Pages

lundi 2 mai 2016

Nicolaï Astrup, peintre norvégien


Nicolaj Astrup : Where five valleys meet

Je vous avais parlé du coup de coeur que j'ai eu à propos  du peintre norvégien Harald Sohlberg ICI.  Mais j'ai fait une erreur en publiant dans le billet qui le concernait un tableau qui n'était pas de lui. Il s'agissait, en fait, d'une oeuvre de Nicolaï Astrup (1880-1928), un autre peintre norvégien que j'adore. Vous vous en souvenez certainement puisque beaucoup d'entre vous avait aimé cet arbre torturé, ayant forme humaine, qui levait les bras au ciel dans un geste de déréliction.

Nicolai Astrup : Matin de mars

 Matin de mars introduit le thème du Saule-lutin ou Gobelin (Willow-Goblin), que Nicolaï Astrup affectionnait  et qu'il a décliné dans plusieurs tableaux peints à différentes heures de la journée, avec des variations de lumière qui les rendent uniques.

 Nuit de printemps et Saule-Lutin
Nicolai Astrup  se qualifie lui-même de "peintre naturaliste naïf". Il peint les paysages qui l'entourent, les montagnes sur laquelle sa maison est perchée et qui domine le lac en contrebas. Il rend la beauté mais aussi la rigueur de la nature, le froid, le passage des saisons.







 Il s'intéresse au folklore norvégien, aux légendes, à la magie que les paysages norvégiens semblent porter en eux. Il peint les fêtes païennes,  (Midsummer), avec ses feux de joie, que son père, pasteur, lui interdisait de fréquenter lorsqu'il était enfant parce que évocateur, dans son esprit, du diable et des sorcières. Dans tableau Midsummer Eve Bonfire la jeune femme enceinte qui contemple les couples en train de danser représente la fertilité.

Nicolai Astrup : Midsummer Eve Bonfire

Midsummer

NicolaI Astrup : Je suis un enfant
Nicolaï Astrup : Rhubarbes

Nicolai Astrup peint par Henrik Lund


Nicolai Astrup né en 1880 est le fils d'un pasteur luthérien. Il vécut à  Ålhus dans le district de Jølster dans la Norvège de l'Ouest et a passé son enfance dans la cure insalubre de son père, ce qui a compromis gravement sa santé, asthme, tuberculose... Il est mort d'une pneumonie à l'âge de 47 ans.  Il a étudié aux beaux-arts de Kristiana puis a fait un voyage d'étude et a séjourné à Paris, Londres, Copenhague, Stockholm et en Algérie. Il retourne ensuite à Jølster où il s'installe à Sandalstrand. Il vivait avec sa femme et sa fille dans une maison au toit de feuillages et de mousse, perchée au-dessus du lac, qu'il a maintes fois reproduite.


dimanche 1 mai 2016

Henrik Ibsen : Une maison de poupée


Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. Elle rembourse chaque mois sa dette en rognant sur les dépenses du ménage et en se privant de tout. Mais l’avocat qui veut obtenir un poste dans la banque dont Helmer est devenu le directeur la menace de la poursuivre en justice si Helmer ne lui donne pas satisfaction. Nora désespérée pense que Helmer va vouloir prendre sa faute et se faire condamner à sa place. Elle est prête à mourir plutôt que d’envoyer son mari en prison. Mais lorsque celui-ci apprend la vérité, il accepte le chantage de Krogstad et condamne sévèrement la jeune femme. Furieux, il décide de la séparer de ses enfants car elle ne lui paraît pas digne de les élever. Aussi lorsque l’avocat renonce à la poursuivre, Nora refuse de jouer à nouveau à la maison de poupée, avec un mari redevenu indulgent; elle prend conscience qu’elle n’a jamais pu être elle-même et décide de partir pour être libre et devenir enfin adulte.

Jane Fonda dans le rôle de Nora

Une maison de poupée est ma pièce préférée de Henrik Ibsen. Le thème féministe qui m’intéresse particulièrement y est pour beaucoup évidemment. Il pose le problème de la liberté de la femme toujours considéré comme une mineure dans une société où elle doit tout attendre de son mari.
Le mot « féministe » nous explique Régis Boyer dans les notes écrites à propos de La maison de poupée n’est pas le terme qui convient précisément à Ibsen. Il était surtout moraliste et la double morale pratiquée en son temps entre l’homme et la femme, - douce et indulgente pour l’un et implacable pour l’autre-  le révoltait. Il écrivait : « Une femme ne saurait être elle-même dans la société de notre temps, c’est une société exclusivement masculine avec des lois écrites par des hommes et avec des accusateurs et des juges qui condamnent la conduite d’une femme d’un point de vue masculin. »
Or ce thème est traité ici d’une manière relativement optimiste, qui donne du baume au coeur, grâce au personnage de Nora. On sent toute la tendresse de Henrik Ibsen envers ce personnage qu’il a doté de grâce, de vivacité (écureuil, alouette), de sensibilité mais aussi d’intelligence et de courage. Elle dit adieu à son confort douillet, à ses enfants, car elle ne peut vivre dans le mensonge, continuer à faire semblant. Nora est une enfant qui devient une adulte devant nos yeux, qui prend conscience de la réalité et qui n’accepte pas les compromis. La conduite de son mari envers elle lui dessille les yeux, elle acquiert la lucidité et elle dénonce une société qui maintient les femmes dans l’ignorance et dans l’enfance mais qui les stigmatise quand elles ne connaissent pas les lois et commettent des erreurs. Ibsen signifie par là que tous les individus, femmes ou hommes, ont le droit d’être eux-mêmes, de chercher leur « vérité » et de refuser le « mensonge vital », celui de Peer Gynt ou des personnages de La cane sauvage.

