L'or des chambres de Françoise Lefèvre est un recueil de textes courts, poétiques qu'une femme délaissée écrit pour conjurer la perte de son amour, dire au jour le jour la souffrance et la solitude.
Un jour, l'homme qu'on aime prend le train. Il n'est pas seul. Un femme, imperméable monte devant lui. Il l'aide en glissant sa main droite sous son bras gauche...
Dans la solitude de sa chambre, elle écrit. L'écriture vécue comme une urgence, comme un bonheur mais comme une torture aussi, une exigence terrible mais vitale sans laquelle elle mourrait.
Je rentre dans la chambre obscure. Les rideaux sont fermés. J'y resterai le temps qu'il faudra. Il faut du temps pour écrire. Pour renaître.
Mais l'écriture ainsi coupée de la vie, mène forcément à un repli sur soi :
Je suis rentrée dans la saison. J'oublie que le vie est bonne parfois, et le langage aussi simple qu'un chant d'oiseau, l'hiver derrière la fenêtre. La vie est bonne et bouillante comme les joues des enfants qui ont joué dehors.
Elle dit son mal, elle le crie, elle le chante. Le désir de mort la submerge, elle berce son mal.
Je hais le jour qui revient. Les fleurs sont mortes dans les vases; les fruits pourrissent dans leur corbeille.
Mais peut-être au bout de ce long cheminement douloureux, l'espoir d'une autre vie apparaîtra-t-elle, peut-être sera-t-elle capable de dire à nouveau oui à l'amour
Mais les mots sont une rédemption; On entre en écriture comme on entre à religion.
Un jour retrouverai-je le rire qui ne se casse pas? Dirai-je à un homme que je voudrai venir dans sa maison?
Qu'ai-je ressenti en lisant ce livre... ?
J'ai été sensible à la beauté du texte. J'aime la poésie et lisant Françoise Lefèvre, je me suis laissée entraîner par la perfection de certains passages, l'incantation de la langue, la force des images :
Pages enfantées, au lieu de vrais enfants, au lieu de vraies tristesses, le jardin est désert.
la vie s'enfuit dans un miroir à peine désembuée.
la vie ne désemplit pas.
J'aime, incontestablement, j'aime. Et pourtant, par moments, l'impatience me prend devant cette littérature forcément narcissique, cette "tour d'ivoire" où l'écrivain s'enferme ou je décèle parfois une certaine complaisance dans la douleur et mon intérêt diminue. Une adhésion, donc, mais qui n'est pas totale.
Un jour, l'homme qu'on aime prend le train. Il n'est pas seul. Un femme, imperméable monte devant lui. Il l'aide en glissant sa main droite sous son bras gauche...
Dans la solitude de sa chambre, elle écrit. L'écriture vécue comme une urgence, comme un bonheur mais comme une torture aussi, une exigence terrible mais vitale sans laquelle elle mourrait.
Je rentre dans la chambre obscure. Les rideaux sont fermés. J'y resterai le temps qu'il faudra. Il faut du temps pour écrire. Pour renaître.
Mais l'écriture ainsi coupée de la vie, mène forcément à un repli sur soi :
Je suis rentrée dans la saison. J'oublie que le vie est bonne parfois, et le langage aussi simple qu'un chant d'oiseau, l'hiver derrière la fenêtre. La vie est bonne et bouillante comme les joues des enfants qui ont joué dehors.
Elle dit son mal, elle le crie, elle le chante. Le désir de mort la submerge, elle berce son mal.
Je hais le jour qui revient. Les fleurs sont mortes dans les vases; les fruits pourrissent dans leur corbeille.
Mais peut-être au bout de ce long cheminement douloureux, l'espoir d'une autre vie apparaîtra-t-elle, peut-être sera-t-elle capable de dire à nouveau oui à l'amour
Mais les mots sont une rédemption; On entre en écriture comme on entre à religion.
Un jour retrouverai-je le rire qui ne se casse pas? Dirai-je à un homme que je voudrai venir dans sa maison?
Qu'ai-je ressenti en lisant ce livre... ?
