Réponse à l'énigme n° 10
Les oscarisés sont cette fois-ci : Keisha, Aifelle, Eeguab, Maggie, Miriam Sabbio, Lystig, Cagire, Dominique, Nanou, Thérèse. Et bravo à tous et merci pour votre participation.
Le film : Rebecca d'Alfred Hitchcock ; le producteur : David O. Selznick
Le roman de Daphné du Maurier, Rebecca, est un conte mais il commence là où le conte finit, par le mariage. Telle Cendrillon, une jeune fille d'un milieu modeste est obligée, à la mort de ses parents, de s'engager comme dame de compagnie auprès d'une riche américaine. Lors d'un séjour dans un palace sur la Riviera avec sa déplaisante patronne (la marâtre des contes) la jeune fille va faire la connaissance de Maxime de Winter, un aristocrate anglais, propriétaire d'un domaine fabuleux nommé Menderley. La rumeur court qu'il ne peut oublier la mort de sa femme, la séduisante et brillante Rebecca. Pourtant, à la fin du séjour de la jeune fille, contre toute attente, il la demande en mariage. Après un heureux voyage de noces, les époux rentrent à Menderley où notre héroïne est présentée aux domestiques du domaine et entre autres à la gouvernante de la maison, Madame Denvers, qui aime Rebecca d'un amour fanatique et ne se console pas de la disparition de sa maîtresse. La jeune madame de Winter doit faire face à la difficulté de se retrouver transplantée dans un milieu social qui n'est pas le sien et dans lequel elle commet beaucoup de bévues. La présence de l'inoubliable Rebecca qui hante tous les esprits l'obsède. La mélancolie de son mari qui semble ne pas pouvoir oublier sa première épouse et la haine de madame Denvers qui ne lui pardonne pas de prétendre remplacer Rebecca la mènent au bord du suicide...
Notons et c'est remarquable que le lecteur ne connaîtra jamais le prénom de l'héroïne. Le récit est raconté à la première personne par la jeune fille qui ne révèlera pas son prénom. Ce qui permet au personnage éponyme du roman de prendre toute son ampleur. Et ceci est un tour de force de l'écrivain. Rebecca est morte mais c'est elle qui reste le personnage principal du roman. Sa présence est telle qu'elle annihile la jeune femme qui nous raconte l'histoire. Cette dernière vit dans une maison où tout rappelle Rebecca jusqu'à son papier à lettres dans le bureau qui est maintenant le sien, jusqu'à cette chambre intacte devenue un mausolée entretenue par Madame Denvers, ses vêtements, ses affaires personnelles toujours prêts à servir qui semblent attendre sans cesse un impossible retour. Cette présence est tellement obsédante que la seconde madame de Winter quand on lui téléphone répond : "non madame de Winter n'est pas là" oubliant que c'est à elle que l'on s'adresse. Cette réponse maladroite et gauche, qui est le fruit de la timidité de l'héroïne, montre l'effacement de la jeune fille dont la légitimité, l'existence même sont gommés au profit d'un fantôme.
Le personnage de madame Danvers est lui aussi très fort. Il fait pendant à celui de Rebecca et toutes deux semblent incarner les forces du mal. Face à l'innocente ingénue qui par son caractère effacé, son manque d'assurance et les complexes liés à son milieu social n'a aucune possibilité de sortir victorieuse, madame Danvers est une présence maléfique toute puissante. Hitchcock a très bien su exploiter ce personnage de sorcière issue d'un conte de fées et le traduire en images. Dans son film, la longue silhouette en robe noire qui se déplace sans bruit dans les murs de ce château néogothique ou qui se détache devant une fenêtre aux longs voiles blancs comme un spectre dans son linceul, est hallucinante. A tel point que Walt Disney a repris la silhouette et les traits de madame Danvers, l'extraordinaire Julie Anderson, pour servir de modèle à la marâtre de Cendrillon dans son dessin animé.
Le thème de l'amour est aussi prépondérant. Après la scène du bal, la jeune femme qui a revêtu la même robe que Rebecca, copiée d'un tableau, est sur le point de se tuer, encouragée par la perverse madame Danvers. Mais lorsque des circonstances tragiques lui font comprendre que c'est elle et non Rebecca que Maxime aime, la jeune femme va puiser dans son amour la force qui lui manquait jusque là. La fragile femme-enfant se métamorphose en femme amoureuse et déterminée qui va lutter pour sauver son amour et devenir la compagne forte sur laquelle Maxime de Winter pourra s'appuyer.
