Michel de Montaigne |
"Notre monde vient d'en trouver un autre..." écrit Montaigne dans son essai intitulé Des coches.
La simplicité, la pureté de l'énoncé ainsi que le passé proche "vient de trouver" nous frappent comme s'il s'agissait d'une nouvelle apprise la veille que cet homme du XVIème siècle nous transmettait dans la première surprise de la découverte.
J'ai toujours été touchée par la beauté de ces quelques mots détachés d'une longue phrase. Ils résonnent comme un vers de dix syllabes:
Notre monde vient d'en trouver un autre...
Et ce vers présente une belle symétrie: Notre monde en balance avec un autre, comme posés sur deux plateaux mais pourtant en déséquilibre. L'un pèse plus lourd, 3 syllabes prolongé par le e muet de monde, l'autre plus léger, 2 syllabes avec l'écho menu du e muet de l'autr(e), écho plein de promesses. L'un est appuyé par l'adjectif possessif "notre" qui lui donne le poids des choses connues et anciennes, l'autre est introduit par un article indéfini "un" car il est inconnu, nouveau.. et c'est peut-être pour cela qu'il exerce un tel attrait. Il évoque de grands espaces, il fait naître des images de paysages vierges, de peuples vivant dans la nature. Il donne un élan, un espoir.
Un espoir vite mis à mal. "C'était un monde enfant" dit Montaigne et ce passé sonne comme le glas du Nouveau Monde.
"Nous nous sommes servis de leur ignorance et de leur inexpérience pour les plier plus facilement vers la trahison, la luxure, l'avarice et vers toute sorte d'inhumanité et de cruauté, à l'exemple et sur le patron de nos moeurs. Qui fit jamais payer un tel prix pour les profits du commerce et du trafic? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l'épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre! brutales victoires."
Il me paraît toujours étonnant d'entendre, par delà les siècles, cette prise de position de Montaigne si véhémente et passionnée contre le colonialisme et l'exploitation des peuples par d'autres et de penser que cette belle voix n'a jamais et ne sera jamais écoutée.
une très belle phrase dont tu révèles toute la puissance !
RépondreSupprimer@ geirge : merci de vneir lire "mon" Montaigne!
RépondreSupprimerJe possède les ESSAIS,6 tomes,nouvelle édition par
RépondreSupprimerMaurice Rat,éditions Garnier
Si quelqu'un est intéressé, j'expédie le tout
Je vais revoir mes Alpes et serai de retour le 28
@ mireille : mais pourquoi tu t'en débarrasses? Tu n'aimes pas Montaigne?
RépondreSupprimerLa succession n'est pas assurée.Que deviendront-ils après moi? Autant qu'ils revivent ailleurs.
RépondreSupprimerSi,j'aime Montaigne,j'ai même fait partie un temps
"des amis de Montaigne". C'étaient des passionnés
et c'était dans les Yvelines
@ mireille : Peut-être trouveras-tu preneur?
RépondreSupprimerTu as dû te régaler dans cette association?Pourquoi as-tu quitté?
Au fait, tu n'as pas de blog?