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dimanche 5 avril 2009

J’ai épousé un inconnu de Patricia Macdonald


Il y a des moments où l'on a des préjugés. Par exemple, je suis bien persuadée qu'il n'y a pas de genre littéraire inférieur à un autre mais qu'il y a seulement de bons ou de mauvais livres. Ainsi je suis toute prête à défendre (puisque ce sont ces genres qui sont souvent méprisés )les romans Fantasy et les policiers.
Pourtant, ce soir-là, quand j'aborde J'ai épousé un inconnu de Patricia Mc Donald, je reste sur mes réserves. Je ne suis pas fan de ces thrillers américains habiles, certes, mais qui ne jouent que sur le suspense, la peur, sans qu'il y ait une trame sociale qui sous-tende le récit, une analyse psychologie profonde des personnages, ou une philosophie, ou encore un style qui emporte le tout. Bref! quand ils sont dépourvus de tout ce qui fait d'un policier une oeuvre littéraire à part entière. J'ai déjà dit dans ce blog quels étaient mes auteurs préférés de romans noirs.
Malgré tout, je lis J'ai épousé un  inconnu, parce que, après tout, on me l'a prêté et que j'ai bien le droit de me distraire!
Bref! j'accompagne mon héroïne dans toutes ces aventures. Elle vient juste de se marier (la pauvre!) et si vous saviez ce qui l'attend! Que dis-je j'accompagne? je veux dire que je deviens le personnage, j'échappe à je ne sais combien d'attentats, je suis recousue du haut jusqu'en bas, je quitte l'hôpital malgré les points de suture qui me déchirent la chair. Mais je suis courageuse, une héroïne héroïque jusqu'au bout...
Ah! j'ai oublié de dire que, de plus, je suis enceinte (malheureux bébé sur qui s'acharne les tueurs fous !) Mais rassurez-vous, même lardé de coups de couteaux ou autres instruments contondants, le lardon n'a rien!
Enfin, quand je dis "je'", je veux dire "elle", la femme extraordinaire qui affronte toutes ces horreurs parce que moi... je me recroqueville au fond de mon lit! Et voilà que l'escalier de la mezzanine craque. Angoisse! Ai-je bien fermé la trappe? et la porte d'entrée? Je me lève, j'allume toutes les lumières de la maison parce que dans les recoins sombres, on ne sait jamais! Heureusement, après 40 ans de mariage, mon mari n'est plus tout à fait un inconnu! Une inquiétude de moins de ce côté là!
Et le livre donc, je le lis, dans la foulée, sans pouvoir m'arrêter!

vendredi 3 avril 2009

Retour d’Espagne : une brassée d’images! (1)


La Galice

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Ria Entre Noïa et Muros
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Castro de Barona
Ria de Noïa
vestiges d'un village celte
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Lever de soleil sur la plage de Castro de Barona Ria de Noïa
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Ria de Muros et Noïa
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côte de La Mort
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Eglise du monastère de Armenteira
Ria de Pontevedra

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Cloître du monastère d'Armenteira
Ria de Pontevedra


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Horreo de Combarro : ria de  Pontevedra
Un horreo est une sorte de grenier placé à côté de la maison dans lequel on entrepose les récoltes












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La cathédrale de Saint Jacques de Compostelle
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Collège de San Jeronimo de Saint jacques de Compostelle

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La porte romane de la cathédrale

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La porte du pardon de la cathédrale (détail)

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Pazo de Orca : manoir galicien (ou pazo) du18-19ème siècle avec un magnifique jardin
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Pazo de Orca

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Pazo de orca

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Et pour couronner le tout soleil et fleurs de la Galice
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mardi 10 mars 2009

Voyage espagnol / Madrid


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La place Mayor de Madrid

Mercredi 11 mars départ à Madrid. Ensuite Galice, Asturies... Au revoir!

lundi 9 mars 2009

Lucia Etxebarria : Aime-moi por favor,




Dans Aime-moi por favor, recueil de nouvelles, Lucia Etxebarria nous offre un éventail varié de portaits de femmes. Quinze nouvelles, quinze femmes, d'âge, de régions, ou pays, de caractère, de préférence sexuelle, d'instruction, de milieu social différents mais toutes guidées par un fil conducteur, celui de l'amour, et toutes marquées, de la prostituée à l'avocate, de la femme au foyer à la femme indépendante, par la difficulté d'être femme dans la société actuelle.

Vous allez dire que je le fais exprès de choisir toujours des sujets sur la condition de la femme, de Syngue Sabour à Moukhtar Mai en passant par Chahddortt Djavann et j'en passe. Ah! ça oui, je le fais exprès! et pourquoi pas? mais là... non! Je voulais simplement découvrir des auteurs espagnols contemporains pour préparer mon voyage en Espagne et voilà que je suis tombée sur cette jeune basque, installée à Madrid, qui n'a pas la langue dans sa poche, je devrais dire la plume!

Le style vif, parfois cru, affirme une personnalité très forte; on sent qu'il n'y a pas de demi-teinte dans ses prises de position. On est surpris par ce ton neuf, sans tabou et l'intelligence de l'analyse. C'est sans indulgence qu'elle juge les relations entre les couples, l'assujettissement de la femme à ce qu'elle nomme l'amour et qui bien souvent n'est qu'habitude, convention pour les bourgeoises, ou tout simplement impossiblité matérielle et financière de s'en sortir pour les autres. il y a à  la fois beaucoup de cruauté et de tendresse dans tous ces récits : absence de liberté, coups,  prostitution, drogues, inceste, viol ...  mais aussi de beaux portrait de femmes.

