Dans Nord-est d'Antoine Choplin, des hommes, Garri, le sage, Jammar, le taciturne, Emmet le jeune adolescent naïf, Saul le poète muet, quittent le camp pour atteindre les plaines du Nord-est et il faut pour cela escalader de hautes montagnes, un long et pénible périple qui va solliciter leurs forces jusqu’à l’épuisement. Ils seront rejoints au cours du voyage par Ruslan, chercheur de pétroglyphes, inscriptions gravées dans la pierre par des hommes depuis longtemps disparus et par Tayna un jeune femme à la recherche de l’homme qu’elle aime, parti lui aussi vers ces plaines.
Petroglyphes |
Le lecteur se pose des questions : Que faisaient ces personnes dans ce camp de prisonniers où la poésie même était interdite? Pourquoi sont-ils libres maintenant? Qui organise, et comment, la distribution de nourriture en camion? Pourquoi toutes ces maisons en ruines, brûlées par l’homme ou par un mystérieux cataclysme, qu’ils découvrent en chemin ? Vont-ils trouver le salut dans les plaines du Nord-est ? L’écrivain ne donne aucune explication. Le lecteur ne peut qu’imaginer.
Alors nous voyageons avec eux, sans avoir de réponses et sans chercher plus loin, pris dans la même urgence d’atteindre un but incertain. Peu à peu nous comprenons que ce voyage s’apparente à une quête mythique et que se poser des questions serait vain. Nous partageons la marche, les difficultés, les peines de nos compagnons taciturnes, peu enclins à se confier. Nous devinons leurs blessures secrètes. La poésie naît de ce tête à tête avec la nature, des rencontres faites en route, de ces pétroglyphes qui s’effacent mais qu’il faut essayer de fixer avant leur effacement total, parce qu’il est important de sauvegarder la mémoire, fut-ce au péril de sa vie. Des passages saisissants nous touchent particulièrement, comme la mort du Vieux cheval, l’adieu à un de leur compagnon, le sacrifice de la chevelure de Tayna, la descente de la pierraille, l’ancien manège étouffé par la végétation. De belles scènes, très humaines, racontées avec sobriété et pudeur. Antoine Choplin a un style concis, de petites phrases courtes, au présent de l’indicatif. A priori, ce n’est pas le style que je préfère mais il a ici une force étonnante qui vous retient captif.
Et la lecture du livre devient prenante, urgente, et l'on n'a plus envie de la quitter.