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mardi 15 février 2011

Hélène Grémillon : Le confident


A la mort de sa mère, Camille reçoit une série de lettres d'un expéditeur, Louis, qui lui est parfaitement inconnu. D'un message à l'autre, Louis lui raconte une histoire qui se situe pendant la guerre de 1940 et qui met en scène des personnages qui s'aiment, s'affrontent et se déchirent. Peu à peu, elle comprend qu'elle est le principal et innocent enjeu de ce récit dramatique.
Le roman se lit comme un peu comme un puzzle, chaque nouvel écrit de Louis étant un des  morceaux qui reconstitue l'histoire. Nous faisons connaissance de la jeune Annie, fille d'ouvrier, qui se lie d'amitié avec Madame M., sa voisine, bourgeoise en mal d'enfant, de Louis, le confident, amoureux depuis toujours d'Annie et aussi de Paul, le mari de madame M.
Le roman est intéressant parce qu'il décrit une période historique vécue par les deux femmes comme un arrière-fond, un contrepoint tragique aux événements privés qu'elles vivent. Pourtant certains aspects du récit me paraissent un peu convenus (comme le thème  si actuel de la mère porteuse ou la dénonciation des juifs pendant la guerre). Intéressants aussi ces personnages qui vont jusqu'au bout de leur passion et dont la vie basculera et sera irrémédiablement brisée. Madame M. en particulier, âpre et déterminée, est un personnage fascinant par sa violence intérieure, son désespoir  qui fait qu'elle est prête à tout pour obtenir ce qu'elle veut. Elle est à la fois bourreau et victime d'une société qui ne permet pas à la femme de se réaliser en dehors de son rôle de mère. Le personnage d'Annie est moins clair? Avant de devenir une femme amoureuse et prête à défendre son amour et son enfant, qu'est-elle vraiment? Comment comprendre son comportement? Est-elle une jeune fille naïve, un peu sotte, subjuguée par sa brillante voisine? Quand commence sa duplicité, son mensonge? Elle aussi n'est pas qu'une victime, sa vengeance envers la bonne de madame M. est terrible.
Ce roman est donc intéressant par sa forme et par les personnages en particulier féminins qui sont des héroïnes de tragédie. Le suspense qui est maintenu pendant un certain temps est un des charmes du roman.
Merci à Clara de faire voyager ce livre!

lundi 14 février 2011

Marylin Monroe, l’enchanteresse F.X.Feeney et The misfits

Marylin Monroe in The river of no return

Le livre, Marylin, l'enchanteresse brièvement commenté Par F.X.Feeney est avant tout un recueil de belles photographies. La biographie elle-même est plus que succincte mais le charme, le glamour, la sensualité de la jeune femme s'y étalent à chaque page et c'est en même temps une galerie de la plupart de ses films.
F.X.Feenex nous apprend que la petite Norma Jean Mortenson mue par une grande ambition qui lui vient d'une enfance malheureuse a fabriqué son personnage de toutes pièces en jouant sur sa plastique superbe et  en projetant librement sa sexualité.
Son exceptionnelle franchise, sa disponibilité naturelle donnent l'impression que le sexe est une idée saine, la dernière chose au monde qu'une personne saine irait réprimer, écrit-il.
Son personnage de "bombe blonde" réussit pleinement mais en femme intelligente, elle devient de plus en exigeante pour choisir ses scénarios. Son drame est de ne pas être prise au sérieux et elle luttera ensuite toute sa vie pour se débarrasser del 'image superficielle qu'elle a créée d'elle-même. Elle fonde sa propre société de Productions, suit les cours de l'Actors' Studio, épouse Henry Miller et convaincue de la nécessité de se cultiver pour être au niveau de son illustre mari va à l'université assister à des cours d'histoire de l'art.  Pourtant, lors de son mariage avec Henry Miller, la presse titre : La grosse tête épouse le sablier.
L'admiration qu'inspirait son physique menaçait de dévaloriser sa personne, mais elle était angoissée à l'idée que son apparence puisse rester ignorer écrit Henry Miller, conscient des contradictions de Marylin et de sa dépendance aux médicaments qui mettent sa vie en danger. Ils divorceront après Les désaxés (les Misfits), un de mes films préférés, dont le réalisateur est John Huston et le scénariste Henry Miller. Malgré leur séparation, Miller a écrit à Marylin un beau rôle, plein de sensibilité et fragilité, celui d'un personnage qui lui ressemblait un peu.  Marylin y interprète le rôle d'une jeune femme Roselyn venue à Reno pour divorcer. Complètement perdue, elle rencontre Gay (Clark Gable), un vieil aventurier, et Perce (Montgomery Clift), un cow boy de rodéo. Tous ces personnages sont aussi paumés les uns que les autres, tous sont des misfits, des désaxés  On peut dire que c'est le dernier film de Marylin qui ne terminera  pas le suivant et le dernier de Clark Gable qui lui donne la réplique.
Quelques réflexions de Marylin Monroe
Les gens avaient cette habitude de me regarder comme si j'étais une espèce de miroir  et non une personne. Ils ne me voyaient pas, ils voyaient leurs propres pensées obscènes et ensuite ils s'aveuglaient et m'accusaient, moi, d'obscénité.
J'essaie de devenir une artiste et d'être sincère, et parfois j'ai la sensation d'être au bord de la folie, j'essaie juste de faire sortir de moi la part qui est la plus vraie et c'est très dur.