J'aime en particulier la mère malheureuse et pourtant si digne de Une histoire d'amour comme n'importe quelle autre ou la prostituée de Cinquante pas. J'aime le fait que ce soit ces femmes-là, apparemment faibles, qui aient une telle réserve de courage et de fierté.

Certaines nouvelles sont d'une noirceur absolue, sans aucune issue possible, comme celle de la jeune sarhaouie de Sans Terre :

Moi, en vérité, j'ai déjà perdu  toute espérance.... Des années à attendre. Demain, demain, après demain, des semaines, des mois, des années qui se prolongent pour rien."
ou de Mon nom est Légion où la jeune femme sans amour, victime d'une fausse couche, se retrouve à l'hôpital avec de nombreuses femmes tout aussi pommées qu'elle parce que :

Les différences de classe, de coutumes, de physionomie, disparaissaient dans la communion profonde de la dépendance, dépendance d'un mari ou d'une famille qui exigaient de ces femmes pour leur concéder de l'importance, qu'elles soient mère.
D'autres, au registre plus léger, laissent parfois de l'espoir comme celle Des fleurs pour Sally.

Les récits sont faits à la première personne et le style, le vocabulaire, le rythme, reflètent avec un brio incontestable de la part de l'auteur, la personnalité et les caractéristiques de chaque femme : sentiments d'une adolescente de quatorze ans dans Des pancakes au sirop d'érable, finesse de l'analyse de l'avocate qui quitte son mari dans Mal accompagnée ou froideur et rigueur de la démonstration philosophique de l'écrivain dont le Moi balance entre deux mondes, le physique et le virtuel, dans Un coeur sur un toit.

Ajoutons aux nouvelles dont je viens de parler celle intitulée Seule et vous aurez mes préférées (à l'exception de  un coeur sur un toit  que je n'aime pas - non parce qu'elle est mal écrite, au contraire-  mais parce le sujet ne me touche pas). Quelques-unes peuvent avoir une chute un peu décevante ou des personnages qui ne m'attirent pas mais l'ensemble est très réussi.

Le tableau que donne Lucia Etxebarria de la condition féminine en ce début du siècle est bien noir, à tel point que des lecteurs ont accusé l'auteur d'exagérer, de dresser des caricatures. Or,  nous prévient l'auteur, tous ces récits sont des témoignages réels de femmes qui se sont confiées à elle. Mais, ils ne sont pas que cela, transfigurés par ce qu'elle appelle "l'interprétation littéraire du réel".

Comme ces personnages Lucia Etxebarria a souffert si j'en juge par cette interview dont je cite un extrait et qui renvoie à ce  site

Au départ, j'avais des problèmes émotionnels liés au fait que j'avais grandi dans une famille très catholique et machiste. On m'a enseigné à devenir une femme que je ne peux pas être. J'étais dans une position de pouvoir professionnellement, mais émotionnellement, je me retrouvais dans des relations de couple où je ne pouvais pas m'épanouir, d'où ma thérapie, au cours de laquelle j'ai compris que ce n'était pas qu'un problème psychologique personnel, mais qu'il s'agissait en vérité d'un blocage généralisé, d'ordre social, observe l'écrivaine de 42 ans. Même encore aujourd'hui, les mariages impliquent une construction symbolique basée sur la soumission de la femme. C'est incroyable, le nombre de femmes autour de moi qui ont sacrifié leur vie au nom de l'idée qu'elles se faisaient d'un amour romantique qui s'est avéré destructeur.

dimanche 8 mars 2009

Paulo Coelho : Le pèlerin de Compostelle (2)

                                                           Première étape : Roncevaux

 Le Pèlerin de Compostelle (voir texte 1) nous donne des renseignements précis sur l'itinéraire de Paulo Coelho.

Le départ a lieu dans le pays Basque français à Saint-Jean -Pied-de-Port.

Là, il reçoit le le manteau où sont cousues les coquilles de Saint Jacques et le chapeau du pèlerin ainsi que le bourdon, long bâton au bout duquel est attachée une petite calebasse pour l'eau. Le chapeau le protège du soleil et des mauvaises pensées, le manteau de la pluie et des mauvaises paroles, le bourdon des ennemis et des mauvaises actions.

Il en sort par la porte d'Espagne et prend la route empruntée par les armées romaines, puis par celles de Charlemagne et de Napoléon.

La première étape dont parle Coelho est Roncevaux qui à l'époque des grands pèlerinages était le plus puissant monastère de la région. Il reste quelques bâtiments  religieux et une église collégiale avec des objets d'art d'une valeur inestimable: sur l'autel la Vierge de Roncevaux tout en argent massif.

La seconde est Puente la Reina. Là, inscrite sur la base d'une statue figurant un pèlerin, Coelho lit l'inscription suivante 

                                     Ici, tous les chemins  de Saint-Jacques ne font plus qu'un .

L'épisode de l'enfant qui joue à la balle ("le démon")se place devant le pont qui donne son nom à la petite ville. Il atteint un tronçon de chemin où des vestiges de pavements romains étaient toujours présents. Tout au long du chemin se dressent de lourdes croix en bois.

A Estella, il apprécie la bonne chère et le vin de la  taverne: quelques ruelles donnent directement sur la rivière (l'Ega) - comme à Venise- et c'est dans l'une d'elles que j'ai décidé de m'asseoir."

Ensuite, il traverse Pampelune puis Logrono; celle-ci est une des plus grandes villes que traversent les pèlerins;  il assiste à une fête de mariage et discute avec le marchand de pop corn qui regrette le temps de Franco
Logrono

A Santo Domingo de la Cazalda : Nous avons gravi une petite éminence et, d'en haut, j'ai aperçu le clocher principal de l'église ...


