des maisons, obligée de vivre dans des granges, en proie aux violences des soldats russes, au froid hivernal, et surtout à la famine. La faim règne, réduisant des familles entières au désespoir. La mort est partout. Certains cèdent au découragement et à la souffrance en se jetant volontairement dans le Niemen glacé, d’autres continuent à lutter pour la survie, récoltant les pelures de pommes de terre jetées par l’armée, mangeant à même l’arbre les bourgeons gelés et l’écorce. Les enfants partent, cherchent à gagner la Lituanie pour trouver de la nourriture, mendient, travaillent dans les fermes si l’on veut bien d’eux, subissent le froid, la peur, se perdent dans les forêts profondes. Ce sont ces enfants que l’on a appelés les enfants-loups. Si certains ont été rejetés ou exploités, d’autres n’ont dû leur survie qu’à la générosité de lituaniens comme Antanas et Stasé déportés en Sibérie par le pouvoir soviétique pour avoir recueilli une petite fille allemande.

C’est à travers la vie de la famille Schukat, qu’Alvydas Slepikas nous fait vivre cet épisode ignoré de l’Histoire. Eva dont le mari parti à la guerre ne donne plus de nouvelles essaie de maintenir la cohésion de sa famille et sa survie avec l’aide de Tante Lotte et de son amie Marta. Son fils aîné Heinz est déjà revenu de Lituanie avec de vivres qui les a sauvés une fois. Il repart.
La solidarité, l’amour, la conscience de son identité, la dignité doivent servir de ciment solide entre les membres de la famille pour passer le cap.

Eva demande aux plus jeunes de ses enfants d’être attentifs, d’être capables de se souvenir d’où ils viennent et de qui ils sont.
Elle leur dit : «  Où que vous finissiez, même si je ne suis plus avec vous, - souvenez-vous. » Et les enfants comprennent qu’il est très important de se souvenir qui ils sont et et d’où l’on vient.

 « Répète-le ma douce, répète-le et souviens-toi bien
- Je m’appelle Monika Schukat, née à Gumbinnen le 9 mars 1936, fille d’Eva et de Rudolph.
- N’oublie pas les prénoms de tes frères et soeurs.
- Je suis la fille d’Eva et de Rudolph. J’ai deux frères. Mon petit frère s’appelle Helmut et mon grand frère Heinz. J’ai deux soeurs, Brigitte et Renate.
- Quelle est ta nationalité ?
- Je suis allemande.

 Mais peu à peu, la faim, le froid, le temps ont raison de la solidarité et des liens familiaux et sapent ce qu’il y a d’humain en eux : les enfants, Brigitte l’aînée des filles, Monika, Renate, Helmut, se dispersent, les uns amenés avec les adultes par les troupes russes pour des travaux forcés, les autres tentent l’aventure lituanienne. Dès lors le destin de chacun se joue séparément et l’écrivain va suivre plus longuement celui de Renate qui a sept ans en 1946. Mais que deviennent les autres ? La relation de la vie de Brigitte s’arrête lorsqu’elle se retrouve dans un wagon en partance pour la Lituanie, toute seule avec des soldats russes; celle de Heinz, seul, dans le village où il est revenu pour trouver la maison vide. Comment Eva, Tante Lotte et les petits ont-ils pu survivre dans les tranchées qu’on les oblige à combler?  On imagine la dureté des conditions de travail et de vie.

Je dois dire que je me suis d’abord sentie frustrée d’être laissée dans l’ignorance. A ce propos, je cite la conclusion du billet d' Ingammic que vous pourrez lire ICI

« Un sujet très intéressant et un texte frappant, donc. Je dois toutefois mentionner être restée sur ma faim : dans sa deuxième moitié, l’intrigue prend plusieurs directions que l’auteur ne mène pas à leur terme. Cela m’a laissé, une fois la dernière page refermée, une impression de roman "tronqué ». »

Oui, que deviennent-ils? Je me suis demandée comme Ingammic si c’était une maladresse de la part de l’auteur ? Par la suite, je me suis dit que non. C’est quelqu’un qui possède une évidente maîtrise de la construction narrative. Tant d’enfants ont péri pendant cette période, morts de froid ou de faim dans la forêt où ils se réfugiaient, victimes de coups, de viols, de sévices, jetés dans un fossé, effacés, sans laisser de traces. Ainsi ceux-là disparaissent sous la plume de l’écrivain, rejoignant la liste des oubliés. Le livre est à la fois fiction et réalité et dans la réalité on ne sait pas qui survivra parmi eux. 