Les Misfits : les désaxés


C’est un cliché vérifié pour toute forme d’art, et d’autant plus pour le cinéma, dont le rapport au monde est si fort : les œuvres les plus vraies, les plus puissantes émotionnellement sont celles qui viennent directement des tripes de l’artiste, celles pour lesquelles il donne son âme quitte à la dévoiler publiquement. Le scénariste des Désaxés, le dramaturge Arthur Miller, écrivit le film comme un cadeau d’adieu empoisonné à sa femme, Marilyn Monroe, dont il divorçait. Il voulut transmettre son sentiment d’échec et la terrible solitude qui l’accompagne, sans fioritures ni symbolismes, des émotions tellement universelles que tout ceux qui participèrent à ce chant funèbre − comédiens, réalisateur − y trouvèrent quelque chose qui leur appartenait également. Les Désaxés est l’une de ces expériences troublantes de cinéma, où les apparences font douloureusement écho à la réalité.

  Lire la suite de l'excellente critique de Ophélie Wiel dans Critikat



Challenge initié par George

dimanche 13 février 2011

Poésie collective d'une classe : La Paix



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Parfois, je publie ici des poèmes de mes élèves; ceux-ci sont depuis longtemps devenus des adultes mais  je continue à aimer l'imagination et la sensibilité dont ils ont fait preuve dans leur adolescence.


La Paix
La paix, ouatée et frémissante
s'esquisse
dans la brume translucide
Comme un visage endormi
Qui commence à s'éveiller

Comme une hirondelle timide
La paix réapparaît
Après l'hiver des armes

Somptueuse, elle jaillit
Comme une flamme encore malade
Comme un coeur qui veut battre
Dans un monde blessé
Par la guerre

Elle rayonne toute dorée
Comme l'amour dans un champ de blé
La Paix,
Nouveau-né qui pousse son premier cri
Rire trop longtemps gardé
Offert à l'univers entier.

Poème collectif (classe de cinquième année scolaire 83-84)

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis, Wens, Sophie57

Jérôme Coignard : Une femme disparaît, le vol de la Joconde au Louvre en 1911


A la Santé
Avant d’entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu’es-tu devenu
Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d’en sortir comme il fit
Adieu adieu chantante ronde
Ô mes années ô jeunes filles




