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Guillaume Vogels, la neige, le soir |
Sur le Mont des Arts à Bruxelles, les musées royaux des Beaux-Arts réunissent dans un même bâtiment trois musées. J'ai déjà parlé
ICI du musée des Vieux-Maîtres. Il y a aussi le musée Magritte, très riche, dont je ne peux vous montrer des images car il est interdit de prendre des photographies; et enfin le musée
Fin de siècle qui expose des oeuvres de la fin du XIX siècle et du début du XXème siècle. J'ai eu plaisir à découvrir des peintres belges et à voir l'évolution de la peinture, des réalistes, en passant par les impressionnistes et les symbolistes, aux peintres modernes.
Réalisme et naturalisme
Henri de Braekeleer (1840-1888)
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Henri de Braekeleer : la fenêtre (1874-76)
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Henri
de Braekeleer, né à Anvers le
11 juin 1840 et mort dans la même ville le 20 juillet 1888, fait partie
d'une famille de peintres flamands. Il est formé par son père Ferdinand
Braekeleer et par son oncle Henri Leys. Il
peint à la manière des vieux maîtres flamands, dans des intérieurs
intimistes, des personnages aux poses paisibles qui ressemblent à
ceux de Vermeer ou de Peter de Hooch comme dans ce tableau intitulé La fenêtre. Victime d'une dépression, il s'arrête de peindre pendant quelques années. Quand il reprend -voir La partie de cartes- le style a changé, le décor est plus chargé, la manière de peindre différente.
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Henri de Braekeleer: La partie de cartes (1887)
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Constantin Meunier (1831-1905)
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Constantin Meunier : Triptyque de la Mine |
Constantin Meunier, né à Etterbeek le
12 avril 1831 et mort à Ixelles le 4 avril 1905, est un peintre et
sculpteur réaliste belge. Il a été influencé par le réalisme français et belge, Courbet, Millet, Charles de Groux. Après sa visite au bassin houiller de la province du Hainaut, il s'intéresse particulièrement aux difficultés du monde ouvrier et devient militant socialiste. Il faut dire que depuis 1874 une grave crise économique touche la Belgique, entraînée par la guerre franco-russe qui ferme les marchés et due aussi au fait que les américains mettent fin à leur commande d'acier et de charbon et déversent leur blé en Belgique. Le chômage, la misère entraînent toute une série de manifestations, de révoltes qui interpellent les intellectuels, écrivains et peintres. Constantin Meunier cherche à rendre dans son triptyque de la mine et plus encore dans L'enlèvement du creuset brisé, au-delà du réalisme et des difficiles conditions de vie et de travail, la grandeur des ouvriers qui apparaissent magnifiés, animés d'une force et d'une grande dignité.
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Constantin Meunier : L'enlèvement du creuset brisé (1885) |
Eugène Laermans (1864-1940)
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Eugène Laermans : Les migrants |
Eugène Laermans est un peintre belge né en 1864 à Molenbeek-Saint-Jean et mort le 22 février 1940 à Bruxelles. Il est le peintre des humbles, des ouvriers, des paysans. Comme Constantin Meunier il pratique un art engagé et social. Un soir de grève est peint en 1893 au
moment où la crise économique qui frappe la Belgique est extrêmement
forte et pousse les ouvriers et les paysans à déferler sur les villes. Ces peintures montrent des foules silencieuses, aux visages fermés mais déterminés, poussés par la faim et le désespoir, dont le mouvement et la marche en avant semblent ne pouvoir être arrêtés.
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Soir de grève, Le drapeau rouge |
Léon Frédéric(1856-1940)
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Léon Frédéric Triptyque des marchands de craie | | | | | | | | | | | | |
Léon Frédéric, né le 26 août 1856 à Bruxelles et mort le 25 janvier 1940 à Schaerbeek, est un peintre belge. Son triptyque des marchands de craie lui vaut la célébrité. En regardant ce tableau qui montre trois moments de la journée de cette famille laborieuse, l'on a l'impression de plonger dans un roman de Zola : Ici pas besoin de mots pour exprimer la fatigue d'une condition misérable, mais aussi le courage et la résignation. Les vêtements, les pieds nus, les dos voûtés, les expressions des visages figés, sans joie, tout nous raconte l'histoire de ce couple et de leurs deux enfants.
Léon Frédéric est à côté de Constantin Meunier et de Eugène Laermans un des grands représentants du réalisme social.
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Les marchands de craie : le matin |
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Les marchands de craie : le soir |
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James Ensor : Les pochards |
James Ensor, né le 13 avril 1860 à
Ostende et mort dans cette ville le 19 novembre 1949, est un
des plus grands artistes belges. Le musée Fin du siècle présente un riche éventail de ses oeuvres qui montre son évolution. D'abord peintre de facture classique, voire réaliste, période dite "sombre", avec des scènes de vie quotidiennes, Les pochards, des natures mortes, chinoiseries aux éventails, des tableaux d'intérieur, de sa famille, portrait du père de l'artiste, ou de sa sa mère, il s'oriente vers un autre style plus personnel, plus subjectif, résolument avant-gardiste, en peignant pour la première fois, en 1883, des masques dans son tableau Les masques scandalisés.