Inutile de dire encore une fois que le dénouement de la pièce fit un scandale : une femme qui quitte son mari et qui abandonne ses enfants avait peu de chance de rencontrer la compréhension. D’ailleurs en est-il autrement aujourd’hui?






Bravo à : Aifelle, Eeguab, Keisha... et merci!

Une maison de poupée pièce de Henrik Ibsen
Le film : Une maison de poupée de Joseph Losey





samedi 30 avril 2016

Un Livre/Un film : énigme du samedi


`
Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme sera donné le Dimanche.

Nous partons en Norvège au mois de Mai. La prochaine énigme aura lieu le premier samedi du mois de Juin : le 4


Enigme N° 127 

Vous allez dire que je suis monomaniaque dans mes lectures et vous aurez raison! Mais au moins n'aurez-vous pas de difficulté pour trouver le nom de ce dramaturge norvégien  et le titre de sa pièce :


- Parle plus bas! Pense donc si T. t'entendait! Pour rien au monde je ne voudrais qu'il.. Personne ne doit savoir, personne en dehors de toi.

- Mais qu'est- ce donc?

-Viens là plus près. (Elle l'amène à s'asseoir sur le sofa à côté d'elle). Moi aussi il y a quelque chose dont j'ai lieu d'être heureuse et fière. C'est moi qui ai sauvé la vie de T. 

-Sauvé, comment cela sauvé?

-Je t'ai parlé de ce voyage en Italie, n'est-ce pas? T.  n'en aurait pas réchappé s'il n'était  allé là-bas.

-Et bien, oui! Ton père t'a donné l'argent nécessaire...

- Oui, c'est ce que croient T. et tout le monde. Mais...

-Mais...?

-Papa ne nous a pas donné un sou. C'est moi qui me suis procuré de l'argent.

-Toi? une somme pareille?

- Douze cents rixdales. Quatre mille huit cents couronnes. Qu'est-ce que tu en dis?


vendredi 29 avril 2016

Linn Ullmann : Et maintenant il ne faut plus pleurer





Linn Ullmann, née le 9 août 1966 à Oslo, est une critique et romancière norvégienne. Fille du cinéaste Ingmar Bergman et de l'actrice Liv Ullmann, Linn Ullmann passe son enfance auprès de sa mère, d'Oslo jusqu'à New-York, où elle résidera durant douze ans. Elle apparaît brièvement dans le film réalisé par son père Sonate d'automne, dans lequel elle interprète la version rajeunie du personnage tenu par sa mère. Elle étudie la littérature anglaise à l'Université de New York.
Journaliste, écrivain et critique littéraire, elle a écrit plusieurs romans : Avant que tu ne t'endormes (1999) Vertiges (2003) Miséricorde(2005) Je suis un ange venu du nord (2010);


 Et maintenant il ne faut plus pleurer  est son cinquième livre traduit en français. Je laisse à son éditeur - Actes Sud-  le soin de vous raconter l'histoire : quatrième de couverture

Le récit

 Comme tous les ans, Siri Brodal emmène son mari et ses enfants passer l’été chez sa mère, Jenny, dans un petit village paisible de la côte norvégienne. Cette fois, Mille, une adolescente à la beauté lunaire, les accompagne afin de s’occuper des deux filles. Pour Siri, ces séjours chez sa mère sont une épreuve douloureuse qu’elle nourrit toujours l’espoir de surmonter. Depuis que son petit frère s’est noyé dans le lac à l’âge de quatre ans, elle cherche en vain le pardon dans le regard fuyant de Jenny. Quant au mari de Siri, écrivain à la dérive qui tente depuis cinq ans d’accoucher de son nouveau roman, il passe son temps enfermé dans le grenier à envoyer des SMS frivoles à des femmes qui ne l’intéressent pas. Un soir, Siri organise une grande fête à l’occasion des soixante-quinze ans de sa mère. Tandis que les convives l’attendent dans le jardin, l’invitée d’honneur s’enferme dans sa chambre. Et personne ne prête attention à la jeune Mille qui se glisse silencieusement par le portail pour ne plus jamais revenir…

