Paysage de la Nouvelle-Calédonie (source) |
Il y a quelques jours j'ai participé à une jeu poétique venu du Québec. Il s'agissait de partager son amour de la poésie avec d'autres personnes, inconnues ou non, dont on nous indiquait l'adresse mail, en envoyant un de nos poèmes favoris. Je vous ai d'ailleurs sollicités, chers amis blogueurs! Il faut croire que le jeu a voyagé puisque j'ai reçu, quant à moi, une poésie de la Nouvelle-Calédonie, Un soir de Septembre à Tihuiten, de Raymond Lacroix, envoyée par Régine G. que je remercie ici.
Raymond Lacroix : Voir sa biographie ICI "La mort d’un poète : Raymond Lacroix n’est plus" parue en Mars 2005 à l'occasion de son décès.
Un soir de Septembre à Tihuiten est un sonnet de facture classique qui montre l'influence française mais ce que j'ai le plus apprécié, c'est évidemment de découvrir l'île et sa culture.
Un soir de Septembre à Tihuiten
La cascade aux roseaux bourdonne son glouglou
Bordant la tarodière en pente évanescente
Près des billons fumants, le danseur dans la sente
Scande un rythme oublié de l'antique pilou.
C'est l'heure vespérale ou règne le Tabou.
Du banian défeuillé la roussette s'absente;
Sur la brise des monts que l'érythrine hante
Les grincheuses du soir descendent en vol flou.
Des brouillards indécis s'enrobent sur la chaîne.
Un bramement résonne et déferle à la plaine;
La sylve en harmonie entonne sa chanson;
Le chant lent des notous retentit dans la gorge
Puis s'égrène aux grands pans que partout l'écho forge;
Mais tout âme bientôt s'apaise à l'unisson.
Raymond Lacroix
Le pilou est la danse traditionnelle kanake. Elle tient son nom des missionnaires français en Nouvelle-Calédonie. Les pilous marquent les grandes cérémonies mais aussi des événements plus mineurs : il existe des "pilous de guerre", des "pilous de deuil", ou encore de simples pilous d'adieu lors du départ d'une personne d'importance.
Généralement, une tribu invite des tribus amies. La tribu invitante
fournit la nourriture, les tribus invitées apportent des présents. Le chef de la tribu invitante prononce un discours. Une cérémonie a lieu. La danse consiste à tourner selon une spirale, hommes et femmes séparés, au son des instruments qui marquent la cadence, tambours en bambou et tambourins en écorce frappés l'un contre l'autre. Les hommes portent leurs armes, alors que les femmes portent des rameaux ou des bâtons. Les guerriers simulent des combats.
La dernière partie est une boria, danse totalement différente, mêlant les genres, en une sorte de piétinement lourd et rythmé, « réplique et préfiguration de cette occupation des défunts » (Leenhardt, Do Kamo, 112). La foule gesticule, martèle le sol, pilonne, écrase, en mesure.
Chaque danse invente sa propre chorégraphie. (source Wikipédia)
Rendue célèbre lors de l'exposition coloniale de 1931 à Paris où les kanaks amenés de leur île furent présentés comme des sauvages cannibales, la danse a connu un vif succès dans
la bonne société parisienne qui l'avait adoptée et.. adaptée! Les
autorités françaises et l'église catholique considéraient cette danse
comme indécente. Elle fut interdite en 1880 mais les cabarets continuèrent à l'offrir aux touristes.
Banians (source) |
Les billons : désigne spécifiquement le monticule de terre allongé dans lequel sont cultivées
les ignames. Les billons des anciennes cultures d'ignames des Mélanésiens étaient
particulièrement importants, hauts de plus de 1 mètre, larges de 3 m, ils s'étendaient
sur plusieurs dizaines de mètres en plusieurs rangs et permettaient d'obtenir
des ignames atteignant plus d'un mètre de longueur. (source)
Voici aussi les explications données, à la suite de ce poème, par Pierre de Saint Steban, commissaire général de la Marine et que vient compléter Régine G. qui nous a fait découvrir ce sonnet.
La tarodière est un lieu planté de taros, plantes tropicales de la famille des aracées, dont les tubercules sont comestibles.
Le taro (source) |
Le taro (source) |
Les grincheuses sont les
roussettes, grosses chauves-souris dont la chair très fine est très appréciée des Calédoniens de toute origine et dont les poils tressés servent à faire des colliers et des bracelets.
Roussette de Nouvelle-Calédonie (source) |
La chaîne, c'est ainsi qu'est appelée la montagne calédonienne.
La chaîne : la montagne calédonienne (source) |
Les notous sont de gros pigeons autochtones, en voie de disparition parce que trop chassés.
Paysage de Nouvelle-Calédonie (source) |
"La Nouvelle-Calédonie, écrit Régine, pays paradisiaque tant que
l'ambition et la politique ne s'en mêlent pas! Habitants multicolores,
les marins ont laissé des enfants, certains a la "retraite" ont pris
femme sur le territoire marin : italiens, anglais,
danois, allemands, français, prisonniers politiques, mais aussi paysans
aventureux, indochinois, chinois, réunionnais(qui ont apporté... les arbres à
fleurs!), pieds noirs, antillais.... Chacun a trouvé sa place même si on
titille la vieille culpabilité coloniale, ce n'est pas le petit blanc qui a fait fortune aux dépends du Canaque!"
Dans le cadre La poésie du Jeudi Chez Asphodèle
Dans le cadre La poésie du Jeudi Chez Asphodèle
Il m'a fallu effectivement passer par ton explication du vocabulaire avant d’apprécier le poème.
