Au 17ème siècle, par une nuit d’hiver, le misanthrope Ursus recueille dans sa roulotte deux enfants abandonnés au froid et à la faim : une petite fille aux yeux gelés, et un garçon au visage horriblement défiguré par des trafiquants d’enfants : Gwynplaine. Il devient bientôt L'Homme qui rit, vedette incontestée des foires de la vieille Angleterre… jusqu’au jour où la Chambre des Lords le réclame !
C’est une véritable gageure que d’adapter le roman-fleuve de Victor Hugo : L’homme qui rit. Il faut évidemment tailler dans le vif quitte à laisser de côté bien des aspects de cette oeuvre! Et comme il s’agit de de mon roman-culte Voir Ici parmi tous les autres de Hugo, j’étais un peu dubitative. Mais j’avais envie de découvrir comment l’on pouvait représenter un tel monument au théâtre!
La comédienne, Christine Guênon, est seule en scène et elle est convaincante. Conteuse, elle évoque les Comprachicos et leurs atroces commerces d’enfants, leur départ en mer hâtif pour échapper à la justice. Une silhouette mince, pantalon et tee-shirt, une coupe à la garçonne, asexuée, elle est le frêle Gwinplaine abandonné sur la plage, errant dans l’immensité neigeuse. Et nous voyons par ses yeux les rencontres du jeune garçon avec le pendu, avec la femme morte et le bébé aux yeux gelés puis avec Ursus. C’est avec son incarnation d’Ursus, que Christine Guênon est la plus étonnante! J’ai même cru voir un Jean Gabin bougon dans un de ces rôles de râleur pas trop méchant! Elle devient Ursus, ce misanthrope, philosophe bourru à la voix rude et gouailleuse mais au coeur d’or qui accueille les proscrits en leur donnant la nourriture dont il se prive.
J’ai regretté que l’histoire d’amour entre Gwinplaine et Déa soit sacrifiée et de même le personnage de la jeune aveugle qui n’existe pas. Malgré tout j’ai aimé tout ce qui concerne cette partie du roman. Peu ou pas de décor, un banc pour la roulotte d’Ursus, une table avec un miroir où Gwinplaine devenu histrion se grime et dans lequel on voit le visage de la comédienne se transformer devant nous. Les lumières jouent sur le clair-obscur comme dans le roman et permet à l’imagination de se déployer.
Par contre j’ai trouvé trop rapide l’ascension sociale de Gwinplaine devenu lord et plutôt expédiée l’exposition de ses idées même si une part de son discours est conservé. Cette partie du roman porte toutes les idées politiques et sociales de Hugo contre la féodalité, contre l’immense puissance de l’aristocratie anglaise et toute sa compassion pour le peuple opprimé. Il est donc dommage que ce soit si rapidement traité. De plus la comédienne m’a paru alors moins à l’aise et un peu éteinte par rapport à ce qui précède. Elle ne rend pas la puissance, la générosité et le souffle révolutionnaire de Gwinplaine-Hugo ni la grandeur et la beauté épique du style de Victor Hugo! C’est un peu comme si en adaptant le texte on s’était désintéressé de cet aspect de l’oeuvre.
Mais bon, je sais bien qu’en une heure l’on ne pouvait rendre compte de tout et qu’il fallait choisir et, malgré ces regrets, j’ai bien aimé le spectacle dans l'ensemble et la comédienne qui le défendait.
Compagnie Chaos Vaincu
Interprète(s) : Christine Guênon
Régisseur : Patrick Marchand
Et pour le plaisir ....
Je suis celui qui vient des profondeurs, Milords, vous êtes les grands et les riches. C'est périlleux. Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l'aurore. L'aube ne peut être vaincue. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel? Le soleil, c'est le droit. Vous, vous êtes le privilège. Ayez peur. Le vrai maître de la maison va frapper à la porte.
Sais-tu qu'il y a un duc en Ecosse qui galope trente lieux sans sortir de chez lui? Sais-tu que le lord archevêque de Canterbury a un million de France de revenus? Sais-tu que sa majesté a par an sept cent mille sterlings de liste civile, sans compter les châteaux, forêts, domaines, fiefs, tenances, alleux, prébendes, dîmes et redevances, confiscations et amendes, qui dépassent un million sterling? Ceux qui ne sont pas contents sont difficiles.
- Oui, murmura Gwynplaine pensif, c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.
- Oui, murmura Gwynplaine pensif, c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches.
Evidemment, toi qui connais bien le texte, tu ne pouvais qu'être déçue par l'un ou l'autre aspect du spectacle. Le principal, c'est que tu y a pris quand même plaisir.
RépondreSupprimerPas déçue dans la mesure où je savais que l'adaptation ne pouvait être complète mais j'aurais aimé que le message politique de Hugo ne soit pas si court. Peut-être une pièce un peu plus longue!
SupprimerHé bien là! Je l'ai déjà vu ce spectacle, et près de chez moi. Une heure scotchée. Sauf que j'ai lu le roman et ça se termine avec le discours à la chambre des Lords, et j'attendais la suite! Mais c'était déjà extra cette adaptation de Hugo (pas facile!)
RépondreSupprimerMoi aussi j'attendais la suite! j'aurais voulu que cette partie soit plus longue et plus ardente, plus passionnée comme l'est Gwinplaine. Mais oui, moi aussi j'ai trouvé que l'adaptation et la comédienne étaient bons.
Supprimerbonnes!
SupprimerOups, j'allais voir la réponse à mon commentaire.Bon, on verra.
RépondreSupprimerMaintenant le festival est terminé, je vais avoir le temps de répondre aux commentaires; ce que je ne pouvais pas faire en courant d'une pièce à l'autre aux quatre coins de la ville, et en recevant la famille! pas eu le temps, non plus, d'aller voir les blogs.
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