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dimanche 30 juillet 2023

Yvonne de Witold Gombrowicz mis en scène par le Théâtre brûler Détruire

Au théâtre de la Factory
 

« Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. »
Antonin Artaud

Yvonne est laide, empotée, timide, peureuse et ennuyeuse. Et c’est par rébellion contre les lois de la nature qui recommandent aux jeunes gens de n’aimer que les filles séduisantes que le fils du Roi la prend pour fiancée. Par crainte du scandale la famille accepte les fiançailles. Mais la venue d’Yvonne à la cour devient rapidement encombrante. Sa seule présence suffit à faire tomber les masques et révèle peu à peu les monstres endormis en chacun.

A travers la force comique et destructrice du texte de W. Gombrowicz, le Théâtre Brûler Détruire accouche d’un spectacle radical et furieusement joyeux à l'esthétique puissante et ambitieuse. Un spectacle physique grave et brûlant comme une danse passionnelle entre tragédie et burlesque, sauvagerie et tendresse. Un spectacle de troupe débordant de vie, débordant du plateau. C’est l’expérience d’un théâtre cruel et drolatique, une comédie humaine ou irrévérence devient langage visuel. Car si le théâtre est incohérent, idiot, incompréhensible et violent c’est qu’il est le reflet du monde. N'est-ce pas ? Il n’y aurait entre la scène et la salle que la distance d’un objet à son image. Très proche. Vous êtes très proche.

 

Mon avis

"Elle ne parle pas, elle ne dit rien. Mais ne rien dire, ne serait-ce pas sournoisement tout insinuer ? Insupportable. Brûler détruire la mollichonne." C'est par cette phrase que le Théâtre Brûler Détruire présente la pièce du dramaturge polonais Wiltold Gombrowicz et, effectivement, que de force dans ce silence et quel déchaînement de violence il va  provoquer ! Une mention spéciale à la comédienne, Lea Lévy, qui joue le rôle d'Yvonne. Exprimer autant sans dire un mot, quel exploit !

Cette tragédie de l'absurde qui rappelle par certains aspects Ubu Roi et le théâtre de Ionesco dénonce tous les abus de pouvoir, toutes les formes de domination, celles d'un dictateur sur ses sujets, de l'homme sur la femme, du fort sur le faible, du persécuteur sur sa victime, celles de la beauté qui exclut, du groupe qui rejette la différence. Et c'est vrai que nous ne pouvons que nous sentir concernés !

Brûler, détruire, c'est effectivement, ce que fait la troupe de comédiens qui nous entraîne avec eux dans la folie, le grotesque, la cruauté et pourtant nous fait rire !  Une aventure théâtrale surprenante, ahurissante, loufoque, puissante, tragique et pourtant, - pour reprendre les mots du texte ci-dessus -, "furieusement joyeuse "!

Quelle pièce ! Quelle mise en scène  ! Quels comédiens !

La dernière pièce de "mon" Festival vue le 29 Juillet 2023 à 20H 50 ! On ne pouvait finir mieux!

 

FACTORY THEATRE
 
YVONNE
 
D'après WITOLD GOMBROWICZ
Traduction K. Jelenski & G. Serreau
Par le THÉÂTRE BRÛLER DÉTRUIRE
Mise en scène
Chloé Bourhis
Clément Le Roux
Avec
Mélissandre Archimbaud
Quentin Carpentier
Matthieu Gabanelle
Léa Levy
Clément Le Roux
Johann Poels
Création lumière
Thomas Ozeray
Scénographie
Clément Le Roux
Régie lumière
Thomas Ozeray
Régie son
Chloé Bourhis
Production
Théâtre Brûler Détruire
Avec le soutien de la Fabrique des Arts de Carcassonne Agglo.
Avec 7 nominations, Yvonne a remportée 4 prix lors de la cérémonie des Jacques 2023. Meilleur Spectacle 2023, Meilleure Actrice (Léa Levy), Meilleur Acteur (Johann Poels), Meilleure Création Lumière (Thomas Ozeray)
« Une inventivité foisonnante, j’aime la noirceur lumineuse avec laquelle ils éclairent cette pièce, elle est monstrueuse et résonne très fort aujourd’hui. »
Lionel Lingelser, Munstrum Théâtre

Non loin d'ici de John-Patrick Shanley

 



 THEATRE LES GEMEAUX

« Un Pagnol à l’Irlandaise »

Cette comédie dramatique raconte l’histoire de deux célibataires quarantenaires, Anthony et Rosemary.
Anthony a passé toute sa vie dans la ferme familiale, enfermé dans sa solitude. Rosemary, qui vit dans la ferme voisine depuis toujours, l’attend … laissant s’écouler les années éternellement.

Alors que le père d'Anthony menace de le déshériter et de vendre la ferme, le rêve de Rosemary s’effondre. Et si Anthony venait à s’envoler loin, loin d’ici ?...

Dans cette pièce, John Patrick Shanley propose une introspection, à la fois drôle et émouvante, sur nos rêves et nos désirs, enfouis sous la chape du déni et de la fuite. La remise en cause des certitudes et des peurs est douce et familière car l’histoire qui nous est présentée est à la fois proche et éloignée de notre quotidien. 

 On se rassure en se disant que c’est « non loin d’ici ». La pièce parle d'amour, de deuil et de transmission. Les personnages ressemblent à des archétypes qui, se fissurant, expriment une humanité touchante, comme dans une photo de Raymond Depardon. Ils transmettent un message d’espoir : il n’est jamais trop tard pour vivre librement. Mais pour cela il faut s’affranchir des atavismes familiaux… Et le plus tôt sera le mieux !