J'ai été sensible à la beauté du texte. J'aime la poésie et lisant Françoise Lefèvre, je me suis laissée entraîner par la perfection de certains passages, l'incantation de la langue, la force des images :
Pages enfantées, au lieu de vrais enfants, au lieu de vraies tristesses, le jardin est désert.
la vie s'enfuit dans un miroir à peine désembuée.
la vie ne désemplit pas.
J'aime, incontestablement, j'aime. Et pourtant, par moments, l'impatience me prend devant cette littérature forcément narcissique, cette "tour d'ivoire" où l'écrivain s'enferme ou je décèle parfois une certaine complaisance dans la douleur et mon intérêt diminue. Une adhésion, donc, mais qui n'est pas totale.
Pourtant, j'ai énormément aimé un livre qui beaucoup de ressemblances avec celui-ci; il s'agit de Autoportrait au radiateur de Christian Bobin. Les similitudes avec L'or des chambres sont évidentes, une écriture poétique qui analyse, qui est attentive aux nuances, qui creuse, cisèle le détail, une écriture-orfèvre. Très proche l'un de l'autre à certains moments :
Le bruit d'un moulin à café, bien calé entre mes cuisses, me dit le mouvement du temps. C'est moi qui tourne la manivelle. L'odeur renversée m'enivre. La Beauté, un instant vient sur mes genoux. Elle éclaire un coin de mon tablier bleu : la lumière, écrit Françoise Lefèvre
La vraie beauté ne va pas avec le solennel, la vraie beauté a toujours un je-ne-sais-quoi de nonchalant, d'abandonné, d'offert, dit Christian Bobin.
La même souffrance, le même abandon à l'écriture comme condition de survie. Christian Bobin écrit après la mort de la sa compagne alors que Françoise Lefèvre a perdu d'une autre manière l'homme qu'elle aime. D'où vient pourtant que je suis vraiment très accrochée par l'un, du moins dans ce livre Autoportrait au radiateur, et un peu moins par l'autre. Difficile question étant donné les qualités d'écriture des deux écrivains mais je crois avoir trouvé une réponse.
Christian Bobin est plus tourné vers l'extérieur, vers les autres, il laisse le Monde entrer chez lui avec les rires des enfants, la fulgurance des fleurs, des oiseaux. Françoise Lefèvre me semble tournée uniquement vers elle-même et cultive le souvenir de son amour comme une possession à laquelle elle ne veut pas s'arracher. Il y a une fermeture dans le chagrin, une auto-analyse qui devient obsession d'elle-même. Je ne sens pas, sauf de temps en temps, la même luminosité malgré la douleur, le même amour des humains et des choses que j'aime tant dans Bobin, la même ouverture généreuse.
Qu'y a-t-il de noir entre nous? D'immense et de coupé? Quel est ce doux enfermement? ce doux ressassement? Cette douce descente aux enfers? Ce bandeau sur les yeux? Ma bouche pleine de terre? C'est le bonheur.
Ne serais-je donc heureuse qu'agenouillée, prosternée, les paumes et le ventre collée à la terre, faisant corps avec elle. Inséparable. Ma joue contre elle. Les yeux clos. (...) Je pense à ta mort et c'est la mienne que je crains. Je hurle à la seule rédemption : glisser entre tes jambes. Françoise Lefèvre
Je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d'herbe. le monde tel qu'il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous peut-être : dessous un brin d'herbe, on est protégé de beaucoup de choses.(...) Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir? Le désastre a déjà eu lieu lorsque je commence à écrire. Je prends des notes sur ce qui a résisté et c'est forcément du tout petit, et c'est incomparablement grand, puisque cela a résisté, puisque l'éclat du jour, un mot d'enfant ou un brin d'herbe a triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites. j'essaie de les entendre. je ne rêve pas d'un monde pacifié. Un tel monde serait mort. J'aime la lutte et l'affrontement comme j'aime la vie du même amour." Christian Bobin
Lecture commune avec L'or des chambres qui, son pseudo vous l'indique, adore Françoise Lefèvre, son écrivaine préférée ; j'attends avec impatience de lire son billet.
