Dans Parle-moi, T C . Boyle présente un récit qui ressemble beaucoup à l’histoire vraie du bébé chimpanzé Nim élevé par la famille Lafarge comme l’un de ses enfants puis abandonné lorsque l’on n’eut plus besoin de lui, l’expérience scientifique étant arrivée à son terme et les subventions coupées. Comme Nim, le chimpanzé Sam connaît plus d'une centaine de mots et peut les lier dans des combinaisons différentes, il ressent des émotions et parvient à les exprimer, comme un enfant, il n’aime pas aller à l’école et étudier, il aime faire des farces et rire, adore les câlins, la pizza, les bonbons, le coca et les jouets et surtout il ne se voit pas comme un chimpanzé mais comme un être humain.
Sam passe à la télévision, ce qui plaît beaucoup au professeur Guy Shomerhorn qui espère ainsi booster sa carrière et recueillir les honneurs. Mais le chimpanzé appartient au grand patron Moncrief, un personnage suffisant, antipathique et sans empathie. Lorsque l’apprentissage du langage est remis en cause, Montcrief ne traite plus Sam comme un enfant d’humain mais l’enferme dans une cage pour la reproduction avec d’autres primates qu’il vend ensuite à des laboratoires pour des expériences médicales. La seule qui éprouve une réel amour pour Sam, sans calcul et sans égoïsme, c’est Aimee, l’étudiante et la maîtresse de Guy, qui comprend le désarroi du chimpanzé privé d’un seul coup de tout ce qui faisait sa vie, de l’affection, des soins, des privilèges de son statut d’enfant-roi, enfermé avec des « bestioles noires » qui lui font peur, ne savent pas parler et en qui il ne se reconnaît pas. L’humaniser pour le rejeter ensuite, comme il est fait dans le roman pour Sam et dans la réalité pour Nim, est une action irresponsable.
Les humains minimisent les acquis linguistiques de Sam, son intelligence, refuse de voir les ressemblances existant entre son espèce et la nôtre, pour ne pas être dérangé et pouvoir continuer à l’utiliser sans se sentir coupables. Le reconnaître dans son individualité et sa personnalité, en effet, c’est admettre que l’homme n’a pas le droit d'abuser de lui et qu'il faut des lois pour le protéger. Quand je faisais mes études de Philo, on nous apprenait que les animaux n’avaient pas d’intelligence et d’émotions, qu’ils agissaient uniquement par instinct. Les éthologues ont bien fait évoluer les mentalités mais les préjugés ont la vie dure surtout quand il s’agit de défendre les intérêts des laboratoires pharmaceutiques.
Ce roman, très proche donc de la réalité, pose les limites de notre responsabilité envers les autres espèces. Il soulève des questions d’éthique, en particulier, sur la manière dont nous nous comportons envers les primates qui partagent 98% de notre patrimoine génétique. Le chimpanzé est très proche de nous. Il éprouve comme nous bien des émotions communes, l’amour, la joie, la tristesse, la colère, la jalousie, l’humour, la culpabilité, la honte, et à ce titre la manière dont Sam (ou Nim) est traité tient de l’esclavagisme, de l’exploitation et de la cruauté.
Mais il ne faut pas nier, non plus, qu’il ne peut pas aller contre sa nature. C’est aussi lui manquer de respect que de vouloir le détacher de son espèce, en faire un étranger aussi bien chez les siens que chez les humains. C'est une vérité qu'Aimee est bien obligée d’admettre lorsqu’elle vole Sam à son propriétaire pour le libérer et s'occuper de lui, dans une cavale qui ne peut que mal se terminer.
Un roman intéressant et qui a le mérite de nous faire réfléchir !
Voir l'article sur Nim : Le chimpanzé qui se prenait pour un enfant
Il me semble l'avoir lu, en tout cas c'est intéressant comme histoire (et tristement révoltant)
RépondreSupprimerJ'avais bien aimé, sur le même thème, Nos années sauvages de Karen Joy Foyler. Et j'ai vu récemment un reportage sur la femelle chimpanzé que Léo Ferré considérait comme sa fille, là aussi ça a fini par dégénérer, l'animal a été abattu parce qu'en grandissant, sa nature sauvage a en partie repris le dessus...
RépondreSupprimerC'est un roman? J'avais entendu parler d'une expérience qui s'est vraiment déroulée.
RépondreSupprimerNous avons eu quelques mois un bébé guenon à la maison mais elle était tellement jalouse des enfants qu'elle nous a rendu la vie impossible en nous terrifiant. Un singe cela peut grimper en haut d'une porte ou d'une armoire et nous mordre. On a été forcé de s'en débarrasser;
Quelle histoire révoltante, mais il y a tant à dire sur les rapports entre les hommes et les animaux , j'habite à côté d'une plage où jusqu'en juin les chiens sont admis en principe en laisse ... voilà la dernière réflexion que j'ai entendu, ma petite fille de 8 ans a peur des chiens et elle court vers moi, le chien lui court après , et la "maman" du chien me dit mais il faut qu'elle se maîtrise sinon elle se fera mordre !
RépondreSupprimerJe n'ai lu que L'enfant sauvage de l'auteur que j'avais d'ailleurs beaucoup aimé. Tu me tentes pour ce titre, merci !
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