Mon Avis

La qualification d'un Pagnol à l'irlandaise ne me paraît pas bien choisie ! Non, le ton n'est pas celui de Pagnol et nous sommes loin de la faconde, du soleil et des mas provençaux. La pièce nous parle du froid et de la solitude, de "taiseux" qui ne savent pas exprimer pas leurs sentiments, des années qui s'écoulent avec le passage triste (mais beau) des saisons, des envies de suicide, des rêves d'évasion. 

Nous vivons en Irlande, dans des fermes isolées, nous pourrions être en Lozère sur les hautes terres... La comparaison avec le film de Raymond Depardon me paraît plus juste. 

Nous sommes dans un pays où le père est prêt à enlever la ferme à son fils parce qu'il "n'aime" pas la terre même s'il la travaille laborieusement, cette terre, et y consacre sa vie. Le ton est juste et vrai, entre émotion et humour.

La pièce est comme une petite musique douce, mélancolique, rythmée par les belles images en écran de fond, aux couleurs de l'automne, de la neige et de la floraison, en un retour qui paraît éternel ! Et on aimerait qu'ils se disent, "je t'aime ", ces deux-là, au lieu de vivre seuls, crevant de solitude, chacun dans sa maison familiale, après la mort de leurs parents. Heureusement, la pièce se termine par une jolie note d'espoir !



Un beau spectacle que j'ai beaucoup aimé et bravo aux quatre comédiens!

 

 NON LOIN D'ICI
 
Auteurs

John Patrick Shanley, Adaptation : Julie Delaurentis 

 


Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Manuel Olinger
  • Interprète(s) : Pierre Santini, Gregori Derangère, Michèle Simonnet, Julie Delaurenti
  • Lumières : Didier Brun
  • Musiques : Jean-François Farge
  • Décor : Virgile Baron
  • Costumes : Atelier Des Petites Mains
  • Régisseuse : Floriane Vaesken
  • Photos : Aurore Vinot

 

Cie Div'Art L-D-19-234

Produit par la compagnie Div'Art avec la participation de Gilles Bonamy.
Soutenu par la SPEDIDAM, Le Parc naturel régional Normandie Maine et le Conseil Départemental de l'Orne.


 

samedi 29 juillet 2023

Le Moby Dick de Lina Lamara


 

 

Ishmael, est embauché chez les dockers du Havre en janvier 2002 en tant qu'ouvrier docker occasionnel (ODO). C'est sa première fois sur un port. Dans cet univers opaque et masculin, il se lie doucement d'amitié avec "les camarades" avant d'assister à la plus grande grève connue sur le quai et dans le monde. Cette crise des "ports-morts" devient symbole de barricade et le porte-conteneur, une bête immonde à abattre. Ishmael ne connaît rien au monde des dockers, il est pris en main par Koubiac, le plus paternel de la bande. Ishmael rencontre La Poigne, Chico, L'Aiguille, Le Grand, Sidi Saïd et le Capitaine Achab qui vient d'amarrer.
Ishmael rencontre ces personnalités dans un univers fascinant. On découvre leur monde, leur routine, leur culture. Être docker, c'est rentrer dans une famille et aimer son travail, sa besogne !
Des nouvelles mesures pour augmenter leur cadence et l'accident de l'un d'entre eux mettent le feu aux poudres. La solidarité des dockers étant sans égal, leur grève devient mondiale en un rien de temps. Les dockers bloquent les porte-conteneurs que le capitaine Achab compare à un cachalot immonde. Face à cet évènement, les transports de marchandises se multiplient par voie terrestre et aérienne. Les routes saturent pendant que la congestion des porte-conteneurs s'allongent sur les eaux.
Dans les médias, "le port mort" est le sujet principal. Passant pour de "simples râleurs", les dockers sont soudainement pointés du doigt et pris pour les responsables d’un fléau écologique sans nom. Les gouvernements trouvent dans cette crise, la réponse presque parfaite. "Docker, l’enfer !".
Les ouvriers se retrouvent coincés entre des civils en colère, les représentants de force de l'ordre et des médias prêts à faire sensation.
Les quais deviennent le bord de leur précipice, les conteneurs, leur prison.


 Mon avis : 

A partir d'un fait historique la grève des "ports morts" qui témoigne de la fin d'un monde où l'on n'a plus besoin de dockers mais d'ingénieurs pour conduire les machines - le spectacle intitulé Le Moby Dick de Lina Lamara qui est aussi à la mise en scène, nous offre un voyage entre deux :  réalité historique et sociale et littérature car cette grève qui se déroule à l'ombre fabuleuse du Moby Dick, sous la conduite du capitaine Achab, personnage réel ou échappé du roman de Melville, prend une dimension fantastique. 
 
En effet, les décors sont impressionnants!  L'immense container qui occupe le centre de la scène, démantelé par une équipe de comédiens, dockers aux gros bras plus vrais que nature, se transforme  tour à tour en échelles, grues de levage, échaffaudages et enfin navire gigantesque! 
 
 Une seule femme au milieu de ce monde masculin.
 
Angoisse du néant, indignation, désarroi de se sentir inutiles dans une mondialisation de l'économie qui n'a plus rien d'humain, peur du chômage, drames personnels... mais aussi amitié, solidarité, c'est tout cela que transmet ce texte. 
 
Et quand la troupe exécute une danse virile, emplie de colère sur une chorégraphie de Morgan L'Hostis,  orchestrée par des airs d'opéra, on a vraiment l'impression d'entrer dans une autre dimension et d'assister à une tragédie lyrique marquée par le destin.