C'est dans la petite ville de Ponferrada que Petrus, le guide, quitte Coelho et c'est dans la château des Templiers qu'il assiste à un rituel. Les Templiers défendaient les pèlerins des chemins de Compostelle. Lorsque l'ordre fut détruit, nous dit Paulo Coelho, celui de Saint-Jacques-de-l'Epée devint responsable de la garde des chemins.

Il arrive à Villafranca del Bierzo avec sa petite église dont le portail est décoré de coquilles Saint Jacques et de scènes de la vie du saint, avec la statue de Saint Jacques Matamore brandissant son épée, les chapiteaux décorés de coquilles, le portail du Pardon. Enfin, sur le pic Cerebor il découvre le sens de son voyage et c'est dans la petite chapelle au pied du mont que le Maître lui remet son épée. A partir de là, Paulo Coelho considère sa quête comme terminée. Il gagne Saint -Jacques de Compostelle en prenant un car qui assure une correspondance entre Pédrafita et Saint-Jacques, près du Cerebro. De la ville, nous apercevons par la fenêtre de son hôtel, quelques touristes devant le portail principal de la cathédrale Saint-Jacques. Et c'est tout! Et moi, lectrice, qui achève le livre, je me sens un peu dépitée ! Avoir accompli un si long voyage avec l'auteur et rester ainsi à la porte!

C'est que pour l'auteur brésilien, les lieux où il s'arrête, n'ont pas un intérêt en eux-mêmes ;il ne s'attarde pas à les décrire et il quand il le fait c'est dans un style plat et sans émotion. Ils sont liés aux  étapes iniatiques de la RAM : Rigueur, Amour, Miséricorde - secte,  confrérie chrétienne?- qui doit le mener à mériter l'épée. En dehors de cette recherche, il s'intéresse peu au voyage lui-même.

On le voit, Paulo Coelhe n'a pas l'érudition, ni la curiosité intellectuelle, ni la richesse de Cees Nooteboom sur le même sujet, ni les mêmes centres d'intérêt. Il n'est pas passionné par l'Histoire, ni par l'Art. Il ne cherche pas sur les traces du passé l'écho des voix disparus. Il n'a pas, non plus, la langue superbe, dense, colorée, qui est celle de Cees Nooteboom dans Le labyrinthe du pèlerin pour décrire la beauté d'un pays aride et sauvage qu'il aime passionnément. Si leur quête, à tous deux, est spirituelle, elle est radicalement opposée.

Quant à moi, ma préférence est pour l'écrivain néerlandais et je ne résiste pas à vous citer ce passage de Cees Nooteboom que je ne me lasse pas de relire :

Cette terre aura la couleur d'ossements, de sable ocre, de coquillage effrités, de fer rouillé, de bois pourri, mais même les couleurs plus foncées seront comme parées d'un reflet lumineux qui, de loin, ressemblera à un voile,comme si l'oeil devait être protégé de tant d'espace et de lumière. A l'horizon se dressent des églises et des monastères qui correspondent à l'infini visible et veulent nous parler d'un passé inconcevable, conservé - pour celui qui le recherche- par les airs chauds et froids d'un climat extrême. Autrefois, quand je n'en étais pas encore conscient, ces paysages durent s'infiltrer en moi, fournir une réponse à une soif d'infini, d'un infini que l'on ne trouve nulle part en dehors de l'océan et du vrai désert. Je sais que ces vocables sont d'un autre temps, mais cela m'indiffère, sur ce point je veux bien être mal compris. Car à qui pourrais-je parler d'accomplissement ou de lumières?

samedi 7 mars 2009

Paulo Coelho : Le pèlerin de Compostelle (1)



Pour préparer mon voyage en Espagne et en particulier à Galice, je viens de lire Le Pèlerin de Compostelle de Paulo Coelho. J'avoue que le livre m'a tout d'abord laissée perplexe. Pourquoi? Que pouvais-je attendre de ma lecture connaissant un peu l'auteur? Une description et une présentation historique de ce chemin? Non, bien sûr! sinon je me serais contentée de mon guide touristique! En fait, je voulais surtout partager par le biais de la lecture une expérience vécue! Et sur ce point, le livre de Paul Coelho répondait au centuple à mon attente! Alors d'où me venait cette réticence?

Je m'attendais, bien sûr, après l'Alchimiste, à une démarche spirituelle et religieuse. Je voulais savoir au cours de ce parcours de 700 km que Coelho entreprend avec un guide à travers les Pyrénées, de Saint Jean Pied de Port à Saint Jacques de Compostelle, ce que je pouvais partager avec lui d'un point de vue humaniste même si je n'ai pas ses convictions religieuses. De plus, Paulo Coelho m'offrait un point de vue différent de celui de Cees Nooteboom après ma re-relecture du livre de l'auteur néerlandais : Le Labyrinthe du Pèlerin, mes chemins de Compostelle, qui retrace la quête spirituelle d'un homme sans dieu à la recherche de lui-même.

