Marianne est un délicieux petit roman de George Sand écrit à Nohant en Mai 1875 près d'un an avant sa mort. Délicieux parce qu'elle y conte une histoire d'amour où l'amoureux est si aveugle sur ses propres sentiments envers la jeune femme qu'il aime, que cela donne lieu à des situations piquantes, des joutes verbales au cours desquelles le lecteur lucide s'amuse de ce personnage sans douter un seul instant de l'issue possible.
De quoi s'agit-il ? Pierre André se retire à la campagne auprès de sa mère à l'âge de quarante ans. Intelligent, érudit, à la fois scientifique et poète, il a échoué dans sa carrière faute de savoir se mettre en avant, souffrant d'une excessive timidité liée à un manque de confiance en lui. Sa voisine qui est aussi sa filleule, Marianne Chevreuse, 25 ans, pourvue d'une fortune confortable qui la rend indépendante, vit seule depuis la mort de ses parents. Elle a refusé jusque-là toutes les demandes en mariage. Mais depuis le retour de Pierre, un froid s'est glissé dans leur relation sans que celui-ci puisse en comprendre la cause. Lui-même a renoncé à la vie, trop pauvre pour songer à se marier, trop vieux pour aimer. Mais quand un ami lui demande d'arranger un mariage avec Marianne pour son fils Phillipe, pourquoi Pierre est-il si contrarié?Pourquoi la jeune fille accepte-t-elle de rencontrer ce prétendant? Pourquoi trouve-t-il Philippe si déplaisant? Pourquoi en veut-il à Marianne de sa coquetterie envers le jeune homme? Il faudra que Marianne y mette du sien aidée par la mère de Pierre pour qu'il finisse par comprendre!
Une bluette, ce roman? Et bien non! Certes, ce n'est pas l'oeuvre capitale de George Sand mais l'on y trouve tous les grands thèmes développés par elle au cours de sa création littéraire alliée à une finesse de ton, à l'art du non-dit, à une analyse psychologique tout en demi-teinte qui ne manque pas d'humour. J'ai eu en le lisant une pensée pour la Sylvia de Marivaux du Jeu de l'amour et du hasard et de son : "Ah! j'y vois clair dans mon coeur". Et ceci d'autant plus que Sand place dans la bouche de son héroïne à peu près les mêmes mots : Enfin! se dit Marianne en reprenant au pas le chemin de sa demeure, il me semble que je vois clair à présent; j'ai bien cru qu'il ne m'aimerait jamais!" Mais ce n'est pas dans son coeur que la lucide Marianne décèle la vérité, c'est dans celui de Pierre.
Le thème récurrent dans tous ses romans est bien sûr celui de la femme et du mariage. Marianne est une jeune fille indépendante, fière, qui entend rester maîtresse d'elle-même et tenir sa destinée en main. Elle exerce son droit de décision quant à son mariage qu'elle veut fonder sur l'amour et non sur des considérations marchandes. On voit que ce thème est constant chez George Sand (Indiana, Consuelo...) elle-même mal mariée, séparée de son mari, est partisane de l'égalité dans le mariage, du rétablissement du divorce.
La nature tient aussi un grand rôle dans le roman et est le lien entre Marianne et Pierre. Tous les deux se retrouvent dans cet amour qui est aussi une disposition naturelle de l'esprit à goûter la solitude et la beauté loin de la foule et des ambitions humaines. Tous les deux savent "voir" la nature, ce qui est un don précieux. Cette idée se concrétise dans les paroles que Pierre adresse à Philippe qui est peintre : Marianne dit que l'on ne doit pas aller de l'atelier à la campagne, mais aller de la campagne à l'atelier, c'est à dire que l'on n'apprend pas à voir parce qu'on est peintre mais que l'on apprend à être peintre parce que l'on sait voir. Voilà une belle définition de l'Art de la part de George Sand!
Enfin comme toujours dans les romans de George Sand et bien que ce soit ici plus rapide des notations sur la vie et les moeurs paysannes au XIXème siècle, la description précise des cours de fermes mais aussi des intérieurs donnent un intérêt et un pittoresque certains au roman.
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