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mercredi 11 novembre 2015

Venise : Instants parfaits

Venise : façades typiques

Au cours du mois italien d'Eimelle, en Octobre, Albertine a publié un billet sur les instants parfaits vécus en Italie que vous pouvez lire ICI :

" Dans la vie, il y a des "instants parfaits" où l'on se sent pleinement exister, animé de l'idée qu'on est exactement au bon endroit au bon moment. L'Italie est le pays qui m'a offert le plus de ces parenthèses enchantées, de celles que la mémoire peut reconstituer dans les moindres nuances. Je vous en dévoile un, et puis ce sera votre tour..."

Je me suis souvenue avoir rédigé un texte sur le même thème; il a disparu de mon blog à l'occasion de son transfert. Certes, il s'agit de prose mais j'espère que Asphodèle l'acceptera pour son jeudi poétique;  elle, qui nous a demandé de rédiger nous-mêmes notre texte pour Jeudi 12 Novembre.  

Voici deux instants parfaits à Venise, une ville qui a vite fait de vous retourner le coeur et la tête et de vous emporter au loin. Mais il y en a bien d'autres, je pourrais être intarissable sur ces instants priviligiés en Italie et vous?

Le nouveau Monde (1961)

Venise : un canal
Le premier souvenir remonte à mon adolescence et à ma première visite à Venise. Le soir de notre arrivée, ma mère et moi, nous partons vers la place San Marco. Nous sommes logées loin du centre, près de la gare, et nous prenons plaisir à nous perdre dans ces ruelles qui s'arrêtent brusquement sur des corti, petites places presque fermées sur elles-mêmes, ou sur des campielli à la Goldoni avec leurs maisons aux crépis rouges ou ocres qui s'effritent, leurs façades qui regardent vers l'intérieur, leurs  hautes cheminées à la Carpaccio. C'est un véritable plaisir, ce cheminement dans ces petites calli obscures qui s'étranglent et qui de solides se terminent en chemins liquides. Et puis cette succession de ponts en dos d'âne qui nous transforment en petits chèvres des montagnes, escaladant, descendant, encore et encore!
Mais rien, aucune photographie, aucun film, aucun récit, rien, ne peut préparer à la rencontre d’une telle beauté quand on débouche pour la première fois sur la place San Marco. Dans la semi-obscurité qui peu à peu enveloppe la place, les dentelles blanches du palais des Doges, les scintillements des mosaïques d’or de la cathédrale, les lignes élancées du campanile s'estompent doucement. Les lumières dorées qui éclairent les élégantes arcades des constructions entourant la place prennent le relais. La Piazza brille d’un éclat étrange, plein d'attente. Sur une estrade, au milieu de la place, un orchestre symphonique donne un concert d’été ouvert à tous. La foule est dense. Certains restent debout, recueillis, d’autres s’assoient à même le sol... une émotion ressentie par tous tandis que se déroulent les thèmes de La Symphonie du Nouveau Monde. La musique se déploie, monte jusqu'au ciel noir au-dessus de la Place de lumière et de la marée humaine qui observe un silence attentif. Par la suite, lorsque j’écouterai la musique de Dvorjak, ce ne sont pas les images des grands espaces du Nouveau Monde qui surgiront devant mes yeux. Ce sont les ors chauds de la Piazza San Marco qui viendront à moi et le sentiment éprouvé alors de beauté parfaite, partagé par chacun d’entre nous dans la magie de ce lieu.

Une fillette sous la pluie (1981)

Venise: place Saint Marc la nuit source

Des années plus tard quand je reviendrai à Venise avec mon mari et Aurélia, ma fille âgée de 4 ans, se reproduira un instant de grâce comme seule la Piazza peut nous réserver. Ce soir-là, il pleut. L’immense place est déserte, les promeneurs se sont réfugiés sous les arcades. Ils regardent la pluie, patiemment. Discussion, brouhaha... Les orchestres des cafés du Quadri et du Florian jouent sans conviction quelques airs languissants. Mezzo Voce... Attente. La pluie scintille sur le sol dallé qui devient miroir et reflète les lumières qui parent les arcades des Procuratie Vecchie de feux tremblotants.  Soudain, Aurélia s’élance, petite elfe minuscule sur l'immense place et commence à danser; elle tournoie sur elle-même, les bras écartés, la tête levée vers le ciel, heureuse. Les musiciens la voient, s’animent et entament une valse de Strauss, vive, légère. L'enfant suit le rythme, valse, valse, se grise de liberté et de musique. Les gens s’arrêtent de parler, la montrent du doigt et tous observent, silencieux, avec un sourire amusé, la jolie fillette blonde vêtue d’un ciré bleu, qui virevolte sur la place mouillée dans un ruissellement d'ors et de lumières.

Venise : café du Florian






Pour le challenge italien d'Eimelle il Viaggio dites-nous quels instants parfaits vous avez vécus  à Venise ou ailleurs en Italie. Alors, qui  se lance?

35 commentaires:

  1. Je me souviens très bien de ce texte où tu évoquais la danse d'Aurélia sous la pluie. L'image m'avait beaucoup marquée! L'Italie ne peut être synonyme que d'instants parfaits! :-)

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    1. C'est vrai, il y a de tels moments si souvent.. L'image d'Aurélia sous la pluie restera toujours en ma mémoire. C'est à cela que servent les voyages!