RépondreSupprimerEffectivement certains mots ne sont pas évidents.
SupprimerCurieuse, je suis allée chercher des informations sur Raymond Lacroix. Et j'ai découvert qu'il appréciait Théodore de Banville, au point d'avoir rédigé sa biographie (originale, historique et documentaire).
RépondreSupprimerOUi, J'ai vu qu'il avait écrit sur Banville. Il doit admirer en lui, le poète parnassien, la perfection de la forme.
SupprimerBonjours cette ecrivain raymond lacroix ne en nouvelle caledonie n a pas écrit sur Vanillé c' est un homonyme et écrivain.
SupprimerDécrit avec amour, on s'y croirait dans ce pays lointain. Merci pour cette jolie découverte
RépondreSupprimerDécouverte pour moi aussi; Je ne connais pas du tout la poésie de Nouvelle Calédonie et ce poème grâce à Régine m'a donné un aperçu.
SupprimerBelle découverte, merci pour toutes les explications (et je suis ravie de retrouver ici l'érythrine qui me rappelle le bel arbre corail de Bormes les mimosas).
RépondreSupprimerL'érythrine à Bormes-les-mimosas? je ne savais pas que cela pouvait pousser chez nous. C'est un arbuste splendide.
Supprimer"C'était un jour de grand bougna" ! Voilà ce que l'on dit avant de danser le pilou : le bougna étant le plat traditionnel des fêtes, il cuit sous terre (viandes, taros, ignames, poissons, lait de coco) recouverts par des feuilles de bananier et c'est délicieux ! Ce poème et cette image me parlent tu penses, puisque j'y ai vécu presque 8 ans sur ce beau Caillou ! En revanche, je n'ai jamais entendu parlé de Tihuiten (qui est peut-être un nom mélanésien d'un lieu-dit) mais le paysage que tu montres ressemble un peu à celui des environs de Yaté, au sud de la Calédonie avec ses niaoulis tordus... Les cerfs sont très très nombreux et causent beaucoup de dégâts dans les propriétés qui ne les chassent pas (récemment ils ont été obligés d'en chasser pour préserver l'équilibre de la flore). Quant aux roussettes, faut aimer...Je n'ai jamais pu en manger en ragoût mais les achards de roussette sont délicieux ! Quant au notou...je connais le cagou, cet oiseau à tête blanche, emblème de la Calédonie et aussi en voie de disparition, au cri très particulier... Et comble du comble, je ne connais absolument pas ce poète qui effectivement devait être très discret ! ;) Mais j'aime ses vers et sa "facture classique" ! A creuser en ce qui me concerne ! Merci Claudia de m'avoir ramenée 30 ans en arrière ! Et d'avoir revu ces paysages du Caillou d'un oeil différent... :) Bisous :)
RépondreSupprimerJe vois que tu en as gardé un souvenir impérissable! Et cela se comprend!Tu donnes envie d'y aller! J'ai cherché Tihuiten et je n'ai pas trouvé. Les photos des paysages que j'ai publiées (j'ai cité mes sources) ont été choisies au hasard pour leur beauté mais je ne sais pas où ils se trouvent.
SupprimerEt je ne t'ai pas dit mais le banian est un de mes arbres préférés, les centenaires offrent des troncs noueux de racines enchevêtrées propices à toutes les rêveries comme aux légendes les plus folles...
RépondreSupprimerUn arbre que je ne connais que de nom! Quelle chance d'avoir vécu là-bas! C'est un beau "Caillou"!
SupprimerPoésie et culture, les deux font bon ménage dans cette visite d'une culture différente que mets bien en valeur le style parfait du sonnet !
RépondreSupprimerTu as raison, la forme du sonnet est parfaite, c'est pourquoi cela ne m'étonne pas qu'il ait travaillé sur Théodore de Banville.
SupprimerSe laisser bercer de mots doux et exotiques et apprendre plein de choses : un deux-en-un bien agréable !
RépondreSupprimerMerci Claudia Lucia pour ce partage somptueux en mots comme en photos.
¸¸.•*¨*• ☆
Les mots exotiques et les photos (qui, hélas ne sont pas de moi; Je ne suis jamais allée là-bas!) sont aussi un plaisir pour moi; je le partage volontiers.
SupprimerQuel billet complet !
RépondreSupprimerLa photo accompagne parfaitement le poème.
Merci! Le poème est l'occasion de découvrir un autre pays bien différent du nôtre.
SupprimerTon billet me fait prendre conscience que j'avais mis ton mail de côté pour m'en occuper et que j'ai complètement oublié ! honte à moi ... Merci pour les explications qui permettent de mieux saisir le poème (il va rappeler sans doute des souvenirs à Asphodèle).
RépondreSupprimerCe n'est pas grave! Tu as eu bien d'autres choses à penser! Finalement j'en ai reçu trois dont celui-ci de Calédonie. Je n'ai pas encore demandé à ma nièce qui m'avait envoyé le jeu si elle a reçu des poèmes.
SupprimerUn voyage au bout du monde pour ce dimanche ....une découverte pour moi ce poète
RépondreSupprimermerci pour les explications et les photos
Bon dimanche ClaudiaLucia
Oui, ce qui m'a plu dans le poème c'est le pays qui est autour!
SupprimerBon dimanche à toi aussi Valentyne.
(1) Tiuihen : Se prononce Ti-oui-hène ; h, fortement aspirée avec accent tonique sur hen . C’est une vallée de la Haute Tiponite au pied des forêts dans la région du Vieux-Touho sur la côte est de la Nouvelle Calédonie.
RépondreSupprimer