Alvydas Stepikas qui est scénariste a d’abord voulu tourner un film sur les enfants-loups mais il n’a pas eu le financement. Sa rencontre avec une vieille dame, Renate, qui a vécu dans la forêt, a relancé son projet. Il a décidé d’écrire au lieu de tourner. Le style, parfois très cinématographique, comme celui d’un synopsis, avec des phrases courtes, des verbes au présent, est extrêmement visuel, percutant, et peint la violence de la tragédie vécue par la population. Quant aux descriptions, elles rendent bien l’impression d’un monde sombre, en noir et blanc, éclaboussé de rouge. Elles convoquent le conte traditionnel, mi-onirique, mi-cauchemar, Hansel et Gretel, petits enfants perdus dans la forêt, en passe d’être dévorés par la sorcière, dans un monde où les hommes font plus peur que les loups. L’ombre des loups :  un très bon roman !


mercredi 2 novembre 2022

Pause : Creuse

 

Tapisserie d'Aubusson : Licorne


Une petite pause en Creuse, près d'Aubusson, pour aller voir les petits-enfants. A bientôt !


Tapisserie musée  d'Aubussson Lurçat

dimanche 30 octobre 2022

Francesca Melandri : Tous, sauf moi


 

J’ai visionné l’autre soir un documentaire sur Mussolini. J’avais encore tout frais en mémoire le livre de Francesca Melandri Tout sauf moi et le regard horrifié qu’elle porte sur la colonisation de l’Ethiopie voulue par le Duce ! L’écrivaine y raconte les exactions commises dans ce pays, le "nettoyage radical" selon les mots de Mussolini de ce peuple considéré comme inférieur, qui se révolte et qu’il faut "pacifier"  - bel euphémisme - en rasant les villages, condamnant les hommes à la pendaison, donnant les femmes aux soldats et enfermant ceux qui restent dans des camps comme l’Italie l’avait déjà fait en Lybie. Je dois dire, au passage, même si ce n’est pas le sujet, que la France, tout comme l’Italie, n’est pas en reste quand il s’agit des violences de la  colonisation.

Le livre de Francesca Melandri tout comme le documentaire que j’ai regardé relate le massacre d’Addis-Abeba et décrit le tragique épisode au cours duquel l’armée italienne gaze la population réfugiée dans une grotte et extermine ceux qui essaient de s’enfuir. L’écrivaine met en parallèle l’Italie de l’époque mussolinienne et celle de l’époque berlusconienne dans laquelle des ministres et des députés passifs et obéissants à la voix du maître acceptent les réductions des libertés, le racisme, le mensonge et la corruption. Elle dénonce le sort des immigrés en particulier des éthiopiens menacés par un régime totalitaire qui fuient leur pays et se retrouvent en Italie, enfermés dans ce qu’il est de bon ton d’appeler des "centres" mais qui ressemblent fort à des prisons.

"Le voilà encore le temps de la réclusion, des endroits où Dieu est plus silencieux qu'un mur : il coule visqueux par un trou dans la poitrine, la remplit de noir. Mais ici, ce n'est pas la Lybie, c'est l'Italie civilisée. On peut se lever, marcher, aller dans la cour, fumer une cigarette si on a l'argent. Il y a des douches même si elles sont froides. Les toilettes sont des vraies, et pas seulement un seau pour cent personnes, les portes sont enfoncées, mais en général la chasse à eau fonctionne. L'eau à boire est abondante, on ne meurt pas de soif. Les repas sont réguliers même s'il n'y a ni table ni chaises et qu'on doit les prendre assis sur le lit.

C'est un centre et le jeune homme, ainsi que tous les autres, est un hôte pas un détenu. Et pourtant, exactement comme dans la grande salle de Tripoli, personne ne sait quand il pourra sortir."

Ce roman historique - Nous sommes en 2010 - fait vivre des personnages fictifs pour la plupart ou réels dans cette ville gigantesque, Rome, dont les habitants sont malmenée, excédés par le bruit, les incivilités, l'impossibilité de se garer, les embouteillages, le manque de transports publics, tous ces maux, liés à une circulation automobile saturée, et qui grignotent la tranquillité de l’esprit. Rome où les problèmes que posent l’immigration, la pauvreté, le chômage, l’insuffisance des moyens accordés à l’école, la densité des populations dans des immeubles surchargés, soulèvent les relents méphitiques d’un racisme latent ou exprimé par la montée de l’extrême-droite. Rome, objet de Haine et d’Amour  (et oui, cornélien !) pour Ilaria, romaine, hélas ! et fière de l'être, Rome, enfin, comme personnage à part entière du roman !