En fait, il faut bien le dire, ce qui m'a profondément gênée dès le début du récit, c'est l'appartenance de l'écrivain à une secte nommée RAM et le but même de son voyage, la recherche de l'épée qui, pense-t-il, lui donnera des pouvoirs occultes. Forcément, tout ce que j'ai appris des sectes, fait que je regarde avec suspicion, ceux qui déclarent en faire partie, qu'ils en soient les victimes ou les instigateurs. J'avoue avoir eu bien du mal à assumer l'aspect "illuminé" du voyage de Paul Coelho, les visions, les phénomènes occultes, productions de lumière, lévitation, les rencontres avec des "démons", le gitan, l'enfant, et le chien, l'obéissance aveugle au guide même lorsqu'il te donnera l'ordre de tuer, les humiliations, la mise en danger volontaire, le recours à la souffrance du corps pour libérer l'esprit. Ces dernières pratiques rejoignant celles qui avaient cours jadis dans certains ordres catholiques et chez les saints et les ascètes. Car finalement, Paulo Coelho montre, à plusieurs reprises, la correspondance entre le RAM et le christianisme et même entre les diverses religions. Un des Mages qu'il rencontre sur le chemin de Compostelle est d'ailleurs un prêtre.

Enfin, je me suis dit que s'il s'agissait d'une oeuvre de fiction, j'aurais lu le livre en m'intéressant à ce qui, sous le couvert de l'aventure, pouvait se rapporter à l'humain. Nonobstant mes réticences, j'ai donc continué ma lecture et et je m'y suis intéressée, découvrant, contre toute attente, dans le cheminement du disciple et son maître, une belle leçon d'humanisme.

Ainsi il y a dans l'apprentissage initiatique du RAM, certains exercices qui ne font pas obligatoirement appel à l'occulte mais à l'observation, la concentration, l'imagination : exercice de l'audition, exercice de la semence, exercice des ombres. Ils permettent d'affiner ses sens, de faire le vide dans son esprit pour se libérer des soucis quotidiens, de faire le tri entre ce qui a de l'importance et ce qui est factice et vain, d'établir un contact étroit avec la nature afin de se sentir en communion avec elle, et de renaître à une vie nouvelle.

Parmi toutes les sensations que j'ai éprouvées dans ma vie, je ne peux oublier cette première nuit sur le chemin de Saint Jacques. .. J'ai regardé la voie lactée qui montrait l'immense chemin que nous allions parcourir. En d'autres circonstances, cette immensité aurait été cause d'une grande angoisse et j'aurais eu terriblement peur de ne pas être capable de réussir, de ne pas être à la hauteur. Mais aujourd'hui, j'étais une semence et j'étais né de nouveau... je pouvais naître autant de fois que je voulais, jusqu'à ce que mes bras soient assez grands pour étreindre la terre d'où j'étais venu.
Le guide, Pétrus, va au cours de ce long voyage lui montrer la voie de la sagesse et la grandeur de la vie. Ainsi il lui apprend que l'homme qui tue ses rêves ne désire plus que la mort :

L'homme ne pourra jamais cesser de rêver. Le rêve est la nourriture de l'âme comme les aliments sont la nourriture du corps... La seule manière de sauver nos rêves est d'être généreux envers nous-mêmes.
Son enseignement est celui de la sagesse, du discernement et du bon sens :

Nous voyons toujours le meilleur chemin à suivre, mais nous ne prenons que celui auquel nous sommes accoutumés

 Il est toujours bon d'avoir une activité lente avant de prendre une décision importante dans la vie, a-t-il dit. Les moines zen écoutent les rochers grandir. Moi, je préfère pêcher.
Mais tout en lui montrant le chemin, Il l'avertit qu'un disciple ne doit pas suivre aveugément les pas de son maître, que chacun a sa manière de conduire sa vie, de surmonter les difficultés. Il affirme de cette manière la liberté de l'homme et il a cette belle formule  :

Enseigner c'est montrer ce qui est possible. Apprendre, c'est rendre possible à soi-même

Enfin, c'est sur le mont Cerebor, au pied de la croix, presque à la fin de son pèlerinage, que Paulo Coelho, dont le but était de conquérir des pouvoirs occultes, comprend le sens de son voyage :

J'étais orgueilleux de ma sagesse, Tu m'as fait parcourir le chemin que tous peuvent parcourir, et découvrir ce que tout le monde saurait s'il prêtait un peu d'attention à la vie. Tu mas fait voir que la quête du bonheur est personnelle, et qu'il n'y a pas de modèle que nous puissions transmettre aux autres.

 Aujourd'hui cette compréhension est ce que je possède de plus précieux : l'extraordinaire se trouve sur le chemin des hommes ordinaires.

Voir texte 2

jeudi 5 mars 2009

Alexander McCall Smith : Mma Ramostwe, la première femme détective du Bostwana et d’Afrique!