 Un excellent spectacle !

 LES GEMEAUX

LE MOBY DICK

Horaire : 11h35

Lieu : Salle du Dôme

Relâches : 
Mercredis 12, 19 et 26/07

Durée : 1h20

De : Lina Lamara

Mise en scène : Lina Lamara

Avec : Alain Leclerc, Akim Chir, Adrien Bernard-Brunel, Alexis Desseaux, Alex Metzinger,

Valérie Zaccomer, Nicolas Soulié, Stéphane Titeca, Antonio Macipe, Pierre Benoist

Chorégraphies et assistanat à la mise en scène : Morgan L’hostis

ScénographieVincent Para et Nadia Lamara

Création lumière : Marie Ducatez

Musiques : Kenzy Lamara

Costumes : Virginie H.

Création visuelle : Philippe Sheraf

Régisseuse son : Marion Hennenfent

Production :  Compote de prod, 8256 Street et La Neuvième production

 

Soutiens : spectacle créé au Théâtre des Franciscains, ville de Béziers et à l'Espace 1500, ville d'Ambérieu en Bugey

vendredi 28 juillet 2023

Le huitième ciel de JeanPhilippe Daguerre, auteur et metteur en scène

 

Au théâtre actuel : Florance Pernel et Charlotte Matzneff

Agnès Duval a construit 27 buildings dans 27 pays d’Europe pour un immense groupe de BTP. Forte de sa « réussite » et de sa Légion d’honneur, elle décide de prendre une pré-retraite bien méritée pour profiter de la vie, de sa famille et de sa fortune. Mais une rencontre inattendue va faire voler en éclats son monde et ses convictions… et l’obliger à se réinventer.

Le huitième ciel est un spectacle réjouissant d'où l'on sort heureux et réconciliés avec la nature humaine. Ce qui n'arrive pas souvent ! Et cela fait du bien, pour une fois, une pièce qui ne broie pas du noir et qui adopte un point de vue optimiste. Agnès Duval, joliment interprétée par Florence Pernel, a passé sa vie à construire des buildings, a exercé le pouvoir que donnent l'argent et sa position sociale à la tête d'une entreprise. Peu importe les expropriés, les gens chassés de leur  maison, les passe-droits et autres exactions nécessaires pour réaliser son "oeuvre"... elle a réussi ! Aussi est-il difficile pour elle de se retrouver sur la touche lorsqu'elle prend une retraite anticipée qui la rejette dans le néant ! 
C'est peut-être le moment de se rendre compte qu'elle est passée à côté de sa fille et de son mari, qu'elle ne s'est intéressée à personne d'autres qu'à elle-même !  Si vous avez la chance de voir la pièce, vous saurez ce qui va provoquer sa prise de conscience ! 
La pièce est pleine d'humour et d'émotion. Tous les comédiens de la compagnie Babouchka ( Le voyage de Molière) incarnent avec sensibilité et brio de beaux personnages qui nous touchent et nous font rire.  Et tant pis pour ceux reprochent à la pièce ses "bons sentiments" puisqu'elle nous invite à gratter le ciel et nous donne de l'espoir !

   

LE HUITIEME CIEL  THEATRE ACTUEL 19H30

Distribution
Texte et mise en scène Jean-Philippe Daguerre
Interprétation Florence Pernel, Bernard Malaka, Charlotte Matzneff, Marc Siemiatycki, Antoine Guiraud, Tanguy Vrignault
Décor Juliette Azzopardi et Jean-Benoît ThibaudCostumes Alain BlanchotLumières  Moïse Hill 
Création musique et assistant mise en scène Hervé Haine
Production Le Théâtre Actuel – La Bruyère, Le Grenier de Babouchka, Le Théâtre de la Renaissance, RSC P, Théâtre Rive Gauche et Macal Prod

Photos © Grégoire Matzneff

 

jeudi 27 juillet 2023

Stefan Zweig : La peur mise en scène par Elodie Menant à la Scala de Provence

 

A la Scala de Provence

 

 LA SCALA DE PROVENCE : LA PEUR

Présentation du programme du Off

 Un univers à la Hitchcock.

Dans les années 50, Irène, mère au foyer, trompe son mari, Fritz, avocat pénal. Un soir, une femme l’interpelle à la sortie de chez son amant. Elle prétend être la petite amie de ce dernier, interdit à Irène de revenir le voir et lui réclame de l’argent en échange de son silence. Dès lors, Irène vit dans la hantise que son mari apprenne sa liaison et s’enferme dans le mensonge. Entre Hallucinations, manipulations, quête de la vérité, cette pièce nous tient en haleine de bout en bout… jusqu’au dénouement final saisissant, véritable renversement de situation. Du grand Stefan Zweig !

 

Mon avis

 Non, ce n'est pas du grand Stefan Zweig ! C'est tout autre chose que Stefan Zweig ! C'est du Elodie Menant, la metteuse en scène, qui a tiré à soi l'oeuvre de l'écrivain pour en faire une pièce féministe ! Donc, on peut même dire que c'est tout à l'opposé de la nouvelle et des idées de Stefan Zweig.

En fait, dans la nouvelle, Irène, la femme adultère, est soulagée, heureuse et reconnaissante à son mari quand elle est pardonnée et que le cauchemar se termine. (voir ci-dessous mon billet que je republie). Quand j'ai lu le livre, cela m'a d'ailleurs un peu choquée qu'elle réagisse ainsi et qu'elle accepte ce que son mari lui avait fait ... Je ne développe pas plus pour vous laisser l'effet de surprise du dénouement. Puis, je me suis dit qu'il ne fallait pas juger avec la mentalité de mon époque. En 1920, date de la publication de la nouvelle, une femme de ce milieu ne pouvait penser autrement!  