Ilaria est enseignante. Elle est la fille d’Attilio Profeti mort à l’âge de 97 ans après avoir gagné (du moins c’est ce qu’il croit ) le concours de celui qui mourra le dernier dans son entourage : Tous sauf moi ! Ilaria a déjà beaucoup de choses à reprocher à ce père, si beau que toutes les femmes tombent dans ses bras, si beau qu’il est choisi pour représenter la supériorité de la Race (italienne, bien sûr) sur le peuple noir d’Ethiopie. Elle a d’abord eu un choc quand elle a appris que son père menait une double vie à Rome dans deux foyers différents et avait un autre fils, en plus de ces trois enfants légitimes. Aussi quand elle voit, en rentrant chez elle, un jeune homme noir qui dit être son neveu, Ilaria tombe des nues ! Il se nomme : Shimeta Ietmgeta Attilaprofeti et affirme être le petit-fils d'Attilio Profeti et d’une femme éthiopienne Abeba, avec qui Attilio Profeti aurait eu un fils.

C’est le début de la découverte du passé de son père, de son rôle actif dans le régime mussolinien et la colonisation éthiopienne. Ilaria est une femme droite, exigeante envers elle-même et envers les autres. Pour elle qui met son honneur non dans « l’apparence » mais dans ce qu’elle est « vraiment », qui est « une de ces personnes peu ambitieuse sur le plan social mais beaucoup plus sur le plan existentiel », cette découverte est un séisme ! Son demi-frère Attilio sera à ses côtés pour faire face à cette situation et aux difficultés liées à l’arrivée de cet immigré clandestin, leur neveu, donc ?

Le style de Francesca Melandri est à la hauteur de ce passé mouvementé et violent et de ces personnages entiers.  Il offre parfois des fulgurances qui donnent beaucoup de force à la dénonciation de toutes les oppressions, de toutes les dictatures. Il résonne clairement dans une Italie en train de basculer vers un choix douteux.

jeudi 27 octobre 2022

Murielle Szac : Eleftheria

 

   

Eleftheria, le roman de Murielle Szac, est paru aux éditions Emmanuelle Collas. Je sais bien que la première de couverture ne préjuge pas de la qualité du roman, mais je ne sais pas si vous êtes comme moi, cette photographie d'Oleg Gekman, avec cette silhouette élancée prenant son envol, (sa liberté ?), dans ce  paysage d'une grande beauté, ce contraste entre le rouge, synonyme de violence, et le bleu qui évoque la vie, m'ont irrésistiblement attirée.

En 1940, les deux communautés juives et chrétiennes qui vivent en Crète, en bonne intelligence, ont encore quelques moments d’insouciance. Certes, Stella, la jolie juive, qui épouse Yorgos, le chrétien, s’attire réprobation et commérages. Mais dans cette île, on célèbre les cultes respectifs dans des bâtiments religieux dressés côte à côte, et il n’est pas rare que les enfants se mêlent pour célébrer la fête des uns ou celle des autres.

Eleftheria ou Liberté, c’est celle que réclament les hommes et les femmes de ces communautés en cette année 1941qui voit la Grèce envahie par les allemands. Certains vont fuir, d’autres resteront prisonniers sur l’île ne pouvant échapper à leur destin. 

Le roman est conçu autour de plusieurs personnages qui vivront parallèlement ou ensemble la tragédie de l’occupation nazie : Rebecca et son amie chrétienne Réna, Ariadni qui s’attache à Isaac, le petit garçon de ses maîtres, Judith et Yakov, Nikos et Rachel, Petros, le photographe polonais, Luigi, l’officier  italien dont la garnison occupe l’est de la Crète et qui rejoint les résistants crétois à la mort de Mussolini… Et bien d’autres, tous des habitants de la Crète qui aiment leur île et vont être emportés par la violence de l’occupation, la privation des libertés, les massacres de la population, la déportation des juifs et des résistants dans le Tanaïs, bateau grec réquisitionné par l’armé allemande...

L’écrivaine Murielle Szac, tout en nous montrant la réalité de la guerre, s’attache aussi à faire revivre les populations, en peignant les coutumes et les croyances de ces communautés, qu’il s’agisse des juifs célébrant le Tashlikh, le Mikhev, ou des orthodoxes célébrant une noce et dansant la pentozalia, danse guerrière.
A côté des descriptions des paysages de l’île, l’auteure brosse aussi de beaux portraits des villageois, descendants des grands résistants crétois qui ont chassé l’envahisseur turc de leur île, et que Petros photographie dans des poses pleines d’une fierté farouche. J'ai aimé que l'écrivaine souligne ainsi le rôle de la photographie, comme témoin mais aussi comme conservateur de la mémoire, thème secondaire, peut-être, mais important car l'image est le seul le souvenir qui demeure de toutes ces personnes tragiquement disparues.
 

Peut-être manque-t-il dans ce livre, un souffle, une puissance qui en feraient pour moi un coup de coeur. Mais Eleftheria est un bon roman, bien écrit, présentant des qualités et qui a le mérite de nous remémorer un épisode terrible et peu connu de la seconde guerre mondiale en Crète. A lire ! 