Mma Ramostwe, c'est cette femme née de l'imagination d'Alexander McCall Smith, écrivain britannique né au Zimbabwe, qui ouvre la première (et la seule!) agence de détective du Bostwana dans la capitale de Gaborone.
Je viens de lire les trois premiers livres de la série : Mma Ramotswe détective; Les larmes de la girafe; vagues à l'âme au Bostwana.... et ma foi! je me suis laissée prendre par le charme et la fraîcheur de ces histoires qui ont surtout pour but de nous faire découvrir un pays, des coutumes et des mentalités.
Surprenant, ces romans qui vont à l'encontre de toutes les modes! Amateurs de récits violents, de psychopathes en série, vous serez déçus! Car Mma Ramostwe traite d'affaires bien ordinaires, de femmes ou de maris trompées, de pères qui exploitent leurs filles, par exemple. Ses enquêtes font penser parfois aux contes traditionnels africains où tout peut être résolu par le bon sens, l'observation, l'intuition et la bonne volonté. Parfois aussi, Precious Ratmostwe emploie des méthodes peu orthodoxes pour résoudre le problème,tout ceci narré avec humour et légèreté.
514m62vg42l_sl500_ss75_.1236266768.jpgLe  ton malicieux qui ne manque pas d'attrait est un des atouts du roman. Ainsi la grosse Mma Ratmoswe s'énorgueillit d'avoir une constitution traditionnelle africaine. Pour elle, être gros est un signe de bonne santé. C'est pourquoi, elle fait des reproches à la femme de ménage de son fiancé Mr JLB Matekoni :
Si vous le nourrissez aussi bien que vous le dites, pourquoi est-il si maigre? Quand on prend bien soin d'un homme, il engraisse. C'est comme avec le bétail. Tout le monde sait cela.
Les discussions philosophiques ou littéraires, autour d'un thé rouge, de la détective et de sa secrétaire sont souvent amusantes :
Cette Mma Bovary est bien bête! Les hommes ternes  font de très bons maris! Ils restent toujours loyaux et il n'y pas de risques qu'ils partent avec une autre.
Les personnages issus de milieu populaire sont attachants avec leur naïveté, leur bonté, leur désir de garder intacte l'âme de l'Afrique, de se préserver du matérialisme, de l'individualisme et de l'égoïsme du monde industrialisé.
Les rapports sociaux entre les gens de milieu modeste sont faits de fraternité et de solidarité : tel le fiancé de Mma Ratmostwe, Mr J.L.B. Matekoni, garagiste au grand coeur, qui ne peut résister lorsque la directrice de la ferme des orphelins le sollicite; ou encore Précious Ramotswe qui ne cesse d'accorder des promotions à sa secrétaire au lieu de la renvoyer, son agence étant au bord de la faillite.
Pourtant sous cette légèreté apparente apparaissent les réalités du pays et ses difficultés,  la pauvreté qui poussent les hommes à l'exil :
Nous faisons ainsi connaissance du père de Precious qui a travaillé dans les mines de 61oz4i1ywil_sl500_ss75_.1236266835.jpgdiamants en Afrique du Sud soumis à l'exploitation la plus totale, à des conditions de travail dangereuses, en butte au racisme des contremaîtres blancs; Il a économisé toute sa vie pour acheter un troupeau qui constituera l'héritage de sa fille et lui permettra de créer son agence. Il meurt les poumons ravagés par la poussière des mines.
Il y est question aussi de la condition de la femme que l'ardente Précious Ratmostwe défend avec véhémence même si des changements se font sentir dans le Boswana. Mma Ratmostwe a été élevée par un tante qui a voulu qu'elle soit instruite :
Il existait un parti politique auquel les femmes pouvaient adhérer, même si quelques hommes regardaient cela d'un mauvais oeil, estimant que c'était chercher des ennuis. Les femmes commençaient à parler entre elles de leur condition. Aucune ne remettant en cause l'autorité masculine...
Et certes la vie n'est pas facile pour elles : la tante de Precious a été répudiée par son mari parce qu'elle était stérile et est méprisée par les propres femmes de sa famille
Elles l'avaient traitée avec mépris parce qu'une femme abandonnée par son mari méritait presque toujours son sort.
Mma Ramotswe, veuve maintenant, a épousé un musicien alcoolique qui la battait; sa secrétaire, la brillante Mma Makutsi, sortie première de son école, n'a pu trouver de travail chez les employeurs masculins parce qu'elle était laide.
Et puis il y a aussi les difficultés inhérentes au pays comme la sècheresse. Le manque de pluie peut ruiner des exploitations tournées vers l'élevage :
Il semblait que les pluies seraient bonnes cette année, un bienfait pour lequel on priait tous. Pluies abondantes étaient synonymes d'estomacs pleins, tandis que sècheresse signifiait vaches maigres et faibles récoltes
Enfin on ne peut rester insensible à la description des paysages et à leur beauté :
Elle allait atteindre l'embranchement pour Mochudi, là où la route commençait sa descente douce vers la source du Limpopo, lorsque le soleil entama sa course au-dessus des plaines. L'espace de quelques minutes, le monde baigna dans des tons vibrants de jaune et d'or : les Kopje (collines), la panoplie des cimes des arbres, l'herbe sèche de la saison passée, au bord de la route, la poussière elle-même... Le soleil, grosse boule rouge, sembla tout d'abord suspendu à l'horizon puis il se libéra et prit son envol sur l'Afrique. Alors revinrent les couleurs naturelles du jour et Mma Ramotswe aperçut au loin les toits familiers de son enfance, et les ânes au bord de la route, et les maisons dispersées çà et là parmi les arbres.

mercredi 4 mars 2009

Poésie : Joubarbes


Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques des textes qui me parlent,  dont j’aime l’idée et l’écriture. J’ai envie de les conserver pour les relire. j’ai décidé de les “collectionner”. 
Le blog Pêle-Mêle  de Jeandler  est  dédié à la nature et la poésie, une belle alliance entre l'image et les vers qui célèbrent la beauté des plantes et des arbres dans leur simplicité et leur humilité.
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Les joues bien roses

