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samedi 14 avril 2018

Sarah Perry : Le serpent de l'Essex



Angleterre, fin du XIXe siècle. Cora Seaborne, une jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s’installer à Aldwinter, dans l’Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s’intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : Le Serpent de l’Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il resurgi de l’estuaire du Blackwater ? C’est ce que portent à croire la mystérieuse disparition d’un homme à la veille du nouvel an, puis celle de la petite Naomi Banks, fille d’un batelier du village. (Quatrième de couverture)

L'essex

Le roman de Sarah Perry Le serpent de l’Essex paru aux éditions Christian Bourgois, n’est pas un roman fantastique contrairement à ce que le titre pourrait laisser à penser. C’est  un livre qui explore les peurs ancestrales ancrées dans les esprits et qui resurgissent lors de périodes particulières à notre histoire.  C’est l’analyse de la superstition toujours prête à renaître et à embrumer les esprits même ceux des plus raisonnables. C’est l’éternel duel entre l’obscurantisme et l’esprit scientifique à cette époque victorienne où les découvertes des fossiles sur les plages de l’Essex (il est souvent question de Mary Anning* qui a découvert les fossiles des dinosaures) viennent corroborer les thèses de Darwin et apporter la preuve scientifique de l’évolution des espèces. Les deux thèses sont portées, dans le roman, d’une part par Cora, naturaliste, et pas William Ransome, le pasteur, un homme de foi.

Rivière de Blackwater où se cache le serpent
A ces thèmes passionnants s’ajoutent celui de la liberté féminine et du statut de la femme à l’époque victorienne. L’écrivaine veut montrer, à travers le personnage de Cora Seaborne, éprise de science et de paléontologie, que la société victorienne n’était pas aussi corsetée que ce que l’on veut bien le dire. Mais l’on ne peut s’empêcher de penser que si Cora est si marginale, si libre par rapport à sa classe sociale et son époque, c’est parce qu’elle a eu le bonheur de perdre son mari ! Et oui, elle est veuve et heureuse de l’être et riche ! Beaucoup de conditions pour gagner le droit d’être libre !

Enfin la misère sociale est aussi abordée par l’intermédiaire de la lutte contre les logements insalubres, sales, dégradés où s’entasse le petit peuple de Londres.  C’est Martha, la gouvernante de Cora, issue du peuple, qui mène cette bataille avec argent du riche Spencer, amoureux d’elle !

Si j’ai bien aimé les personnages secondaires comme le médecin, Luke Garett, les enfants, Naomi, Jo, et Francis, et l’épouse du pasteur, Stella, j’ai été peu en empathie avec Cora Seaborne, qui m’a déplu. Et pourtant, elle est féministe, donc, je devrais être en accord avec elle, mais son désir de liberté s’accompagne d’une insensibilité à la peine des autres qui me choque. Quant à William Ransome, le pasteur, je n’arrive pas vraiment à le cerner. Je crois que ce qui me gêne, c’est le présupposé de l’écrivaine qui veut affranchir cette homme d’église des interdits victoriens à propos de la sexualité. Du ce fait, je n’arrive pas trop à croire en ce personnage parce que même à notre époque de grande liberté sexuelle (?) un homme qui trompe sa femme mourante (et qu’il aime) sera tourmenté par la culpabilité. Je n’ai pas trop compris ce personnage.

Ce roman est donc très bien écrit, riche et souvent complexe au niveau de l’analyse psychologique et des sentiments. A priori, il avait tout pour m’intéresser. Mais, tout en reconnaissant ses qualités, je n’ai pu m’y investir totalement et je suis restée partiellement en dehors. Quelques longueurs, la froideur de l’analyse et ce désir de l’écrivaine de n’être pas là où on l’attend, en particulier pour l’histoire d’amour et la vision de l’époque victorienne, expliquent peut-être ce ressenti.


*(voir Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier) 


Sarah Perry est née en 1979 dans l’Essex. Son premier roman, After Me Comes the Flood, a figuré parmi les sélections du Guardian First Book Award, du Folio Prize et a remporté le Anglian Book of the Year en 2014. Elle vit à Norwich. Le Serpent de l’Essex est son premier roman traduit en français.

11 commentaires:

  1. J'ai déjà noté ce livre qui me tente bien car me rappelant, par son thème, celui de Tracy Chevalier "Prodigieuses créatures". J'attendrai sa sortie en poche pour me faire une idée, ton avis étant plus mitigé.
    Bonne fin de semaine !

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    1. On est obligé de penser à "Prodigieuses créatures" puisque le lieu, les activités de Cora, et le nom de Mary Anning nous le rappellent sans cesse. Pourtant ce roman est très différent.

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  2. Les fossiles m intéressent bien

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    1. Justement,on s'éloigne un peu du thème des fossiles ou disons que ce n'est qu'un thème parmi les autres mais pas le principal.

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  3. Ne pas s'attacher aux personnages principaux, c'est rédhibitoire pour moi. En général, ça laisse en dehors du livre tout le temps, comme tu l'expliques.

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    1. Moi aussi,assez souvent,je dois le reconnaître. Pourtant on devrait pouvoir s'intéresser à des romans m^me si les personnages sont négatifs. Mais Cora a aussi beaucoup de qualités.

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  4. Prodigieuses créatures m'avait laissé de marbre mais le thème de ce roman là m'inspire beaucoup plus

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    1. Ce que j'avais aimé dans Prodigieuses c'est tout ce qui est lié aux fossiles et au darwinisme et aussi le thème de la femme qui est une découvreuse mais n'est même pas admise dans les instituts scientifique!

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  5. je vais garder la réserve finale pour ne pas me lancer dans un roman alors que je suis un peu noyée en ce moment par les livres à lire absolument.

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  6. JE n'ai pas été hyper attachée aux personnages moi non plus, mais j'ai quand même aimé plus que toi. Cora est certes insensible, mais j'avais aimé sa liberté... même si elle aurait pu s'arrêter un peu avant. C'est la vie de village qui m'a surtout plu.

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  7. Bon, je passerai mon tour ! Par contre, contrairement à Dominique j'ai gardé un bon souvenir de "Prodigieuses créatures".

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