Guillaume qu'est-tu devenu? C'est le cri d'angoisse que jette Guillaume Apollinaire dans A la Santé publié dans Alcools. En prison, il est accusé de complicité dans le vol de La Joconde! Et l'on sait que Picasso sera lui aussi inquiété. Depuis la lecture de ce poème, j'ai toujours eu envie, sans arriver à avoir une vue d'ensemble sur tous ces évènements, de savoir pourquoi notre pauvre poète s'était trouvé pris dans un tel imbroglio! Aussi quand Dialogues croisés a présenté parmi les lectures possibles, l'essai de Jérôme Coignard  : Une femme disparaît, le vol de la Joconde au Louvre en 1911, je me suis précipitée.
Ma curiosité est donc satisfaite à présent grâce à ce livre très bien documenté. Il procède comme une enquête policière en suivant pas à pas les tribulations de La Joconde depuis son enlèvement au Louvre le 22 août 1911 jusqu'à son retour à Paris le 31 décembre 1913 après avoir été transportée en Italie par le voleur, un ouvrier italien qui travaillait en France.
Le livre nous apprend des fait étonnants sur ce qu'était Le Louvre dans ces années-là. Voler une oeuvre, fut-ce une peinture aussi célèbre que La Joconde, était un jeu d'enfant  à cette époque. En effet, les tableaux étaient accrochés à de simples clous, sans dispositif de sécurité, et il était coutume, de plus, de les transporter d'une salle à l'autre pour qu'ils soient photographiés ou copiés sans que personne ne s'inquiète de leur absence! C'est depuis le vol de la Joconde, d'ailleurs, qu'est né l'habitude de laisser un panneau en lieu et place de l'oeuvre annonçant le déplacement du tableau, la raison de son absence, sa destination, et la date de son départ!
Ce à quoi, je ne m'attendais pas en lisant cet essai, c'est à l'aspect franchement comique voire absurde de toute cette affaire! Jérôme Coignard nous offre de véritables moments vaudevillesques qui mettent en scène les ridicules de tous, à toutes les échelles, des gardiens du Louvre au directeur, de la police à ces messieurs du gouvernement. Les écrits des journalistes  prêtent à rire aussi avec leur prose ampoulée déplorant le vol du tableau en des termes pompiers. Ridicule aussi toute cette foule qui n'était jamais allée voir Monna Lisa de "son vivant" - si l'on peut dire- et qui vient par milliers admirer les trois clous qui la retenaient. Les cafouillages de la police, les facéties des parisiens qui se livrent à des vols dans les musées et rendent ensuite leur larcin pour mieux prouver l'impéritie des services de sécurité sont autant de petits récits comiques que peut savourer le lecteur. Mais le plus absurde de tous est décidément le voleur, un italien immigré qui avait lu que Napoléon avait volé des oeuvres à l'Italie. D'où sa décision de rendre le tableau de Vinci à son pays tout en touchant un bon pactole! Curieuse alliance de patriotisme et d'intérêt personnel! Or, la Joconde n'a jamais été italienne. C'est une oeuvre que Léonard de Vinci a réalisée en France quand il était l'invité de François 1er et que le roi a acquis pour une coquette somme.
Mais sous l'aspect de comédie se dessine la menace de la guerre toute proche que cette folie liée à La Joconde semble repousser à l'arrière plan et les propos anti-germanistes mais aussi antisémites (on est tout prêt de l'affaire Dreyfus)  fleurissent dans les journaux, en particulier dans  l'Action française.

Un essai que j'ai lu avec plaisir et qui reconstitue toute une époque!

capture-d_ecran-2010-07-15-a-12-49-41.1297635945.png Merci à Dialogues croisées et aux éditions Le Passage