Mon avis 

Comme le roman commence par la découverte d'un cadavre, le lecteur peut  raisonnablement penser qu'il s'agit d'un livre policier. Il n'en est rien. Si l'on sait presque tout de suite qui est l'auteur du crime, c'est parce que l'écrivain omniscient nous le dit. Il n'y a pas d'enquête, ni de suspense. Tout est dit et  à partir de là Linn Ullmann présente ce qui l'intéresse :  l'analyse de la  psychologie de ses personnages et des rapports familiaux complexes qu'ils entretiennent, le déchiffrage  de ce que Paul Eluard a appelé "les affreux noeuds de serpents des liens du sang". La mère Jenny, la fille Siri et la petite fille Alma, toutes sont marquées à différents stades par le drame originel : dans le passé, la noyade  du petit frère que sa soeur Siri n'a pu empêcher et, dans le présent, la disparition de Mille, la jolie baby sitter engagée par Siri pour garder ses filles Liv et Alma.
 Jenny a-telle pardonné à Siri? Siri cessera-t-elle un jour d'essayer d'acheter l'amour et le pardon de sa mère? La fête qu'elle veut donner à tout prix en l'honneur des 75 ans de Jenny alors même que celle-ci la refuse, allant même jusqu'à ne pas être présente à cette soirée, peint  d'une manière magistrale le malaise qui règne entre la mère et la fille.  Le sentiment de culpabilité de Siri face à la mort de son petit frère rejoint celui d'Alma vis à vis de Mille. Que cache Alma à ses parents et pourquoi est-elle si agressive?
 Rien n'est dit dans cette famille, où les personnes gardent pour eux leurs sentiments secrets, où les agissements des uns et des autres ne se font jamais dans la clarté.  Le sentiment de culpabilité n'est jamais exprimé, le ressentiment non plus. Et chacun y est un peu trouble, avec sa part d'ombre. Le père, par exemple, passe son temps à entretenir des liaisons par désoeuvrement avec des femmes qu'il n'apprécie pas et a un comportement ambigu envers Mille. 

Linn Ullmann peint avec puissance la pesanteur des liens familiaux et les maladies de l'âme humaine. Elle se révèle habile dans l'art brouiller les repères temporaux, de mêler le présent et le passé d'une manière inextricable, dans la façon dont elle fait partager au lecteur le drame qui détruit les personnages par l'intérieur sans que jamais cela ne soit dit ou reconnu par l'entourage.
 Un roman qui révèle des qualités certaines de style et de psychologue.


Ainsi Siri, lorsqu'elle était petite fille,  face au chagrin et à la colère de sa mère ne pouvait que se perdre dans plusieurs personnalités pour y faire face

"Une fois qu'elle arrivait en déferlant, la fureur de Jenny était si grande, noire, impossible à réfréner, que mieux valait se diviser et de venir une armée entière. Devenir une  qui faisait la vigie. Une qui se battait. Une qui pleurait et demandait grâce. Une qui raisonnait. Une qui dansait et faisait des pitreries. Une qui demandait pardon. Une qui apportait des fruits et du réconfort. Une qui essayait de tout réparer. Et une qui se sauvait mais qui n'arrivait jamais bien loin."


jeudi 28 avril 2016

Raymond Lacroix : Un soir de Septembre à Tihuiten

Paysage de la Nouvelle-Calédonie (source)

Il y a quelques jours j'ai participé à une jeu poétique venu du Québec. Il s'agissait de partager son amour de la poésie avec d'autres personnes, inconnues ou non, dont on nous indiquait l'adresse mail, en envoyant un de nos poèmes favoris. Je vous ai d'ailleurs sollicités, chers amis blogueurs! Il faut croire que le jeu a voyagé puisque j'ai reçu, quant à moi, une poésie de la Nouvelle-Calédonie, Un soir de Septembre à Tihuiten, de Raymond Lacroix, envoyée par Régine G. que je remercie ici.

 Raymond Lacroix : Voir sa biographie ICI "La mort d’un poète : Raymond Lacroix n’est plus" parue en Mars 2005 à l'occasion de son décès.

 Un soir de Septembre à Tihuiten est un sonnet de facture classique qui montre l'influence française mais ce que j'ai le plus apprécié, c'est évidemment de découvrir l'île et sa culture.

 Un soir de Septembre à Tihuiten

La cascade aux roseaux bourdonne son glouglou
Bordant la tarodière en pente évanescente
Près des billons fumants, le danseur dans la sente
Scande un rythme oublié de l'antique pilou.

C'est l'heure vespérale ou règne le Tabou.
Du banian défeuillé la roussette s'absente;
Sur la brise des monts que l'érythrine hante
Les grincheuses du soir descendent en vol flou.

Des brouillards indécis s'enrobent sur la chaîne.
Un bramement résonne et déferle à la plaine;
La sylve en harmonie entonne sa chanson;

Le chant lent des notous retentit dans la gorge
Puis s'égrène aux grands pans que partout l'écho forge;
Mais tout âme bientôt s'apaise à l'unisson.

Raymond Lacroix

Le pilou est la danse traditionnelle kanake. Elle tient son nom des missionnaires français en Nouvelle-Calédonie. Les pilous marquent les grandes cérémonies mais aussi des événements plus mineurs : il existe des "pilous de guerre", des "pilous de deuil", ou encore de simples pilous d'adieu lors du départ d'une personne d'importance. Généralement, une tribu invite des tribus amies. La tribu invitante fournit la nourriture, les tribus invitées apportent des présents. Le chef de la tribu invitante prononce un discours. Une cérémonie a lieu. La danse consiste à tourner selon une spirale, hommes et femmes séparés, au son des instruments qui marquent la cadence, tambours en bambou et tambourins en écorce frappés l'un contre l'autre. Les hommes portent leurs armes, alors que les femmes portent des rameaux ou des bâtons. Les guerriers simulent des combats.
La dernière partie est une boria, danse totalement différente, mêlant les genres, en une sorte de piétinement lourd et rythmé, « réplique et préfiguration de cette occupation des défunts » (Leenhardt, Do Kamo, 112). La foule gesticule, martèle le sol, pilonne, écrase, en mesure.
Chaque danse invente sa propre chorégraphie. (source Wikipédia)

Rendue célèbre lors de l'exposition coloniale de 1931 à Paris où les kanaks amenés de leur île furent présentés comme des sauvages cannibales, la danse a connu un vif succès dans la bonne société parisienne qui l'avait adoptée et..  adaptée!  Les autorités françaises et l'église catholique considéraient cette danse comme indécente. Elle fut interdite en 1880 mais les cabarets continuèrent à l'offrir aux touristes. 