 

Lu pour le Prix littéraire des Avignonnais

 

La Ville d’Avignon lance le premier Prix littéraire des Avignonnais. À partir du 1er octobre et jusqu’au 12 novembre, les avignonnais et tous les amoureux de la littérature sont invités à élire, parmi les cinq ouvrages sélectionnés par les bibliothèques, les librairies d'Avignon, un professeur de lettres du lycée René Char et la directrice des bibliothèques d'Avignon, leur roman préféré issu de la rentrée littéraire d’automne. Lectures, tables rondes, midi-sandwichs et de nombreuses animations permettront de mieux faire connaître ces cinq ouvrages et de voter pour celui qui emportera le premier Prix.
Les cinq romans sélectionnés sont disponibles en prêt dans les bibliothèques de la Ville et à la vente dans les librairies partenaires.
 



 

« Qu’est-ce qui peut bien faire qu’une femme soudain abandonne celle à qui elle vient de dire, Quels merveilleux moments j’ai passés auprès de toi, aujourd’hui encore : je veux ça tous les jours de la vie ? » Tel est le questionnement auquel est confrontée Jenny après le départ d’Ève. Toutes deux apprendront que l’ on peut vivre une même histoire de deux façons totalement différentes ».

 
 

 

Le pion 
Paco Cerdà
  Éditions La Contre Allée 

 


Stockholm, hiver 1962. Deux hommes de mondes adverses se font face. Arturo Pomar, l’enfant prodige espagnol, affronte sur l’échiquier Bobby Fischer, un jeune Américain excentrique et ambitieux.
En pleine guerre froide, l’un était le pion du régime franquiste, l’autre sera celui des États-Unis.
    •    Première sélection du Prix du Meilleur Livre Étranger - catégorie non-fiction.

 
 

 

Eleftheria 
Murielle Szac  
Éditions Emmanuelle Collas 

 


 
1940, au nord de la Crète. La communauté juive célèbre Rosh Hashana. Rebecca écoute les commérages sur le futur mariage de Stella. On s’interroge aussi sur la guerre qui a commencé en Europe. Metaxas, le dictateur au pouvoir à Athènes, saura-t-il résister à Mussolini et à son allié, Hitler ? Bientôt, le bateau de Nikos, le Tanaïs, est réquisitionné par l’armée grecque. Malgré la menace, la vie continue… Jusqu’au matin du 20 mai 1941, lorsque le 3e Reich lance sur la Crète une invasion aéroportée. Faut-il fuir ou rester ? C’est l’heure de savoir si l’on est libre de choisir son destin.


 

 

Des rêves d’or et d’acier
 Émilie Tôn
 Éditions Hors d’atteinte 

 


 

 Je veux savoir comment mon père est arrivé dans cette Lorraine où l’acier s’écoule, comprendre comment il est devenu cet homme au destin plusieurs fois brisé, qui n’a jamais abandonné. Il l’a toujours dit : « Quand on a tout perdu plusieurs fois, on n’a plus peur de se lancer. »
 


 

 

 

L’invention du diable
 Hubert Haddad
 Éditions Zulma 

 



Papillon de Lasphrise s’est retiré dans sa tour d’ivoire angevine. Après une existence dédiée à l’amour et à la guerre, le voilà tout entier habité par le démon de l’écriture. Au soir de sa vie, il pactise avec le diable : tant que ses Poésies n’auront pas accédé à la postérité, il ne connaîtra pas le repos éternel. L’immortalité sera sa malédiction.
 

 

 



mardi 25 octobre 2022

Hubert Haddad : L'invention du diable



 L’invention du diable de Hubert Haddad aux éditions Zulma raconte l’histoire de Marc Papillon,  seigneur de Lasphrise, poète. Vous avouerez qu’avec ce nom étrange, voire un peu ridicule, Papillon est un parfait personnage de roman. Erreur, car il a existé ! Il est né en 1555 près d’Ambroise. Son oeuvre poétique a survécu au temps même si elle est est moins connue que celle de ses illustres aînés, le "divin" Ronsard, Joachim du Bellay, Maurice de Scève, François Rabelais… Petit hobereau sans fortune dans son domaine tourangeau, Papillon, avant d’être poète, acquit une renommée de bravoure ainsi que moult balafres, cicatrices et coutures, au service des ducs de Guise pendant les guerres de Religion. Quand le capitaine Lasphrise, tout "envieilli", se retire dans son fief, sachez que le "rancuneux" Henri IV lui refuse même une pension pour ses exploits héroïques, preuve que la conversion du roi au catholicisme n’a pas complètement effacé son parpaillotisme … même si Paris vaut bien une messe ! Papillon se consacre à la poésie et à l’éducation de sa fille bien-aimée Marguerite. Il meurt en 1599. Enfin, il meurt ? Mais non ! il survit, comme nous l'apprend Hubert Haddad, car il fait un pacte avec le diable : il ne mourra pas tant que son oeuvre, enfin reconnue, ne  lui aura pas permis d’atteindre à la notoriété.

