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dimanche 16 février 2014

Russel Banks : De beaux lendemains



Au nord de l'état de New York, la vie d'une petite ville va être bouleversée par l'accident d'un bus scolaire qui dérape dans la neige et la mort de nombreux enfants. Aussitôt une nuée d'avocats s'abat sur les familles endeuillées. Mais qui est responsable de l'accident? Dolorès Driscol qui conduisait le bus ? Les services municipaux qui ont laissé une sablière s'emplir d'eau sans chercher à la reboucher?

 Russel Banks, à travers ce roman, dénonce ces avocats véreux, qui semblables à des vautours cherchent à faire d'une tragédie, une manne financière. L'auteur montre la manipulation des parents désespérés, qui dans leur désarroi, leur colère, deviennent des proies faciles : une société américaine  ou tout est prétexte à profit et où les plus grands chagrins doivent rapporter gros.

Le roman est polyphonique : quatre personnages vont raconter tour à tour l'accident selon la manière  dont ils l'ont vécu. Ces quatre récits sont un prétexte à peindre la société américaine dans une ville de montagne sans grande ressource économique, où l'absence d'avenir, les difficultés financières, la maladie, les mésententes conjugales, les enfants battus, la dépression liée au retour du Vietnam, composent une société complexe, à la recherche d'un bonheur qui les fuit.

Dolorès Driscoll, mère de deux grands fils qui ont quitté la maison et ne reviennent pas souvent la voir, soigne son mari handicapé avec amour et courage puisque c'est elle qui doit subvenir aux besoins du couple. Conductrice du bus scolaire, sérieuse, elle aime les enfants et son métier qui la met en contact avec eux. Elle n'a jamais eu d'accident mais ce jour-là, il commence à neiger et elle croit voir un chien sur la route. Quand elle cherche à l'éviter, le car part sur le bas-côté.
Billy Ansel, garagiste,  est un vétéran du Vietnam. Pour les gens du village, il est un héros dont tout le monde admire le courage. Personne ne sait ce qui se cache sous ce calme apparent que donne à voir Billy. Il a perdu sa femme des suites d'une maladie, entretient une liaison secrète avec une femme mariée qui perd, elle aussi, son enfant unique dans l'accident. Les jumeaux de Billy meurent; sa vie s'est "vietnamisée" et Billy sombre dans l'alcool.

Mitchell Stephens est un avocat new-yorkais qui cherche à entraîner les familles dans un procès. Mais l'habileté de l'auteur est de lui faire poursuivre d'autres buts que l'argent. N'a-t-il pas lui aussi perdu sa fille droguée même si c'est d'une autre manière? La colère qu'il éprouve contre cette société qui tue ses enfants en faisant de l'argent un Dieu l'anime dans sa recherche d'une vraie justice. Combien de grandes entreprises, de services d'état, en effet, préfèrent exposer leurs employés à la maladie, aux risques d'accident, plutôt que de faire des dépenses pour assurer leur sécurité. Ils savent que les victimes trop modestes n'obtiendront jamais réparation.  Russel Banks montre ainsi le malaise qui existe même dans les classes sociales aisées.

Enfin vient Nicole Burnell, adolescente de 15 ans, qui restera handicapée toute sa vie à la suite de l'accident. Elle quitte alors pour toujours le monde de l'enfance et pose un regard d'une clairvoyance terrible sur sa famille mais aussi sur les autres. Un beau personnage mais cruelle dans sa soif de justice. Pourtant, elle seule parvient à rétablir un ordre dans le chaos même s'il faut pour cela s'appuyer sur un mensonge. Il semble que la communauté ne peut être sauvée que par le sacrifice de l'un d'entre eux.

Cette galerie de portraits est d'une vérité criante. J'ai été très sensible à la peinture de cette société repliée sur elle-même, sur son deuil, sur ces blessures. Le roman est passionnant par le talent de l'auteur à nous faire partager le point de vue de chacun, à nous faire pénétrer dans les pensées, les sentiments des personnages.



Chez Sylire et Lisa




  Ont  trouvé le titre et le nom  de l'auteur : Aifelle, Asphodèle,  Dasola, Eeguab, Keisha, Pierrot Bâton, Somaja, Syl, Thérèse, Valentyne... Félicitations et merci à tous !
Le roman : Russel Banks :  De beaux lendemains

Le film :  Atom Egoyan  : De beaux lendemains

17 commentaires:

  1. je n'avais pas trouvé bien entendu mais ce ne m'empêche pas d'aimer beaucoup ce livre mais un peu moins le film

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  2. J'aime beaucoup Russell Banks. Roman polyphonique : voilà !!! je cherchais le mot !!!

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    1. C'est le premier livre de cet auteur pour moi et j'ai bien envie de découvrir les autres.

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  3. Je ne connais pas ce titre mais ce que tu en dis donne envie de le lire. Je viens de prendre "Lointain souvenir de la peau" pour poursuivre ma découverte de l'auteur.

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    1. Tu nous diras s'il est bien aussi! Je ne sais pas encore quel sera le second Russel Banks pour moi!

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  4. Très intéressant. Je découvre un auteur !

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    1. Un auteur qui est, c'est vrai , à décovurir; Je l'ai lu dans le cadre du blogoclub de Sylire et Lisa mais je l'ai publié un peu avant pour les besoins de l'énigme.

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  5. J'avais énormément aimé ce livre. Avoir vu le film avant ne m'avait pas dérangée.

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    1. J'ai vu aussi le film avant et comme toi j'ai découvert le livre après avec un intérêt aussi soutenu.

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  6. Comme Aifelle, j'ai adoré le film d'abord et le livre ensuite... puis revu le film !

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    1. C'est vrai que c'est bien de revoir le film après la lecture pour mieux se rendre compte de ce qui a retenu l'attention du réalisateur dans l'adaptation.

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  7. Décidément, il va falloir que je me décide à découvrir cet auteur dont je ne lis que du bien. Merci pour ton beau billet !

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  8. aucun regret, je n'ai pas lu le livre ni vu le film; Je commencerai par le film à l'occasion. mais en ce moment je suis bien loin des salles, plongée dans Pagnol et Mistral...

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    1. Et oui, Miriam, Provence oblige! Russel banks sera pour une autre fois!

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  9. J’ai lu American Darling du même auteur, un chef d’œuvre politique qui se déroule au Liberia en présence de terroristes d’extrême gauche américains. Quel excellent livre...
    Bonne journée
    Nadine

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