Dans la pièce de théâtre, non seulement Irène n'est pas soulagée mais, encore, elle est révoltée et s'indigne. Elle juge que son mari, aussi, a mal agi envers elle, que les torts sont partagés et que le pardon doit être réciproque. C'est pourquoi Elodie Menant a transposé sa pièce dans les années 50, à l'aube de la timide et très relative indépendance de la femme.

Et pourquoi pas ? Peut-être est-ce dommage que le personnage du mari soit plus violent qu'il ne l'est dans la nouvelle. Il n'est pas nécessaire de le rendre antipathique. Le procédé qu'il emploie pour obtenir l'aveu de sa femme est déjà assez cruel !  Stefan Zweig est plus subtil dans l'analyse de ses personnages.

L'interprétation est bonne, la peur, les tourments des personnages sont bien rendus.

 Je n'ai pas trop aimé le décor, les murs très hauts de cet appartement, enserrant les personnages, m'ont gênée.

Un pièce intéressante !

 

PS :  Ma petite-fille (13 ans) s'est ennuyée. Elle dit que les personnages font beaucoup d'histoires pour pas grand chose ! L'adultère ?  Après tout, une femme a  bien le droit d'avoir un autre amoureux si elle ne veut plus de son mari ! 2023 ! Et oui, nous ne sommes plus en 1920 ni même en 1950 !

 

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Elodie Menant
  • Interprète(s) : Hélène Degy, Aliocha Itovitch, Ophélie Marsaud, Elodie Menant
  • Régisseur : Damien Peray
  • Costumière : Cecile Choumiloff
  • Créateur lumière : Olivier Drouot
  • Constructeur : Olivier Defrocourt
Compagnie Carinae

 

LA SCALA DE PROVENCE

La peur
Durée : 1h15
du 7 au 29 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet

à 19h30

 

 

LA PEUR  de Stefan Zweig

La peur est une nouvelle de Stefan Zweig  dans laquelle l’écrivain analyse les sentiments d’une femme infidèle en butte à un chantage.

Irène Wagner a un amant, un pianiste de milieu modeste. Un jour qu’elle sort de chez lui, elle est abordée par une femme d’apparence vulgaire qui lui reproche de lui avoir pris son amant. Désormais la peur s’empare de la jeune femme. L’inconnue la suit et la fait chanter, lui extorque de l’argent. Un jour, elle va jusqu’à s’introduire chez elle en présence de son mari et ses enfants. La peur devient  obsession, vire au cauchemar dans une sorte de crescendo étouffant malgré les tentatives de son mari qui s’aperçoit de son trouble et semble prêt à l’écouter. Elle n’ose plus sortir de chez elle, vit dans l’attente d’une catastrophe, se sent constamment menacée.

"Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil;"

Stefan Zweig analyse les sentiments de cette grande bourgeoise, femme de magistrat, qui toujours eu une vie protégée et facile. N’est-ce pas par ennui et non par passion qu’elle a pris un amant ?

"Blottie paresseusement dans la tranquillité d’une existence bourgeoise et confortable, elle était tout à fait heureuse aux côtés d’un mari fortuné, qui lui était intellectuellement supérieur, et de leurs deux enfants. Mais il est une mollesse de l’atmosphère qui rend plus sensuel que l’orage ou la tempête, une modération du bonheur plus énervante que le malheur. La satiété irrite autant que la faim, et la sécurité, l’absence de danger dans sa vie éveillait chez Irène la curiosité de l’aventure."

Elle prend alors conscience de tout ce qu’elle va perdre si son mari découvre son infidélité :  ses enfants, un mari qu’elle aime, une vie aisée… Il se passe peu de choses dans cette nouvelle, tout tient dans l’intensité dramatique que Stefan Zweig a su créer. C’est avec une rare maîtrise qu’il analyse la psychologie de ce personnage féminin dont on l’impression qu’il a le pouvoir de pénétrer la conscience et de la mettre à nue devant nous.

Une lecture prenante, d’une telle force et d’une telle acuité que l’on ne peut s'arrêter dans la lecture jusqu’au dénouement. Pourtant celui-ci ne m'a pas surprise car je m’y attendais un peu mais, à mon avis, ce n'est pas ce qui est important. 

 J’ai lu cette nouvelle parce que je vais assister à la pièce adaptée à la scène  au festival d’Avignon le 16 juillet à La Scala de Provence. Je vous dirai ce que j’en pense en temps voulu. Je dois dire que je suis curieuse de voir comment on peut rendre au théâtre cette urgence de la lecture qui s'empare du lecteur et cette profondeur dans l’analyse.

 

mercredi 26 juillet 2023

Racine : Phèdre mise en scène Laurent Domingos



 

Présentation programme Théâtre Le roi René

Une mise en scène corporelle, sauvage et mystique, par la Minuit44, spécialiste de Racine.

Phèdre, reine d’Athènes, possédée par Vénus, brûle de désir pour Hippolyte, le fils de Thésée, son époux. Mais ce roi que l’on croyait mort, est de retour des Enfers. Le désir honteux de Phèdre se transforme alors en sentence mortelle.

L’ajout du personnage de Vénus, empruntée à "Hippolyte Couronné” d’Euripide, nous interroge sur la notion du libre arbitre. Tantôt acrobate perchée sur son mât, tantôt musicienne dissimulée dans le public, la déesse actionne les rouages de la tragédie, et piège les personnages entre désir, honte, aveu, jalousie et vengeance.