C’est dans ces vers que l’écrivain a trouvé le sujet du roman :

Démon témoin de mon jugement
Au risque d’en perdre âme et sang
Une plume à ma veine trempée
Scelle un contrat d’immortalité
Tant que gloire enfin me soit donnée
 Jamais serai-je en l’ombreux tombeau.


C’est donc ainsi que nous suivons les aventures de Papillon à travers les siècles, traînant avec lui la pesanteur de l’éternité et le désespoir d’un amour toujours renaissant et toujours mourant. L’éternité au goût de rien, à l’oublieuse mémoire qui laisse surgir, comme un éclair, un visage perdu dans les limbes du souvenir : "La sainte nature m’avait donné une enfant sur le tard. C’est à elle que je pense quelque fois." Sinon, rien !  L’éternité comme une "lassitude", comme une «"érosion", une "usure" qui "réduit à l’os" car  "On n’arrive pas à la gloire sans fatigue ". L’immortalité vécue comme une condamnation et, comble de dérision, condamnation que l’on s’est imposée à soi-même.

" A quelle étrangeté à soi faut-il accéder pour lâcher prise et devenir pareil aux vagues de la mer, à la neige vermeille de l’aube ou au bruissement des feuilles dans la lumière du soir. "  

L'invention du diable,  au-delà du fantastique, est donc la métaphore du Temps ou plutôt de ce rêve que tout être humain, même le plus humble, partage : faire échec au temps, laisser des traces, demeurer dans la mémoire des vivants. Or si cette recherche est commune à tous, elle l'est plus encore, à fortiori, pour le poète, l’écrivain. Ce que Boileau résume ainsi avec ironie :

"Sans cesse poursuivant ces fugitives fées
On voit sous les lauriers haleter les Orphées".

Au terme de son éternité Papillon se demandera si le jeu valait la chandelle, arrivant à la conclusion, après sa rencontre avec Napoléon et sa statue, que même l’immortalité est mortelle :

« Mais les statues vous ignorent : on les brise pour en élever d’autres qui subiront le même sort. ».

Le style de Hubert Haddad est poétique, recherché, brillant et riche avec ce rien de désuet dans la phrase et le vocabulaire qui permet d’évoquer le parler ancien de chacune des époques qu'il visite. Nous sommes au XVI siècle, avec Montaigne et Rabelais comme proches voisins, et nous passons de siècle en siècle, chez la marquise de Rambouillet, dans le salon des Précieuses, avec Voiture et Racan, séjournant à la Bastille dans la tour de la Bertaudière où notre Papillon mange à la table du marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, juste avant les assauts de la Révolution. Nous parcourons l’Empire et découvrons son empereur déchu,  la Commune, la Grande Guerre, jusqu’à nos jours. Nous traversons les remous de l’Histoire tout en allant à la rencontre des écrivains, artistes, hommes célèbres.

Ce roman avait donc tout pour me plaire :  la réflexion philosophique sur le Temps soulignant l’éphémérité de la vie humaine, la dérision de l’immortalité; la découverte de ce poète du XVI siècle, Marc Papillon de Laphise, que j’aime beaucoup à travers les extraits qui nous sont proposés ; puis le  retour dans le passé avec  l’Histoire de la France, enfin l’introduction du fantastique.

Et pourtant j’ai éprouvé de la distance, parfois même  de l’ennui, en lisant ce livre. Certes, j’ai bien senti la nostalgie qui imprègne ces pages, j’ai été sensible à la souffrance du personnage, à l’horreur de l’immortalité qui dépossède de la mémoire, qui gomme les êtres que l’on a aimés. Mais en même temps je suis restée en dehors.  A force de  survoler les siècles, on en a une vision au pas de course, trop rapide, réduite souvent à des noms qui font plaisir au lecteur quand il les connaît sans que cela ne les fasse exister. Chaque période nous ramène aux sentiments du personnage, à son engluement dans la vase du Temps comme une sorte de leit-motiv. Voulu, peut-être ? pour évoquer  le lent passage du temps  et l'usure qu'il provoque. Mais cet effet répétitif nuit à l’intérêt du récit. Aussi, je ne suis pas parvenue à rester toujours "accrochée" même si j’ai ressenti de l’admiration pour le style. C’est déjà beaucoup, certes, mais, j’aime bien que l’on me raconte une histoire à laquelle j’adhère complètement et qui m’emporte.  Alors, à vous de lire ! Et vous me direz !