Les masques, le carnaval deviennent alors les thèmes récurrents de son travail qui présente sa vision anarchique de la société, le désordre, la violence, et les angoisses de l'homme ainsi l'obsession de la mort toujours présente dans ses tableaux. Ses caricatures montrent l'influence de Brueghel et de Bosch et soulignent le grotesque de la vie. Sa peinture évolue vers des couleurs éclatantes, cette recherche de la lumière dont Ensor disait qu'il s'agissait du "pain du peintre". Période dite "claire", qui est assez mal perçue. Ensor éprouve des difficultés à exposer même dans les cercles avant-gardistes comme celui des XX dont il est pourtant le fondateur. La reconnaissance vient plus tard et en 1929 a lieu à Bruxelles une grande rétrospective.
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Ensor :Les masques scandalisés (1883) |
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J Ensor : Les masques singuliers (1893) |
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Ensor : squelettes se disputant un hareng-saur
Vers l'impressionnisme
Guillaume Vogels : (1836-1896)
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Guillaume Vogels : Ixelles, matinée pluvieuse |
Guillaume
Vogels, naît le 9 juin 1836 à
Bruxelles et meurt le 9 janvier 1896 à Ixelles.
Il a été formé à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. C'est un
de mes deux coups de coeur avec un autre peintre belge Léon
Spilliaert.
Guillaume
Vogels, est impressionniste et réaliste à la fois. Ses paysages sont
noyés dans la grisaille d'un ciel gris et pluvieux, en Belgique, sur des
routes boueuses comme dans le tableau d'Ixelles, un quartier de
Bruxelles, où cheminent des personnages courbés sous leur parapluie.
C'est donc avec les reflets de l'eau, des gouttes et des flaques que
joue l'artiste. On a l'impression de découvrir les paysages à travers
une vitre sur laquelle la pluie ruisselle. Tout se mêle et se fond, tout
est perdu dans une brume grise qu'une teinte rosée vient délicatement
traverser. Et finalement, malgré l'hiver, le mauvais temps, c'est la
lumière qui paraît triompher!
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Guillaume Vogels : Temps de chien |
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Emile Claus (1849-1924)
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Emile Claus : Waterloo bridge, soleil et pluie |
Émile Claus naît en 1849 à
Vive-Saint-Éloi, petit village des Flandres sur les bords de la Lys et il meurt à Astène en 1924.
Dans les années 1890, il se rend à Paris, se lie avec Monet et s'oriente vers l'impressionnisme qui correspond à son goût pour la lumière. Pendant la guerre de 14-18, il est exilé à Londres et la Tamise est un de ces sujets favoris. Sa palette évolue ensuite vers des
couleurs encore plus vives, lumineuses, qui lui vaut le surnom de peintre du Soleil. Il devient l'un des brillants représentants du luminisme. Je n'ai pas vu cette période au musée, seulement ce tableau Waterloo bridge, soleil et pluie où l'on devine l'influence de Monet. Mais je me fais un plaisir de vous montrer ce qu'est le luminisme, mouvement artistique belge qui regroupe les artistes épris de lumière, à travers cette peinture d'Emile Claus intitulée : Jeunes paysannes au bord de la Lys
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Jeunes paysannes au bord de la Lys |
Le symbolisme
Fernand Khnopff
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Fernand Khnopff : Portrait de Germaine Wiener |
Fernand Khnopff, d'origine autrichienne, passe son enfance à Bruges, souvenir qui le marque profondément. Il se passionne pour la littérature, les contes de Flaubert, Leconte de Lisle, Baudelaire et entre à l'académie de Bruxelles où il découvre les oeuvres de Gustave Moreau et d'Edward Brunett.
Il devient portraitiste des milieux bourgeois et est connu pour ses portraits d'enfants pleins de sensibilité et de douceur. Parallèlement, il continue à peindre une oeuvre d'inspiration symboliste, énigmatique, bizarre, peuplée de figures mythiques où revient comme une obsession le visage de sa soeur Marguerite qui lui paraît être la femme idéale.
Ainsi dans le tableau Des caresses une sphinge détenant le secret et le pouvoir de vie et de mort tient enlacé un jeune homme. Celui-ci, l'air sévère, ne semble pas vouloir céder à l'attraction mais il n'est pas n'importe qui, il tient un sceptre surmonté d'une paire d'ailes bleues, c'est Hypnos, le dieu du sommeil et du rêve. Le sommeil et le rêve ne sont-ils pas proches de la mort?
Dans Memories chacune des femmes est un instant du passé. Seule paraît réelle la femme en blanc, les autres sont la représentation de ce qu'elle a été à différentes périodes. Pour le composer, Khnopff a utilisé six photos de sa soeur Marguerite.
