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vendredi 10 juin 2011

Shakespeare : Le marchand de Venise ou l'antisémitisme? (2)



Edmund Kean interprète de Shylock (vers 1800)

Bien sûr, lire Le Marchand de Venise à Venise s'imposait pour moi! Pourtant, en le lisant, ce n'est pas dans cette ville que je me suis retrouvée mais en Angleterre sous le règne d'Elizabeth avec comme principale question : quels sont les rapports de la société anglaise avec les juifs au siècle de Shakespeare? Car, ce qui frappe d'abord dans cette pièce, c'est la figure du Juif, Shylock, usurier, avare, fourbe et cruel. Reflet de la haine du juif liée à son époque? Fanatisme religieux hérité du Moyen-âge d'où l'impression de malaise que j'ai ressentie en lisant la pièce?
Comme toujours dans l'oeuvre de Shakespeare la réponse n'est pas aussi simple et la complexité des personnages fait que, face à Shylock, le juif, les chrétiens ne s'en tirent pas à si bon compte!

L'intrigue :

Bassanio, gentilhomme vénitien, léger et insouciant, a dilapidé sa fortune. Ruiné par une vie de plaisirs, accablé de dettes, il  demande à Antonio,  son ami,  riche marchand vénitien, de lui prêter une somme d’argent importante afin de séduire une riche héritière, Portia. Celle-ci a reçu l’ordre de son père défunt de n'accepter pour époux que celui qui saura choisir, entre trois coffres -  d’or, d’argent et de plomb- celui qui contient le portrait de la jeune fille. Antonio, atteint d'une grave mélancolie, veut obliger son ami dont l'amitié est le seul sentiment qui le maintient en vie. Mais  toute sa fortune est engagée sur plusieurs navires en mer, aussi il se rend chez le Juif Shylock pour emprunter trois mille ducats contre intérêt. Shylock qui  hait  Antonio, ce dernier ne cessant d'insulter les Juifs parce qu'ils prêtent avec usure, voit l’occasion de se venger d'Antonio. Il lui propose de signer un billet qui stipule que si Antonio ne peut rendre l’argent prêté dans un laps de temps de trois mois, Shylock pourra se dédommager en nature en prélevant une livre de chair sur le corps d'Antonio. A la date du remboursement, les navires du marchand ne sont pas revenus, perdus vraisemblablement dans des  naufrages, et Shylock réclame son dû. Il faudra toute l'habileté de Portia et de sa suivante Nerissa pour sauver Antonio des griffes de Shylock au cours d'un procès où les deux jeunes femmes mènent le jeu. Notons que parallèlement au couple Portia-Bassanio, se forment deux autres couples déclinant les jeux de l'amour, celui de Nerissa-Gratiano (ami de Bassanio) et celui Jessica, la fille de Shylock, qui se convertit au christianisme pour épouser Lorenzo.

Les lieux :

Venise : la première rencontre se déroule sur un quai à Venise, un autre dans une rue devant la maison de Shylock, donc dans le ghetto. La ville est évoquée par le biais de son économie essentiellement basée sur le commerce maritime. Antonio est un riche marchand qui  possède plusieurs navires; par sa cour de justice où siège le duc de Venise qui représente le pouvoir et la loi. Venise apparaît comme la ville de la fête, du déguisement, de la mascarade.
Belmont est le domaine de Portia. C'est un palais magique  à l'écart de la haine et du bruit du moins en apparence car les personnages peuvent passer d'un lieu à l'autre. Le Merveilleux intervient dans ce monde du conte de fées où les princes viennent, selon leur mérite, gagner ou perdre leur princesse en choisissant le bon coffret. En quittant Venise pour Belmont, les personnages acceptent de vivre dans l'harmonie : douceur de la nature, musique "des âmes immortelles", amour et fidélité.



Al Pacino dans le rôle de Shylock

Le juif et le chrétien

Shylock, usurier, avare, a une vénération pour l'argent. Il vit dans l'indigence, affame ses serviteurs. Il est dur envers sa propre fille dont il déplore la perte lorsqu'elle s'enfuit avec Lorenzo mais plus encore celle des diamants et de l'argent qu'elle a emportés avec elle. Jusqu'ici nous avons le portrait de l'avare classique qui ressemble comme un frère à l'Harpagon de Molière déplorant le vol de sa cassette comme s'il s'agissait d'une amante mais avec une différence : Shylock est juif, Harpagon ne l'est pas. Et cette différence est de taille puisqu'elle pose la question de l'antisémitisme de Shakespeare.



David Warfield dans Shylock (Vers 1900)