 

Lu pour le Prix littéraire des Avignonnais

 

La Ville d’Avignon lance le premier Prix littéraire des Avignonnais. À partir du 1er octobre et jusqu’au 12 novembre, les avignonnais et tous les amoureux de la littérature sont invités à élire, parmi les cinq ouvrages sélectionnés par les bibliothèques, les librairies d'Avignon, un professeur de lettres du lycée René Char et la directrice des bibliothèques d'Avignon, leur roman préféré issu de la rentrée littéraire d’automne. Lectures, tables rondes, midi-sandwichs et de nombreuses animations permettront de mieux faire connaître ces cinq ouvrages et de voter pour celui qui emportera le premier Prix.
Les cinq romans sélectionnés sont disponibles en prêt dans les bibliothèques de la Ville et à la vente dans les librairies partenaires.
 



 

« Qu’est-ce qui peut bien faire qu’une femme soudain abandonne celle à qui elle vient de dire, Quels merveilleux moments j’ai passés auprès de toi, aujourd’hui encore : je veux ça tous les jours de la vie ? » Tel est le questionnement auquel est confrontée Jenny après le départ d’Ève. Toutes deux apprendront que l’ on peut vivre une même histoire de deux façons totalement différentes ».

 
 

 

Le pion 
Paco Cerdà
  Éditions La Contre Allée 

 


Stockholm, hiver 1962. Deux hommes de mondes adverses se font face. Arturo Pomar, l’enfant prodige espagnol, affronte sur l’échiquier Bobby Fischer, un jeune Américain excentrique et ambitieux.
En pleine guerre froide, l’un était le pion du régime franquiste, l’autre sera celui des États-Unis.
    •    Première sélection du Prix du Meilleur Livre Étranger - catégorie non-fiction.

 
 

 

Eleftheria 
Murielle Szac  
Éditions Emmanuelle Collas 

 


 
1940, au nord de la Crète. La communauté juive célèbre Rosh Hashana. Rebecca écoute les commérages sur le futur mariage de Stella. On s’interroge aussi sur la guerre qui a commencé en Europe. Metaxas, le dictateur au pouvoir à Athènes, saura-t-il résister à Mussolini et à son allié, Hitler ? Bientôt, le bateau de Nikos, le Tanaïs, est réquisitionné par l’armée grecque. Malgré la menace, la vie continue… Jusqu’au matin du 20 mai 1941, lorsque le 3e Reich lance sur la Crète une invasion aéroportée. Faut-il fuir ou rester ? C’est l’heure de savoir si l’on est libre de choisir son destin.


 

 

Des rêves d’or et d’acier
 Émilie Tôn
 Éditions Hors d’atteinte 

 


 

 Je veux savoir comment mon père est arrivé dans cette Lorraine où l’acier s’écoule, comprendre comment il est devenu cet homme au destin plusieurs fois brisé, qui n’a jamais abandonné. Il l’a toujours dit : « Quand on a tout perdu plusieurs fois, on n’a plus peur de se lancer. »
 


 

 

 

L’invention du diable
 Hubert Haddad
 Éditions Zulma 

 



Papillon de Lasphrise s’est retiré dans sa tour d’ivoire angevine. Après une existence dédiée à l’amour et à la guerre, le voilà tout entier habité par le démon de l’écriture. Au soir de sa vie, il pactise avec le diable : tant que ses Poésies n’auront pas accédé à la postérité, il ne connaîtra pas le repos éternel. L’immortalité sera sa malédiction.
 

 

 

dimanche 23 octobre 2022

Bucarest : Le muzeul Colectiilor de Arta ou musée des Collections d'art (5)

Le musée Collectiilor ou musée des Collections : jardin et intérieur/ statue de de Cornel Medrea (1888_1964)/Balescu/Iser

La collection du musée Colectiilor de Arta est installée dans un immense palais qui a appartenu au trésorier Grigore Romanit. En 1940, le régime communiste y a entreposé des collections confisquées aux familles riches. Je n'ai pas pu le visiter entièrement car j'y suis arrivée vers 16h30 après la visite du musée Zambaccian (et autres déconvenues devant des musées fermés) et il ferme à 18H. Je me suis fait mettre à la porte ! 

Il est difficile de visiter les musées de Bucarest si vous ne restez que quelques jours dans la capitale car ils sont pour la plupart fermés le Lundi ET le mardi, de plus certains sont en restauration : en ce mois de septembre 2022,  c'est le cas pour le musée Taranului ou musée du paysan roumain et le palais Georghe Cantacuzino dédié au musicien George Enescu. Impossible de trouver ces renseignements dans mon guide, donc j'y suis allée pour trouver porte close. Le métro qui n'est pas très étendu vous laisse loin du lieu que vous voulez visiter et je n'ai pas pris le temps de me renseigner sur les lignes de bus.  J'aime bien me promener à pied dans la ville pour mieux découvrir. Je me suis perdue dans le quartier du musée Zambaccian, ce qui a été intéressant du point de vue architectural, belles maisons de style divers, mais j'ai raté à cause de tout cela de nombreux musées dont le musée contemporain (près du parlement), celui que je regrette le plus. 