samedi 12 février 2011

Mathias Enard : Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants


Le roman de Mathias Enard  Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants...  raconte le séjour de Michel Ange à Byzance appelé par le sultan Bajazet pour construire un pont au-dessus du Bosphore. Une tranche  peu connue de la vie du grand sculpteur italien mais authentique!  Michel Ange succédait en cela à Léonard de Vinci qui avait été pressenti de la même manière mais avait échoué dans cette épreuve. Michel Ange part, un peu sur un coup de tête,  humilié par le pape jules II  qui refuse de lui payer une avance sur son tombeau au moment où le sculpteur réalise son fameux Moïse. La promesse d'une somme fabuleuse est aussi un appât complémentaire et non des moindres et se mesurer à son grand rival n'est pas pour lui déplaire.
Pour moi qui ne savais pas que Michel Ange  s'était rendu en Turquie, la surprise était totale. Bien sûr, je me suis particulièrement intéressée à cette histoire que je ne connaissais pas ayant en tête, depuis mon séjour à Istanbul,  l'image d'un pont élégant, d'une longueur impressionnante (1500m) mais contemporain, construit en 1973, bientôt rejoint en 1988 par un autre. Que l'on puisse vouloir réaliser un tel exploit technique au XVIème siècle me paraissait sidérant et j'étais curieuse de savoir comment et pourquoi  Michel Ange avait échoué. Nous apprendrons au cours du roman que le dessin du pont de Michel Ange a été retrouvé, le pont en passe d'être construit mais un complot oblige l'artiste à s'enfuir de Turquie peu avant le tremblement de terre qui engloutira le début des travaux.
Mathias Enard nous présente cette rencontre du sculpteur avec ce pays,  ses moeurs, son peuple et cette fabuleuse ville dont la  cathédrale de Sainte Sophie est  le fleuron, rencontre qui laisse libre cours à l'imagination du peintre-sculpteur-architecte mais aussi à son sens de l'observation.  Ce voyage même bref a énormément influencé Michel Ange et l'on peut voir  ce que l'artiste doit à son séjour à Byzance, à son retour en Italie, en particulier dans les fresques de la chapelle Sixtine.
Mais, en fait, on a peu d'informations sur ce séjour et les carnets de Michel Ange où il note le prix de ses courses ne nous apprennent pas grand chose. Les lettres à son frère reflètent ses préoccupations matérielles et financières. Le sujet est donc bien mince. Mathias Enard imagine la liaison de Michel Ange avec un danseur androgyne. Il décrit les sentiments amoureux du poète de cour, Mesihi, envers le sculpteur. Mais dans l'ensemble le roman manque d'ampleur. La lecture est agréable mais on reste sur sa faim. On aimerait en savoir plus sur ce séjour de l'artiste et à défaut de renseignements connus, au moins découvrir la ville et les coutumes de ce peuple d'une manière plus approfondie.
Le récit est donc un peu succinct mais il plaît par son sujet qui reste p

jeudi 10 février 2011

Louis Aragon : le roman, c'est la clef...


Winslow Homer (National Art Gallery Washington)
Le roman, c'est la clef des chambres interdites de notre maison
(préface de Les cloches de Bâle)
56270471_p12954715271.1296135011.gif A l'initiative de Chiffonnette

samedi 29 janvier 2011

Anne Percin : Bonheur fantôme

 

Dans Bonheur fantôme, Pierre, un jeune homme de 28 ans, en proie à une grande souffrance morale, quitte Paris et part s'installer à la campagne, plus exactement dans une petite ville provinciale, dans La Sarthe. Sa beauté exceptionnelle lui a permis de travailler comme mannequin afin  de payer ses études et  de faire assez d'économie pour acheter une maison et louer un atelier dans la Sarthe. Comment vivra-t-il?  Il est assez doué pour la brocante et gagnera (mal )sa vie en vendant des vieux objets et en cultivant son jardin. Mais il est libre de se consacrer à sa souffrance et à ses fantômes.