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  2. Instants plus que parfaits, d'exception et d'émotions, ton 2e texte ne peut que nous émouvoir aussi, ClaudiaLucia.
    Ca n'arrive qu'une fois ou deux dans une vie et cet éphémère exceptionnel devient indélébile dans la mémoire.
    Venise fait rêver, c'est vrai.
    J'adore aussi cette ville que j'ai vue sous le soleil et sous la pluie, pendant le Carnaval.
    Parfois, la prose vaut bien des vers !
    Gros bisous

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    1. Merci Soène, bises à toi aussi; en Italie ces moments d'émotion arrivent souvent.

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  3. Magie de l'enfance et magie des mots pour partager l'émotion vécue. Merci.

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  4. la ville parfaite pour les photographes mais qui va faire partie des lieux en grand danger malgré les digues en raison de la montée des eaux

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    1. Il y a encore un projet pharaonique pour la sauver mais arrivera-t-il au bout?

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  5. Saisissante beauté de l'Italie et de Venise dans tes mots ; j'ai éprouvé aussi ce sentiment d'être pleinement à ma place en Italie, ces instants de grâce qui illuminent une vie, et lui donnent parfois une raison d'être. J'aime particulièrement dans le premier passage, l'impression des petites chèvres grimpant et redescendant, c'est tout à fait ça ! Chapeau bas !

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    1. Merci! Je me demande si la France produit aussi cette émotion à ses visiteurs étrangers et si les italiens l'éprouvent dans leur propre pays?

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  6. On comprend que tu sois "premier prix ex-aequo", le jury a bon goût !
    j'aime aussi particulièrement ton deuxième texte. Il manque la photo de ce petit elfe tournoyant...mais peut-être as-tu été tellement émue que tu n'as pas pensé à la prendre en photo. C'est souvent ce qui m'arrive devant les instants de grâce.
    En tous cas, bravo pour ton texte.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Merci Célestine.. Mon petit elfe est bien grand aujourd'hui!

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    2. A célestine : Pour les photos, il n'y avait pas d'appareils numériques, ni de téléphone portable, donc on avait la photo moins facile. j'ai des photos prises dans la journée mais la nuit, je sortais sans mon appareil photographique.

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  7. Oui tu le mérites ton toi aussi ton premier prix ex-aequo ! Les vers et les pieds ne font pas un poète ! Elle est là la poésie, dans ces lignes et ces émotions que tu nous fais partager ! Qu'elle devait être belle Aurélia sous la pluie de la Piazza... Moi aussi j'ai connu un "instant parfait" à Venise mais au bord du Canal, au crépuscule un jour d'automne... L'Italie est une seconde patrie, celle de notre coeur, pour beaucoup... Tes deux textes sont des "instants parfaits" à eux seuls...

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  8. Merci ... J'espère que tu nous raconteras un jour ton instant parfait à Venise. Je vais maintenant aller voir les autres premiers prix ex-aequo!

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  9. Merci pour ce moment magique! Je n'y suis jamais allée et j'y étais...Et j'ai vu ce petit ange virevolter sur la place!
    Merci

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  10. très beau! une ville vraiment magique!

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  11. Des instants parfaits,cest le mot. Moi je en suis jamais allé à Venise. Ca n'a jamais "collé" avec ma vie.

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    1. Mais tu sais, on peut aller à Venise, n'en déplaise à Visconti, pas seulement pour mourir mais pour y connaître des moments parfaits!

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  12. Magique tout simplement ;0) Il faut absolument que je visite Venise un jour !!

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    1. Oui, Il faut y aller! Mais il faut apprendre quand on va à Venise à se perdre dans les quartiers pour apprécier l'authenticité de la ville même si la place San Marco avec toutes ces merveilles architecturales est vraiment magique surtout dans les saisons moins touristiques.

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  13. Deux très beaux textes, merci de partager ces instants parfaits. J'en ai aussi vécu pas mal en Italie, qui est un pays particulièrement propice à cela... du moins pour les amoureux de l'Italie que nous sommes.

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    1. C'est facile d'être amoureux de l'Italie si l'on aime l'art. Il est partout dans les rues, sur les places, des musées à ciel ouvert et pas seulement à Venise; j'ai un faible pour Florence aussi!

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  14. Comme Gwennaëlle je me souviens de la danse de la petite fille, un texte qu'on n'oublie pas

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  15. Quand la perfection fait une brève apparition, pour nous montrer qu'elle peut être de ce monde... très beaux textes.

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  16. Merci! Souvent on laisse passer ces moments privilégiés sans s'en apercevoir mais là, ce n'est pas le cas!

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  17. Tes mots sont justes et montrent bien cette petite fille heureuse tourner sous la pluie de Venise, bravo et merci de ce beau clin d’œil à la vie

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  18. Deux instants magiques que l'on voit se dérouler sous nos yeux :-)
    J'ai beaucoup cette balade dans les "petites calli obscures qui s'étranglent et qui de solides se terminent en chemins liquides" et bien sûr la petite fille dans son petit ciré bleu valsant comme seule une fillette de 4 ans peut le faire
    Bisesss Claudia Lucia

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