Je viens de terminer Freedom de Jonathan Franzen, un énorme livre de 700 pages, que j'ai dévoré avec plaisir. Franzen y raconte l'histoire d'une famille, les Berglund, Walter et sa femme Patty, leurs enfants Joey et Jessica. Autour d'eux gravitent de nombreux personnages, Richard, l'ami intime de Walter, Lalitha la jeune maîtresse de Walter, Connie, l'amoureuse de Joey, mais aussi leurs parents, leurs voisins, les gens qui travaillent avec eux... C'est le prétexte pour Jonathan Franzen de dresser un tableau complet de la société américaine sur plusieurs décennies en abordant tous les thèmes : l'écologie avec le réchauffement de la planète, la destruction des milieux naturels, les dangers de la surpopulation, la protection des espèces (la fameuse paruline azurée), mais aussi la guerre en Irak et les malhonnêtetés du gouvernement Bush, les affrontements entre républicains et démocrates, le triomphe d'une société matérialiste, capitaliste, qui ne pense qu'à l'argent, le pouvoir sans limites des entreprises multinationales et des banques... et, et, et... j'en passe! Différents milieux sociaux, appartenances politiques, confessions religieuses. Je pense un peu à nos écrivains français du XIX siècle entreprenant l'un La Comédie Humaine, l'autre L'histoire d'une famille sous le second empire.
Mais là, c'est en un seul volume que Franzen veut tout dire ! Oui, je sais, c'est énorme! On a l'impression que son roman charrie toutes les immondices de la politique américaine, éclaire sous une lumière crue les iniquités de la domination des Etats-Unis sur le Monde, de son ingérence dans la politique des autres pays alors qu'il est incapable d'assurer chez lui la justice et le progrès social. Je sais que le livre a été traité de gâteau indigeste (Je renvoie à ce billet de Gwenaelle dans Le Skriban ICI)! Je comprends tout à fait cette critique. Et pourtant je l'ai parfaitement digéré, ce gros gâteau, sans m'ennuyer une seconde et cela est dû à deux faits.
Tout d'abord, j'adore cette littérature qui n'est pas tournée vers son nombril, comme trop souvent notre littérature française contemporaine, mais vers les autres, vers le monde extérieur et l'on sait combien il va mal! L'accumulation peut paraître une maladresse mais au moins c'est généreux, c'est courageux! Et d'ailleurs malgré cette impression de fleuve en crue, le roman présente une construction savante et l'écrivain domine parfaitement son sujet, tout en ayant l'habileté de varier les points de vue. Enfin! j'ai devant moi un écrivain qui parle de notre monde et j'aime ce regard sans complaisance. Et cela me fait du bien de constater que pour une fois la littérature joue son rôle, celui d'analyser, de dénoncer, de chercher à secouer les consciences.
Ensuite, et ceci grâce au talent de l'écrivain, je me suis intéressée aux personnages car ils sont devenus vivants pour moi, je les ai accompagnés un bon bout de temps sur le chemin de leur vie, j'ai partagé leurs joies et leurs chagrins, leurs réussites et leurs échecs. Ils m'ont parfois passablement agacée voire exaspérée avec leurs obsessions et leurs contradictions (Walter), leurs agissements (Patty), leur dureté les uns envers les autres (Joey, Richard). J'ai pu constater leurs faiblesses et leurs erreurs et déplorer ce qu'ils étaient en train de devenir, Joey faisant de l'argent sale avec la guerre en Irak, Walter se compromettant avec la pire des entreprises capitalistes et s'enrichissant sous prétexte de sauver la paruline azurée. Mais j'ai été heureuse de suivre les sursauts de leur conscience tourmentée. Ainsi l'on peut dire que le discours de Walter qui a le courage se rétracter est un grand moment. C'est un morceau de bravoure que j'ai aimé savourer. Et même si c'est trop démonstratif comme le reste du roman, - mais Zola aussi est démonstratif et je l'adore- je n'ai pas boudé le plaisir d'être en accord avec cette dénonciation. Quoique j'apprécie moins chez Walter son mépris des classes laborieuses sous prétexte qu'il en lui-même sorti et je pense comme Jessica qu'il se trompe partiellement de cible dans son discours. Car la complexité des personnages, qui ne sont pas décrits d'une manière manichéenne et qui évoluent tout au cours de leur vie, est une des plus grandes réussites de l'écrivain.
Pour toutes ces raisons j'ai aimé ce gros roman touffu, complexe, imparfait peut-être, mais qui m'a touchée.