Françoise Lefèvre fait partie de ces écrivains que j'ai noté dans un coin de tête en me disant que je lirais, plus tard, mais je repousse depuis si longtemps que c'en est étrange : je crois que je n'ai jamais été totalement convaincu par les personnes qui l'ont admiré (trop admiré ?).
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton analyse et le comparatif avec Christian Bobin : Bobin tourné vers les autres malgré, ou à cause, de son introspection (introspection et pas nombrilisme), c'est tout à fait vrai, et c'est ce qui fait la différence. Du quotidien aller vers l'universel, c'est ce que j'aime.
Encore un beau billet, ce titre n'est pas à la bibli, mais d'autres le sont, j'hésite, j'hésite...
RépondreSupprimerMais j'attends impatiemment de lire le billet de l'or des chambres, dont je connais un peu d'avance la teneur, vu le titre de son blog!
Comme toi, je suis sensible à l'écriture de F. Lefèvre mais avec un bémol, en effet. Je ne m'étais jamais posé la question du "pourquoi" mais je crois que tu mets très justement le doigt dessus. L'écriture narcissique a toujours un côté un peu vain...
RépondreSupprimerUne bonne facon de se connaitre avant de mieux aller ensuite vers les autres et vers la vie exterieure. Souvent une demarche necessaire, pourquoi ne pas la publier en passant.
RépondreSupprimerJ'ai adoré "consigne des minutes heureuses" d'elle et "la grosse". "se perdre avec les ombres" m'attend dans ma PAL. J'ai lu Bobin pendant longtemps, puis j'ai trouvé qu'il tournait en rond avec aussi une certaine complaisance, et j'ai arrêté.
RépondreSupprimer@ lireau jardin : il faut que tu ailles lire L'or des chambres, elle te convertira peut-être à Françoise Lefèvre. Moi aussi c'est ce que j'aime dans Bobin. Tu le dis très bien.
RépondreSupprimer@ Keisha : j'ai lu l'or des chambres. A toi d'y aller , tu n'hésiteras plus!
RépondreSupprimer@ Gwenaelle : je me demandais pourquoi ce bémol mais lorsque la comparaison avec Bobin s'est imposé, j'aicompris .
RépondreSupprimer@ Thérèse : oui, la littérature d'introspection sert à cela, se connaître soi-même mais aussi faire partager. Mais on peut se sentir concernée plus ou moins ou pas!
RépondreSupprimer@ Aifelle : Pas lu les autres oeuvres de Lefèvre; Par contre d'accord avec toi sur Bobin.
RépondreSupprimerDésolé pour le retard Claudialucia... Et merci pour cette lecture commune, j'aurais voulu que beaucoup d'autres nous accompagnent mais bon... j'espère au moins que nous donnerons envie de le faire lire... Pour le côté narcissique je ne sais pas si je suis d'accord avec toi, il me semble que l'écritur de Françoise Lefèvre soit d'une certaine façon cloisonné, je veux dire il y le monde, la vie, les enfants, le travail et de l'autre l'écriture, et la douleur de perdre l'homme aimé (le chagrin d'amour est forcément narcissique... non ?) et puis il me semble qu'elle soit beaucoup tourné vers l'extérieur aussi, la terre qui tourne autour d'elle, la nature plus forte et plus éternelle qu'elle... La vie, les saisons qui n'en continuent pas moins... Voilà, voilà... En tout cas merci encore pour cette lecture... Pour un livre que je relirais encore et encore...
RépondreSupprimerBises et bonne soirée
@ L'or : Mais ce n'est pas grave! J'ai eu peur de m'être trompée de date.. Oui, je sais bien que tu ne l'as pas ressenti comme moi mais par contre je suis d'accord avec toi sur le style et la poésie.
RépondreSupprimerCuriosité titillée avec le rapprochement avec Bobin dont j'aime l'écriture.
RépondreSupprimerTrès intéressante ton analyse concernant la faille dans cette lecture.
@ fransoaz : question de sensibilité car L'or des chambres ne le ressent pas comme moi!
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