Le banian ou figuier de l'Inde se propage sur de grandes étendues grâce à ses racines aériennes qui se développent quand elles touchent la terre. Il  peut atteindre une taille gigantesque..
 
Banians (source)
 Les billons : désigne spécifiquement le monticule de terre allongé dans lequel sont cultivées les ignames. Les billons des anciennes cultures d'ignames des Mélanésiens étaient particulièrement importants, hauts de plus de 1 mètre, larges de 3 m, ils s'étendaient sur plusieurs dizaines de mètres en plusieurs rangs et permettaient d'obtenir des ignames atteignant plus d'un mètre de longueur. (source)

 
L'érythrine, crête de coq

 Voici aussi les explications données, à la suite de ce poème, par  Pierre de Saint Steban, commissaire général de la Marine  et que vient compléter Régine G. qui nous a fait découvrir ce sonnet.  

La tarodière est un lieu planté de taros, plantes tropicales de la famille des aracées, dont les tubercules sont comestibles.
 
Le taro (source)
 
Le taro (source)

 Les grincheuses sont les roussettes, grosses chauves-souris  dont la chair très fine est très appréciée des Calédoniens de toute origine et dont les poils tressés servent à faire des colliers et des bracelets.

 
Roussette de Nouvelle-Calédonie (source)

La chaîne, c'est ainsi qu'est appelée la montagne calédonienne.


La chaîne : la montagne calédonienne (source)

Les notous sont de gros pigeons autochtones, en voie de disparition parce que trop chassés.
Le bramement : les marins ont laissé des cerfs et des biches sur le territoire pour se réapprovisionner en viande fraîche dans leurs longs périples, ils ont fait de même avec les dindons qui aujourd'hui ont des pattes très, très hautes! On chasse toujours les cerfs et les dindons (moins prisés). Il n y avait aucune viande sur le territoire.

 
Paysage de Nouvelle-Calédonie (source)
"La Nouvelle-Calédonie, écrit Régine, pays paradisiaque tant que l'ambition et la politique ne s'en mêlent pas! Habitants multicolores, les marins ont laissé des enfants, certains a la "retraite" ont pris femme sur le territoire marin : italiens, anglais, danois, allemands, français, prisonniers politiques, mais aussi paysans aventureux, indochinois, chinois, réunionnais(qui ont apporté... les arbres à fleurs!), pieds noirs, antillais.... Chacun a trouvé sa place même si on titille la vieille culpabilité coloniale, ce n'est pas le petit blanc qui a fait fortune aux dépends du Canaque!


Dans le cadre La poésie du Jeudi Chez Asphodèle


mardi 26 avril 2016

Jon Fosse : La remise à bateaux





 Jon Fosse est un écrivain norvégien, né à Haugesund en 1959. Il a écrit des romans et aussi des livres pour la jeunesse.
Dramaturge, il est internationalement reconnu. Certaines de ses pièces ont été présentées au festival d'Avignon : 
En 2002 avec  Visites  mise en scène Marie-Louise Bischofberger
En 2011 avec  Je suis le vent mise en scène par Patrice Chéreau.
en 2015 avec  Matin et soir
 En 2010 sa pièce Quelqu'un va venir reçoit le prix international Henrik Ibsen


Je vous ai déjà présenté Jon Fosse, écrivain norvégien, avec le premier livre que j’ai lu de lui  : Insomnie. Je viens de finir ce roman intitulé La remise à bateaux.

Le narrateur, enfermé dans son grenier, écrit, gagné par l’inquiétude : « l’inquiétude est insupportable, c’est  pour ça que je dois écrire ». Ce sentiment qui le submerge, il le doit au retour dans le village natal de son ami d’enfance Knut qu’il n’avait pas revu depuis de longues années. Knut est professeur de musique, il a des enfants, une femme belle et visiblement insatisfaite qui va jouer un jeu trouble dans ses rapports avec le narrateur.  Ce dernier est resté au pays, il n’a pas fait d’étude, habite chez sa mère, vivote en se livrant à quelques petits travaux.  Peut-être est-il simple d'esprit comme semblent l'indiquer le manque de cohésion du récit, les répétitions incessantes, le vocabulaire simple? Peut-être au contraire est-il tellement replié sur lui-même, tellement persuadé de n'être rien qu'il ne peut plus communiquer? On sait qu'il se réfugie dans les livres. Peu à peu remontent à la surface les souvenirs d’enfance des deux garçons liés par l’amour de la musique, peu à peu reviennent les moments qui rassemblent et ceux blessent; cet instant irréparable, en apparence anodin, mais qui a une telle répercussion sur un adolescent fragile qu’il décide de son avenir. Ce qui les a séparés, qui a fait de chacun d’entre eux ce qu’il est devenu.