serrées l’une contre l’autre

sourire aux lèvres

Les soeurs sont à l’abri

au chaud au creux du rocher

samedi 21 février 2009

Christian Bobin : La Folle allure


La Folle allure de Christian Bobin est l'histoire de Lucie, (ou Aurore, Belladone, Marie, Ludmilla, Angèle...) ou peu importe le prénom choisi par l'héroïne au cours de ses fugues réitérées.
Petite fille, elle vit dans un cirque, est amoureuse d'un loup dans les yeux duquel elle voyage.
 Mon premier amour a les dents jaunes. Il entre dans mes yeux de deux ans, de deux ans et demi. Il se glisse par la prunelle de mes yeux jusqu'à mon coeur de petite fille, où il fait son trou, son nid, sa tanière.
A la mort du loup, commencent les fugues de la fillette. Là, elle va découvrir une vérité fondamentale pour elle : personne, non, jamais personne ne pourra la contraindre à faire ce qu'elle ne veut pas.
Très jeune, elle se marie et et prend des amants.
Ce ne sont pas vraiment des fugues. J'ai médité là-dessus, après la remarque de ma mère : si je ne disparais plus c'est que je n'ai plus besoin de disparaître. Le mariage est encore la meilleure façon pour une femme de devenir invisible.
Elle divorce. Après un début de carrière dans le cinéma, elle renonce à tout et se réfugie dans un hôtel pour écrire le livre que nous sommes en train de lire. Au cours de cette retraite elle retrouve son ange aux cheveux rouges et aux ailes un peu fripées.
Le travail de mon ange est de me détacher du monde (et de moi) en me donnant une puissante envie de dormir.(...) l'écriture faisait partie de ce sommeil.
A la fin de cette expérience elle sent qu'elle a enfin grandi, qu'elle a enfin pu être elle-même. Mais pour cela, il faut échapper à ceux qui vous aiment.
On ne peut pas grandir avec les autres. On ne peut grandir qu'en faisant des choses dont on ne leur rendra pas compte. Cette part là, est la part de l'ange- ou du loup.
Dans le rétroviseur de sa vie, elle peut donc apercevoir ce  trio charmant, vraiment la fine équipe, un loup aux dents jaunes, un ange aux cheveux rouges, et le gros, le gros imperturbable..
Le gros, c'est Bach.
Le gros plein de notes. Si je préfère sa musique à toutes les  autres, c'est parce qu'elle est délivrée du sentiment. Pas de chagrin, pas de regret, pas de mélancolie : juste la mathématique des notes comme le tic tac des balanciers de l'horloge.
Et au-delà du récit, il y a le style de Bobin, le regard attentif qu'il porte au monde pour en dénoncer la beauté, l'amour du détail, de la précision, comme s'il se livrait à un fin travail de ciseleur, l'analyse des sentiments qu'il nous livre une fois sortis de leur gangue et qui demande patience, calme et retrait hors du monde.
Quelques réflexions que j' aime :
Les yeux des hommes sont plus changeants que ceux des loups. Ce qu'on y voit est beaucoup plus terrible.
Ce n'est pas qu'il y ait deux mondes, celui des riches et celui des pauvres. C'est bien plus fort que ça : il n'y a qu'un seul monde, celui des riches et, à côté ou en arrière, le bloc informe de ses déchets.
Elle est éternelle ma mère. Je sais bien que la mort entrera un jour dans son corps et que l'âme en sortira pour ne pas manquer d'air, pour continuer à battre la campagne, ailleurs, autrement. Je sais bien mais en attendant ce jour, je prends un plaisir fou à entendre sa voix, l'entendre pas l'écouter, les mots n'ont pas une si grande importance, qu'avons-nous à nous dire dans la vie, sinon bonjour, bonsoir, je t'aime et je suis là encore, pour un peu de temps vivante sur la même terre que toi.

vendredi 20 février 2009

Shan Sa : Le vent vif et le glaive rapide


Le Vent vif et le glaive rapide est un recueil de poèmes de Shan Sa, pseudonyme qui signifie en chinois : bruissement du vent dans la montagne La jeune écrivain chinoise est l'auteur notamment de La Joueuse de go.

Le titre est contenu dans cet avant-dernier poème du recueil où Sahn Sa regarde vers ses origines :

Le vent vif et le glaive rapide
Sont les seules bénédictions
de mes aïeux.

Le thème de l'origine, du pays lointain, associé bien souvent au thème du vent, est très vivace dans cette fin du recueil où la jeune femme après avoir chanté les joies puis les souffrances de l'amour trahi, se tourne vers ce qu'il y a d'immuable en elle, ce qui est ancré à tout jamais, échappe à l'aléatoire,

Prends soin de ce corps
Trois mille âmes l'ont habité
Il te conduit
Vaisseau large
De la rivière à la mer
De la mort à la renaissance.


et exprime la nostalgie de l'exilée :

Le vent du nord
Fait sangloter les oiseaux
Est-ce le chant de mon pays
Qui appelle ses âmes errantes?

lundi 2 février 2009

Surdité du bord de mer…


Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques des textes qui me parlent, que je trouve intéressants, dont j'aime l'idée et l'écriture. J'ai envie de les conserver pour les relire. J'ai parfois envie aussi d'y répondre pour dire mon accord ou mon désaccord, pour noter mes réaction personnelles, bref, j'ai décidé de "collectionner" pour réfléchir ou réagir. Il s'agit d'une sorte de recueil dont j'aurai glané les feuilles de-ci, de-là et que je retrouverai dans Ma Librairie.

                                                       Le coquillage Gustave Moreau

Ce texte écrit par Sophie Poirier dans son blog L'Expérience du désordre m'a touchée parce qu'il me rappelle combien la vie est fragile, le bonheur éphémère.

Parce que mon oreille gauche s'était bouchée soudainement (j'entendais la mer dans le coquillage, sans le coquillage), l'ORL après avoir soigné mon ouïe pertubée (je n'ai rien contre entendre l'océan et les vagues, bien au contraire, mais seulement quand je suis face à la mer…), donc il m'a soigné pour une perte d'ouïe à l'oreille gauche et il m'a prescrit un IRM.

