"En 1923, à Berlin, Kafka rencontre dans un parc une fillette en pleurs, qui a égaré sa poupée. L’écrivain la réconforte. La poupée n’est pas perdue, affirme-t-il, elle est simplement partie en voyage ; d’ailleurs, ne lui a-t-elle pas écrit – n’a-t-il pas gardé les lettres ? Confronté à l’incrédulité de l’enfant, Kafka rentre chez lui et, dans un état de grande faiblesse (il ne lui reste que quelques mois à vivre), rédige les missives en question. Pendant trois semaines, et par sa plume, la poupée raconte sa vie. Dans son dernier courrier, elle annonce qu’elle s’est mariée et doit mettre un terme à sa correspondance. Rassérénée, la fillette accepte cette conclusion. La littérature, en un sens, l’a délivrée de sa douleur." C’est cette anecdote qui sert de point de départ au roman de Fabrice Colin.
Abel Spieler est professeur de littérature allemande à la Sorbonne. C’est un homme égoïste qui trompe sa femme avec ses étudiantes, délaisse sa fille Julie et dont la passion pour Kafka est envahissante. Julie est une enfant précoce qui lit La métamorphose à l’âge de six ans, qui connaît par coeur toute la vie et l’oeuvre de Kafka. Brillante mais bouleversée par les démêlés conjugaux de ses parents puis par la mort de sa mère, elle échoue à ses concours et coupe les amarres en partant vivre à Berlin. C’est alors qu’elle décide, pour se rapprocher de son père, de rencontrer Else Ferchtenberg, qui, d’après son enquête, doit être la petite fille à la poupée. Oui, mais voilà! Else est une vieille dame peu commode et qui n’est pas prête à livrer ses secrets. Et par dessous tout elle aime le mensonge. L’écrivain va tout mettre en oeuvre pour que les trois personnages clefs du roman, hantés par la figure omniprésente de Kafka, se rencontrent et pour que les secrets soient dévoilés.
La poupée de Kafka est un roman au sujet original qui a plusieurs entrées. S’il explore les relations orageuses et douloureuses entre un père et sa fille malgré l’amour qui les lie, il est aussi un livre sur l’amour de la littérature et son rôle dans la vie.
« Les livres de Kafka sont l’antidote à la maladie d’exister, soliloquait-il en inspectant ses ongles rongés. Sans lui, je ne saurais que faire de la douleur du monde, sans lui, je ne saurais pas vivre, et vous non plus.»
Kafka y est à la fois celui qui permet le partage et l’échange entre la fille et le père comme lors de ce voyage à Prague sur les traces de l’écrivain mais aussi celui qui divise. Le père vit plus dans ses livres que dans la vie quotidienne.
« Kafka. Kafka schon immer, toujours et en tous lieux, l’étoile noire, l’anti-guide, le prophète, pardonne-moi si je fatigue, papa, pardonne-moi si je t’en veux de tout ça. »
Immense pouvoir de la littérature qui peut détourner de la vie mais qui peut aussi lui donner un sens, mettre un baume sur les souffrances; littérature consolatrice comme celle de kafka écrivant pour la petite fille et lui permettant de surmonter la perte de sa poupée. Et c’est pourquoi Else Ferchtenberg aime tant le mensonge. C’est pourquoi elle préfère sa vie rêvée, fantasmée qui lui permet de tenir à distance l’horreur de ce qu’elle a vécu et que nous découvrirons peu à peu dans des pages, à part, mises en exergue. Récit dans le récit, elles nous introduisent vers une autre dimension de l’histoire, une autre tragédie.
Mais je n’en dirais pas plus! Et si vous voulez savoir si la vieille dame est bien la petite fille à la poupée, sachez que vous aurez la réponse à la fin du livre, parce qu’enfin tout au long du roman, le lecteur meurt d’envie de savoir la vérité, une vérité romanesque puisque l'on n'a jamais su si cette anecdote rapportée par Dora Diamant, la compagne de Kafka, est vraie!
Un roman très bien écrit, qui tout en posant des questions passionnantes, maintient le lecteur en haleine.
Et en plus, j'aime énormément la photo de la première de couverture du livre chez Actes Sud.