A priori, le livre de Anne Percin ne correspond pas à ce que je recherche dans un roman. Ce qui m'intéresse avant tout c'est la rencontre avec des personnages ancrés dans la société et qui se collettent avec les problèmes de la vie au jour le jour, avec des difficultés matérielles, économiques, sociales et pas seulement psychologiques. J'en ai un peu assez de ces êtres d'exception qui n'ont aucune difficulté à se soustraire aux contingences matérielles, parce qu'ils sont fortunés, ou, comme ici, dotés d'une beauté remarquable.
J'ai été pourtant sensible à la qualité de l'écriture. Il y a dans ce roman de beaux passages  analysés avec finesse (les relations avec les parents de Pierre ou avec la voisine Paulette) avec humour (le "déshabillage"  du lapin quand R. vient rendre visite à Pierre. Ah! ces parisiens en visite à la campagne!). Anne Percin sait parler avec délicatesse et sans tabou de l'amour homosexuel et des sentiments sincères éprouvés par Pierre et R.
Tout ceci est rythmé par chanson nostalgique de Mouloudji, Fantôme de bonheur :
je ne crois plus en rien, que veux-tu que j'espère?
la ronde continue mais je ne puis m'y faire
Si j'ai été entièrement convaincue par l'un des fantômes de Pierre, celui de son frère jumeau mort à l'âge de dix ans dont Anne Percin décrit l'absence qui hante l'esprit de Pierre sans pouvoir jamais s'effacer, j'ai été peu sensible par contre aux raisons qui le poussent à l'exil. Son histoire d'amour avec R. est  belle, sincère mais les causes de la rupture me rappellent le titre d'une tragédie de Shakespeare : Beaucoup de bruit pour rien. C'est d'ailleurs ce que pense la mère de Pierre elle-même quand il lui explique pourquoi il a fui Paris et abandonné R. sans explication.
Finalement, ce que j'ai préféré dans le roman, c'est l'histoire de  Rosa Bonheur, peintre animalier à qui Pierre consacre un ouvrage, une femme qui, comme George Sand, a eu à lutter contre les préjugés de son temps, une de ces fortes personnalités qui ne se laissent pas enfermer dans un carcan social. J'ai aimé aussi la manière dont l'auteur parle de cette peinture considérée de nos jours comme de "mauvais goût".  A moment donné, Pierre dit : "je respire le  XIXème siècle" en se comparant à Rosa Bonheur qui comme lui a fui Paris, à Adèle Hugo qui a souffert de la disparition de sa soeur Léopoldine. C'est, à mon avis, dans ces allers retours entre le passé et le présent, entre les personnages d'aujourd'hui et du siècle dernier que  réside l'un des plus grands charmes du roman.

Merci à Gwenaelle  du blog Le Skriban pour la découverte de ce livre voyageur.

John Keats, Bright Star


Je viens de voir à la télévision le film de Jane Campion  : Bright Star (je l'avais raté à son passage dans les salles de cinéma) racontant l'amour de John Keats pour Fanny Brownes, une jeune fille qu'il a rencontrée chez des amis à Londres. Les jeunes gens se fiancent mais Keats atteint de la tuberculose et sachant qu'il n'y survivrait pas (il avait des études de médecine) part en Italie où il meurt à Rome en 1821. Malgré les critiques négatives sur le film de Jane Campion à qui l'on a reproché  une trop grande recherche esthétique et une idéalisation des personnages, je l'ai beaucoup aimé pour la beauté des images et l'interprétation des personnages principaux aussi bien que secondaires.

John Keats
Fanny Brawn

Voici le poème de Keats, Brigth Star qui a donné son titre au film. Je l'ai traduit moi-même. Je suis bien consciente, n'ayant aucune prétention dans l'art de la traduction, que je ne rends pas vraiment hommage au poète. Enfin, mon anglais étant plus qu'hésitant, je ne vous en voudrais pas de me signaler des erreurs!

Bright star, would I were steadfast as thou art--
Not in lone splendour hung aloft the night
And watching, with eternal lids apart,
Like nature's patient, sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth's human shores,
Or gazing on the new soft-fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors--
No--yet still steadfast, still unchangeable,
Pillow'd upon my fair love's ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever--or else swoon to death.