Récit douloureux, avec des retours vers l’enfance au milieu du présent. Le récit n’est pas linéaire et nous livre des bribes de souvenirs comme un flash de la mémoire qui ensuite disparaît pour réapparaître un peu plus loin davantage explicité. On a l’impression que l’on suit les méandres d’un esprit en proie au trouble, à la peur.
Et toujours la même surprise et la même difficulté pour entrer dans  un livre de Jon Fosse car le style -inimitable et étrange- est formé des phrases courtes qui reviennent, se répètent encore et encore, comme une antienne.  Comme si le narrateur était tellement choqué, bouleversé, qu’il était obligé de revenir sans cesse dans ses souvenirs, de les tourner et les retourner devant nous. Mais peu à peu comme pour Insomnie, j’entre dans le récit, je suis prise par ces phrases répétitives, obsédantes, empreintes de douleur. Elles ont un rythme lancinant et semblent répondre aux bruits incessants des vagues du Fjord qui s’écrasent contre le rivage. Elles peignent ce paysage sombre, fait de montagnes écrasantes et de masses d'eau impressionnantes, éloigné de tout, qui pèse sur les esprits. Elles peignent la solitude des personnages, la difficulté de vivre, le sentiment d’échec, la jalousie qui les ronge et  l’angoisse qui les accable!
Encore un très beau livre bien que déroutant!

Et nous marchons sur la route, le long du fjord, et les vagues frappent doucement, toujours et encore, elles frappent contre la grève, et le fjord est noir, il s'étend vers la mer, et je devine les montagnes qui bordent le fjord, les maisons sombres, et le fjord, toujours et encore le fjord et les vagues, et puis les montagnes.

dimanche 17 avril 2016

Harper Lee : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur



Il y a plus de cinq ans, j'avais écrit ce billet sur Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, pour le blogo-club de Sylire. Ce roman est un best seller américain que l'on fait étudier dans les écoles de nos jours aux Etats-Unis, et pour cause! Il s'agit d'un appel à la tolérance, d'une belle leçon contre le racisme; et puis aussi d'une vérité essentielle formulée ainsi : Avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu.

Harper Lee (source )

En Février 2016, la romancière Harper Lee, auteure du célèbre "Ne Tirez pas sur l'Oiseau moqueur" ("To Kill a Mockingbird" en anglais) est morte à l'âge de 89 ans. Ce livre, vendu à plus de 30 millions d'exemplaires, est considéré comme un classique de la littérature américaine.
Née en 1926 dans l'Alabama, elle avait été à l'école avec le futur écrivain Truman Capote. C'est lui qui, en 1959, la met sur la voie de la littérature. À cette époque, elle l'épaule dans l'enquête de ce qui va devenir "De sang froid".
Elle a publié "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" en 1960. Ce livre, couronné du prix Pulitzer, restera longtemps l'unique ouvrage de son oeuvre. Toutefois, en juillet 2015, Harper Lee a publié "Go Set a Watchman", un livre écrit dans les années 50 et présenté comme une suite. (source )

Voir aussi l'article Harper Lee le retour à propos de son second livre ICI

Harper Lee à l'époque de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Voilà ce que j'en écrivais en 2010 :  Quand j'ai lu il y a quelques années Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, j'avais été séduite par ce livre, par ce ton frais, empreint d'une apparente naïveté, par ce regard d'enfant qui porte un regard sur le monde qui l'entoure et découvre des choses qui le dépasse, qu'il ne comprend pas mais qu'il réprouve. La phrase de Charles Lamb que Harper Lee cite en exergue : Les avocats n'ont-ils pas commencé par être des enfants?" prend ici toute sa signification.
Quand j'ai su qu'il avait été choisi pour le commenter dans le Blogoclub, j'ai eu l'impression que je m'en souvenais comme si je l'avais lu la vieille. Or ce qui m'en restait et ce qui m'avait marquée avant tout c'est la figure du père, cet avocat courageux qui prend la défense d'un noir accusé d'un viol qu'il n'a pas commis mais qui est condamné d'avance dans la société raciste de cette petite ville américaine de l'Alabama. Nous sommes dans les années 35, à l'époque de la ségrégation. Et puis j'avais gardé cette impression un peu étrange d'avoir lu un Caldwell mais raconté par une petite fille.Très étrange même et pourtant combien efficace! Car le regard de Jean Louise dite Scout, pur de tout calcul et débarrassé de tout préjugé est prompt à discerner le dysfonctionnement d'une société qui prône l'égalité des droits pour tous, qui se dit une démocratie mais agit en contradiction totale avec ses principes. En fait, ce qui m'était resté en mémoire, c'est le sens profond et grave du livre, la dénonciation d'une société fondée sur le racisme et l'inégalité raciale avec comme antidote la grandeur de l'Homme lorsqu'il fait face aux préjugés, affronte la haine pour rester en accord avec sa conscience. C'est ce que fait Atticus, le père de Scout.
Vois-tu, Scout, il se présente au moins une fois dans la vie d'un avocat une affaire qui le touche personnellement. Je crois que mon tour vient d'arriver. Tu entendras peut-être de vilaines remarques dessus, à l'école, mais je te demande une faveur : garde la tête haute et ne te sers pas de tes poings. Quoi que l'on dise, ne te laisse pas emporter. Pour une fois, tâche de te battre avec ta tête ... elle est bonne, même si elle est un peu dure.
- On va gagner, Atticus ?
- Non, ma chérie.
- Alors pourquoi...
- Ce n'est pas parce qu'on est battu d'avance qu'il ne faut pas essayer de gagner.



