Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil » et sa charmante « alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. Elle rembourse chaque mois sa dette en rognant sur les dépenses du ménage et en se privant de tout. Mais l’avocat qui veut obtenir un poste dans la banque dont Helmer est devenu le directeur la menace de la poursuivre en justice si Helmer ne lui donne pas satisfaction. Nora désespérée pense que Helmer va vouloir prendre sa faute et se faire condamner à sa place. Elle est prête à mourir plutôt que d’envoyer son mari en prison. Mais lorsque celui-ci apprend la vérité, il accepte le chantage de Krogstad et condamne sévèrement la jeune femme. Furieux, il décide de la séparer de ses enfants car elle ne lui paraît pas digne de les élever. Aussi lorsque l’avocat renonce à la poursuivre, Nora refuse de jouer à nouveau à la maison de poupée, avec un mari redevenu indulgent; elle prend conscience qu’elle n’a jamais pu être elle-même et décide de partir pour être libre et devenir enfin adulte.
Jane Fonda dans le rôle de Nora |
Une maison de poupée est ma pièce préférée de Henrik Ibsen. Le thème féministe qui m’intéresse particulièrement y est pour beaucoup évidemment. Il pose le problème de la liberté de la femme toujours considéré comme une mineure dans une société où elle doit tout attendre de son mari.
Le mot « féministe » nous explique Régis Boyer dans les notes écrites à propos de La maison de poupée n’est pas le terme qui convient précisément à Ibsen. Il était surtout moraliste et la double morale pratiquée en son temps entre l’homme et la femme, - douce et indulgente pour l’un et implacable pour l’autre- le révoltait. Il écrivait : « Une femme ne saurait être elle-même dans la société de notre temps, c’est une société exclusivement masculine avec des lois écrites par des hommes et avec des accusateurs et des juges qui condamnent la conduite d’une femme d’un point de vue masculin. »
Or ce thème est traité ici d’une manière relativement optimiste, qui donne du baume au coeur, grâce au personnage de Nora. On sent toute la tendresse de Henrik Ibsen envers ce personnage qu’il a doté de grâce, de vivacité (écureuil, alouette), de sensibilité mais aussi d’intelligence et de courage. Elle dit adieu à son confort douillet, à ses enfants, car elle ne peut vivre dans le mensonge, continuer à faire semblant. Nora est une enfant qui devient une adulte devant nos yeux, qui prend conscience de la réalité et qui n’accepte pas les compromis. La conduite de son mari envers elle lui dessille les yeux, elle acquiert la lucidité et elle dénonce une société qui maintient les femmes dans l’ignorance et dans l’enfance mais qui les stigmatise quand elles ne connaissent pas les lois et commettent des erreurs. Ibsen signifie par là que tous les individus, femmes ou hommes, ont le droit d’être eux-mêmes, de chercher leur « vérité » et de refuser le « mensonge vital », celui de Peer Gynt ou des personnages de La cane sauvage.
Inutile de dire encore une fois que le dénouement de la pièce fit un scandale : une femme qui quitte son mari et qui abandonne ses enfants avait peu de chance de rencontrer la compréhension. D’ailleurs en est-il autrement aujourd’hui?
Bravo à : Aifelle, Eeguab, Keisha... et merci!
Une maison de poupée pièce de Henrik Ibsen
Le film : Une maison de poupée de Joseph Losey
Y avait-il déjà ces flèches en haut de l'écran qui facilitent la circulation ? Bien ! Elles viennent de me jouer un tour, j'ai effacé, je reprends :-)
RépondreSupprimerOui, "Maison de poupée" est un chef-d'oeuvre. Ibsen y fait un beau portrait de femme et montre le processus de l'émancipation - quel rôle pour une actrice !
Le dénouement questionne et ne manquait pas de susciter la discussion chaque fois que je suis allée voir la pièce avec mes élèves.
Le film a des aspects décevants. Le réalisateur Joseph Losey ajoute des scènes pour montrer (comme si le spectateur était idiot!) ce qui n'est pas dit dans le texte sinon d'une manière allusive.
RépondreSupprimerD'autre part le jeu des hommes (Torvald et Korgstad) est à la limite du supportable, sans nuances et sans finesse. Jane Fonda n'est pas mal mais sans plus. On ne voit pas assez son évolution.
j'aime beaucoup cette pièce, j'en avais vu une belle version au théâtre il y a quelques temps!
RépondreSupprimerQue j'aimerais la voir sur scène!
Supprimeril y a toujours un peu de théâtre chez toi, c'est appréciable. J'aime beaucoup cette pièce, j'ai vu une belle représentation un jour (il y a belle lurette!)
RépondreSupprimerOui, j'aime beaucoup le théâtre! Evidemment,je préfère le voir sur scène que le lire et je n'ai pas à me plaindre pour cela car, habitant Avignon,j'ai l'occasion de voir de nombreuses pièces pendant le festival. Je n'ai, cependant jamais vu La maison de poupées.
SupprimerDavantage portée sur les romans, la peinture et la musique (Peer Gynt, par exemple) scandinaves plutôt que sur le théâtre, je découvre la teneur de cette pièce d'Ibsen dont je ne connaissais que le titre.
RépondreSupprimerMerci pour cette parfaite analyse.
En fait, pour le théâtre norvégien, je ne connais que Henrik Ibsen.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé lire cette pièce qui se lit d'un trait et c"est surement à la suite d'un de tes billets sur Ibsen, cela me paraissait la plus facile à aborder et la plus intéressante de mon point de vue bien sur.
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