Et certes à la première lecture on ne peut que répondre que cet antisémitisme existe. La pièce s'adresse manifestement à un public imprégné des croyances héritées du Moyen-âge et marquées par la haine du juif. En effet, Shylock, en tant que juif,  est un créancier sanguinaire  (III; 3) qui refuse le quadruple de la somme qu'on lui offre pour racheter Antonio. Il est incapable d'accorder son pardon et Antonio pour montrer qu'il est vain de vouloir faire appel à la bonté de Shylock s'écrie :
Songez que vous parlez à un juif
Vous pouvez aussi bien vous postez sur la plage
et dire à la marée de changer de niveau.." (IV ;1
)
De plus, Shylock est un mauvais père qui va jusqu'à souhaiter la mort de sa  fille :
Je voudrais que ma fille soit morte à mes pieds avec les joyaux aux oreilles. Que n'est-elle ensevelie à mes pieds et avec les ducats dans son cercueil..
Nul doute, donc, que le spectateur élizabéthain se réjouissait de voir Shylock puni, Antonio sauvé, Jessica convertie et les amoureux triompher. Pourtant, nous dit Shakespeare, la haine n'est pas unilatérale:
je le hais de ce qu'il est chrétien (I;3)  déclare Shylock à propos d'Antonio et lorsque Bassanio l'invite à dîner, il rétorque :
 oui, pour renifler du porc..  je veux acheter avec vous, vendre avec vous, parler avec vous, marcher avec vous et ainsi de suite : mais je ne veux pas manger avec vous, boire avec vous, ni prier avec vous (I;3)
Preuve que cette fracture entre les deux religions était réciproque et les deux communautés, irréconciliables. D'autre part, Shakespeare  n'oppose pas le juif au chrétien dans un manichéisme sans faille. Au contraire! Le personnage de Shylock est complexe et Skakespeare s'est bien gardé d'en faire une caricature. C'est un être humain avec ses bassesses, ses faiblesses mais aussi ses blessures, sa recherche d'une dignité qu'on lui refuse. Notons que le "bon" Antonio qui prête sans intérêt est un homme plein de contradictions. Il méprise Shylock, l'usurier, mais dès qu'il a besoin d'argent, il s'empresse d'aller le voir et de solliciter ses services. On ne peut dire qu'il soit ferme sur  ses principes !  C'est ce qui lui fait remarquer Shylock :
Vous m'appelez mécréant et chien d'étrangleur
Et crachez sur ma casaque de juif (...)
Or, il paraît que vous avez besoin de moi
Voilà que vous venez à moi et dites :
"Shylock, il nous faut de l'argent", ainsi vous dites,
Vous qui vidiez vos crachats sur ma barbe
Et me bottiez comme on chasse un roquet intrus
Ne devrais-je pas dire
"Est-ce qu'un chien a de l'argent? Est-il possible
Au roquet de prêter trois mille ducats? (I; 3)
L'attitude d'Antonio par rapport à Shylock est d'une telle violence que l'on  peut considérer Shylock comme une victime, du moins dans cette scène. N'est-ce pas la haine d'Antonio, ses propos injurieux qui provoquent celle de Shylock. Le désir de vengeance du vieil homme humilié n'est-il pas ainsi justifié? Et ceci d'autant plus qu'Antonio, même en solliciteur, ne cesse pas d'avoir l'injure à la bouche
Je suis encor capable de te nommer ainsi
D'encor cracher sur toi (I; 3)
C'est pourquoi la fameuse tirade de Shylock où Shakespeare parle de l'humanité des juifs retentit comme un plaidoyer contre l'antisémitisme, contre la haine raciale et religieuse et pour l'égalité de tous au nom de la nature humaine. Si le spectateur moderne est ému par ces mots qui peuvent toucher aussi bien un chrétien qu'un juif, je pense (sans oser l'affirmer) que le spectateur de Shakespeare devait être amené à ressentir de même :
 Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l'affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ?Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez,ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »III 1
Ainsi dans cette haine que se vouent les deux communautés, les torts sont partagés et  même l'on peut dire que la violence est induite et dans tous les cas exacerbée par le comportement des chrétiens.
Quant aux autres personnages qui reprochent à Shylock son amour de l'argent, que font-ils? Bassanio, l'amoureux de Portia, a "délabré" sa fortune :
en montrant quelque peu plus grande allure
Que ne saurait le maintenir  mon peu de bien
Que pense-t-il faire pour payer ses dettes? Epouser une riche héritière! Le mariage conçu comme un opération financière destiné à renflouer ses finances!  Heureusement, Bassanio se révèlera capable aussi bien de donner que de recevoir et s 'il est attiré par la richesse et la grâce de la jeune fille, il admire aussi sa beauté intérieure : et mieux encor que belle, d'étonnante vertu. Jessica, quant à elle, trahit son père en s'enfuyant avec son amoureux. Mais elle n'oublie pas dans sa fuite d'emporter une fortune en bijoux et en écus que les deux amants iront dilapider au cours d'un voyage à Gênes. Seule la sincérité de leur amour permet de ne pas les juger totalement antipathiques. Il n'y a donc pas dans la pièce un seul personnage qui n'ait un rapport désintéressé à l'argent mais ce qui sauve, la plupart d'entre eux, c'est leur capacité à aimer. Finalement, c'est peut-être en cela - et non parce qu'il est juif ou qu'il aime l'argent- que Shylock mérite de perdre, semble nous dire Shakespeare, parce qu'il est incapable  d'éprouver de l'amour, incapable, au cours du procès, de se laisser fléchir, de ressentir de la pitié.
On le voit tous ces personnages ambigus ne sont ni blancs ni noirs qu'ils soient juifs ou chrétiens! Je serais donc tentée de dire que William Shakespeare n'est pas antisémite même si la société dans laquelle il vit et ses personnages le sont! Enfin, comme d'habitude dans l'oeuvre du grand dramaturge,  il n'y a pas une réponse unique mais une diversité de possibilités qui tient compte de la complexité de l'âme humaine.



Challenge Shakespeare par Maggie de 1001 classiques et Claudialucia Ma Librairie

mercredi 8 juin 2011

Shakespeare, le marchand de Venise : les trois coffrets (1)


Il est des gens qui n'embrassent que des ombres ; ceux-là n'ont que l'ombre du bonheur.  
                                                                  Le marchand de Venise
Acte II scène 9 (vers 66-67) Aragon choisit le coffret de plomb :
Some there be that shadow kiss
Such have but a shadow kiss

Soit trois  coffrets, l'un d'or, l'autre d'argent, le troisième de plomb.
Le père de Portia lui a fait promettre en mourant de n'épouser que le jeune homme qui, parmi ses prétendants, saura choisir parmi ces trois coffrets celui qui contient le portrait de la jeune fille.
Maroc, le prince noir, prend le coffret d'or : Qui me choisit aura ce que beaucoup désirent mais celui-ci contient l'image de la Mort. Tout ce qui brille n'est pas or; il ne faut pas se fier aux apparences nous dit Shakespeare.
Aragon choisit le coffret d'argent: Qui me choisit obtiendra selon son mérite . Au lieu du portrait de Portia, il découvre celui d'un sot qui lui renvoie son image. Il n'a pas eu le courage de choisir le portrait de plomb qui disait : Qui me prend doit donner, hasarder tout son bien. Il n'a pas voulu donner pour recevoir. Son choix a été guidé par la vanité et l'amour propre non par l'amour et le don de soi.  Il a préféré l'ombre à l'amour, au bonheur, à la vie.
C'est Bassanio qui en prenant le risque de tout perdre gagnera l'amour de Portia. (voir mon billet sur Le marchand de Venise)