 Mon avis

 Phèdre est ma pièce préférée de Racine, celle dont je connais des passages par coeur, celle dont la langue m'enchante, dont la musicalité me touche le plus "Dieux ! Que ne suis-je assise à l'ombre des forêts"... "Le ciel n'est pas plus pur que le fond de mon coeur ". C'est celle qui nous plonge au plus profond des mythes grecs, qui approche de plus près le monstre que chacun porte en soi, Phèdre, la fille de Minos et de Pasiphaé, entre ombre et lumière, entre le Bien et le Mal. 

C'est la pièce qui, aussi, pose avec le plus d'intensité la question de la liberté de l'Homme et où Racine, le janséniste, nous révèle sa foi en la prédestination : " C'est Vénus toute entière à sa proie attachée". Effectivement, chaque personnage de la pièce paraît avoir le choix :  Thésée quand il appelle la vengeance divine sur la tête de son fils Hippolyte ; Aricie quand elle ne dit pas à Thésée que son fils est innocent et surtout Phèdre lorsqu'elle avoue son amour à son beau-fils puis accuse le jeune homme par l'intermédiaire d'Oenone, sa suivante. Tous ces personnages vont inexorablement à leur perte, tous sont entraînés vers une fin tragique. C'est que Dieu (ici Vénus) ne permet pas qu'ils échappent à leur destin.

C'est pourquoi le metteur en scène, Laurent Domingos, a une très belle idée en introduisant le personnage de Vénus emprunté à Euripide. Il  fait de la déesse - qui arbore tout au long du spectacle un sourire cruel -  un démiurge qui manipule les humains, tire les ficelles comme s'il s'agissait de marionnettes,  et à la fin, ébauche un geste triomphal lorsqu'elle les amène là où elle voulait !

Les comédiens ont tous une diction parfaite, un beau phrasé et une humanité qui touchent le spectateur. La mise en scène dynamique, violente, à la mesure de la tragédie, les costumes et les armures qui rappellent que Thésée et Hippolyte sont des guerriers prompts à tirer l'épée, les jeux d'ombre et de lumière, tout m'a plu dans cette mise en scène de la tragédie.

Un coup de coeur !

  PS : j'ai voulu amener ma petite-fille (13 ans)  voir Phèdre. Comme elle s'était ennuyée ( c'est peu de le dire ) à la représentation de Berénice récemment, j'espérais que Phèdre où il y a plus d'action, de revirements de situations, de coups de théâtre, lui plairait !  Et bien, c'est raté ! Je crois qu'il faut abandonner l'idée de lui faire aimer Racine ! Tant pis ! Elle aime Molière, Beaumarchais, Marivaux, Shakespeare...

 LE ROI RENE

PHEDRE RACINE 

à 17h30

 du 7 au 29 juillet - Relâches : 10, 17, 24 juillet

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Laurent Domingos
  • Interprète(s) : Alexiane Torres, Thomas Silberstein, Laetitia Lebacq, Luna Mitti, Aurélie Cuvelier Favier, Guillaume Blanchard, Laurent Domingos
  • Son/Lumière : Sarah Ancel
  • Scénographie/Costumes : Delphine Ciavaldini

 

Compagnie Minuit44

mardi 25 juillet 2023

Julien Delpech et Alexandre Foulon : Les Téméraires

Les Téméraires

 

1894. L’affaire Dreyfus coupe la France en deux.

D’un côté, l’armée et l’État propageant des fausses rumeurs baignées d’antisémitisme ; de l’autre, Émile Zola et Georges Méliès.

L’un avec sa plume, l’autre avec la première caméra au monde, mais tous deux aidés par leurs incroyables femmes, s’engagent dans une lutte pour la vérité. Si la défaite semble toute tracée, leurs courages en auront décidé autrement.

Mon avis :
 
Une très belle pièce au théâtre des Gémeaux : le combat d'Emile Zola et celui de Méliès  contre l'injustice, l'intolérance et l'antisémiste. Téméraires, en effet, ils l'étaient ces deux hommes ! Ils firent tout, mettant leur confort, leur liberté et jusqu'à leur propre vie en jeu, pour faire reconnaître l'erreur judiciaire et le mensonge des tribunaux militaires qui ont innocenté sciemment le vrai coupable. Ils dénoncent, l'un par un film, l'autre par ces écrits, ce scandale d'Etat. Un grand moment d'émotion, ce qui n'empêche pas le rire car l'humour est bien présent ! On vibre en écoutant le fameux J'accuse! et on découvre avec intérêt des extraits du film de Méliès qui fut censuré en France mais qu'il put projeter partout en Europe et en Amérique. On rit en assistant, par exemple, au "tournage" du film de Méliès !
L'Histoire avec un grand H se mêle à celle plus intime de Zola qui mène une double vie, partagé entre son épouse, une femme étonnante, d'une grande force, sa maîtresse et les enfants qu'il eut d'elle.  
Ces beaux personnages, Zola, Méliès et le lieutenant-colonel Picquart ( Ce dernier a dénoncé le scandale pour innocenter Dreyfus), leurs femmes, nous touchent d'autant plus que l'interprétation est excellente, certains comédiens assumant plusieurs rôles avec autant de maîtrise. Une mention spéciale pour le comédien Stefane Dauch, qui incarne Zola. Une ingénieuse scénographie vient ajouter au plaisir du spectacle.

photo Grégoire Matzneff


Un coup de coeur !