Voici d'autres avis :
Sophie qui n'a pas aimé ICI
Keisha qui a aimé et qui analyse les variations du point de vue dans le roman, l'art d'un bon écrivain : ICI
Constance qui parle avec ferveur du roman ICI
Merci à Price Minister et aux Editions de l'Olivier
Mais là, c'est en un seul volume que Franzen veut tout dire ! Oui, je sais, c'est énorme! On a l'impression que son roman charrie toutes les immondices de la politique américaine, éclaire sous une lumière crue les iniquités de la domination des Etats-Unis sur le Monde, de son ingérence dans la politique des autres pays alors qu'il est incapable d'assurer chez lui la justice et le progrès social. Je sais que le livre a été traité de gâteau indigeste (Je renvoie à ce billet de Gwenaelle dans Le Skriban ICI)! Je comprends tout à fait cette critique. Et pourtant je l'ai parfaitement digéré, ce gros gâteau, sans m'ennuyer une seconde et cela est dû à deux faits.
Tout d'abord, j'adore cette littérature qui n'est pas tournée vers son nombril, comme trop souvent notre littérature française contemporaine, mais vers les autres, vers le monde extérieur et l'on sait combien il va mal! L'accumulation peut paraître une maladresse mais au moins c'est généreux, c'est courageux! Et d'ailleurs malgré cette impression de fleuve en crue, le roman présente une construction savante et l'écrivain domine parfaitement son sujet, tout en ayant l'habileté de varier les points de vue. Enfin! j'ai devant moi un écrivain qui parle de notre monde et j'aime ce regard sans complaisance. Et cela me fait du bien de constater que pour une fois la littérature joue son rôle, celui d'analyser, de dénoncer, de chercher à secouer les consciences.
Ensuite, et ceci grâce au talent de l'écrivain, je me suis intéressée aux personnages car ils sont devenus vivants pour moi, je les ai accompagnés un bon bout de temps sur le chemin de leur vie, j'ai partagé leurs joies et leurs chagrins, leurs réussites et leurs échecs. Ils m'ont parfois passablement agacée voire exaspérée avec leurs obsessions et leurs contradictions (Walter), leurs agissements (Patty), leur dureté les uns envers les autres (Joey, Richard). J'ai pu constater leurs faiblesses et leurs erreurs et déplorer ce qu'ils étaient en train de devenir, Joey faisant de l'argent sale avec la guerre en Irak, Walter se compromettant avec la pire des entreprises capitalistes et s'enrichissant sous prétexte de sauver la paruline azurée. Mais j'ai été heureuse de suivre les sursauts de leur conscience tourmentée. Ainsi l'on peut dire que le discours de Walter qui a le courage se rétracter est un grand moment. C'est un morceau de bravoure que j'ai aimé savourer. Et même si c'est trop démonstratif comme le reste du roman, - mais Zola aussi est démonstratif et je l'adore- je n'ai pas boudé le plaisir d'être en accord avec cette dénonciation. Quoique j'apprécie moins chez Walter son mépris des classes laborieuses sous prétexte qu'il en lui-même sorti et je pense comme Jessica qu'il se trompe partiellement de cible dans son discours. Car la complexité des personnages, qui ne sont pas décrits d'une manière manichéenne et qui évoluent tout au cours de leur vie, est une des plus grandes réussites de l'écrivain.
Pour toutes ces raisons j'ai aimé ce gros roman touffu, complexe, imparfait peut-être, mais qui m'a touchée.
Voici d'autres avis :
Sophie qui n'a pas aimé ICI
Keisha qui a aimé et qui analyse les variations du point de vue dans le roman, l'art d'un bon écrivain : ICI
Constance qui parle avec ferveur du roman ICI
Merci à Price Minister et aux Editions de l'Olivier
Bien d'accord avec toi (et heureusement!). Ce roman ne se lit pas "que d'un oeil" et demande de la persévérance, alors, c'est vrai, au milieu des tergiversations de certains personnages, on peut être tenté de trouver certains passages longs, mais ça n'a pas été mon cas. Surtout grâce à l'humour ou la dérision qui courent au travers du roman. Les premier et derniers chapitres, très "communauté américaine et desperate housewife et welcome les voisins", sont de beaux morceaux d'anthologie .
RépondreSupprimerOK, bien des thèmes sont abordés (tant mieux, en 700 pages, on peut y aller!), trop je ne sais pas, je pesne que les américains ont dû s'y retrouver.
J'aime bien aussi ton clin d'oeil aux romans nombrilistes, il en faut, certains sont bons, mais parfois on se lasse...
Le billet de Gwen m'avait quelque peu découragée, le tien me regonfle ! Mais je crois que j'attendrai le poche pour prendre tout mon temps, sans avoir de date butoir pour le lire.
RépondreSupprimerPerplexité de ma part car "Les corrections" et moi avions divorcé à mi-parcours.
RépondreSupprimerj'en suis au tout début ! je reviendrai plus tard.