Challenge de Maggie et de Claudialucia



Le Jeudi, c'est citation initié par Chiffonnette


Michel Quint : Les joyeuses



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En choisissant Les Joyeuses de Michel Quint chez BOB, je pensais me faire un double plaisir :  d'abord lire un livre de cet auteur dont j'ai beaucoup apprécié Effroyables jardins, à la lecture comme au théâtre (voir ici), ensuite aborder une pièce de Shakespeare  in situ, pendant le laps de temps nécessaire à son éclosion théâtrale sur les planches. Je savais, en effet, qu'il y était question d'une troupe de comédiens travaillant sur la mise en scène de : Les joyeuses commères de Windsor. Autant vous le dire tout de suite, je n'ai pas aimé ce roman qui ne manque pourtant pas d'ambition pour des raisons que je vais expliquer.
L'intrigue plein de rebondissements se déroule en Vaucluse, à Sablet, près de Gigondas, en plein coeur des vignobles. Ce détail une importance capitale puisque le vin qui coule à flots va être le Maître des divertissements orgiaques de ces nuits d'été shakespeariennes et ceci aussi bien dans la vie qu'au théâtre. En effet, Edwige, la soixantaine bien conservée, propriétaire d'un grand domaine viticole, a invité son ancien amant, Jean-Pierre Barnier, metteur en scène et acteur, à monter la pièce de Shakespeare. La troupe est composée de comédiens professionnels et l'on emploiera pour les seconds rôles les bonnes volontés locales. Simone, la fille d'Edwige, ne voit pas d'un très bon oeil cet homme dont sa mère semble toujours amoureuse et qu'elle lui présente de plus comme étant son père.
Le jeune narrateur Federico Peres, au cours de cet été enflammé va oublier le bégaiement qui l'a toujours handicapé pour faire ses premiers essais sur la scène et s'initier aux jeux de l'amour. C'est lui qui observe et décrit, en même temps que ses premiers émois, les différents personnages autour desquels plane un drame passé dont personne ne veut parler clairement. Qui est, en effet, le père de Simone? Quel est la véritable personnalité du père de Federico, David Peres? Quel chagrin secret ronge la belle Béatrice, médecin de Sablet?
Le thème du théâtre domine, bien sûr, dans le roman. Les joyeuses commères de Windsor ou Les gaillardes épouses de Windsor est une farce cocasse, assez simple, vraisemblablement une oeuvre de commande de la Reine Elizabeth, pièce que Shakespeare a un peu bâclée. Le metteur en scène inspiré par le décor du vignoble a décidé de le monter comme une farce dionysiaque, consacré aux vins, aux plaisirs de la chair, à la sensualité grossière et débordante. Lui-même, Jean-Pierre Barnier n'est-il pas un Falstaff, énorme, truculent, hommes à femmes en train de perdre son pouvoir de séduction et plus proche de la mort qu'il ne le voudrait? Les Fées deviennent donc des Bacchantes, la leçon donnée à Falstaff, une lapidation, une boucherie au sens propre : la mort de Falstaff  et celle de Barnier se répondant comme un écho. Pourquoi pas? L'idée est bonne.
Là où je ne le suis plus, c'est lorsque les personnages gagnés par la contagion finissent par se conduire dans la vie comme sur scène. Je sais bien que c'est un des grands thèmes de Shakespeare - le monde est une scène-  mais le roman n'est pas théâtre et la transposition passe mal. Les orgies paraissent sans grand intérêt et finalement on ne parvient pas à s'intéresser à ces gens, à leurs beuveries répétitives, aux coucheries de même. Du coup j'ai ressenti une impatience devant cette histoire ou la grande préoccupation semble être de se procurer des Joyeuses (les bouteilles! je vous laisse le soin de découvrir le champ sémantique du mot) et de lutiner, ou plus si affinités, sa voisine. J'ai trouvé aussi peu vraisemblable l'histoire elle-même.
D'autre part, où est passé le style de Michel Quint, celui qui assurait le succès de Effroyables jardins? Le jeune narrateur parle dans un style familier prétendument incorrect mais évidemment très travaillé. Emploi de l'adjectif  là où l'on attend un adverbe, verbes pronominaux doublement transitifs et autres recherches stylistiques qui me détournent de ma lecture! La phrase est nerveuse, incontinente et charrie un flot de mots qui se bousculent, rivalisent entre eux. Comme si, parce que l'on était dans le Midi, l'on ne pouvait parler sobrement.
Pourtant le début partait bien: Longtemps les mots ont roulé au fond de moi comme des cailloux au lit d'un torrent. Et puis, changement de ton :
Elles sont enchantées, sourient féroce, s'évaluent mutuellement les élégances, les rondeurs bandantes et l'outrage des ans, se guettent la ride véloce et la pesante graisse, et puis rien, t'es toute nue sous ton pull, jolie môme.. Et moi j'en pétille de partout, couillon de petit roi lion qui croit voir deux femelles montrer les crocs pour être sa favorite.
Certes, c'est bien écrit, c'est réussi dans le genre. Mais voilà, je n'aime pas. Pour moi, cela sonne faux, une fausse faconde méridionale, une fausse bonhomie, non pas du Marcel Pagnol mais une Pagnolade.

logotwitter2.1294593887.jpgMerci à BOB et aux éditions Gallimard

shakespeare2_p1291970470.1294594141.jpg Cet article participe aussi au challenge Shakespeare initié par Maggie et Claudialucia

Voilà comment Jean-Pierre Barnier  présente sa vision de la pièce Les Joyeuses commères de Windsor à ses acteurs dans le roman de Michel Quint :
Alors on jouera une bacchanale, une fable païenne dont les personnages sont pétris d'une terre où coule le vin! Falstaff est possédé de l'esprit de Bacchus et les ménades qu'il poursuit de son désir primitif, le bouffent à la fin dans un banquet dionysiaque! Bref résumé : Falstafff, vieux chevalier sans le sou, veut séduire deux bourgeoises  de Windsor, madame Ford et madame Page qui découragent ses avances à l'insu de leurs maris et finissent, au moment de ce que l'on traite généralement en mascarade féerique où la petite Anne Page va duper ses parents et se livrer en cachette à un coquin, par se révéler prêtresses de Dinysos et détruire complètement ce brave homme dans un dernier piège, l'humilier, le battre  le brûler dans une cérémonie au dieu de la force virile et de la boisson, alors qu'il est déguisé en bête.

Le Globe : un théâtre shakespearien




Dans le cadre du challenge Shakespeare, je republie le billet que  j'avais rédigé sur Le Globe à mon retour de Londres. C'est dans ce théâtre que William Shakespeare créa plusieurs de ses pièces.  L'original ayant disparu, il a été refait d'après des gravures de l'époque et en utilsant les techniques de construction du XVIème siècle.

A l’époque élizabéthaine il y avait, outre le Globe, trois autres théâtres à Londres  : Le Cygne, la Rose, L’Espoir. Le Globe, construit en 1599, fut incendié accidentellement en 1613 par un canon et brûla intégralement. On le reconstruisit sur le même lieu avant qu’il soit définitivement fermé en 1642, condamné par la morale puritaine. Sa démolition suivit en 1644.


