De pierre et d’os de Bérengère Cournut paru aux Editions Le Tripode est un joli livre-objet qui présente une jaquette aux grands rabats, avec une illustration (de Juliette Maroni) pleine de douceur, le soleil illuminant les glaces de la banquise et les sommets des montagnes gelées. Au premier plan, des restes d’un squelette d’animal et un inuit tenant sa lance, au second, un ours blanc, bleuté, presque effacé par la neige qui tombe à gros flocons. Des photographies anciennes sont insérées la fin du volume.
Cette douceur cache une réalité beaucoup plus dure. C’est ce que nous décrit l’auteure qui connaît bien les inuits pour les avoir étudiés dans les fonds d'archives de Paul-Emile Victor et de Jean Malaurie à la bibliothèque centrale du Museum d'Histoire naturelle à Paris. En effet, derrière la beauté du paysage, on découvre des conditions de vie très éprouvantes, où la mort côtoie la vie à chaque instant, une lutte pour la survie afin de trouver la nourriture, de ne pas succomber à la famine mais aussi au froid et à l’hiver qui plonge ce peuple dans les ténèbres. Pas étonnant alors, que ces étendues désertiques et inhospitalières soient hantées par des esprits qui se mêlent à la vie des humains, les dirigent, les protègent ou au contraire leur veulent du mal.
Aussi lorsque la jeune Uqsuralik est séparée de sa famille par la rupture de la banquise, elle semble condamnée à une mort certaine. Mais heureusement, son père a fait d’elle une excellente chasseuse, dotée de courage et de bon sens. Elle possède des dons qui feront d'elle, dans l'avenir, une femme puissante. Quand elle rencontre une famille qui l’adopte, elle pourra se croire sauvée. C’est sans compter sur les hommes qui, eux aussi, parfois, constituent un danger pour leurs semblables.
Bérengère Cornut présente un beau roman initiatique et nous permet d’accompagner Uqsyralik dans les différentes phases de sa vie. Nous vivons la vie quotidienne des inuits, nous partageons leurs croyances, leurs peurs, leurs joies et leurs peines, les moments de tendresse et de haine.
A la prose simple et pure de Bérengère Cournut qui rend compte de la beauté de la nature, fleurs de la toundra, bruits, souffle du vent, craquement de la glace, succèdent des chansons-poèmes qui révèlent l’âme des Inuits, un monde peuplé de mystères et d’êtres surnaturels. La nature forme avec l'être humain comme avec les autres animaux un tout que l'on ne peut dissocier. La vie est vécue comme un combat mais est aussi avec le respect des lois de la nature et l'acceptation de la mort. Le réel et le fantastique s’allient pour former un livre à la fois solidement documenté et plein de poésie.
De pierre et d’os a obtenu le prix FNAC 2019
PS : et oui encore un livre de la rentrée littéraire, j'ai craqué !
Photographie d'une famille inuite par George R. King1917 |
Uqsuralik accouche seule sur la banquise pendant que se lève la tempête. La femme et la tempête semblent être unies dans le même "travail".
Depuis le rocher sur lequel je me tiens, je regarde comment le vent travaille la surface de l'eau. A chaque rafale, le lac est strié d'un millier de griffes. A chaque nouvelle contraction, mes ongles creusent méthodiquement des sillons dans ma chair. Des gémissements semblables à ceux du vent commencent à sortir de ma gorge. Un éclair déchire enfin l'horizon, je pousse mon premier cri. Il est suivi d'un roulement de tonnerre - mes os frémissent.
Je voudrais inspirer pour reprendre mon souffle, mais le vent s'engouffre dans ma cage thoracique. Les rafales forcent mes côtes les unes après les autres. Je tombe de mon rocher - dans l'eau.
Sur la toundra, les fleurs forment de grands tapis jeunes, rouges et violets, qui commencent juste à roussir. Les baies foisonnent, j'en fais grande provision. C'était un délice, l'autre jour, que de pouvoir les tremper dans le sang de phoque encore chaud. Ca change des oiseaux à la chair fine et aux os craquants.
« Les Inuit sont un peuple de chasseurs nomades se déployant dans l’Arctique depuis un millier d’années. Jusqu’à très récemment, ils n’avaient d’autres ressources à leur survie que les animaux qu’ils chassaient, les pierres laissées libres par la terre gelée, les plantes et les baies poussant au soleil de minuit. Ils partagent leur territoire immense avec nombre d’animaux plus ou moins migrateurs, mais aussi avec les esprits et les éléments. L’eau sous toutes ses formes est leur univers constant, le vent entre dans leurs oreilles et ressort de leurs gorges en souffles rauques. Pour toutes les occasions, ils ont des chants, qu’accompagne parfois le battement des tambours chamaniques. » (note liminaire du roman)
Comme tu racontes bien ! Il me souviens d'un livre dont le titre serait "Agaguk".Je ne me souviens que de bribes dt la naissance de l'enfant édenté ce qui surprend les parents car ne pas avoir de dent serait une infirmité. Je ne sais plus rien du reste de l'intrigue mais au fond l'oubli est une chance qui permet la redécouverte.
