Les anneaux de Saturne Katie Mitchell (source Theatral magazine)
Les anneaux de Saturne, spectacle en allemand surtitré, donné au Gymnase Aubanel dans le cadre du festival IN a été mise en scène par Katie Mitchell.
Le roman de W G Sebald a servi de base à cette adaptation. L'écrivain allemand y raconte son voyage en Angleterre, dans le comté de Suffolk. Ses pérégrinations font resurgir le passé lié à la seconde guerre mondiale puisque c'est de là que partaient les avions qui bombardaient les villes allemandes et le présent, cette côte étant particulièrement menacée par la montée du niveau de la mer du Nord qui sape une partie des terres. Un voyage terriblement éprouvant.
Disons-le tout de suite, ce spectacle m'a particulièrement déçue. J'avais vu l'année dernière l'excellente mise en scène de Katie Mitchelle, Kristin, d'après la pièce de Strinberg, Mademoiselle Julie. Ce spectacle que j'avais énormément aimé montrait le point de vue de la servante de Julie, Kristin, dont le fiancé, Jean, a une liaison avec sa maîtresse. Voilà ce que j'en disais :
Grâce à un ingénieux dispositif scénique, le décor de la maison de Julie qui se transforme par des panneaux coulissants entre intérieur et extérieur, on peut se rendre compte que Kristin est à même de voir et d'entendre ce qui se passe dans les pièces où elle n'est pas. Il en de même pour l'extérieur qu'elle observe d'une fenêtre. Si bien qu'elle suit, et avec quelle douleur rentrée, l'idylle qui se noue entre les jeunes gens, sans jamais pouvoir exprimer sa révolte, son humiliation, son chagrin, elle, servante soumise au pouvoir de sa riche maîtresse comme à celui de l'Homme, Jean, qu'elle sert avec dévouement.
En même temps que se déroule le drame au théâtre, celui-ci est filmé de près par plusieurs caméras qui suivent les comédiens. Le film se fait devant nous, projeté sur un écran au-dessus du décor, nous permettant d'assister à la représentation théâtrale et simultanément à la réalisation filmique!Un enrichissement certain pour le spectateur qui peut voir à la fois la scène de l'extérieur de la maison mais aussi de l'intérieur, dédoublement spatial absolument étonnant et qui nous éclaire sur les personnages.
Quant au film qui se réalise devant nous, il faut d'abord souligner l'exploit technique qu'il représente, plusieurs caméras filmant au pied levé Kristin mais aussi sa doublure, et les doublures de ses mains, une Kristin démultipliée qui nous apparaît ainsi sous diverses facettes. Mais ce qui est saisissant, c'est la beauté du film, magnifié par de splendides éclairages, halos des lampes en cuivre qui crée des clairs-obscurs dignes d'un tableau de Rembrandt. Voir ICI
Si je cite ce billet d'un spectacle passé, c'est pour mieux faire comprendre ma déception devant le spectacle présent.
Katie Mitchell emploie le même genre de dispositif, en arrière-plan derrière une porte qui s'ouvre et se ferme périodiquement un hôpital où est alité le voyageur-écrivain, rendu malade par son triste voyage. Une projection permet de le voir de près ainsi que le personnel-soignant qui l'entoure, le reste du temps l'utilisation par Katie Mitchell d'un film ancien, Patience de Grant Lee, est projeté sur les murs sales du gymnase. Il nous faut donc regarder ces images grises et peu lisibles pendant tout le spectacle (je sais bien que c'est pour nous montrer la tristesse du paysage mais l'intérêt reste limité.). Sur scène des acteurs réalisent le bruitage en direct, piétinements sur du sable ou de la paille, écoulement d'eau etc… Là encore l'intérêt s'épuise vite. Reste le texte lu par des comédiens et dont la traduction forcément réduite est projetée sur le mur au-dessus de la scène. Quand on ne connaît pas l'allemand, on se dit que l'on ferait bien mieux de découvrir le texte dans une traduction française, confortablement installé chez soi!
J'ai trouvé que Katie Mitchell réalisait avec Les anneaux de Saturne une pâle copie de ce qu'elle avait fait l'année dernière avec Kristin où le bruitage se faisait certes devant le spectateur mais où, de plus, la pièce de théâtre était interprétée, filmée (et quel film!) et projetée devant nous! Le dispositif était non seulement ingénieux puisqu'il montrait différents niveaux de la maison mais se justifiait tant au plan de l'action (pour que Kristin puisse découvrir l'intrigue entre Julie et Jean) que de la psychologie du personnage de Kristin qui, jalouse, humiliée, blessée, épie tout ce qui se passe autour d'elle! Alors que là, le dispositif paraît gratuit. Certes le metteur en scène le justifie en disant : "Concrètement il n'y a pas d'histoires à raconter et pas vraiment de personnages présents… J'ai alors dû imaginer comment on voyage dans la tête du narrateur." . Mais l'effet reste peu convaincant et pauvre, on n'est loin du foisonnement d'idées, d'images, de couleurs de Kristin qui emportait le spectateur dans un tourbillon. Celui-ci ne savait plus où arrêter son regard, ayant toujours peur de manquer quelque chose de ce passionnant spectacle! Avec Les anneaux de Saturne, hélas, on a le temps de s'ennuyer!
Remarque : Dans Theatral magazine les critiques pensent que si Les anneaux de Saturne mis en scène par Katie Mitchel n'a pas atteint son but c'est parce que "cette sollicitation éclatée des sens mobilise excessivement le filtre cérébral au détriment du filtre émotionnel." Mais dans Kristin, la sollicitation des sens étaient encore plus importante et l'émotion était pourtant là! A mon avis, une mise en scène n'est pas une recette, elle ne convient pas pour tous les textes!
Texte commun de Wens (En Effeuillant le Chrysanthème) et de Claudialucia
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