Le musée national de Arta al Romanei, le musée Colectiilor de Arta, le palais Cantacuzino ou musée George Enescu, la salle de concert Atheneul Roman, de même que le musée national d'Histoire de la Roumanie ( intéressant surtout pour la copie de la colonne trajane que l'on peut voir de près, ce qui n'est pas possible à Rome !) se situent tous dans la Calea Victorei sur quelques kilomètres, de part et d'autre du boulevard Regina Elizabeta depuis la ville historique jusqu'à la place Victorei.

Mais revenons à ma visite incomplète du musée des Collections d'art avec tout d'abord ce que j'ai le plus aimé, les icônes de verre et l'exposition des oeuvres de la japonaise Shizuko Onda.

Les icônes sur verre

Bucarest Muzeul Colectiilor de Arta : icônes sur verre


L'Art des icônes sur verre se répand en Transylvanie au XVIII siècle, puis dans le reste du pays. Elles sont l'oeuvre de paysans qui expriment leur foi avec naïveté, sans souci des règles et des symboles qui régissent l'art savant des icônes en bois traditionnelles. Ils peignent des sujets religieux, la Vierge Marie, le Christ, pour les paysans qui veulent emporter Dieu dans leur foyer et prier devant des images saintes à bon marché. Ce qui explique que dès le XIX siècle les icônes sur verre ont été mal vues par les évêques de l'église orthodoxe et par les milieux intellectuels qui méprisent cet art populaire. C'est un prêtre, le père Zosim Oancea,  qui va les remettre à l'honneur dans les années 1960 en pleine période communiste.
Cet art se répand en Transylvanie et varient en fonction de leur provenance. Il y a un important musée d'icônes sur verre à Sibiel, en Transylvanie, au centre de la Roumanie.   

Bucarest Muzeul Colectiilor de Arta : icônes sur verre

La collection du musée Colectiilor, limitée à une seule salle, est éblouissante. Les couleurs, la lumière qui émanent de ces tableaux, le dessin simple, presque enfantin et élaboré à la fois, transmettent  une émotion artistique quel que soit le sentiment religieux que portent les oeuvres.




Icône sur verre musée des Collections d'art Bucarest


Les icônes sur verre de Roumanie relèvent d'une technique ancienne introduite après l'annexion de la Transylvanie à l'empire des Hasbourg (1699). 

J'ai trouvé un site expliquant la technique de la peinture des icônes sur verre et je vous y renvoie  ICI : "La peinture des icônes suivait une méthode qui devrait être définie comme peinture « sous » plutôt que « sur » verre. En effet, le peintre dessinait et peignait l’icône sur ce qui, à la fin, aurait été le dessous du verre, pendant que la partie opposée, c’est-à-dire celle exposée au regard de l’observateur, servait d’écran de protection pour le tableau. Ce procédé oblige le peintre a dessiner à l’envers, pour que, une fois le verre retourné, l’image se présente correctement. Le dessin des contours à l’aide d’un fin pinceau – la première phase technique de la réalisation de l’icône – fournissait le schéma de la composition, puis on procédait au coloriage des figures et du fond. Pour certaines réalisations on utilisait de fines pellicules de couleur or et argent. Une fois peinte, après une couche de vernis sur la face postérieure du tableau pour le préserver contre l’humidité, l’icône était encadrée et protégée à l’arrière par un panneau, d’habitude en sapin."




Icône sur verre : Saint Georges terrassant le dragon


Shizuko Onda : Fantaisies


Shizuko Onda : détail des oeuvres exposées au musée Colectiilor de Bucarest

La donation au musée Colectiilor, en 1994, de Shikuzo Onda, artiste, sculptrice et décoratrice,  diplômée  de l'université japonaise de Tokyo, est composée de dix-neuf oeuvres réalisées dans du plexiglas.

Plexiglas ! Je ne sais pourquoi, j'éprouve un certain préjugé pour ce matériau, si l'on m'avait dire verre, oui ... mais plexiglas ! Un  peu dubitative, je regarde les oeuvres, blocs transparents intégrant de vives couleurs,  je m'approche d'elles, et là, l'enchantement opère ! S'approcher, c'est entrer dans un univers qui n'est plus limité dans l'espace.  On se perd dans des profondeurs, celle de la mer ou du ciel. On y décèle des formes mystérieuses, humaines, visages, femme agenouillée, végétales, animales. Il faut tourner autour de l'oeuvre pour y découvrir d'autres formes, d'autres mondes.  C'est vraiment magique ! Les lumières jouent avec les couleurs, traversent la transparence et nous transportent dans l'irréalité ! L'imagination  prend le pouvoir !