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Fernand Khnopff : En écoutant du Schumann |
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Fernand Khnopff : Des caresses |
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Fernand Khnopff : Memories |
Vers la modernité
Léon Spilliaert (1881-1946)
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Léon Spilliaert : Baigneuse | |
Léon Spilliaert est né à Ostende en 1888 et est mort à Bruxelles en 1946. Sa ville Ostende a été un de ses principaux sujets d'étude mais il est allé à Paris où il se lie d'amitié avec Verhaeren et rencontre les milieux symbolistes. C'est un grand lecteur (il travaille chez un éditeur bruxellois) et il lit Maeterlinck, Verhaeren, Nietzsche, Lautréamont, Poe. Ses premières oeuvres portent la nette influence d' Edvard Munch mais il est aussi influencé par les peintres qu'il aime : Ensor, Khnopff, Van Rysselberhe, Odilon Redon, influence symboliste pour un artiste dont la technique, très personnelle, est déjà profondément moderne.
Les oeuvres admirées au musée Fin de siècle m'ont donné envie de le connaître mieux. J'ai aimé l'originalité de la composition de ce tableau La digue, ces lignes rectilignes qui donnent l'impression d'étrangeté liée à l'espace, au vide, au silence, à la nuit, cette grande diagonale qui entraîne le regard vers ailleurs, vers l'infini, ce jeu des couleurs entre le noir, le jaune et le beige; ou encore dans la Baigneuse, les contrastes entre l'escalier abrupt en premier plan et les courbes de l'eau aux formes japonisantes. J'ai été sensible au mystère de ces tableaux mais aussi au tragique, à la perception que l'humain y est, soit écrasé (la contreplongée de la baigneuse) soit absent (seule la cabane indique qu'il y a de la vie dans La digue).
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Léon Spilliaert : La digue |
et pour finir voici deux oeuvres de peintres français que j'ai particulièrement aimées :
Edouard Vuillart
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Edouard Vuillard : les deux écoliers |
Gauguin
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Gauguin : le calvaire breton |
J'ai souvent vu ce genre de tableau chez Tania, qui rend compte régulièrement d'expositions. La peinture belge réserve de belles surprises.
RépondreSupprimerTrès belle, en effet. Et il n'est pas toujours possible de la découvrir en France, sauf s'il y a des expositions et encore faut-il être à Paris.
Supprimerje me souviens d'une belle expo Ensor à Paris!
RépondreSupprimerOui,Ensor est un des peintres que l'on peut connaître facilement en dehors de la Belgique, expositions mais aussi oeuvres dans les musées.
SupprimerQuelle belle promenade ;0) Et très intéressante... Comme tu peux t'en douter j'aime beaucoup le premier tableau, mais celui de la partie de carte est extraordinaire aussi. Et j'aime énormément le moderne, celui de la baigneuse, il est superbe !! Bonne fin de semaine Claudia Lucia, bisous
RépondreSupprimerJe vois que tu as des goûts éclectiques. A toi aussi bonne fin de semaine.Bises l'or!
SupprimerMerci pour ce moment d'histoire de l'art. J'ai visité Bruxelles l'été dernier et j'en ai profité pour me rendre au beau musée Magritte.
RépondreSupprimerOUi,le musée Magritte est lui aussi très riche et permet de mieux connaître non seulement l'artiste mais l'homme et l'histoire artistique de son époque..
SupprimerC'est formidable ces billets, tu nous fais une visite guidée magistrale, j'aime beaucoup, la peinture me semble plus simple quand tu racontes !^^ J'aime beaucoup Vogels et Vuilliart (dont j'ai déjà vu d'autres tableaux) mais j'en aime d'autres parmi les "réalistes", notamment les scènes de société même si elles ne sont pas gaies. Quant au premier, effectivement, quel changement de style ! J'adore "L'homme à la fenêtre" mais pas du tout "La partie de cartes" ! Gros bisous Claudia et encore merci pour cette belle promenade !
RépondreSupprimerBises à toi aussi Asphodèle. Les réalistes sont intéressants en ce qu'ils nous racontent un moment d'histoire de la Belgique et la vie des ouvriers et des paysans. Moi j'ai bien aimé les deux styles de Braekeeler, la Fenêtre et la partie de cartes! Mais c'est vrai que la différence est saisissante.
SupprimerQuel beau billet, Claudialucia, je suis heureuse de ton enthousiasme !
RépondreSupprimerMerci de donner un si bel aperçu du musée Fin de siècle.
Merci à toi Tania .. et oui, je suis enthousiaste! j'ai été vraiment heureuse de mon séjour à Bruxelles.
Supprimerune très chouette visite guidée et j'apprécie de n'avoir pas à faire la queue à l'entrée :-)
RépondreSupprimerJ'aime particulièrement Guillaume Vogels un impressionniste que je ne connaissait pas du tout, proche de Corot aussi j'aime beaucoup vraiment et merci à toi
Vogels est vraiment un découverte pour moi aussi; merci de ta visite.
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