 

THÉÂTRE LES GÉMEAUX

Horaire : 17h05

Lieu : Salle des Colonnes

Relâches : 
Mercredis 12, 19 et 26/07

Durée : 1h30

De : Julien Delpech et Alexandre Foulon

Mise en scène : Charlotte Matzneff

Assistée de : Manoulia Jeanne

Avec : Stéphane Dauch, Armance Galpin, Antoine Guiraud, Romain Lagarde, Barbara Lamballais
Sandrine Seubille, Thibault Sommain

Musique : Mehdi Bourayou

Costumes : Corinne Rossi

Lumières : Moïse Hill

Scénographie : Antoine Milian

Production : Marilu Production, Le Grenier de Babouchka, IMAO , Place 26

 

lundi 24 juillet 2023

Bertold Bretch : Ariane Ascaride : Au bonheur de donner


Aux dérèglements du monde, Ariane Ascaride oppose la poésie de Bertolt Brecht, forte, engagée, drôle, irrespectueuse.

"J’avais 13 ans, je suis allée à Marseille voir chanter une dame qui s’appelait Pia Colombo. Elle a interprété une chanson qui disait « Comme on fait son lit, on se couche ». Je ne saurai jamais pourquoi ces paroles ont si fort résonné en moi. J’ai pendant des années fredonné ce refrain…
J’ai relu beaucoup de poésies de Brecht, qui est toujours présenté comme un auteur austère, sérieux et théorique… On connaît moins sa bienveillance, son humour et son sens du spectacle. Cet auteur a éclairé certains moments de ma vie et je voulais, en cette période de grand bouleversement, faire à nouveau entendre ses mots si encourageants soulignés par David Venitucci."

Ariane Ascaride
 

Mon avis

 La comédienne Ariane Ascaride dit les textes de Bertold Bretch accompagnée par l'accordéoniste  David Venitucci. Bertold Bretch chante le bonheur de donner, l'amour des autres, la solidarité avec les déshérités, l'exil, la guerre. La prestation des deux artistes est impeccable. Je n'ai pas toujours été sensible au style de la chanson réaliste même si certains textes m'ont intéressée.

 La Scala de Provence du 7 au 28 juillet 2023 à 16H

Durée: 1H10

Relâches
Les lundis 10, 17 , 24 Juillet

Textes et chansons Bertolt Brecht
Avec Ariane Ascaride
Musique originale David Venitucci
Collaboration artistique Patrick Bonnel
En hommage à Marcel Bluwal

dimanche 23 juillet 2023

Kim Tak-hwan : Les romans meurtriers

 

Note Historique de l’auteur (extrait)

Le roman que vous allez lire se déroule durant la seconde moitié du XVIIIè siècle, sous le règne de Jeongjo (1776-1800), 22è roi de la dynastie Yi, l'une des périodes les plus prospères de l'histoire de la Corée. C'est la "renaissance de Joseon", époque où le commerce fleurit, où de jeunes lettrés adeptes des sciences pratiques venues de Chine rêvent de rénover leur pays, où le roi fonde une bibliothèque afin d'y conserver les manuscrits royaux et les archives dynastiques, et met en place des réformes politiques et culturelles. Un grand nombre d'érudits réputés préconisent alors, dans leurs écrits progressistes, des réformes de l'agriculture et de l'industrie, mais très rares sont leurs principes qui finiront par être adoptés par le gouvernement. C'est aussi la période où la production littéraire passe du stade de la copie manuelle à la fabrication en masse par xylographie et où les romans deviennent accessibles au plus grand nombre. Mais le roi Jeongjo et son gouvernement les considèrent comme des écrits sans valeur et interdisent leur circulation. Aussi l'acte de se procurer un roman et de le lire est-il à l'époque un délit, ce qui ne réfrène en rien la curiosité et l'avidité des lecteurs.

Dans Les romans meurtriers de Kim Tak-hwan se croisent des personnages ayant réellement existé et des personnages fictifs comme Yi Meong-Bang, dosa de la Haute-Cour de Justice, chargé du bon fonctionnement des exécutions publiques.

C’est lui qui, âgé, raconte son histoire. Militaire, expert dans le maniement des armes et en particulier des fléchettes, il n’en est pas moins cultivé, admirateur des Lettres et du groupe de lettrés de l’école de Baektap, grand lecteur de romans, ce genre décrié, considéré comme vulgaire.

Il préside à l’exécution de Cheong Un-mong, autre personnage fictif, romancier le plus populaire de l’époque. Celui-ci est accusé de meurtres odieux en raison de la présence, à plusieurs reprises, sur la scène de crime, de livres qu’il a écrits et qui sont restées ouverts à une certaine page. Cheong a d’abord nié puis, après avoir lu les pages ouvertes de ses livres, il a reconnu sa culpabilité. Les romans meurtriers !

Et pourtant il n’est pas coupable ! D’ailleurs, les crimes continuent après sa mort ! Notre héros se rapproche de Un-beyong, le frère cadet du romancier et de Miryeong, sa soeur cadette pour enquêter et découvrir le vrai coupable. Au passage, il tombe amoureux de la jeune fille mais sans beaucoup d'espoir, lui qui est responsable de la mort du frère aîné. Il va finir par trouver le criminel mais s’apercevoir que l’homme est manipulé. Yi Meong-Ban va se retrouver face à une machination politique complexe et dangereuse. Il est aidé dans son enquête par son ami Kim Jin, lettré, passionné d’horticulture, véritable Sherlock Holmes coréen !  