RépondreSupprimerJe me souviens vaguement de cette histoire mais c'était un film et non un livre.
Supprimer"De pierre et d'os" ce titre me rappelle une exposition que j'ai vu au Palais de la Découverte sur Paul Émile Victor. Les peuples du grand Nord disposent aussi de "bois flotté" à défaut d'avoir des arbres. Ils s'en servent pour créer des objets, des masques...
RépondreSupprimerCela ne m'étonne que le livre te rappelle Paul-Emile Victor puisque l'auteure a travaillé à partir de ses archives, entre autres.
SupprimerMais si c'était un roman (voir ICI). Je n'allais pas au cinéma à l'époque. Je l'ai laissé dans la maison familiale et l'aîné de mes petits frères a fait le tri. Ce qui n'est pas très grave. Je regrette plus les lettres reçues de et envoyées à mon père pendant les deux ans que j'ai passés au Maroc
SupprimerA propos des logements sociaux : mon petit fils habitait le 19eme qui jouxte Belleville et le 20eme. Son meilleur ami habitait dans un foyer avec sa maman. Il ne devait pas y avoir de papa. Et bien ils ont déménagé dans le 16eme où on leur a attribué un logement social...
RépondreSupprimerC'est bien.
SupprimerSûrement un livre à lire pour combattre nos petites douleurs.
RépondreSupprimerOui, notre vie est tellement plus facile ! C'est ce que tu veux dire ?
Supprimerj'ai craqué aussi à cause du sujet mais pas encore lu, j'ai lu déjà un ou deux avis positifs c'est bien je me réjouis de le lire
RépondreSupprimerMoi aussi,le sujet m'a tout de suite intéressée.
Supprimerà lire sous la canicule, pour se rafraîchir les idées :-)
RépondreSupprimerLà, tu auras froid, c'est sûr !
SupprimerC'est drôle ta remarque et si vrai en même temps. Je me souviens de lorsque j'ai lu un des premiers Arnaldur Indridason, la cité des jarres ou la femme en vert. J'avais l'impression qu'il pleuvait sur mon lit et l'eau n'était pas chaude...
SupprimerJ'avais lu jusqu'à présent deux avis contradictoires à son sujet, tu viens de faire pencher la balance du bon côté ! C'est vrai que l'objet est attirant, je n'ai pas pu m'empêcher de le feuilleter..
RépondreSupprimerSi tu t'attends à un livre ethnolgique tu peux être déçue.. C'est tout autre chose, même s'il nous apprend beaucoup sur la civilisation. Je crois que ce qui surprend c'est que le livre épouse le point de vue de la jeune inuit donc on n'apprend pas comment vit la jeune femme, ce qu'elle pense, on pense comme elle et on croit à ce qu'elle croit même si c'est de l'ordre du surnaturel..
SupprimerOn sent que ce livre t'a enchantée, je l'ouvrirai à l'occasion.
RépondreSupprimerOui, c'est une jolie découverte.
SupprimerMais c'est bien de craquer pour une parution de la rentrée littéraire si ça vaut le coup ! Et celui-ci, visiblement, vaut la peine d'être lu !
RépondreSupprimerBon week end.
Je m'étais dit que cette année, je lirais mes livres en attente mais la rentrée me plaît trop!
SupprimerC'est un des livres qui me tentent le plus dans cette rentrée littéraire. Je l'attends à la bibliothèque.
RépondreSupprimerJe peux te l'envoyer, si tu veux.
SupprimerElle conquiert les blogs ! Je l'ai acheté également.
RépondreSupprimerJ’en entends beaucoup parler, mais je ne pense pas l’acheter (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerJe peux te l'envoyer en livre voyageur.
SupprimerMerci beaucoup, mais quand je disais acheter, je pensais à lire, car je ne sais pas pourquoi mais ce livre ne m’attire pas...(Goran : https://deslivresetdesfilms.com)
SupprimerCoup de coeur de ma libraire qui me l'a chaudement recommandé. Tu en rajoute une couche !
RépondreSupprimerEt oui, je pousse au crime, à brûler la carte bleue ! Je peux le mettre en livre voyageur.
SupprimerJ'ai beaucoup aimé Née contente à Oraibi de cette auteure. Je ne peux qu'avoir envie de déouvrir celui-ci!
RépondreSupprimerDaphné
Je te l'envoie en livre voyageur avant de partir en voyage le 17. Il faut juste que j'y pense et que je te demande ton adresse.
SupprimerOh mince, je viens seulement de voir ta réponse : c'est trop tard du coup puisque tu pars demain... on voit ça à tonr etour alors. Je te souhaite un beau voyage!
RépondreSupprimerDaphné