En relisant le roman, je me suis intéressée de plus près à ce que j'avais un peu oublié, la vie quotidienne de Scout, la petite fille, "garçon manqué" comme on disait à l'époque, toujours en salopette, toujours prête à faire le coup de poing surtout pour défendre l'honneur de son père que les autres enfants appellent avec mépris, "l'ami des nègres", partageant les jeux de son frère Jem et de son "fiancé", le petit Dill. Scout de même que Jem sont décrits avec tendresse et humour par l'auteur et l'on ne peut s'empêcher de sourire devant  leur curiosité, leur imagination débridée, leur art de se mettre dans des situations inextricables. Mais l'on est touché aussi par ces beaux portraits d'enfants qui, certes ne sont pas parfaits et commettent beaucoup d'impairs, mais ont un sens de la justice et de l'honneur qui manquent aux adultes.  Leur père, Atticus, qui leur apprend les valeurs essentielles, le courage de ses opinions, le respect des autres, la maîtrise de soi, peut en être fier.
Enfants sans mère, Jem et Scout  reçoivent beaucoup d'amour de la part d'Atticus, de leur oncle Jack, de Calpurnia la femme de ménage noire mais aussi de Maudie, une vieille dame, amie de leur père. Ils s'intéressent de très près à leur voisin, le mystérieux Boo Radley qui vit enfermé dans sa maison pour ne plus en ressortir!
C'est l'occasion pour Lee Harper de brosser des personnages attachants, haut en couleur, avec des caractères et des idées très affirmées, parfois assez étonnants!
En écrivant ce premier livre qui fut aussi le seul Harper Lee réalise un coup de maître : écrire un chef d'oeuvre, un livre d'une telle force dans son apparente simplicité qu'il est devenu un classique incontournable aux Etats-Unis.



Dans l'adaptation de R. Mulligan, Gregory Peck interprète le rôle d'Atticus.

- Je préférerais que vous ne tiriez que sur des boîtes de conserves, dans le jardin, mais je sais que vous allez vous en prendre aux oiseaux. Tirez sur tous les geais bleus que vous voudrez, si vous arrivez à les toucher, mais souvenez-vous que c'est un péché que de tuer un oiseau moqueur.
Ce fut la seule fois où j'entendis Atticus dire qu'une chose était un péché et j'en parlai à Miss Maudie.
- Ton père a raison, dit-elle. Les moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c'est un péché de tuer un oiseau moqueur.

- Miss Gates, c'est une gentille dame, non ? demandai-je.
- Tout à fait. Moi je l'aimais bien quand j'étais dans sa classe.
- Elle déteste Hitler...
- Qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ?
- Aujourd'hui elle nous a expliqué comme il était méchant avec les Juifs. C'est pas bien de persécuter les gens, hein, Jem ? Je veux dire même en pensée ?
- Evidemment que non, Scout ! Qu'est-ce qui te prend ?
- Eh bien l'autre soir en sortant tu tribunal, Miss Gates... elle descendait les escaliers devant nous, tu l'as peut être pas vue... elle parlait avec Miss Stephanie Crawford. Je l'ai entendue dire qu'il serait temps que quelqu'un leur donne une bonne leçon, qu'ils se sentaient plus et qu'un de ces jours ils finiraient par penser qu'il pouvaient nous épouser. Jem, comment peut-on tellement détester Hitler si c'est pour se montrer odieux avec les gens de son pays ?


Le livre : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur de Harper Lee (To kill a mocking bird)
Le film : Du silence et des ombres de Robert Mulligan


Félicitations à : Aifelle, Asphodèle, Caroline, Dasola, Eeguab, Keisha, Nathalie, Valentine

Merci à tous!

samedi 16 avril 2016

Un livre/un film : énigme du samedi

`
Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme sera donné le Dimanche.

La prochaine énigme aura lieu le samedi 30 du mois d'Avril pour pouvoir publier le billet le 1er mai avant notre départ à Oslo.

Enigme n° 126
Ce roman écrit par une auteure américaine, paru dans les années 1960, est un best-seller mondialement connu. Il est devenu un classique aux Etats-Unis.  L'action se passe dans les années 1930, à l'époque de la ségrégation.

Vois-tu, ,..., il se présente au moins une fois dans la vie d'un avocat une affaire qui le touche personnellement. Je crois que mon tour vient d'arriver. Tu entendras peut-être de vilaines remarques dessus, à l'école, mais je te demande une faveur : garde la tête haute et ne te sers pas de tes poings. Quoi que l'on dise, ne te laisse pas emporter. Pour une fois, tâche de te battre avec ta tête ... elle est bonne, même si elle est un peu dure.
- On va gagner, .... ?
- Non, ma chérie.
- Alors pourquoi...
- Ce n'est pas parce qu'on est battu d'avance qu'il ne faut pas essayer de gagner.

lundi 11 avril 2016

Ron Carlson : Cinq Ciels Mais qui m'a fait parvenir ce livre?