Merci à Dialogues croisés et aux éditions Actes Sud
J'ai sauté directement à la conclusion de ton billet, ce roman est dans ma PAL depuis hier (craquage en librairie !)... et j'espère l'aimer !
RépondreSupprimerJ'espère que tu l'aimeras aussi!
SupprimerOn m'a proposé ce roman, figure toi, mais ça ne m'attirait pas forcément (jamais lu Kafka, j'ai eu peur, donc)La photo de couverture a aussi été utilisée pour un autre (j'ai oublié lequel, d'ailleurs)
RépondreSupprimerOn peut le lire sans avoir lu Kafka finalement!
SupprimerKafka, un passion depuis toujours, et une belle couverture, cela fait envie...
RépondreSupprimerEt on peut aussi le lire forcément si on a la passion de Kafka.
SupprimerLire "La métamorphose" à six ans, mince ! Ton billet est très persuasif, c'est noté.
RépondreSupprimerElle était précoce, digne fille de son papa!
SupprimerIl me tente depuis un moment, car j'avais adoré "Or Not to be", du même auteur. J'attendais de lire des avis à son sujet.. autant te dire que le tien m'incite à craquer !
RépondreSupprimerC'était le premier livre que je lisais de lui et j'ai aimé cette hommage à la littérature.
SupprimerJe n'aime pas trop la couverture ! En revanche, le roman est très tentant. coincidence, j'ai fait des achats de livres cet après-midi et je cherchais des romans de cet auteur mais je n'en ai pas trouvé ( pourtant, j'étais dans une très grande librairie...). De toute manière, je dois retourner m'acheter d'autres livres demain... Je verrai bien ce que je trouve...
RépondreSupprimerJe suis curieuse de savoir ce que tu n'aimes pas dans la couverture.
SupprimerJe n'aime pas cette couverture car la femme crée une dysharmonie ! Trop étrange à mon goût entre cette montagne réaliste et cette femme fantastique ou alors en collage, ca m'aurait plu ( = type de photos surréaliste...) Bref, je suis difficile !
SupprimerMais non pas difficile, c'est ton goût, c'est tout! Moi, je l'aime justement pour ces mêmes raisons, le contraste entre la réalité et le fantastique et l'étrangeté qui en découle.
SupprimerLa couverture est très belle en effet ; je l'ai repéré ce livre, une histoire autour de Kafka c'est intéressant et j'aimerais bien découvrir enfin l'auteur. C'est noté !
RépondreSupprimerdécidément, tout le monde en a envie. Je le mets en livre voyageur!
SupprimerCoucou Claudia,
RépondreSupprimerDepuis que j'ai visité le Musée Kafka l'été dernier à Prague, j'ai envie de découvrir son oeuvre plus que jamais...
Bisous
Dans ce livre tu pars sur les traces de kafka mais pas dans ses oeuvres. Il vaut mieux le lire lui si tu veux le découvrir.
SupprimerFabrice Colin est un auteur jeunesse prolifique et qui a écrit certains très bons titres alors pourquoi pas ? ... D'autant plus qu'il a été acquis par ma bibliothèque municipale.
RépondreSupprimerJ'alalis te l'envoyer mais si tu le trouves en bibli...Tu me diras ce que tu en penses.
SupprimerBonsoir Claudia,
RépondreSupprimerJ'ai lu le roman et malgré un début et une fin fastidieuse, j'ai apprécié ce roman. Effectivement, il laisse une belle part à la littérature.
PS : J'ai scanné des pages sans casser la tranche :-) ( d'où les images un peu floues)
Je viens te lire!
SupprimerTon billet est donc moins mitigé que celui de Maggie ! Vous me tentez, toutes les deux :)
RépondreSupprimerJe pense que c'est un bon livre même si ce n'est pas un coup de coeur. Moi aussi j'ai trouvé que le personnage de Else et le rapport entre le mensonge et la littérature étaient le plus intéressant. Et le voyage sur les traces de Kafka aussi, bien sûr! Mais les rapports de Julie et de son père que n'aime pas Maggie m'ont paru justes, bien observés. Maggie a peut-être raison pour le dénouement, c'est vrai, moins convaincant. Mais cela ne m'a pas choquée à la lecture. Le livre voyage, si tu le veux fais-moi signe mais il te faudra attendre un peu.
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