Le Globe a été reconstruit et terminé en 1997 non loin de l’endroit où il était situé, près de La Tamise, à côté de La Tate, grâce à la volonté et aux efforts d’un acteur, réalisateur, producteur américain,   Sam Wanamaker.


Un effort de reconstitution a permis de le reproduire non à l’identique mais le plus semblable possible à l’original que l’on ne connaît que par des documents et des fouilles archéologiques qui ont permis de retrouver les fondations du Théâtre La Rose et une partie de celles du Globe.


les loges

Le Globe du XVIème siècle était semble-t-il de forme polygonale et non circulaire comme il l’est de nos jours. Mais tout comme le Globe actuel, il était à ciel ouvert. Les spectateurs assistaient aux spectacles assis dans les galeries en bois couvertes ou dans des loges pour les plus riches. Les nobles pouvaient même s’installer directement au-dessus de la scène d’où ils pouvaient, sinon voir, du moins être vus. Le peuple était debout  autour de la scène surélevée.. comme de nos jours! Les places debout ne coûtent que 5£!

Le toit de chaume

Les artisans ont utilisé du chêne vert taillé et travaillé selon les techniques anciennes, des treillis de  chêne et des planches de chêne mélangés à un enduit de chaux selon une recette de l’époque. Le toit de chaume est fabriqué en roseaux.



On peut visiter le théâtre en dehors des heures de représentation avec un guide et aller voir l’exposition (documents, vidéos, costumes, instruments de musique..) ouverte toute la journée.







Chalenge Shakespeare de Maggie et claudialucia

Shakespeare : un biographie de Bill Bryson

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Dominique  m'a  très sympathiquement autorisée à utiliser son article sur la biographie de William Shakespeare pour notre challenge Shakespeare.
Voilà ce qu'elle écrit dans son blog : A sauts et à gambades
Une énième biographie ? oui mais avec la faconde de Bill Bryson qui annonce dès le début qu’il va faire court car sur Shakespeare on ne sait ...rien ou presque rien.
Il se moque allègrement des érudits qui avec ce rien ont réussi à remplir des livres. Car nous dit-il, il est plus rapide de faire la liste de ce qu’on sait de William Shakespeare que de ce qu’on ignore,  par exemple son portrait « Qui pourrait tout aussi bien être le portrait de quelqu’un d’autre ».

Rien : pas une lettre, pas un manuscrit , avouez que c’est rageant pour un homme qui a écrit environ 900 000 mots, on a en tout et pour tout sa signature au bas d’un testament !

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" Nous sommes tous capables de reconnaitre une représentation du Barde dès que nous en voyons une, et pourtant nous ne savons pas vraiment à quoi il ressemblait"
On ignore à peu près tout de sa vie, de sa famille, de sa santé, il y a 8 années où on n’ignore où il était et ce qu’il faisait. Le peu que l’on sait est incertain « l’équivalent littéraire d’un électron » Alors comparez ça avec les quelques sept mille volumes consacrés au Barde à la Bibliothèque du Congrès !
Des bruits ont courus, des hypothèses ont été posées sur la réalité de l’auteur d’Hamlet, on a voulu faire porter la paternité de l’œuvre de Shakespeare à Bacon, mais attention Bill Bryson nous dit que là comme sur le reste «personne n’a jamais produit le moindre commencement de preuve ».
Si on ne peut parler de la vie de Will que dire ? Bill Bryson livre un tableau complet de l’époque « Un monde qui manquait d’habitants et qui avait bien du mal à garder ceux qui y naissaient » époque de turbulences religieuses, de grandes épidémies « La plus grande performance de Shakespeare ne fut pas d’écrire Hamlet mais de passer le cap de la première année » écrit-il avec malice.
Il nous introduit dans les moeurs de l’époque, on croise Ben Jonson et Christopher Marlowe, on apprend que les théâtres n’avaient ni rideau ni décor. Lire la suite ici

Le jeudi, c’est citation : Shakespeare, La Tempête

La tempête


 
Ma bibliothèque m'était un assez grand duché. 
… my library was dukedom large enough.

La Tempête, I, 2, Prospero


Tout de  même que ce fantasme sans assises,
Les tours ennuagées, les palais somptueux,
Les temples solennels et ce grand globe même
Avec tous ceux qui l'habitent, se dissoudront,
s'évanouiront tel ce spectacle incorporel
Sans laisser derrière eux ne fût-ce qu'un brouillard.
Nous sommes de la même étoffe que les songes
Et notre vie infrime est cernée de sommeil...
( IV 1)
And like the baseless fabric of this vision
The clapped-capped towers, the gorgeous palaces
The solemn temple, the great globe itself
Yea, all which it  inherit, shall dissolve,
And, like this insubstantial pageant faded,
Leave not à rack behind : we are such stuff
as dreams are made on; and our little  life
Is rounded with sleep...
(IV 1)

shakespeare.1295028843.jpg De Maggie et Claudialucia




Le jeudi, c'est citation : Julius Winsome et Shakespeare


Gérard Donovan dans son roman Julius Winsome fait de son personnage un amoureux des livres et des mots, un lecteur nourri de William Shakespeare. Ce faisant, il montre l'importance du grand dramaturge dans l'élaboration de la langue anglaise.
Cet  extrait rejoint le texte de Flora sur Shakespeare  cité dans Ma Librairie : Words, words, words publié dans le cadre du Challenge.

"Quand j'étais très jeune, mon père m'avait raconté qu'un certain William Shakespeare inventait des mots, et pour le prouver il avait sorti les pièces de théâtre de cet homme : Jules César, Cymbeline et Richard II. Puis il m'avait montré les petits caractères en bas de chaque page où ces mots étaient repris et expliqués. Il m'avait prêté son stylo pour écrire, en guise de devoirs, des listes de termes shakespeariens, quelques mots nouveaux chaque jour. Ces mots et l'odeur de l'encre n'avaient pas tardé à pénétrer dans ma cervelle, et lorsque j'avais commencé à les utiliser dans la langue de tous les jours mon père s'est montré discrètement ravi, me décochant de larges sourires derrière son livre, tandis que ses chaussettes séchaient sur le poêle."

challenge initié par Maggie et Claudialucia



Dimanche poétique : Shakespeare et Ronsard ou L'immortalité littéraire


Roses de Van Gogh

William Shakespeare a écrit 154 sonnets sur une longue période de 1592 à 1598. Ils sont dédiés pour une part à un homme dont l'identité n'est pas certaine et de l'autre à une mystérieuse dame Noire. Le sonnet XVIII est peut-être l'un des plus connus. Le jeune homme célébré dans ce poème n'obtiendra l'immortalité que par la grâce des vers du poète. En effet, seule la poésie peut vaincre l'oubli et la mort.
Ce thème de l'immortalité littéraire chère au XVIème siècle et hérité de Pétarque est à rapprocher du poème à Hélène, de Pierre Ronsard, c'est pourquoi je les ai réunis ici aujourd'hui.