J'ai eu l'heureuse surprise de découvrir Cinq ciels de Ron Carlson dans ma boîte à lettres. Rien ne ne pouvait me faire plus plaisir, alors que je venais à peine de finir, de commenter et d'aimer Retour à Oapkine. Mais qui me l'a envoyé? Aucun mot n'indique sa provenance, si ce n'est qu'il vient de Leipzig? Alors merci mille fois à l'inconnu(e) qui a pensé à moi! Mais j'aimerais bien savoir qui je dois remercier!

Départ en Creuse

La Creuse Photo Aurélia Frey (source)

Une petite pause pour partir en Creuse voir le petit Liam.. et ses parents!

L'énigme du samedi 16 Avril



Malgré cette pause,  Wens et moi, nous vous donnons rendez-vous pour l'énigme du samedi 16 Avril.


Bon repos à ceux qui ont la chance d'être en vacances!  Bon courage aux autres! A bientôt!

dimanche 10 avril 2016

Erik Larson : Lusitania 2015 La dernière traversée




 Dans Lusiatinia 2015 La dernière traversée Eric Larson raconte la dernière traversée du grand paquebot britannique Le Lusitania parti de New York le 5 mai 1915 pour gagner Liverpool. En arrivant dans les eaux classées "zone de guerre" par les allemands, il fut coulé en vue des côtes irlandaises par un U-Boote commandé par le capitaine Walther Schwieger. Cet acte de guerre contre un navire de passagers fut considéré comme une barbarie. Le navire disparut en dix-huit minutes. Plus de la moitié des passagers périt, soit 1198 personnes, parmi eux des ressortissants américains. Si cela contribua à envenimer les relations entre les Etats-Unis et l’Allemagne, il en fallut beaucoup plus au peuple américain et à son  président Woodrow Wilson pour déclarer la guerre puisque les Etats-Unis ne rejoignirent le conflit que deux ans après. 

Le Lusitania coulé le 7 mais 1915
Le Lusitania

Je me suis intéressée à ce récit historique pour lequel Eric Larson a bénéficié d’une riche documentation, s’appuyant sur les nombreux témoignages des rescapés d’une rare précision, la correspondance qu’ils entretinrent avec leur famille après le naufrage, les journaux de bord des capitaines du Lusitania, William Turner, et du sous-marin, les archives de l’Amirauté britannique et les documents classés secrets de guerre aujourd’hui consultables. 

William Turner commandant du Lusitania
Walther Schwieger, commandant  de l'U-Boote

Et bien sûr, tous ces documents ont le mérite de faire revivre les passagers du Lusitania à travers des témoignages pleins de vie, des anecdotes sur le déroulement du voyage, le déroulement de la vie à bord, les menus. Le récit, en particulier du torpillage, est d’une incroyable précision et la description du géant en train de sombrer entraînant des centaines de passagers dans le gouffre est hallucinante. L’auteur peut décrire les vêtements que portaient certains enfants le dernier jour du Lusitania parce qu’ils ont été trouvés sur les corps qui n’ont pas sombré ou qui sont venus s’échouer tout au long des côtes d’Irlande. Et c’est extrêmement émouvant. On s’attache à tous ceux qui ont une voix dans le récit. Après la lecture, j’ai cherché à retrouver ces personnes dont certaines étaient célèbres à l’époque et j’ai éprouvé de la nostalgie à mettre un visage sur l'un ou l'autre. C’est ce que dit avoir éprouvé Eric Larson au cours de ses recherches, on ne peut pas vivre avec des fantômes pendant si longtemps sans finir par les aimer et c’est ce qu’il nous transmet.

Theodate Pope, architecte, passagère de première classe
Pourtant ce n’est pas sur le pathos que repose le récit. Celui-ci est nourri par le contexte historique qui nous permet de mieux connaître l’enjeu énorme entre les pays belligérants, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, pour la suprématie maritime. Le contrôle des mers est capital dans une guerre puisqu’il permet d’empêcher le ravitaillement, le réapprovisionnement en armes en maintenant le blockhaus.. Jusqu’alors la Grande-Bretagne était souveraine sur la mer mais l’Allemagne devint une rude concurrente.. C’est pourquoi les Britanniques firent construire ce superbe et rapide navire Le Lusitania dont la vitesse était inégalée.  Quant à l’Allemagne, elle va utiliser ses U-Boote, armes que la grande-Bretagne sous-estimait à l’époque. Les exploits des équipages des sous-marins allemands vont considérablement affaiblir l’Angleterre au point de risquer lui faire perdre la guerre. Nous voyons aussi le jeu trouble que l’Amirauté, avec à sa tête Winston Churchill, a joué face à ces attaques de navires sous pavillon neutre (américain) pendant la guerre. Alors que les services secrets britanniques suivaient à la trace le sous-marin du commandant Schweiger, le Lusitania ne fut pas détourné vers une route plus sûre, on ne lui envoya aucun destroyer pour le protéger, ce qui aurait certainement évité la tragédie. Pourquoi? Winston Churchill fut le premier à accuser le commandant du Lusitania, Turner, de négligence pour mieux cacher les impérities de l’Amirauté ? ou surtout son dessein secret : plus y aurait de navires neutres coulés, plus vite l’Amérique entrerait dans la guerre.

