Ce roman de Kjell West, Un mirage finlandais a obtenu le prix de littérature du conseil nordique. Et il faut dire qu’il le mérite.Voilà le résumé de la quatrième de couverture mais élagué parce que je trouve qu’il en dit trop.Matilda Wiik est une sténodactylo hors pair. Elle travaille à Helsinki pour l'avocat Claes Thune. Ce soir de mars 1938, le Club du mercredi - un groupe de gentlemen qui se retrouvent chaque mois pour refaire le monde - est réuni dans le cabinet de son patron. Soudain, Matilda reconnaît la voix d'un homme qu'elle aurait préféré oublier...
Le roman est qualifié de « roman à suspense » car nous n’apprenons à qui appartient la voix reconnue par Matilda qu’au dénouement. Et c’est vrai que rester dans l’ignorance tout au long du roman génère un malaise et découvrir qui est, en définitive, ce personnage crée un effet de surprise assez fort. Ce « suspense», donc nécessite de la part de l’auteur une habileté dans la construction du récit et dans la façon de le mener à terme sans rien révéler. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus frappée dans ce roman. Non, c’est d’abord l’aspect historique qui dévoile une période noire de la Finlande en 1918 dont je n’avais jamais entendu parler. C’est ensuite la peinture psychologue des personnages qui sont tous assez complexes, marqués par leur position sociale et leur passé plus ou moins tragique. L’on s’intéresse à leur histoire, la petite, à côté de la grande Histoire, et l’on entre dans leur univers et leurs pensées.
La Finlande a été traversée par une guerre civile meurtrière en 1918. En effet, au moment de l’indépendance en 1917, la Finlande qui était alors un Grand duché sous domination russe, voit sa population se diviser entre les Rouges, sociaux démocrates, ouvriers, travailleurs agricoles et les Blancs, paysans, classe moyenne, bourgeoisie. Les Rouges étaient soutenus par les Soviétiques et les Blancs recevaient l’aide de l’armée allemande.
La guerre dure quelques mois du 25 Janvier au 15 mai 1918 et se termine par la victoire des Blancs; elle fait 39 000 morts dans un pays qui comptait 3 millions d’habitants.
Prisonniers rouges |
La répression des Blancs est terrible. Les Rouges enfermés dans des camps de prisonniers meurent de faim, de maladie et de maltraitance. Kjell Westö place l’action de son récit en 1938, autre période troublée, avec la montée du nazisme et l’approche d’une autre guerre. Les conversations du patron de Matilda et de ses amis ou clients rendent compte du climat délétère qui règne alors, les pro-germanistes sont gagnés par l’idéologie nazie sur fond d’antisémitisme. Kjell Westo a le courage de dénoncer dans ce livre, un scandale lié à la sélection des Jeux olympiques de 1940 qui devaient avoir lieu en Finlande. Deux époques de l’histoire de la Finlande se chevauchent ainsi mettant en scène des personnages qui ont vécu les deux.
Le personnage de Matilda Wiik est impressionnant. Que se cache-t-il derrière la façade calme et sévère de « la proprette Mme Wiik, de ses gestes parfaitement maîtrisés, de cette apparence nette et classique, cette rigueur dans son travail de parfaite secrétaire qui ne trahit jamais aucun sentiment ? Et qui est cette demoiselle Milja qui lui succède parfois et qui n’en fait qu’à sa tête, folle et fantasque ? et Matilda, prise entre la demoiselle Milja et madame Wiik, n’est-elle pas la femme sensible, certes tourmentée et malheureuse, mais que l’on peut encore atteindre ? C’est ce que se demande son patron, l’avoué Clas Thune. Celui-ci est un patron fort sympathique, un peu paumé, pas très heureux lui non plus, qui essaie de comprendre ses employés et s’intéresse à l’être humain en dehors de toute considération sociale, même si son éducation bourgeoise ne lui permet pas de se sentir à l’aise avec des ouvriers. Les rapports sociaux sont très finement observés et décrits.
Tous les personnages secondaires sont intéressants, denses, complexes et font revivre cette société d’entre deux guerres en nous menant vers un dénouement auquel on ne s’attend pas forcément… ou peut-être que si !
Un très beau livre!
J'avais beaucoup aimé ce roman, moins le suivant. Très ancré dans l'histoire finlandaise et très bien construit.
RépondreSupprimerC'est le seul que j'ai lu de cet auteur mais celui-ci est réussi!
SupprimerTon billet est très intéressant et très tentant. Je ne connaissais pas non plus cette évènement de l'histoire finlandaise.
RépondreSupprimerRien de mieux que le roman (quand il est bon) pour apprendre l'histoire d'un pays vue par le petit bout de la lorgnette, c'est à dire au niveau de l'individu.
SupprimerVoilà un roman dont on parle peu!!!
RépondreSupprimerJe ne sais pas s'il connu ou pas. Moi, je le découvre.
SupprimerJe ne sais qui n'aurait pas envie de lire ce livre une fois lu ton analyse!
RépondreSupprimerMerci ! alors j'espère que tu le liras.
SupprimerCela m'intéresse, ne serait-ce que pour le contexte historique, que je ne connais pas...
RépondreSupprimerC'est un bon roman et le contexte historique est très intéressant et ceci, d'autant plus, qu'il se déroule sur deux époques différentes.
SupprimerMerci. Je crois que c'est le côté grande et petite histoire qui m'intéresse le plus. J'ai une très bonne amie Finlandaise qui me parle souvent de son pays...j'aurai de quoi lui répondre (ou du moins mieux la comprendre).
RépondreSupprimerUn moment très sensible de l'histoire finlandaise. Il paraît que selon le côté où ils se situent, les finlandais donnent à cette guerre des noms différents, les termes "guerre civile" restant le plus neutre.
SupprimerMoi non plus je ne connais pas du tout cette période ! Je note pour le moment où je me lancerai dans la littérature finlandaise...
RépondreSupprimerOui, je fais une petite "collection" de livres finlandais.
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