Sonnet XVIII   William Shakespeare

Shall I compare thee to a summer's day?
Thou art more lovely and more temperate.
Rough winds do shake the darling buds of May,
And summer's lease hath all too short a date.
Sometime too hot the eye of heaven shines,
And often is his gold complexion dimm'd;
And every fair from fair some time declines,
By chance, or nature's changing course, untrimm'd;
But thy eternal summer shall not fade
Nor lose possession of that fair thou owest;
Nor shall Death brag thou wand'rest in his shade,
When in eternal lines to time thou grows't:
So long as men can breathe or eyes can see,
So long lives this, and this gives life to thee.

******
Devrais-je te comparer à un jour d'été ?
Tu es plus tendre et bien plus tempéré.
Des vents violents secouent les chers boutons de mai,
Et le bail de l'été est trop proche du terme.
Parfois trop chaud l'oeil du ciel brille,
Souvent sa complexion dorée ternie,
Toute beauté un jour décline,
Par hasard, ou abîmée au cours changeant de la nature;
Mais ton éternel été ne se flétrira pas,
Ni perdra cette beauté que tu possèdes,
Et la Mort ne se vantera pas que tu erres parmi son ombre,
Quand en rimes éternelles à travers temps tu grandiras;
Tant que les hommes respireront et tant que les yeux verront,
Aussi longtemps que vivra ceci, cela te gardera en vie.
(traduction Wikipédia)
Buisson de roses de Monet

 Quand vous serez bien vieille Pierre de Ronsard,

   
 Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Sonnets pour Hélène, 1578.



Challenge initié par Maggie et Claudialucia




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mardi 7 juin 2011

Jouer Juliet and Romeo à 76 et 66 ans



Sian Phillips et Michael Byrne dans Roméo et Juliette
photo de Donald Cooper  The Guardian

Voici un billet de Flora qui est allée voir Roméo et Juliette dans une mise en scène... pour le moins originale!. Flora est écossaise. Vous la reconnaîtrez quand elle écrira dans Ma Librairie au logo représentant le drapeau écossais. Universitaire, elle connaît aussi bien la langue française que sa langue maternelle.
Jouer Juliet à 76 ans et Romeo à 66… Inconcevable!  Mais l’an dernier, Sian Phillips et Michael Byrne, tous deux vétérans de la scène britannique, ont réussi  le coup dans une réalisation de Juliet and her Romeo pour le Theatre Royal à Bristol. Qui plus est, Phillips, dont la belle structure osseuse du visage résiste à une maigreur cadavérique, n’avait jamais joué la jeune infortunée de la famille Capulet.
- « Même à 19 ans j’ai  toujours paru trop vieille : j’aurais pu passer pour une femme qui aborde la trentaine. »
Tom Morris, metteur en scène et directeur artistique du théâtre avait conçu l’idée de cette adaptation avec son homologue, Sean O’Connor.  Juliet et Romeo habitent tous deux dans une maison de retraite, Juliet dans l’aile luxueuse réservée aux nantis, Romeo dans l’aile miteuse des SDF où (fidèle au texte de Shakespeare) il essaye (vainement) de séduire Rosaline, cette fois-ci une des assistantes sociales. Les futurs amoureux "seniors" se retrouvent lors d’un thé dansant (ou peut-être "danse macabre"), et c’est le coup de foudre.  Hélas, la fille de Juliet a d’autres idées. Les frais de l’hébergement dans la maison de retraite sont onéreux et elle a repéré un vieux monsieur distingué et riche (qui s’appelle Paris) qu’elle destine pour sa mère avec un froid calculateur  digne de Marivaux.
Jusque-là, on croit voir une pièce contemporaine inspirée par Romeo et Juliet- souvent très drôle  mais avec un fond sérieux qui met en relief un problème de plus en plus actuel. Mais insensiblement cette amitié naissante entre Juliet et son Romeo évolue vers un amour passionnel vécu dans la clandestinité devant l’opposition des deux familles. Du coup on se rend compte – non sans un petit choc – que dans ce triste décor de fauteuils roulants, de cannes et de lunettes oubliées on entend les vers familiers de Romeo et Juliet, encore plus émouvants que lorsqu’ils sont prononcés par les amants éternellement jeunes et "star-cross’d" de Shakespeare.  Après une exposition relativement courte, le texte reste presque inchangé mais étrangement renouvelé.  S’il est un peu surprenant de voir Romeo attaquer Tybalt avec un déambulateur avant de l’étouffer avec un coussin, la tendresse touchante et digne de Byrne envers sa Juliet maintient la tension dramatique et empêche le dénouement  de tomber dans l’absurde. Au contraire, on a même l’impression de découvrir comme pour la première fois le tragique de cette pièce trop connue. L’interprétation remarquable de Phillips et Byrne réussit à nous convaincre que l’épanouissement d’un dernier amour n’est pas moins précieux qu’une première passion et que sa perte n’en est pas moins déchirante.

Challenge de Maggie et Claudialucia


Shakespeare : spot the quote (or crypto-quote) "Word, words, words"



Pour introduire notre challenge, voici un texte  de Flora qui présente la richesse de la langue shakespearienne. Flora est écossaise. Vous la reconnaîtrez quand elle écrira dans Ma Librairie au logo représentant le drapeau écossais. Universitaire, elle connaît aussi bien la langue française que sa langue maternelle. Quant à ses connaissances de Shakespeare, remercions ses "blinking idiots" professeurs de lui avoir fait entrer Shakespeare dans la tête et de lui avoir "cudgel her brain"dans sa prime jeunesse pour notre plus grand bonheur :  celui de lire ce texte brillant, composé de citations de Shakespeare.