C'est ce tube dans lequel tu entres allongé, tu restes immobile, là comme ça, la tête coincée, tu te prends facilement pour un cadavre dans son cercueil alors forcément tu flippes un peu… Le radiologue te met dans la main une poire qui sert de lien avec le monde extérieur. Au cas où tu paniques…

Elle m'a dit :  Vous pouvez fermer les yeux. C'est ça qui fait peur. Donc conseil : garder les yeux ouverts (comme dans la vie, tu changes rien, tu restes vigilant et attentif)
Ils ont bricolé une sorte de petit miroir au-dessus de toi. Si tu regardes, tu vois ce qu'il y a devant le tube, des écrans, des gens qui passent, un bout de ton orteil qui dépasse… C'est beaucoup mieux que l'obscurité.

Ça dure un quart d'heure. De temps en temps, une sirène retentit, comme si la machine avait détecté de quoi sonner l'alerte. Au début j'ai cru qu'ils écoutaient de la techno, mais non c'est le bruit des machines. Avis aux amateurs de musique façon Pierre Henry, il y a du son et du rythme à aller enregistrer.

Après, le chef des IRM vient te dire le résultat. Pour moi c'est normal. Monsieur Piton me l'annonce vite fait, dans un petit bureau. Mon amoureux est, lui, dans la salle d'attente.

J'imagine si le pire était dit, là, dans ce bureau comme celui du KGB, toute seule. Et après le parking de la clinique, -5° dehors, un amoureux ébahi et toi qui pleures…
C'est donc ainsi qu'on peut apprendre des très mauvaises nouvelles. C'est moche.

Au lieu de ça, on a fait les veinards, on a ri, oui, oui, j'ai bien un cerveau.

Mais je pense à la vie qui est courte, souvent brutale. Aux autres qui sont sortis d'ici sans fous rires, avec les vertiges et les peurs.
Je pense à mon père aussi.

mardi 20 janvier 2009

Un film de Paul Newman : De l’influence des rayons gamma…


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J'ai revu avec un grand plaisir le film de Paul Newman intitulé : De L'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. Je l'ai vu à sa sortie en 1973 puis il a disparu des écrans mais surtout pas de ma mémoire.  Et le voilà qui sort à nouveau, restauré dans les cinémas d'arts et d'essai, un peu partout en France. J'avais peur que, les années passant, il ne soit plus à la hauteur de mon souvenir, ce qui n'est pas le cas! Une aubaine, donc, qu'il ne faut pas manquer!
Paul Newman adapte le roman de Paul Zinder qui obtint le prix Pullitzer en 1971. Il dirige ici sa femme, Joanne Woodward, remarquable dans le rôle de Madame Hunderfer, une femme d'une quarantaine d'années, qui vit dans un quartier modeste d'une petite ville américaine, paumée, aigrie, enfermée dans ses rêves, pathétique dans ses essais infructueux pour s'en sortir. Elle manie un humour intelligent mais noir et caustique qui n'épargne personne et surtout pas elle-même. Elle élève, toute seule, deux filles, Ruth, 17 ans, rebelle, victime de crises d'épilepsie et Mathilda, une écolière de 13 ans, extrêmement douée, qui étudie l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites.
La majorité du récit a lieu en milieu urbain et en particulier à l'intérieur de la maison, un décor sombre, encombré et négligé à l'image de la mère qui traîne en peignoir toute la journée, cigarette à la bouche, lisant des petites annonces, échaffaudant des projets sans jamais les mettre en oeuvre. Impression d'enfermement, d'étouffement. La seule scène qui est  tournée en pleine nature n'apporte aucun soulagement car le personnage se retrouve alors, avec l'intervention du policier, ancien camarade de classe, en présence de son passé et de son échec.
Le film montre donc une tranche de la vie de ces trois femmes, les Trois Marguerites (c'est le nom que madame Hunderfer veut donner au salon de thé qu'elle n'ouvrira jamais) et analyse sous forme de métaphore l'influence du comportement de la mère sur les deux filles au fur et à mesure que celle-ci s'enfonce  dans le désespoir... On devine aisément qu'elles ne s'en sortiront pas indemnes.
Comme celui de la mère, les personnages de Ruth et Mathilda sont passionnants et très biens servis par les jeunes actrices, Roberta Wallace (Ruth) et Nell Potts (Mathilda), la  propre fille de Paul Newman. La fragilité de l'aînée, sa répulsion devant la vieillesse et la mort, sa peur de ressembler à sa mère, se révèlent malgré son insolence rebelle, sa cruauté. La cadette avec sa passion pour la science que son professeur lui fait découvrir d'une manière poétique, sa résistance calme et têtue, apporte au récit une bouffée d'air dans ce film très noir.
Les rapports entre la mère et les filles sont analysés avec finesse et subtilité, dans toute leur complexité : l'amour de la mère pour ses filles, sa fierté pour la réussite de sa cadette, mais peut-être aussi le désir inconscient de la voir échouer, sa souffrance, sa rancoeur, ses frustrations;  les sentiments d'humiliation de l'aînée, la honte qu'elle éprouve envers sa mère, ce qui la pousse à la parodier lors d'un sketch improvisé en  classe (une scène d'un férocité incroyable); la force morale de la plus jeune qui préserve, intacte, sa foi dans l'avenir, dans la beauté de ce monde. Son discours, simple et poétique, lors de la remise des prix, porte le sens du film. Il continue en voix off sur le visage lumineux de la fillette, dernière image qui fait naître l'espoir.

