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jeudi 21 janvier 2021

Antoine Choplin : Nord-Est

Dans Nord-est d'Antoine Choplin, des hommes, Garri, le sage, Jammar, le taciturne, Emmet le jeune adolescent naïf, Saul le poète muet, quittent le camp pour atteindre les plaines du Nord-est et il faut pour cela escalader de hautes montagnes, un long et pénible périple qui va solliciter leurs forces jusqu’à l’épuisement. Ils seront rejoints au cours du voyage par Ruslan, chercheur de pétroglyphes, inscriptions gravées dans la pierre par des hommes depuis longtemps disparus et par Tayna un jeune femme à la recherche de l’homme qu’elle aime, parti lui aussi vers ces plaines.

Petroglyphes

Le lecteur se pose des questions : Que faisaient ces personnes dans ce camp de prisonniers où la poésie même était interdite? Pourquoi sont-ils libres maintenant? Qui organise, et comment, la distribution de nourriture en camion? Pourquoi toutes ces maisons en ruines, brûlées par l’homme ou par un mystérieux cataclysme, qu’ils découvrent en chemin ? Vont-ils trouver le salut dans les plaines du Nord-est ? L’écrivain ne donne aucune explication. Le lecteur ne peut qu’imaginer.
Alors nous voyageons avec eux, sans avoir de réponses et sans chercher plus loin, pris dans la même urgence d’atteindre un but incertain. Peu à peu nous comprenons que ce voyage s’apparente à une quête mythique et que se poser des questions serait vain. Nous partageons la marche, les difficultés, les peines de nos compagnons taciturnes, peu enclins à se confier. Nous devinons leurs blessures secrètes. La poésie naît de  ce tête à tête avec la nature, des rencontres faites en route, de ces pétroglyphes qui s’effacent mais qu’il faut essayer de fixer avant leur effacement total, parce qu’il est important de sauvegarder la mémoire, fut-ce au péril de sa vie. Des passages saisissants nous touchent particulièrement, comme la mort du Vieux cheval, l’adieu à un de leur compagnon, le sacrifice de la chevelure de Tayna, la descente de la pierraille, l’ancien manège étouffé par la végétation. De belles scènes, très humaines, racontées avec sobriété et pudeur. Antoine Choplin a un style concis, de petites phrases courtes, au présent de l’indicatif. A priori, ce n’est pas le style que je préfère mais il a ici une force étonnante qui vous retient captif.  
Et la lecture du livre devient prenante, urgente, et l'on n'a plus envie de la quitter.

13 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu Antoine Choplin depuis un petit moment ; je vais emprunter celui-ci à la bibliothèque.

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  2. Et pourtant... Même à Buchenwald la poésie ne pouvait être interdite (cf Jorge Semprun)
    Je me demande si Antoine Choplin utilise toujours des phrases courtes quelque soit son roman ? Je comprends que l'on puisse ne pas aimer le rythme des mots et des phrases car il doit dans notre tête rimer avec nos pensées

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    1. Oui, je me souviens de ce passage de Jorge Semprun où il dit cite Baudelaire Ô mort! Vieux capitaine ! Il est temps, levons l'ancre !

      c'est le premier livre que je lis de Antoine Choplin. Je suppose que c'est son style et il est efficace.

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  3. claudialucia, il n'a pas été tellement fait attention à la disparition de Vassilis Alexakis dans les journaux et pourtant il a remporté quelques prix (le Médicis notamment et il a été pressenti pour le Goncourt). Je l'ai découvert en 2012 en achetant au Relay H de Roissy son roman "l'enfant grec" qui se déroule au jardin du Luxembourg. Je crois que tu l'aimerais. La clarinette se déroule dans des endroits que je connais, elle m'est à la fois contemporaine et proche. En le relisant j'ai découvert des endroits que j'ai fréquentés entre temps, comme la rue Botzaris au dessus du parc des Buttes Chaumont à Paris, le parc de la villa Borghese ou la place Navona à Rome... La littérature vivante il n'est rien de mieux

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    1. Oui, je suis allée voir ce qu'était l'enfant grec d'après le titre d'un poème de Victor Hugo et effectivement il me plairait beaucoup puisque les personnages sont des héros de romans. Un livre sur la littérature !

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  4. Tu m'intrigues, je n'ai jamais lu cet auteur

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  5. J'ai un peu délaissé cet auteur après avoir lu "Radeau". J'avais tellement aimé "Le héron de Guernica" et "La nuit tombée", que bien qu'ayant apprécié les autres titres lus ensuite, il m'y a manqué u petit quelque chose.. ceci dit, ton billet m'intrigue, l'atmosphère de ce texte semble très originale et prégnante.

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    1. Le héron de Guernica est donc à lire ! Je retiens ce titre.

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  6. Mon préféré est "La nuit tombée". http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2013/02/13/26406244.html

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  7. Je viens de l'emprunter à la bibliothèque et j'ai hâte de le découvrir. J'aime beaucoup les livres d'Antoine Choplin.
    Daphné

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