La Varienne est domestique. Elle est demeurée, "abrutie", disent les gens, autour d'elle. Elle exécute ses tâches quotidiennes régulièrement, mais sous l'enveloppe charnelle, il n'y a rien, pas de lueur d'intelligence, un corps sans conscience. La Varienne a une fille, Luce, qu'elle l'adore. Entre la mère et la fille existe un amour étroit, une symbiose qui se passe de mots. Tous deux vivent heureuses dans leur univers borné mais leur tranquillité vole en éclats quand Luce est scolarisée. La Varienne souffre d'être séparée de sa fille. La petite résiste à l'instruction par fidélité à sa mère. L'institutrice, Mademoiselle Solange, ne veut pas s'avouer vaincue. Alors que tout le village penche pour une sorte de déterminisme : à mère demeurée, fille de même, elle essaie d'arracher Luce à l'ignorance; elle cherche à percer les brumes de sa conscience pour la faire émerger dans un monde signifiant. Son insistance va provoquer un drame. Pourtant après la mort de l'institutrice, l'on s'aperçoit que les leçons de l'enseignante ont porté leurs fruits, l'enfant accède à l'intelligence, au savoir.
Cette courte histoire très forte est distillée à petites phrases brèves, avec une économie de mots, une retenue qui peint le quotidien simple et rituel, le manque de réflexion qui préside aux actes de ces deux femmes prises dans la gangue de l'ignorance. Le présent de l'indicatif est celui de l'habitude, des gestes que l'on accomplit sans réfléchir tellement ils sont machinaux, familiers.
Abruties, elles vivent une lourdeur opaque dans le crâne, fleur endurcie en bouton, qui fait bosse... Le monde est opaque, seulement familier dans la buée de la cuisine, la main tenant la louche ou soulevant la casserole pleine d'eau qui bout.
Cette courte histoire très forte est distillée à petites phrases brèves, avec une économie de mots, une retenue qui peint le quotidien simple et rituel, le manque de réflexion qui préside aux actes de ces deux femmes prises dans la gangue de l'ignorance. Le présent de l'indicatif est celui de l'habitude, des gestes que l'on accomplit sans réfléchir tellement ils sont machinaux, familiers.
Abruties, elles vivent une lourdeur opaque dans le crâne, fleur endurcie en bouton, qui fait bosse... Le monde est opaque, seulement familier dans la buée de la cuisine, la main tenant la louche ou soulevant la casserole pleine d'eau qui bout.
Mais l'amour qui les lie est une forme de bonheur qui s'ignore, fait de gestes, de rituels, pas besoin d'autres communications que le contact.
Chaque jour la mère passe l'eau froide sur la serviette dans le cou, derrière la tête, sous les lourds cheveux relevés.
J'ai beaucoup aimé les passages exprimés de manière si poétique au cours desquels Luce, qui a un réel talent de brodeuse, écrit avec des fils de toutes les couleurs les lettres de l'alphabet, ceux-ci s'organisent en mots dans sa tête, la fillette découvre la lecture, un moment de pure magie .
Les mots ont beau avoir été lancés de toutes ses forces jusqu'en haut des arbres. Les mots ont beau avoir été piétinés sur le chemin, ils sont là. Ils ont fait leur nid dans sa tête.
Maintenant ils reviennent furtivement appelés par le fil et l'aiguille.
Ils sont là.
Chaque jour la mère passe l'eau froide sur la serviette dans le cou, derrière la tête, sous les lourds cheveux relevés.
J'ai beaucoup aimé les passages exprimés de manière si poétique au cours desquels Luce, qui a un réel talent de brodeuse, écrit avec des fils de toutes les couleurs les lettres de l'alphabet, ceux-ci s'organisent en mots dans sa tête, la fillette découvre la lecture, un moment de pure magie .
Les mots ont beau avoir été lancés de toutes ses forces jusqu'en haut des arbres. Les mots ont beau avoir été piétinés sur le chemin, ils sont là. Ils ont fait leur nid dans sa tête.
Maintenant ils reviennent furtivement appelés par le fil et l'aiguille.
Ils sont là.
Un beau livre, plein d'émotion.
Voir Alice, livres de Malice
(voir article dans Le Monde diplomatique janvier : 2010 http://www.monde-diplomatique.fr/2010/01/POPELARD/18702)
Quelques extraits :
« Les indicateurs de santé de la population s’apparentent à ceux d’un pays en développement. Le taux de mortalité infantile s’élève à dix-huit pour mille, trois fois plus que dans le reste des Etats-Unis, autant qu’au Sri Lanka. »
« les classes moyennes et supérieures blanches partent s’installer dans les suburbs. Mais les raisons de ce déménagement sont aussi à chercher du côté de la peur et du racisme. Si les premiers départs ont lieu dès les années 1950, avec l’amorce de la désindustrialisation, la majorité de la population blanche prend prétexte de la révolte des Noirs de 1967 — quarante-trois morts ; l’armée envoya des chars — pour partir. Les représentations apocalyptiques valant à Detroit le surnom de Murder City (« cité du crime ») ou de Devil City (« cité du diable ») ont joué le rôle de prophéties autoréalisatrices.