Mon avis à ne pas lire si vous n'avez pas lu le livre et comptez le faire :
Le film de Hitchcock est très fidèlement adapté du roman sauf pour le dénouement. Dans le roman Maxime de Winter poussé à bout par Rebecca la tue puis met son corps dans le bateau qu'il fait couler. Dans le film Maxime de Winter est innocent (voir Wens). Si j'aime énormément le film dont la force tient dans les images et les effets de lumière proches de l'expressionisme*, je juge le dénouement du roman plus fort. Le personnage de Rebecca y gagne encore en noirceur et en machiavélisme.
*On se souvient, par exemple, de ce long travelling avant par lequel s'ouvre le film qui nous conduit jusqu'à Menderley en ruines avec la voix off mélancolique de la la narratrice qui nous commente son rêve...
Madame Danvers : Julie Anderson
Le dénouement du roman est bien sûr beaucoup plus fort et cohérent, je déteste voir un livre adapté et tripatouillé, pourquoi à ce moment là, ne pas faire un scénario entièrement original ?
RépondreSupprimer@ Aifelle : et oui mais à l'époque le cinéma était régi par le code Hays très rigide. La fin du roman qui laisse Maxime de Winter en liberté alors qu'il était coupable ne serait pas passé à la censure.
RépondreSupprimercette couverture ancienne du LIvre de poche est magnifique ! j'ai lu ce roman dans l'adolescence, et il me faudrait le relire aujourd'hui j'ai des souvenirs très précis d'angoisse et de bonheur de lecture !
RépondreSupprimeroh oh nous avons le même livre de poche ! un excellent souvenir de lecture et un film que j'ai ressorti grâce à toi , un petit Hitchcock ce n'est jamais du temps perdu
RépondreSupprimer@ George : moi aussi et des discussions sur le livre dans la cour de récréation!
RépondreSupprimer@ Dominique ; c'est vrai que c'est un vieux livre de poche et comme George je trouve la couverture réussie.
RépondreSupprimerMoi aussi j'apprécie particulièrement la couverture Le livre de poche.
RépondreSupprimeroh pour une fois que je ne peux pas jouer !!! ça tombe sur un livre que j'aime énormément et que j'ai lu et relu !!! Par contre, je trouve la fin du film très cohérente quand même, en tout cas bien mise en place : et comme tu dis, un coupable en liberté, oups....ça ne serait pas passé ! Quant au film, je le trouve formidable et de là date mon engouement pour Laurence Olivier. beau billet, une auteure à lire.
RépondreSupprimer@ Eeguab : la jeune fille a un air fragile qui correspond bien au personnage.
RépondreSupprimerEffectivement tout ceci fait remonter les souvenirs de lectures, comme quoi lire est essentiel.
RépondreSupprimerBonsoir Claudialucia, jamais lu de roman de Daphné du Maurier. Pas forcément tentée mais j'avais bien aimé le film d'Hitchcock et même une adaptation plus récente avec Diana Rigg dans le terrible rôle de Mme Danvers (1997). Bonne soirée.
RépondreSupprimerjeneen : Oui, ils sont parvenus à conserver une fin cohérente même si elle ne respecte pas celle de Daphné du Maurier. Ceci dit, je suis d'accord avec Aifelle, le dénouement du livre est plus fort!
RépondreSupprimer@ Thérèse : la lecture est un bonheur et reste souvent liée à des moments bien précis de la vie. C'est la cas pour ce livre.
RépondreSupprimer@ Dasola : Par contre je n'ai pas vu la seconde adaptation.
RépondreSupprimerMerci pour cette analyse! Moi aussi j'avais vu la version de 97, au début sans savoir que c'était aussi "Rebecca" et puis d'un coup, mon homme et moi avons eu la révélation! Plutôt bien mais RIEN à voir dans le génie avec la version de Hitchcock... bref, tu n'as rien manqué ;)
RépondreSupprimerhttp://www.imdb.com/title/tt0119991/
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