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Shakespeare had a vocabulary of at least 21,000 words.  The King James Bible of 1611 used only about 10,000 and even today, despite all the thousands more neologisms which have entered the language in the intervening four hundred years, the average educated person in the UK can only claim to have a vocabulary roughly half of Shakespeare’s.The way in which Shakespeare impregnated and transformed the English language is extraordinary– English is indeed the language of Shakespeare, as I hope you’ll see from the sad story of a lazy schoolgirl below.
Not so long by the head as honorificabilitudinitatibus…..
Creeping unwillingly to school in my salad days, I first made my acquaintance with Shakespeare. Well, what the dickens would you expect? (No, nothing to do with Charles –it’s from The Merry Wives of Windsor.) Our teachers force fed us the plays– just the plays, not the sonnets (much too homoerotic for an all-girls grammar school). They meant well, our literary mentors. They were being cruel only to be kind, but we were lily-livered teenage air-heads and we thought they were just harping on.Why would we want to cudgel our brains by reading plays about hunchbacked kings and mad Danes?  To us, those pedagogic proselytisers were just blinking idiots so we rolled our lack-lustre  baby-eyes and sighed heavily, when we had to read the Scottish play in one fell swoop. Did someone say Frailty, thy name is woman?  (Well, yes, actually –and I’ll give you a clue : it wasn’t Racine!)
To put it in a nutshell in those days, we were green in judgment. The play’s the thing,said our teachers,  though more in sorrow than in anger. We thought all that extravagant praise for our national bard was laid on with a trowel, but we didn’t know a hawk from a handsaw’ at thirteen years old!  If we weren’t love-sick we were in a holiday humour, much more interested in planning our next midsummer madness than watching old men lurking behind arrases or androgynous spirits lying in cowslip bells.  It ‘beggared description!
But now in the sixth age, I look back wistfully and in my mind’s eye see those flighty thirteen-year- olds, oblivious of the brevity of summer’s lease, as yet untouched by the slings and arrows of fortune, outrageous or otherwise.  Those ‘sweet sprites’ thought they led a charmed life and never a time would come when ‘all our yesterdays’ simply vanish into thin air…. Ay, there’s the rub’.
To day, my way of life has fallen into the sear, the yellow leaf and I’m well past my dancing-days. If the entire world’s a stage, I’m a lot nearer the exit than the entrance.   I wish I’d lent my ears more willingly (or even at all) to those earnest teachers when I was thirteen.  For one thing, if I’d fed of the dainties that are bred in a book with a bit more gusto and shown a bit more will-power (Will-power ??)  to resist the dainties bred in a pâtisserie, then maybe this too, too solid fleshof mine might never have accumulated in the first place….!
So much for remembrance of things past!  Thanks to Shakespeare, anyone who understands even a few words of English has been at a great feast of languages, and stolen the scraps.   Shakespeare left the alms-basket of wordsspeak the speech overflowing.  Every time we speak the speech of this scepter’d isle Shakespeare’s words , will come trippingly on the tongue, in almost every sentence. ….
So here’s to Le Challenge Shakespeare –Lay on, Macduff; and damn’d be him that first cries, "Hold, enough!’’

shakespeare2_p.1289751255.jpgVoir Maggie de Mille et un classiques et Claudialucia 

Hamlet et Ophélie? (3)

Mels Gibson dans Hamlet

 Hamlet pose de nombreuses énigmes. L'une d'elle a trait aux sentiments qu'éprouve Hamlet envers Ophélia. Hamlet a-t-il réellement aimé Ophélia? Pourquoi s'en détache-t-il? Comment expliquer la dureté dont il fait preuve à son égard? Est-ce du mépris? de la misogynie? Peut-il y avoir une autre explication?
Certains  indices comme la lettre qu'il écrit à la jeune fille et qu'elle donne à son père semblent prouver que le jeune prince du Danemark aime sincèrement Ophélia. (II 3)
Doute que les étoiles soient du feu
Doute que le soleil se meuve
Doute de la vérité même
Mais ne doute pas que je t'aime.
A jamais à toi, ma dame très chère
tant que ce triste corps sera le mien.

Pourtant  si cet amour a existé, il est mort maintenant si l'on en  croit la déclaration du jeune homme : (III 1)
je vous ai aimé autrefois
Mais peu de temps après avoir lancé cette affirmation, Hamlet se rétracte à nouveau et répond ainsi aux reproches de la jeune fille
Vous n'auriez pas dû me croire.. Je ne vous aimais pas

Donc dans cette scène 1 de l'acte III, la question n'est pas tranchée et ceci d'autant plus que Hamlet sait qu'il n'est pas seul avec la jeune fille (Claudius et Polonius l'épient) et il ne veut pas lui dire ce qu'il pense vraiment. Le mystère reste entier et nous restons dans le doute :
Hamlet n'a jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle?
Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?
Hamlet aime toujours Ophélia mais lui ment pour une raison encore inexpliquée?

Première hypothèse : Hamlet n'a jamais aimé Ophélia et s'est joué d'elle
 
L'attitude de Hamlet avec Ophélia, son rejet violent et sarcastique de la jeune fille, semblerait indiquer que Hamlet n'a jamais éprouvé pour elle un sentiment profond .
Va-t-en dans un couvent!  Gets to a nunnery!  lui crie-t-il  dans la scène 1 de l'acte III. Jeu de mots qui jette le doute car l'anglais nunnery, couvent, dans son acceptation argotique peut signifier maison de prostitution.
Son mépris qui  s'étend d'ailleurs à la femme en général s'exprime ensuite de cette manière  :
j'ai entendu aussi parler et bien trop de vos barbouillages. Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre; vous vous trémoussez, vous trottinez, vous zézayez, et vous donnez des surnoms à ce que Dieu a créé, vous êtes impudique sous une feinte candeur..(III;1)
On serait donc tenté de dire, devant cette brutalité, que Hamlet a été attiré par Ophélie, l'a séduite et la rejette maintenant qu'il a obtenu ce qu'il voulait d'elle. Nous adhérons donc aux paroles adressées par Polonius à sa fille  :
Vous parlez comme une fillette nice*, inexpérimentée.. Oui-da, pièges à alouettes! Je sais, je sais, quand le sang brûle, combien l'âme est prodigue à prêter la langue des serments.  (* simple) (I;2)
D'autre part, de nombreuses allusions, à double sens, tenues par Hamlet à Ophélie semblent faire allusion à un relation charnelle entre eux et au mépris que le jeune homme conçoit pour elle  à cause de cela :
-Madame puis-je m'étendre entre vos genoux?
-Non, monseigneur
-Je voulais dire, ma tête sur vos genoux?
-Oui, monseigneur
-Pensiez-vous que j'avais en tête l'idée de choses vilaines?
-Je ne pense rien monseigneur
-Rien, c'est une belle pensée à mettre entre les jambes des pucelles (III;2)

Deuxième hypothèse : Hamlet a aimé Ophélia dans le passé mais ne l'aime plus?

