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lundi 21 juillet 2014

Kazuo Ishiguro : Quand nous étions orphelins...



Kazuo Ishiguro Quand nous étions orphelins : Christopher Bank a passé son enfance dans la concession internationale de Shangaï au début du XX siècle. Son père est employé d'une compagnie britannique et sa mère est en lutte contre le trafic d'opium que l'entreprise du père encourage pour plonger la Chine dans la déchéance afin de mieux dominer le pays. L'enfant joue dans la concession avec son ami japonais Akira mais l'insouciance de la jeunesse n'a qu'un temps. Ses parents disparaissent mystérieusement et Christopher est envoyé en Angleterre chez sa tante puis en pension. Lorsqu'il finit ses études il réalise son ambition de devenir un détective célèbre et fréquente la haute société londonienne. C'est là qu'il rencontre Mademoiselle Hemmings, une jeune femme mondaine, snob et méprisante qui lui est d'abord antipathique avant de mieux la connaître. Comme lui, elle a été marquée par une enfance sans parents. C'est en 1937, tandis que l'Europe s'achemine vers la guerre que Christopher Bank retourne en Shangaï pour réaliser le projet qui lui tient à coeur : se lancer sur les traces de ses parents. Il y retrouve une ville déchirée par la guerre sino-japonaise, un pays en pleine mutation, et c'est dans ce contexte de fin du monde qu'il finira par apprendre ce qui leur est arrivé.

Le roman ne suit pas un déroulement linéaire. Il commence en 1927 à la sortie de Cambridge quand le jeune diplômé se lance à l'assaut de la capitale pour réaliser ses ambitions. Le récit procède par des retours en arrière dans deux époques différentes : avant la disparition des parents et après, entre la concession et la pension, entre la Chine et l'Angleterre…
C'est grâce à la rencontre avec des amis de collège que sont évoquées les années d'étude et Christopher Bank puise dans ses souvenirs pour se remémorer la vie dans la concession. Dix ans s'écoulent donc avant que le détective ne parte à Shanghaï en 1937 où il confrontera ses souvenirs d'enfance à la réalité du pays en guerre qui détruit non seulement la population et la ville mais aussi de grands pans de sa mémoire.
 Kazuo Ishiguro parle avec beaucoup de finesse et d'habileté du phénomène de la mémoire, des transformations que celles-ci fait subir au réel, des différences entre ce que l'on perçoit ou retient du passé et la perception qu'en ont les autres, témoins pourtant des mêmes faits. A plusieurs reprises Christopher Bank s'aperçoit que ce qu'il croit être la vérité absolue sur lui-même n'a jamais été perçue  de cette façon par ses condisciples. Cette réflexion est un des aspects passionnants du roman.
Le thème de l'enfance et de l'amitié est abordé aussi avec bonheur. C'est à travers le regard d'un enfant que nous découvrons la politique des grandes entreprises britanniques, les différends qui opposent la mère et le père de l'enfant qui ne comprend pas tout et ne nous en livre que des bribes. Ce qui n'empêche pas l'amitié et le jeu avec Akira, les sottises d'enfants, les peurs liées à l'imagination.
Comme dans Les Vestiges du jour qui reste pourtant mon préféré, le roman de Kazuo Ishiguro Quand nous étions des orphelins explore avec nostalgie, un monde qui se délite peu à peu, en voie de disparition… Ici, c'est la fin de la colonisation anglaise. L'enfance de Christopher Bank et de son ami Akira apparaît alors comme les derniers moments d'un univers qui va s'écrouler sur ses bases. J'ai aimé à découvrir la vie dans cette concession internationale et les enjeux terribles de la politique qui vont bientôt conduire au cataclysme de la seconde guerre mondiale. Les chinois considèrent d'ailleurs que celle-ci a commencé en 1937.

Un beau roman à découvrir.


13 commentaires:

  1. Tout à fait de ton avis bien que cette lecture soit maintenant ancienne. Comme toi j'aime ces périodes fin de règne, très riches en leçons de vie.

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    1. Oui, j'aime cette nostalgie aussi qui nous rapproche des personnages, nous font éprouver les mêmes émotions.

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  2. Je n'ai lu que "les vestiges du jour" de l'auteur ; le thème de celui-ci me tente, et hop, un titre de plus de noté.

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  3. Comme vous je suis attirée par ce type de récit et j'ai aimé d'autres écrits de l'auteur donc je prends note

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    1. Cela me donne d'ailleurs envie d'en découvrir d'autres du même auteur.

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  4. J'ai adoré "Lumières pâles sur les collines" et beaucoup aimé aussi "Les vestiges du jour". Je note donc ce titre. Joli billet (comme d'habitude).

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    1. et moi je note "Lumières pâles sur les collines". Les titres français sont beaux.

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  5. C’était un plaisir de partager cette lecture avec vous deux. J’aime beaucoup ce commentaire de ta part, quand tu évoques les « différences entre ce que l'on perçoit ou retient du passé et la perception qu'en ont les autres ». Excellente ta critique  Comme je viens de l’écrire chez Malika, ce qui m’a particulièrement touchée dans ce roman c’est cette force de l’amitié, de l’entraide, mais aussi l’image d’une enfance fragile et forte à la fois. Quel bon livre!
    La lenteur des Vestiges du jour m’avait lassée, par contre. Je vois que tu l’as beaucoup aimé. Peut-être aurais-je dû prendre le temps… Je trouvais que l’auteur s’attardait un peu trop longtemps sur les détails au profit des sentiments…
    Bisous

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    1. Oui, je te remercie pour cette LC! je viens d'aller te lire. Effectivement nous différons un peu pour les vestiges du jour mais le livre Quand nous étions des orphelins nous a plu pour les mêmes raisons.

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  6. Nous sommes finalement prêtes plus tôt que prévu !!
    Je constate que nous avons été toutes les trois sensibles à l'univers d'Ishiguro, à son rythme de narration si particulier et à sa sensibilité empreinte de nostalgie.
    Je regrette qu'il ne m'en reste que si peu après quelques semaines ... même si j'ai passé un très bon moment avec ce roman.

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    1. Merci Malika pour cette LC. C'est vrai il y un univers Ishiguro m^me si je n'ai lu finalement que deux livres de lui pour l'instant. Ils m'ont tous les deux fort intéressée.

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    2. Vous m'avez convaincue toutes les trois; il faut que je découvre les romans d'Ishiguro... je garde un très bon souvenir de l'adaptation cinématographique des vestiges du jour.

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