RépondreSupprimerOn peut aimer la littérature française sans que cette dernière ne soit nombriliste ( il y l'art et la manière)et les auteurs américains. J'en suis bien la preuve!
Grr, je tourne autour celui-ci, j'hésite, je crains l'indigestion et considérant les avis partagée, il va bien falloir que je me fasse mon avis...-)
RépondreSupprimer( même com' que Clara sur la litt. française )
jolie chronique :)
RépondreSupprimerj'aime bien les nuances que tu apportes à ton propos : tu montres qu'il y a des 'défauts' à cette histoire, mais que tu es passée au-dessus, et même qu'ils peuvent devenir des 'qualités' de part le travail du lecteur. c'est une chose que je ne fais pas du tout dans la mienne...
merci pour le lien et à bientôt !
@ Keisha : oui , on est sur la même longueur d'onde! C'est incroyable la disparité des avis sur ce livre! Preuve qu'en littérature il en faut pour tous les goûts! Heureusement pour les auteurs!
RépondreSupprimer@ Aifelle : tu as raison, ce n'est pas un roman à lire sous la contrainte! J'ai été un peu angoissée, au départ, car je devais le lire en un temps record pour Price Minister mais finalement la lecture à "coulé" facilement.
RépondreSupprimer@ Eeguab : il est possible que tu fasses partie des réfractaires à Franzen; Moi j'avais bien aimé Les corrections.
RépondreSupprimer@ Clara : je suis très curieuse de savoir si ça va te plaire? Pour la littérature française contemporaine, il y, bien sûr, des exceptions et des écrivains que j'apprécie. Mais je me suis si souvent ennuyée avec d'autres.. Et parfois même si je ne m'ennuie pas et si le propos m'intéresse je reste sur ma faim.
RépondreSupprimer@ Emmyne : Et oui,je crois que devant des avis si tranchés, il n'y a qu'une solution, le lire soi-même! Je crois que ce roman, plus que tout autre, à cause de son sujet et de sa taille imposante, pose la question pour chaque lecteur : qu'est-ce que l'on attend de la littérature?
RépondreSupprimerMême réponse que pour Clara sur la littérature française contemporaine.
@ Constance : Je crois que s'il y des nuances dans la rédaction du billet nous avons bien éprouvé le même ressenti sur le livre. A bientôt de te lire!
RépondreSupprimerévidemment ton billet est excellent(je n'en attendais pas moins de toi!), et oui, on peut aussi le lire et le ressentir comme ça...sauf que ça n'a pas été du tout mon cas!(merci pour le lien) je vais commencer "Tout tout de suite" de Sportes, qui n'est pas du tout tourné vers le nombril de l'auteur...comme beaucoup de livres de cette rentrée littéraire d'ailleurs! Tu évoques Zola(dont je suis une grande admiratrice) et Balzac:ouf! des stylistes de cette trempe! Car moi c'est vraiment le style qui m'a fatigué, je l'ai jugé plat, sans relief, sans recherche...et du coup le fond est passé au second plan.
RépondreSupprimerOuf, je viens de terminer mon billet désespéré vu que j'ai abandonné à mi-parcours ! Et si ce n'avait pas été la date butoir, j'aurais continué (àpetites doses). Mais je me suis ennuyée à mourir et j'ai trouvé les thèmes rebattus, délayés dans des considérations très nombrilistes et je ne trouve d'universalité que pour l'Amérique. Bref, peut-être suis-je passée à côté mais je m'endormais et je m'ennuyais ! Mais...bravo pour ton billet !
RépondreSupprimer@ Sophie : le passage que tu as cité dans ton billet au niveau du style est effectivement très lourd mais emportée par l'histoire il ne m'a pas gênée car tout n'est pas écrit de cette manière, loin de là! Quant à Balzac, au niveau stylistique, il a aussi écrit des passages très lourds. C'est normal, ces romans ont été publiés en feuilleton et il était payé à la ligne! Mais on l'aime malgré tout car il a d'autres qualités.
RépondreSupprimerA mon avis, Flaubert est un styliste, Stendhal a un style élégant mais pas Balzac.
@ Asphodèle : Tu n'es pas la seule à t'être ennuyée! J'ai m^me cru être la seule à avoir aimé!
RépondreSupprimerL'impérialisme américain sur les autres pays, l'enrôlement des jeunes dans l'armée pour pouvoir payer leurs études,la guerre en Irak, l'exploitation de ces pays pour leur pétrole ou autres richesses,la Palestine, l'exploitation sauvage des espaces naturels, la toute puissance du grand capital etc... si ce n'est pas universel?
je suis très hésitante, j'avais été très tentée de l'acheter mais j'ai lu l'avis d'Asphodèle... puis le tien :-) Au final, je crois que j'attendrai pour l'emprunter à ma bibliothèque.
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