Pourquoi? Là encore il y a plusieurs réponses à cette question!
Même s'il a aimé sincèrement la jeune fille, Hamlet n'éprouve plus que du mépris pour elle parce qu'il a obtenu d'elle des relations avant le mariage. Désormais, il la considère comme une femme volage, d'où ses allusions à la beauté incompatible d'après lui avec la vertu.

Hamlet  :  - Ha! ha! Etes-vous vertueuse?
Ophélie : - Monseigneur?
H- Etes-vous belle?
O - Que votre seigneurie veut-elle dire?
H - Que si vous êtes vertueuse et que si vous êtes belle, votre vertu se devrait de mieux tenir à l'écart  de votre beauté.
O - La beauté pourrait-elle avoir une meilleure compagne que la vertu, monseigneur?
H - Oh! certes oui, car le pouvoir de la beauté fera de la vertu une maquerelle, bien avant que la force de la vertu ne façonnes à sa ressemblance la beauté.
 
De plus, Hamlet reproche à Ophélia sa trahison. Ophélie est de mèche avec Polonius et Claudius pour le faire espionner. Ces derniers, en effet, veulent savoir à quoi attribuer la folie (simulée) de Hamlet. Polonius est persuadé qu'elle est due à l'amour contrarié que le prince éprouve pour sa fille. Claudius suspecte d'autres raisons. Ils demandent donc à Ophélie de donner un rendez-vous à Hamlet dans le vestibule du château d'où ils pourront écouter les propos du jeune homme. Mais Hamlet a surpris la conversation du roi et de son chambellan comme nous le prouve  la  didascalie II; 2 :
 
  Hamlet entre dans le vestibule. Il s'arrête un moment inaperçu.
au moment où Polonius dit à Claudius :
 
Polonius - Dans un de ces moments-là je lâche sur lui ma fille,
Et vous et moi sous la tapisserie
Nous observons la rencontre..
 
Hamlet sait donc qu'Ophélie se prête à ce jeu d'où la colère et la violence de ses propos quand il la rencontre. Il se sent trahi car la jeune fille fait front avec ses pires ennemis. C'est pourquoi plus tard il interpelle Polonius de cette manière quand il le revoit :
 
O Jephté, quel trésor tu avais!
 
Hamlet reproche à Polonius d'avoir sacrifié sa fille comme l'a fait Jephté à Israël et d'utiliser Ophélie pour le faire espionner mais peut-être lui reproche-t-il plus encore ?
Nous savons qu'il a déjà traité Polonius de maquereau et en allant voir de plus près l'histoire de Jephté nous apprenons que le sacrifice de la fille de Jephté peut-être interprété de plusieurs façons : Soit Jephté l'offre en Holocauste au Dieu, soit il à l'intention de l'offrir comme prostituée au temple ou bien, il est suggéré qu'il la déflore lui-même? Soit il lui refuse le mariage pour préserver sa virginité. Que sa virginité soit sauvegardée implique qu'il lui interdit d'avoir des relations avec un autre homme, de concevoir des enfants, ce qui est une forme de possessivité, voire d'inceste de la part d'un père.
Hamlet accuse peut-être Polonius d'avoir jeté Ophélie dans son lit pour satisfaire ses ambitions politiques et faire de sa fille une reine, ce que corroboreraient les ordres de sagesse mercantile que Polonius donne à sa fille (I.2) :
 
Et désormais soyez un peu plus avare de votre virginale présence,
Mettez votre rencontre à plus haut prix qu'une offre de parlementer..
 
Quoi qu'il en soit Hamlet se détache d'Ophélie.
Une autre explication, freudienne celle-là, peut-être attribuée à son rejet d'Ophélie. Un Oedipe profond le lie à sa mère Gertrude, sentiment encore aggravé par le drame que vit le jeune homme. Il vient d'apprendre que son père a été assassiné. De plus sa propre mère a épousé le meurtrier sans attendre la fin de son deuil! Ceci est d'autant plus grave aux yeux de la société et du jeune homme que l'union entre beau-frère et belle-soeur est interdite, considérée comme un inceste. On comprend l'horreur éprouvée par Hamlet et la mysogynie qu'il manifeste alors. Enfin, pour peu que l'on adhère à l'interprétation freudienne du personnage, le jeune homme qui ressent des désirs incestueux envers sa mère est en quelque sorte le rival de Claudius. Ce qu'il éprouve pour Ophélia n'est pas assez fort pour lutter contre de tels sentiments.
Cette dernière version est celle retenue dans le film de Zeffirelli ou Mels Gibson qui incarne Hamlet est manifestement amoureux de sa mère (Glen Close) et réciproquement. Quand il lui reproche ses ébats avec son nouveau mari, il la jette sur le lit dans un transport passionné qui ne fait aucun doute sur ses intentions incestueuses. Du coup le personnage de Gertrude devient principal et celui d'Ophélie secondaire malgré une très belle scène de la folie où Helena Bonham-Carter est excellente. Zeffirelli ne se demande pas si Hamlet aime Ophélie; ceci ne l'intéresse pas.

 
3) Troisième hypothèse :  Il l'aime toujours et renonce à elle
 
Mais il y a une autre interprétation au fait que Hamlet repousse Ophélie; ce qui  impliquerait qu'il l'aime toujours. Elle tient à ces paroles que le jeune homme prononce peu de temps après avoir reçu l'ordre du spectre réclamant vengeance: ( I ; 4)
 
Le spectre :
Adieu, adieu, adieu, ne m'oublie pas!
Hamlet :
Que je ne t'oublie pas?
O pauvre spectre, non tant que la mémoire
Aura sa place sur ce globe détraqué.
(...)
Des tables de ma mémoire
je chasserai tous les futiles souvenirs,
tous les dires des livres, toute impression, toute image,
qu'y ont notés la jeunesse ou l'étude,
et seul vivra ton commandement...
 
Ainsi Hamlet chargé d'une tâche qui l'écrase et qui va détruire sa vie, décide d'abandonner le monde et tout idée de bonheur. Dans la scène 2 de l'Acte II, Ophélie le voit arrivé en proie à un tel désordre qu'elle est effrayée. Elle raconte la scène à son père :
 
Pâle comme un linge, les genoux qui s'entrechoquaient et la mine aussi pitoyable que si l'enfer l'eût relâché...
Il m'a saisie le poignet et m'a serrée fort
Puis avec l'autre main .. il m'a regardée au visage aussi aigûment que s'il eût voulu le peindre.
puis il poussa un soupir si piteux et profond qu'il parut ébranler tout son corps et mettre fin à ses jours..