Etoile brillante! Que ne puis-je être comme toi immuable
Non dans la splendeur solitaire et lointaine de la nuit
Observant, les  yeux toujours grand ouverts
Comme un patient, insomniaque Ermite de la Nature,
Les eaux qui se meuvent dans leur tâche rituelle
De purification des rivages humains autour de la Terre,
Ou contemplant le nouveau masque que revêt la neige
Tombée doucement sur les montagnes et les landes
Non-  mais toujours immuable et pour toujours constant
je voudrais reposer sur le sein mûr de mon bel amour
le sentir à jamais se soulever et retomber doucement
Etre toujours en éveil dans une délicieuse inquiétude
Encore et encore écouter son tendre souffle renaissant sans cesse
Et vivre ainsi pour toujours- ou  bien disparaître dans la mort

jeudi 27 janvier 2011

Anne Percin : Bonheur fantôme

Pierre, le personnage principal du livre de Anne Percin, Bonheur fantôme écrit sur un peintre animalier du XIXème siècle : Rosa Bonheur. Celle-ci s'habillait en homme et voilà ce que nous apprend l'écrivain à ce sujet.

...pour s'habiller en homme il fallait un laisser passer… Cela s'appelait une autorisation de travestissement, et c'est la préfecture de police qui la délivrait. Il fallait un motif pour cette dérogation. Le plus fréquemment invoqué, qui figure sur le document de Roa, c'est Raisons de santé. Sur le coup, j'ai trouvé ça marrant. Ca ne l'est pas tant que ça, à une époque où l'on faisait crever les femmes dans des corsets qui leur enfonçaient les côtes, déplaçaient les organes, provoquaient des avortements spontanés, des syncopes, des hémorragies internes.  Nathalie Micas, la compagne de Rosa Bonheur, avait bénéficié de la même dérogation, sans laquelle la femme travestie était mise à l'amende, voire emprisonnée si elle avait le ridicule de récidiver. George Sand la sollicita aussi, ce qui laisse à penser que, si la chose nous semble aberrante, elle devait être plus répandue qu'on ne le croit. Evidemment, cela n'ôte rien au courage  des unes et des autres.
Quel courage? demandera-t-on. Non celui de se faire remarquer, car aucune n'a cherché le succès de scandale, qui n'aura été qu'un dommage collatéral. Elles voulaient porter le pantalon, pourquoi?
(…)  Tout vêtement est un  travestissement. A défaut d'avoir le droit d'aller nu, on doit avoir au moins celui d'être libre de ses mouvements. (...)
Elles n'ont pas cherché l'exotisme, mais l'effacement. Pas la singularité, mais la discrétion. Comme le dit justement George Sand, pour n'être pas remarquée en homme, il faut déjà avoir l'habitude de ne pas se faire remarquer en femme.



Caricature de George Sand par Alcide Lorentz (voir source )
(la caricature : le dommage collatéral dont parle Anne Percin.)



La citation initié par Chiffonnette

dimanche 23 janvier 2011

Dimanche en poésie : Haiku et Tanka

Hasui Kawase  : mare de Shiba
En recherchant des Haikus, une forme de poésie que j'aime beaucoup, j'ai découvert un site intitulé Haïku sans frontière qui nous invite à découvrir cette poésie classique japonaise qui a fait son chemin en Occident de nos jours et toutes les autres formes moins connues comme le Tanka, le Renku, le Haïbun, le récit d'un rêve.
Le HAIKU, même si certains poètes prennent des libertés avec une forme contraignante, présente traditionnellement  3 vers comprenant respectivement 5/7/5 syllabes.

Haiku de Kusatao NAKAMURA

Kusatao Nakamura (ou KUSATAO) naît en Chine en 1901 et meurt à Tokyo en 1983 Sur le site Haïku sans frontière; présentation: Alain Kervern; traduction des haïkus: Makoto Kemmoku et A. Kervern.
Manger du raisin
Une grappe après l'autre
Comme une grappe de mots
Aube glacée
Chant de grillon
C'est mon enfant qui dort

Le TANKA est un poème construit en deux parties dont la seconde renforce l'autre. Il présente traditionnellement  un tercet  dont chaque vers compte respectivement 5/7/7 syllabes comme dans le Haïku et un distique dont chaque vers compte 7 syllabes.