Un roman intéressant et bien documenté qui a le mérite de faire vivre l'Histoire.
Salle à manger du Lusitania
                                                          
Merci à Dialogues croisés et aux Editions du Cherche-Midi


vendredi 8 avril 2016

Henrik Ibsen : Hedda Gabler


Hedda Gabler, la fille du général Gabler, femme impérieuse, passionnée de tir aux pistolets qu’elle tient de son père, s’est mariée avec Jorgan Tesman. Celui-ci vient de finir sa thèse d’histoire de la culture et attend un poste à l’université. Au retour de leur voyage de noces, ils rentrent à Oslo. L’indifférence de Hedda pour son mari apparaît très vite. Elle ne supporte pas la vieille tante de Jorgan, Julia, qui a élevé le jeune garçon à la mort de sa mère, elle juge son mari peu brillant, terre à terre, ennuyeux, le méprise et refuse de participer à ses soucis lorsque sa nomination à l’université semble compromise.De plus, elle est peut-être enceinte et horrifiée de l’être. La visite de Thea Elvsted, une ancienne compagne de classe, qui va lui donner des nouvelles de Eijlert Lovborg, provoque le drame.
Eijlert Lovborg est un brillant écrivain que sa conduite a mis au ban de la société. Alcoolique, il est tombé dans la déchéance et c’est Thea Elvsted qui le sort de l’ornière en lui redonnant le goût du travail.  Thea est très attachée à cette résurrection morale qui est son oeuvre.  Hedda Gabler qui a été  la maîtresse de l’écrivain ne supporte pas que Thea joue un tel rôle auprès de Lovborg. Or, il est de retour à Oslo. Hedda décide de réapparaître dans la vie de l’écrivain et d’exercer son influence sur lui afin de diriger sa vie. Mais Lobvorg ne se montre pas à la hauteur de ce qu’elle attendait. Hedda Gabler se suicide en se tirant un coup de pistolet.

Ingrid Bergman dans le rôle de Hedda Gabler

Toutes les grandes actrices ont rêvé d’interpréter le rôle de Hedda Gabler car ce personnage aux motivations difficiles à comprendre, qui paraît irrationnelle et peu adaptée à l’étroitesse et au puritanisme de la société dans laquelle elle vit, exige des prouesses d’interprétation. Il faut dire que sa complexité déroute et passionne à la fois.
 Ce qui a retenu mon attention c’est la volonté de Henrik Ibsen de donner, dans le titre de la pièce, le nom de jeune fille et non le nom d’épouse : Hedda Gabler et non Hedda Tesman. Il insiste ainsi sur le fait que la jeune femme reste la fille de son père plus que l’épouse de son mari. Définir ainsi le personnage permet de mettre en relief l’origine sociale de Hedda, la grande bourgeoisie, et une éducation qui a dû être moins conformiste que celle des autres jeunes filles de sa classe, témoin les pistolets dont Hedda adore se servir et le caractère capricieux et libre de la jeune femme. Son dédain des autres, la haute opinion qu’elle a d’elle-même, son désir de s’affranchir des contraintes sociales, se heurtent à un obstacle majeur dans la société de son temps. Elle est femme et ne peut donc se réaliser par elle-même. Elle qui est éprise de liberté et d’absolu, n’a d’autre échappatoire que le mariage. C’est pourquoi elle décide de faire un fin : épouser Jorgan Tesman. Lui ou un autre, cela n’a pas d’importance. Hedda Gabler symbolise l’emprisonnement moral et social de la femme dans une société qui la cantonne au rôle d’épouse et de mère. C’est insupportable pour une femme qui n’en a pas la vocation! Elle est elle aussi la soeur de  la Nora de La maison de poupées, mais une soeur négative et malfaisante. Hedda ne peut prouver sa valeur et trouver un sens à sa vie qu’en manipulant les hommes, en les tenant sous sa coupe, non sans machiavélisme!  C’est pourquoi elle est condamnée à mourir.
Ceci est une interprétation sociale et psychologique du personnage mais il y a en a beaucoup d’autres. Elle a souvent été étudiée par le biais de la psychanalyse à la lumière de Freud ou bien sous l’influence de la philosophie de Nietzsche qu’évoque la volonté de puissance de Hedda. Elle fait le régal des metteurs en scène et suscite les analyses les plus diverses depuis sa création en 1890. Hedda Gabler est  l'une des oeuvres la plus célèbre de Henrik Ibsen.



Henrik Ibsen

Henrik Johan Ibsen est un dramaturge norvégien. Il se présente comme un « anarchiste aristocrate». Fils de Marichen Ibsen et de Knud Ibsen, Henrik Johan Ibsen naît dans un foyer que la faillite des affaires paternelles, en 1835, désunit rapidement.…
Ses œuvres les plus connues sont Une maison de Poupée, La cane sauvage,  Rosmershom, Hedda Gabler, Peer Gynt... Certaines pièces plus politiques, comme Les prétendants à la couronne , les Revenants, Un ennemi du peuple ont souvent heurté l'opinion progressiste ou de la gauche norvégienne. Cependant, selon Jeanne Pailler, Henrik Ibsen est un «auteur de drames historiques et de pièces intimistes, considéré comme un réformiste acharné par les uns, comme un conservateur par les autres » Hostile aux partis cléricaux et au traditionalisme de la monarchie norvégienne de son temps, il est souvent vu comme un libéral en Norvège. ( source wikipedia)