Nous découvrons aussi des personnages réels, le roi Jeongjo lui-même (1752-1800) les lettrés de l’école de Baektap, érudits adeptes des nouveautés venues de Chine dont l’auteur nous fait découvrir les écrits et les préceptes.  Baek Dong-Su (Yanoi) ( 1743_1816), un noble guerrier du XVIII siècle a appris les arts martiaux à notre héros. Devenu son ami, il lui permet de rencontrer les lettrés de l’école de Baektap.

Le roman présente une enquête policière intéressante avec de nombreux rebondissements mais ce que j’ai le plus apprécié c’est la découverte de la civilisation coréenne au début du XIX siècle et des idées foisonnantes qui circulent à l’intérieur des cercles lettrés à une époque où les autodafés de leurs oeuvres mal vues du pouvoir étaient courantes. La réflexion sur la littérature,  sur l’importance des livres, leur fonction, leur utilité,  alors que la reproduction sur bois permet d’imprimer plus d’oeuvres et d’atteindre un plus large public, n’est pas le moindre des intérêts du roman. 

 

Kim Tak-hwan est un auteur et critique littéraire sud-coréen né à Changwon en 1968

Kim Tak-hwan a publié de nombreux ouvrages de critique et de fiction, dont plusieurs romans historiques et fantastiques :  »L’immortel Yi Sun-sin", série historique en huit volumes, publiée en 2004, a été adaptée à la TV et est diffusée en feuilleton depuis 2005 sur la chaîne KBS.

Actuellement professeur de Littérature à l'Université de Hanam, Kim Tak-hwan se consacre à l'écriture de la suite des Romans meurtriers, une vaste fresque en dix volets qu'il projette de réaliser au cours des dix années à venir.  Présentation Babelio

 

LC avec Maggie, Rachel et Doudoumatous

lundi 17 juillet 2023

Weber à vif à la Scala de Provence

 

 

 

Pour présenter Weber à vif, je publie ici ce qu'écrit Jacques Weber  sur la conception et l'élaboration du spectacle à trois voix.

 "Jacques Weber présente son spectacle Weber à vif comme la rencontre de trois amis : l'accordéoniste Pascal Contet, l'harmoniciste Greg Zlap et lui-même, autour de textes  littéraires de tout horizon et de la musique qui, loin d'être un simple accompagnement,  participe à la création.

L’Histoire est simple. En parallèle de mes nombreuses interprétations, j’ai toujours aimé me retrouver seul sur scène, partageant avec le public mon enthousiasme et mes coups de foudre pour les grands textes de la littérature. Plusieurs fois, j’ai conçu le spectacle accompagné de musiciens et constaté l’alchimie réjouissante de ce dialogue.

Récemment je rencontrai un accordéoniste de renommée internationale, Pascal Contet ; celui-ci fut enthousiaste à l’idée de partager la scène avec moi.
Quelques temps auparavant j’avais eu l’occasion d’assister à un concert de Johnny Hallyday ; je fus saisi et enthousiasmé par le spectacle, mais aussi par le solo de son harmoniciste : Greg Zlap. Lui aussi fut d’accord pour me suivre dans ma randonnée littéraire.
Il ne s’agit plus de musique accompagnant un texte mais bel et bien de la rencontre de trois amis qui partagent des passions, des amours, des émotions, celles de leur vie, de nos vies.
À l’improvisation musicale répondent des textes modernes contemporains et classiques du théâtre, de la poésie, de la littérature. Stoppard répond à Claudel, Claudel ricoche sur la Bretagne, les colonies de vacances renvoient au pensionnat chez Courteline, Courteline voisine avec Arthaud, Duras, Maïakovski, Rostand, Hugo, Flaubert…

Greg, Pascal, Jacques improvisent et se promènent tantôt graves tantôt rieurs autour de ces grands monstres.
C’est ce que nous voulons partager, la joie, la chance d’être sur scène, libres, sans contrainte.
Tout à l’enthousiasme de la convivialité espiègle, chaleureuse et fraternelle avec le public."


Mon avis :

J'ai aimé ce spectacle qui m'a permis de découvrir les possibilités infinies de l'accordéon dont Pascal Contet tire de sons incroyables, j'ai aimé le duo qui s'instaure entre l'accordéoniste et l'harmoniciste, Greg Zlap. Et j'ai aimé aussi, bien sûr, cette promenade littéraire à bâtons rompus avec Jacques Weber, entre  émotion ( le coupeur d'eau de Duras) et rire (La Marquise de Corneille), en compagnie des écrivains que j'aime, agrémenté de citations savoureuses de Jouvet, Gabin, Laurence Olivier ...


Au programme

Tom Stoppard, Rosencrantz et Guildernstern sont morts
Paul Claudel, L’échange adapté par Louis Jouvet
Georges Courteline, L’Oeil de veau
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, « Les non merci »
Marguerite Duras, Le coupeur d’eau dans la vie matérielle
Raymond Devos, Le dédoublement de la personnalité
Gustave Flaubert, Correspondances

Victor Hugo, Ruy Blas
Antonin Artaud, Le pèse nerf
Maïakowsky, Le nuage en pantalon
Alfred de Musset, Citations diverses
Godart, Citations diverses
Louis Jouvet, Citations diverses
Albert Camus, Citations diverses
Jacques Weber, Le matin
Victor Hugo, Discours à l’Assemblée Nationale
Victor Hugo, Extraits de Choses vues
Malcolm Lowry, Extraits de Au dessous du Volcan  



samedi 15 juillet 2023

Shakespeare / Sabine Anglade : La Tempête au Chêne noir

 

 J'ai vu La Tempête plusieurs fois et j'en ai déjà parlé dans ce ce blog ICI . Cette année la pièce est donnée au Chêne noir dans la mise en scène de Sabine Anglade.