TANKA de Jean-Michel MAYOT
Tanka de la nuit d'hiver
Veillée en hiver
Le feu à l'âtre s'épuise
En ombres chinoises
Sous son abat-jour en fer
La lampe s'épanche en flaque

Tanka de l'amour
Crocus dans la neige
Vous m'arrosiez de lumière
Comme un vol d'oiseaux
La peur doucement fuyait
Tout en moi devenait ailes

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis, Wens,sophie57

dimanche 16 janvier 2011

Mariama Bâ : Une si longue lettre

Mariama Bâ est Sénégalaise. Professeur, mère de neuf enfants, mariée et divorcée, elle a toujours lutté pour la cause des femmes, pour leurs droits à l'éducation et à l'égalité et contre la polygamie et le système des castes. Avec Une si longue lettre elle écrit un très beau livre qui présente la condition féminine au Sénégal à travers les personnages de deux femmes, différentes l'une de l'autre mais toutes deux d'une grande dignité.

A la mort de son mari Modou, Ramatoulaye, bouleversée, adresse une lettre à son amie d'enfance Aïssatou, Une si longue lettre. Nous découvrons la vie de ses deux femmes à travers leurs souvenirs d'enfance puis leur statut de femmes mariées et mères de famille. Tous deux ont vécu l'immense chagrin de voir leur mari épouser une autre femme attiré par la jeunesse de leur corps neuf pas encore déformé par les grossesses successives. Marima Bâ dépeint avec beaucoup de justesse les sentiments de ces épouses bafouées que l'on met devant le fait accompli quand le  second mariage est déjà célébré. Abandon, condition de la femme traitée comme une marchandise, chagrin, blessures qui ne se referment jamais, humiliation,  amertume, dépression ou révolte...  Toutes deux vont réagir selon leur caractère :  Aïssatou  divorce, Ramatoulaye, trop attachée aux traditions, peut-être aussi trop attachée à Modou après vingt-cinq ans de vie commune et douze enfants,  refuse de partir.
Une si longue lettre en abordant ainsi les difficultés des femmes au Sénégal brosse aussi un tableau de la société sénégalaise; l'existence des castes qui créent des hiatus entre les différentes couches de la population, intolérance, préjugés, sentiment de supériorité d'une caste sur l'autre, suprématie du sang, de la noblesse de naissance. Ainsi Mawdo Bâ, un Toucouleur, fils d'une Dioufene, Guelewar du Sine, fait scandale en épousant Aïssatou, une "courte robe", la fille d'un bijoutier. Il cédera  sans trop de difficulté à sa mère en acceptant une deuxième épouse choisie par elle. Nous voyons aussi les coutumes et les rites qui entourent un enterrement, les croyances religieuses, les mouvements politiques et  le syndicalisme d'un pays en pleine mutation, plein d'espoir après l'Indépendance..
Mon coeur est en fête chaque fois qu'une femme émerge de l'ombre. Je sais mouvant le terrain des acquis, difficile la survie des conquêtes : les contraintes sociales bousculent toujours et l'égoïsme mâle résiste.
Instruments des uns, appâts pour d'autres, respectées ou méprisées, toutes les femmes ont le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté.
Ce court roman écrit dans une langue élégante est un vibrant plaidoyer pour la liberté des femmes et un cri d'espoir pour l'avenir à la recherche du bonheur.
Le mot bonheur recouvre bien des choses, n'est-ce pas?J'irai à sa recherche. Tant pis pour moi si j'ai encore à t'écrire une si longue lettre...
Je remercie Miriam de m'avoir fait découvrir Mariama Bâ en m'envoyant cette si longue lettre.

samedi 15 janvier 2011

Irène Schwartz et Frédéric Stehr : Soupir apprend à siffler


Soupir apprend à siffler de Irène Schwartz et  Frédéric Stehr aux éditions L'école des Loisirs fait partie d'une série d'albums qui raconte les apprentissages de Soupir, petite marmotte qui a tout à apprendre de la vie et de sa soeur Mariette : La fessée de Mariette et de Soupir, Mariette et Soupir ont perdu maman, Mariette et Soupir cherchent une maison...

