Aujourd'hui pour ce rendez-vous du printemps des poètes auquel nous vous avons invités Aifelle et moi-même, voici deux chansons insurrectionnelles très belles, très émouvantes, qui me touchent toujours énormément et toujours autant, chaque fois que je les entends.
La chanson de Craonne (Anonyme)
Poilus dans les tranchées (1914_1918) |
La Chanson de Craonne (du nom de la commune de Craonne) est une chanson anonyme, chantée par des soldats en 1917. Ce texte traduit le quotidien des tranchées et les états d'âme des Poilus. Il est symptomatique de la lassitude de la guerre et a circulé après l'offensive du général Nivelle qui a envoyé les fantassins se faire tuer au "Chemin des Dames" (147 000 ont été tués et 100 000 blessés). La hiérarchie militaire avait offert un million de francs-or et la démobilisation à toute personne qui dénoncerait l'auteur de la chanson. Le général Pétain nommé en catastrophe un mois après l'offensive, en remplacement du général Nivelle disgracié, a sévèrement réprimé les mutins car sa mission était d'endiguer l'effondrement du moral des soldats. Entre le 16 avril 1917 et le 31 janvier 1919, les Conseils de guerre ont prononcé 629 condamnations à mort dont 75 ont été exécutées, 1381 soldats ont été condamnés à de lourdes peines de prison et 1492 à des peines légères pour un total de 30 000 à 40 000 mutins. Les mutineries avaient éclaté dans 60 des 100 divisions de l'Armée française.(source)
Elle est dérivée d’une valse de 1911, Bonsoir m’amour, écrite par René Le Peltier et Charles Sablon. Une de ses versions est publiée en 1919 par Paul
Vaillant-Couturier sous le titre de Chanson de Lorette (1914_15), texte maintenant connu sous le nom de La chanson de Craonne (1917), reprise par Marc
Ogeret dans l'album "Chansons de Révolte et d'Espoir" en 1974.
Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête
Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés !
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés !
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes…
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes…
(au refrain)
C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.
(au refrain)
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau !
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votre peau !
La chanson de Craonne par Marc Ogeret
Vous pouvez aussi écouter un enregistrement de la chanson par une classe de CM2 d'une école de Dieppe.
Le Déserteur Boris Vian
Monsieur le Président je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter
Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.
Boris Vian (1920 - 1959)
Le déserteur Renaud
Et une autre version du déserteur façon Renaud
LC avec :
Aifelle, Ariane, Asphodèle, Claudialucia, Colo, Dominique,
Enitram, Manika, Martine Litter'auteurs, Monesille, Marylin, Moglug, Océane, Ptit lapin, Sandrion, Somaja, Une comète...
Je connais la version chantée par Marc Ogeret, j'ai écouté plusieurs émissions de radio autour de ces mutineries. Avec le recul, on voit clairement le scandale de ces exécutions, l'injustice et l'ignominie de la hiérarchie militaire.
RépondreSupprimerOn parle maintenant de réhabilitation. Il serait temps!
SupprimerTrès joli choix! J'ai une grande tendresse pour Boris Vian, depuis toujours ...
RépondreSupprimerMoi aussi, j'aime beaucoup Vian, le poète et l'écrivain.
SupprimerJ'ai préféré relire avec attention et ne pas écouter...
RépondreSupprimerCette même affiche à Toulouse est agrémentée de citations, tout du moins pour les deux que j'ai vues.
La musique donne toute sa force aux deux textes. Tu as photographié l'affiche? je viens voir.
SupprimerTrès émouvant, même en lisant simplement, l'air et le rythme reviennent...
RépondreSupprimerOui et depuis que j'ai publié ces poèmes ici, je les entends dans ma tête...
Supprimerjoli ensemble qui évoque la résistance par tous ses sens
RépondreSupprimerJ'ai d'abord pensé à la chanson de Craonne et c'est ensuite que je l'ai associé à Vian et à Renaud. En fait d'insurrection, ils ont en commun la détestation de la guerre.
SupprimerCoucou, quel beau et significatif choix !! Mon poème est en ligne, avec aussi une figure emblématique :)
RépondreSupprimerBonne journée, c'est le printemps !
Je n'ai pu venir voir les poèmes aujourd'hui mais je suis impatiente de voir ton texte et ceux des autres participantes.
SupprimerJ'ai fait le même choix du déserteur, Boris Vian était un grand poète qui touche chaque sensibilité.
RépondreSupprimerJ'aime les chansons de Vian qui me touchent aussi beaucoup. Le déserteur en particulier.
SupprimerUn joli choix Claudia et la version du Déserteur par Renaud est ...pleine de gouaille !^^ J'aime beaucoup Marc Ogeret, méconnu, je l'ai découvert sur le tard !
RépondreSupprimerJe te laisse mon lien :
L'Affiche rouge de Louis Aragon
https://leslecturesdasphodele.wordpress.com/2015/03/20/aragon-pour-linsurrection-poetique-du-printemps-des-poetes-chez-claudialucia
L'affiche rouge! Je viens te lire, c'est un poème que je connais bien et que j'aime aussi beaucoup. Voilà un beau recueil de poésies insurrectionnelles à nous toutes.
SupprimerDeux choix percutants !!! Émouvants à chaque fois !!!
RépondreSupprimerJe trouve aussi, très émouvants.
SupprimerBoris Vian aurait pu être mon choix. Je suis désolée de vous avoir lâchement abandonnés mais cette semaine encore des conseils de classe et des corrections. Heureusement mon blog est sur rail et roule sans moi. Et puis, il y a aussi un grand projet....
RépondreSupprimerJe compatis à quelque chose que je connais bien! corrections et conseils de classe! Un grand projet? laisse-moi deviner... De voyage! Oui, mais lequel?
SupprimerUne participante de plus aujourd'hui, Manika : http://keskonfe.eklablog.com/printemps-des-poetes-jour-6-a114731250 Colo n'a pas pu faire son billet aujourd'hui, elle le fera la semaine prochaine.
RépondreSupprimerAh! merci! Je rajoute ce lien. Et Colo par la suite.
SupprimerUn choix qui relie plusieurs générations, c'est très émouvant..et désolant de voir que rien ne change ... Mais la poésie est là, toujours.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas la chanson de Craonne, par contre j'ai aussi un tendresse particulière pour Le déserteur et la version de Vian.
Oui, effectivement, les chansons sont liés par le même thème dans le temps. Je les aime toutes. C'est intéressant aussi de voir les différents niveaux de langue.Les sensibilités sont les mêmes, c'est la manière de le dire qui diffère selon les époques, le milieu social...
Supprimermon commentaire aurait-il disparu ? Je ne le trouve plus, ce grand Boris Vian engagé jusqu'au tréfond, c'en est émouvant, par contre je ne connaissais pas la chanson de Craonne,
RépondreSupprimerEt voici mon lien si ma participation s'est perdue
https://monesille.wordpress.com/printemps-des-poetes/
Merci pour le lien que je rajoute... et bien sûr je viens te lire, je suis curieuse de découvrir ton choix!
RépondreSupprimerColo vient de m'envoyer son lien : http://espacesinstants.blogspot.fr/2015/03/poetes-travaillons-poetas-trabajemos.html
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