Prospéro, duc de Milan, a été dépossédé de son royaume par son frère Antonio. Celui-ci, après avoir usurpé le trône, exile Prospéro et sa fille Miranda, les jetant dans une barque qui les conduit dans une île enchantée. La seule créature de forme humaine qu'ils y trouvent est Caliban, un monstre hideux, fils de sorcière, qu'ils traitent avec bonté. Mais la nature brutale de Caliban est rebelle à l'éducation et Prospero ne peut avoir prise sur lui que par la force.
Prospéro qui a pu conserver sa bibliothèque dans son exil apprend la magie dans un livre occulte et parvient à dominer les forces de la nature. Il se rend maître d'Ariel, Esprit de l'air et avec sa collaboration, sachant que le navire de son frère va passer auprès de l'île, il commande une tempête qui va jeter les naufragés sur  son île. Ferdinand, le fils d'Alonso, roi de Naples, isolé des autres, rencontre Miranda et les deux jeunes gens tombent amoureux l'un de l'autre. Prospéro qui a pour dessein de les marier feint de vouloir les séparer pour mieux attiser leur amour.
Antonio, le duc usurpateur, Alonso, le roi de Naples et leurs compagnons sont rejetés sur une autre partie de l'île. Antonio  fomente un complot contre Alonso avec le frère de celui-ci, Sébastien, pour s'emparer de Naples. Pendant ce temps, Caliban persuade le Fou et le Capitaine du navire, eux aussi rescapés du naufrage, de s'allier à lui pour vaincre Prospero en leur promettant de devenir rois de l'île.  Shakespeare montre ici que l'attrait du pouvoir assorti à la violence, au meurtre et à la traîtrise, est le même chez les nobles et  les gens du peuple.
Tous vont être amenés à rencontrer Prospéro et être sous sa domination. Celui-ci pardonne à son frère, célèbre les fiançailles des enfants et, après avoir libéré Ariel, renonce à la magie en brûlant son livre. Tous ensemble, ils quittent l'île.

  Présentation de la pièce par la compagnie

Fabrique d’images et de sens, La Tempête est sans doute la pièce la plus opératique de tout le théâtre de Shakespeare, faisant la part belle au conte, à l’image, à la musique.Cette dimension ne pouvait qu’éveiller le désir de la metteuse en scène d’opéra et de théâtre qu’est Sabine Anglade, lui offrant la possibilité de mettre en commun ces deux approches.

Mon avis :

J'ai beaucoup aimé la scénographie de Mathias Baudry dans cette représentation de La Tempête mise en scène par Sabine Anglade. Elle nous plonge dès le début dans la fureur des éléments déchaînés :  le fracas du tonnerre, le rugissement du vent, les éclairs qui traversent la scène, les jeux de clairs-obscurs, et l'enchevêtrement des voiles du navire chahuté par les vagues de la mer déchaînée. Tout ceci forme un  très beau tableau. Belle et poétique aussi la représentation d'Ariel, interprété par une une jeune comédienne, à la silhouette longiligne, vêtue de noir, aux longues ailes flamboyantes, qui prend du relief dans cette représentation, un esprit qui aspire à la liberté et dont on sent la souffrance d'être retenu prisonnier. 
 
J'ai aimé l'interprétation du rôle de Prospéro, Miranda et Caliban. Par contre, j'ai été surprise par la conception du rôle de Ferdinand, (interprété par par  le comédien qui incarne Caliban). Avec son short, ses godillots et grosses chaussettes montantes, son air benêt, il faut dire qu'il est un jeune premier qui ne fait pas rêver ! Manifestement, la metteuse en scène n'a pas voulu jouer sur l'émerveillement un peu naïf, c'est vrai, un peu sot, mais seulement aux yeux des autres, de deux très jeunes gens qui découvrent l'amour. Il est vrai que l'on sent l'ironie de Shakespeare observant cette idylle naissante mais aussi beaucoup de tendresse et de légèreté. Sabine Anglade a préféré tiré les scènes où ils apparaissent vers la parodie et le comique un peu lourd ! Finalement,  même si je n'ai pas vraiment apprécié cette conception, le comédien est bon et m'a fait rire. Par contre j'ai trouvé que l'interprétation des autres personnages étaient plus faibles et ils m'ont parfois ennuyée.
 
Donc, mon avis est assez mitigé sur ce spectacle qui, certes, a de grandes qualités mais est inégal.


 La Tempête

Du 7 au 27 juillet 2023 à 10h
Relâche les 10, 17, 24, 28 et 29 juillet

Durée : 2h05

De William Shakespeare

Traduction/adaptation Clément Camar-Mercier

Mise en scène Sandrine Anglade

assistée de Marceau Deschamps-Segura

Avec 

Clément Barthelet, Héloïse Cholley, Damien Houssier, Alexandre Lachaux, Serge Nicolaï, Nina Petit, Sarah-Jane Sauvegrain, Benoît Segui, Quentin Vernede

Scénographie Mathias Baudry

Lumières Caty Olive

Costumes Cindy Lombardi assistée d’Océane Gerum

Chef de chant Nikola Takov

Création sonore/régie son Théo Cardoso

Régie Ugo Coppin et Rémi Remongin

Administration et production Alain Rauline et Héloïse Jouary

Production Compagnie Sandrine Anglade

Coréalisation Théâtre du Chêne Noir

A partir de 13 ans