Courtney Hunt : Frozen River






Frozen River est le premier long métrage de Courtney Hunt et il a des qualités incontestables.
Et d'abord le sujet car il ne nous parle pas de la grande et brillante Amérique mais de pauvres gens qui luttent pour assurer le lendemain, de classes sociales en difficulté, voire opprimées, représentées par deux femmes : Ray, la blanche, caissière à mi-temps dans une supérette, que son mari a abandonnée pour aller dépenser l'argent du mobil-home qu'elle comptait acheter. Lia, l'indienne Mohawk, à qui on a retiré la garde de son enfant. Tous deux n'ont qu'un espoir : gagner assez d'argent, l'une pour loger décemment ses deux fils et leur faire manger autre chose que des pop corn, l'autre pour reprendre son bébé à la grand-mère et pouvoir l'élever dignement. Et comme nous sommes dans une région frontière entre les Etats-Unis et le Canada , séparée par un grand fleuve gelé, de là à faire passer des clandestins chinois, il n'y a qu'un pas, vite franchi! Si l'on peut dire car il s'agit de traverser en voiture cette immense étendue de glace avec la hantise d'être prises par la police fédérale ou tribale, et la peur de voir la glace céder sous le poids.

Admirablement interprétées par Mélissa Leo qui a d'ailleurs obtenu un prix au festival de Saint Sebastien 2008 et Misty Upham, l'indienne, les deux personnages sont très forts, très attachants ainsi que les enfants. C'est aussi une belle histoire d'amitié.

Le film fonctionne sur l'angoisse qu'éprouve le spectateur à chaque traversée qui sera peut-être, pense-t-il, la dernière et l'on ressent la force de cette nature toute puissante et sur l'inquiétude quant à l'avenir des enfants que l'on sent menacés.

S'il y a une faiblesse dans le film, elle consiste en son dénouement qu'il vaut mieux ne pas révéler ici car l'intérêt du film en serait émoussé. Pourtant, je peux dire qu'il m'a déçu et que je ne l'ai pas trouvé vraisemblable.

dimanche 18 janvier 2009

Nébuleuse du coeur, nébuleuse de l’âme


Je découvre souvent en lisant des blogs ou des chroniques des textes qui me parlent, que je trouve intéressants, dont j'aime l'idée et l'écriture. J'ai envie de les conserver pour les relire. J'ai parfois envie aussi d'y répondre pour dire mon accord ou mon désaccord, pour noter mes réaction personnelles, bref, j'ai décidé de "collectionner" pour réfléchir ou réagir. Il s'agit d'une sorte de recueil dont j'aurai glané les feuilles de-ci, de-là et que je retrouverai dans Ma Librairie.





Van Gogh : nuit étoilée



Nébuleuse du coeur, nébuleuse de l'âme


Dans Le Monde, j'ai lu ce beau texte, une chronique de Beltégeuse:

Il parle de l'interférence entre science et poésie, paraphrasant et adaptant la célèbre formule de Rabelais : "Science sans conscience n'est que ruines de l'âme". Et ce faisant, il atteint lui-même à la poésie. En voici un large extrait:

Pour moi, le Graal a pris la forme de deux nébuleuses : la Nébuleuse du cœur et la Nébuleuse de l'âme.

Mon vertige vous indiffère ? Vous voulez du scientifique, du vrai, et surtout ni poésie ni littérature ? Bon, comme vous voudrez...

A première vue, rien de vraiment poétique là-dedans : vastes concentrations de gaz et de poussières où des étoiles se sont formées, ces deux nébuleuses répondent aux doux noms d'IC 1805 et IC 1848 tirés des « Index Catalogues » de John Louis Emil Dreyer, astronome danois friand du climat irlandais et grand collectionneur d'amas d'étoiles (1852-1926).

 Plus précisément, il s'agit de deux nébuleuses brillantes à émission dont la première est située à 6150 années lumière de la terre et mesure 180 années lumière dans sa plus grande longueur tandis que l'autre se trouve à 6550 années lumière et s'étend sur 200 années lumière. Ces objets célestes nichent dans le cinquième des six bras de notre galaxie (« le bras de Persée »).

Trop scientifique ? Je vous fais pourtant grâce des ascensions, déclinaisons, positions galactiques et autre taille angulaire de la nébuleuse en minutes d'arc...

Vous êtes content du résultat ? Pas moi : science sans désir ne serait-elle pas ruine de l'esprit ? Peut-on se contenter de passer son chemin en faisant table rase du sens poétique de la vie ? Peut-on lire les catalogues d'astronomie en dédaignant les dénominations littéraires des objets célestes ? Évidemment non.

Je me suis donc demandé si les « Index Catalogues » n'avaient pas produit, par le seul effet de leur sécheresse sidérale, un résultat proprement aberrant : installer la pensée artistique au cœur de notre galaxie.

La consultation d'extraordinaires photographies de cette zone de l'univers m'a convaincue du contraire : la nébuleuse IC 1805 a vraiment la forme d'un cœur même si  la taille de l'organe effraie l'imagination (180 années lumière soit 55,21 parsecs soit 1,703.1015 km ou encore un million sept cent trois mille milliards de kilomètres...).

Mais quid de la seconde ? Comment représenter cette âme rétive à toute description ?

Au sein des amas d'étoiles, la pensée poétique rejoint l'anthropomorphisme scientifique car la Nébuleuse de l'âme porte aussi le nom de « Nébuleuse du fœtus ».

Forme d'un enfant dans le ventre de sa mère, forme d'un enfant dans le ventre de l'espace sidéral, l'âme c'est le vivant rejoignant l'infini...