Dans cet album Soupir va être initié aux différentes manières de siffler  par sa grande soeur Mariette. Mais n'allez pas croire que c'est une occupation futile. Bien au contraire! Car de ces sifflements dépend la survie de famille marmotte. Ainsi Mariette apprend à Soupir comment siffler en cas d'avalanche,  comment signaler le vol de l'aigle, l'approche de l'hermine ou du renard, tous les dangers qui guettent la gent animale dans la haute montagne où ils vivent. Mais Soupir n'est pas très doué et la journée se passe en sifflements signalant les pires catastrophes. Pas étonnant si les amis conviés au goûter ne sont pas au rendez-vous! Heureusement  la leçon aura porté ses fruits et Soupir pourra sauver sa famille en sifflant le vol de l'aigle.

L'histoire est charmante, les dessins aussi, très doux, avec des couleurs pastel et des détails précis sur les paysages et les différents animaux. L'enfant pourra s'identifier aux deux petites marmottes qui sont bien mignonnes. Pourtant, le récit manque un peu d'originalité et de surprise.
dailogues-croises-capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1295108886.png  Merci à Dialogues croisés et aux éditions : L'école des Loisirs.

Raymond Queneau, La Cimaise et la Fraction


Décidément j'aime l'Oulipo! A partir de  La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine, Raymond Queneau (on sait combien les Oulipiens aiment les mathématiques) a appliqué la variation+7, c'est à dire qu'il a remplacé chaque nom du texte par le septième nom qui le suit dans le dictionnaire. Il a fait de même ensuite pour chaque verbe et chaque adjectif. C'est ainsi qu'a été créée la fable : La Cimaise et la Fraction. Or, rares sont les personnes qui ne reconnaissent pas le texte car la structure du vers et surtout de la syntaxe (formes verbales, tournures interrogatives, exclamatives ...) a été conservée.
La cimaise ayant chaperonné tout l’éternueur,
Se tuba fort dépurative quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio de  moufette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique,
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu’à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l’apanage, folâtrerie d’Annamite,
Interlocutoire et priodonte."
La fraction n’est pas prévisible ;
C’est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? j’en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
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jeudi 13 janvier 2011

Apollinaire, La chanson du Mal-Aimé : et je chantais cette romance...

 

Guillaume Apollinaire écrit La Chanson du Mal-Aimé en 1903 lors d'un voyage à Londres qu'il fit au mois de Novembre de la même année. Le poème lui est inspiré par le refus d'Annie d'accepter le mariage. Ce très long poème dont vous lisez ici le début  est dédié à Paul Léautaud où il fait allusion à son amour naissant pour Marie Laurencin en 1908.
 La Chanson du Mal-Aimé
A Paul Léautaud
Et je chantais cette romance
En 1903 sans savoir
Que mon amour à la semblance
Du beau Phénix s'il meurt un soi
Le matin voit sa renaissance

Un soir de demi-brume á Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu'il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garçon
Qui sifflotait mains dans les poches
Nous semblions entre les maisons
Onde ouverte de la mer Rouge
Lui les Hébreux moi Pharaon
Que tombent ces vagues de briques
Si tu ne fus pas bien aimée
Je suis le souverain d'Égypte
Sa sæur-épouse son armée
Si tu n'es pas l'amour unique
Au tournant d'une rue brûlant
de tous les feux de ses façades
Plaies du brouillard sanguinolent
Où se lamentaient les façades
Une femme lui ressemblant
C'était son regard d'inhumaine
La cicatrice à son cou nu
Sortit saoule d'une taverne
Au moment où je reconnus
La fausseté de l'amour même
Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qui'il revînt
L'époux royal de Sacontale
Las de vaincre se réjouit
Quand il la retrouva plus pâle
D'attente et d'amour yeux pâlis
Caressant sa gazelle mâle
J'ai pensé à ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celle
Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infidèles
Me rendirent si malheureux
(...)
Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus


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