Shizuko Onda Bucarest musée Colectiilor Bucarest


Shizuko Onda Bucarest musée Colectiilor Bucarest


Shizuko Onda Bucarest musée Colectiilor


Shizuko Onda  : Bucarest musée Colectiilor Bucarest (détail collage de deux photos)


   Shizuko Onda :  Bucarest musée Colectiilor Bucarest


Iosif Iser (1881-1958)

 

Iosi Iser musée des Collection de Bucarest

 
Il y a abondance d'oeuvres du peintre roumain Iosif Iser  au musée Colectiilor. De nombreuses montrent un intérêt pour l'orientalisme qui me semble bien tardif. Ces peintures, en effet, semblent ignorer les  mouvements picturaux du XX siècle.
 
 
 
Odalisque voilée Iosif Iser

 
 
Iosif Iser : odalisques

 
 

J'ai lu qu'on le classait dans les peintres d'expressionnistes mais ce que j'ai vu  ne m'a pas convaincue. Peut-être cette femme à la cigarette ou le couple ci-dessus à gauche Paulina et Arlequin ? Il est loin de l'avant-garde d'un  d'un Munch ou d'un Otto Dix.
 
 
Iosif Iser : femme à la cigarette/ Femmes turques couchées


Otto Dix (1891- 1957)


Je ne connaissais absolument pas la peinture roumaine avant ce voyage, aussi il m'est parfois difficile de juger mais j'ai l'impression que la peinture de Iosif Iser et les autres peintres roumains me semblent coupés des grands mouvements picturaux du XX siècle. Certains peignent encore comme les impressionnistes, d'autres sont nettement influencés par Cézanne, mais comme je les connais peu,  je ne sais pas s'ils ont trouvé, par la suite, un style personnel.

 

Corneliu Baba (1906-1997))

Corneliu Baba : autoportrait musée Collectiilor de Bucarest

 
Ah! Les Cornéliu Baba du musée Colectiilor ! Ces oeuvres sont celles de la dernière partie de sa vie : "une peinture de la solitude s'adressant surtout à  une humanité éternelle et anonyme." 
Elles offrent une vision cauchemardesque de la vie. Les titres de ces oeuvres parlent d'eux-mêmes : l'Effroi, avec tous ces visages déformés sous l'effet d'une terreur  illimitée; la Pieta, visages hallucinés au-dessus du cadavre du Christ, qui ne semblent même plus appartenir à la vie et dont les traits se dissolvent dans la corruption de la  mort. 
Corneliu Baba a peint tout une série de Rois fous, tous plus hallucinants les uns que les autres.  Le Roi fou, représente pour lui, tous les pauvres gens torturés par un pouvoir autoritaire, "victimes de tant de rois, de dictateurs atteints de maladie mentale."
Evidemment, en les voyant pour la première fois j'ai pensé aux peintures noires de Goya à la fois pour la forme et le fond. Mais elles m'ont aussi rappelé Munch, cette fois-ci pour le fond, non pour la forme. Les critiques ont reproché son classicisme à Corneliu Baba. C'est vrai quand on pense qu'il est mort en 1997, sa peinture n'a rien de contemporain, mais quelle puissance dans ce qu'il veut transmettre !

Corneliu Baba : Le roi fou musée Collectiilor Bucarest


Corneliu Baba : La Piéta  musée Collectiilor Bucarest

Corneliu Baba : La Pieta  (détail ) musée Collectiilor


Corneliu Baba : L'Effroi musée Collectiilor Bucarest


Expressionnisme : Edvard  Munch : le cri



Francisco Goya XIX siècle
 

Alexandru Phoebus (1899-1954)


Phoebus : autoportrait  musée Colectiilor

J'aime bien le Adam et Eve de Phoebus.




Phoebus : Adam et Eve  musée Colectiilor


Phoebus :marché au puce musée des Collections des Arts Bucarest


Dimutru  Ghiata 1888-1972)


Dimutru  Ghiata 1888-1972) (détails) musée Colectiilor de Arta Bucarest


Magdelena Radulescu (1902-1983)


Magdelena Radulescu : musée Colectiilor de Arta de Bucarest


Alexandru Padina (1904-1992)


Alexandru Padina (1904-1992) (détails) musée Colectiilor de Arta Bucarest

Lucia Demetriade Balacescu (1895-1979)


Lucia Demotriade Balacescu Musée Colectiilor ou musée des Collections d'art de Bucarest

Comme Iser et Baba, Lucia Demotriade Balacescu est une des grandes artistes du musée Colectiilor et deux salles lui sont consacrées.

Lucia Balacescu

 
Bucarest : le musée Satului : musée du village roumain ( à ne pas confondre avec le musée Taranului, musée du paysan roumain, fermé pour restauration en 2022)  (6)