Peut-être est-ce à ce moment-là qu'Hamlet décide de renoncer non seulement à Ophélia mais aussi à la vie? L'histoire d'amour de Hamlet et d'Ophélia ne serait donc pas secondaire mais au coeur de l'action puisque le revirement de Hamlet au sujet d'Ophélia ne s'expliquerait pas par le mépris d'un amant qui a tout obtenu de son amoureuse mais par la nécessité de couper ses attaches pour accomplir sa vengeance  et mourir. On peut dire la même chose du pouvoir. De la même manière qu'il dit non à  l'amour, Hamlet se désintéresse de la couronne du Danemark qui passera à Fortinbras, futur roi de Norvège.
Que croire? Amour? Désamour? Haine? Mépris?La seule certitude c'est que Hamlet déjà d'un naturel pessimiste et fragile est  fortement ébranlé par les révélations du spectre. Il traverse une crise morale d'un telle ampleur qu'il désire mourir. Il n'y a plus de place pour l'amour. Et si Hamlet ne met pas fin à sa vie, c'est seulement parce qu'il a peur de ce qui existe après la mort, de la punition d'un Dieu qui n'admet pas le suicide. Finalement si l'on ne renonce pas à vivre, nous dit-il, c'est par lâcheté, c'est par crainte de l'au-delà!  C'est le sens de la fameuse tirade  : être ou ne pas être.

Etre, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de
noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune
outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter
par une révolte ?. Mourir... dormir, rien de plus.

Hamlet en guise d'introduction (1)

Le personnage d'Ophélie (2)

La suite : Hamlet aime-t-il Ophélie? (3 ) 

 

Challenge de Maggie et Claudialucia


Hamlet : Le personnage d'Ophélie (2)

Ophélia de Waterhouse

Le personnage d'Hamlet entraîne de nombreuses interprétations, toutes passionnantes, mais je suis contrariante,  j'ai choisi d'écrire sur Ophélie .

Une jeune fille docile ?
 
Ophélie peut apparaître à priori comme une jeune fille obéissante et sans grande personnalité dans l'acte I scène 3. Elle accepte docilement les leçons de son frère Laerte qui la met en garde contre les dangers de l'amour et promet de l'écouter. Mais cette impression est vite effacée quand elle lui conseille à son tour et non sans ironie de bien se comporter lui-même! Ce qui prouve qu'elle est loin d'être sotte et effacée. De même, elle est respectueuse et soumise devant son père Polonius qui lui demande de ne plus voir le Prince Hamlet en soulignant la différence de condition sociale qui rend cet amour impossible. Mais elle défend avec ardeur les intentions de Hamlet et reste persuadée de la sincérité du jeune homme. Elle plaide ainsi sa cause auprès de Polonius :
Il a confirmé son langage par presque tous les serments sacrés du ciel.
Nous savons que, par la suite, Ophélie obéit à son père puisqu'elle refuse de voir Hamlet et de recevoir ses lettres. Ce qui provoque une réaction violente de la part du jeune homme  (II 2). Elle va plus loin en transmettant à son père la lettre que Hamlet lui a écrite (II; 3). Enfin, elle donne rendez-vous au jeune homme dans la galerie pour permettre à  Polonius de l'espionner ( III; 1). Bref! elle trahit son amoureux.
On pourrait en déduire que ses sentiments sont peu ardents et que la raison, les conventions, la peur du qu'en dira-t-on et surtout le devoir d'obéissance d'une jeune fille bien élevée sont venus aisément à bout d'un amour naissant. Mais nous savons qu'il n'en est rien puisque Ophélie est poussée par un destin tragique qui l'amènera inexorablement jusqu'à la folie et la mort.
Comment expliquer qu'elle puisse passer d'une apparente sagesse et retenue aux sentiments extrêmes qui vont la conduire à sa fin ?

La folie d'Ophélie 
 
Ophélie Isidore Dagnan

 
 
  Ce glissement dans la folie se fait par étapes au cours desquelles la jeune fille va évoluer du chagrin au plus profond désespoir :
Première étape : (III; 1) : Hamlet parle avec une violence et un mépris total à Ophélia qui en est profondément secouée. Elle avait cru jusque-là à l'amour de Hamlet. Elle le croit fou.
 
Deuxième étape : ( III; 2) : Hamlet humilie Ophélie publiquement en tenant des propos à double sens à la limite de l'obscénité. Ophélie est désemparée et souffre.
 
Troisième étape :  Hamlet tue le père d'Ophélie en pensant qu'il s'agit de Claudius. (III; 4)
Dans l'acte IV scène 5 nous apprenons soudain que la jeune fille a perdu l'esprit mais il y a une ellipse dans l'action. Que s'est-il passé entre temps? La jeune fille a  appris le meurtre de son père, a assisté à l'enterrement sans fastes de celui-ci, indigne de son rang, elle sait que son frère Laerte est de retour pour tuer Hamlet. Cette succession d'évènements tragiques sont amplement suffisants pour justifier l'égarement de la jeune fille.
 
 
Une jeune fille déshonorée?
 
 
Ophélie parmi les fleurs : Odilon Redon

 
 
Pourtant les paroles du texte qu'elle chante semble indiquer qu'il existe encore d'autres raisons :

Demain, c’est la Saint-Valentin,
Debout dès les premières heures du matin.
Et me voici vierge à ta fenêtre,
Pour être ta Valentine.
Lors il se leva, puis mit ses habits,
Et ouvrit la porte de la chambre,
Fit entrer la vierge,

Qui vierge jamais n’en sortit

Hélas! oh fi! la honte!
Avant de me trousser, fit-elle
le mariage on me promit

Par le jour, l'eusse fait, la belle,
si tu n'avais cherché mon lit

 
La signification de ces paroles paraît sans équivoque. Si elle a "cherché le lit" de Hamlet, Ophélie s'est déshonorée selon la morale de l'époque, coupable devant son père et devant Dieu et méprisable aux yeux de son amant. Elle ne peut donc être que désespérée par l'attitude de Hamlet dont le rejet prend encore alors un tout autre sens. Celui de l'homme qui n'a que mépris pour la fille qui se donne. Certains critiques littéraires affirment même que Ophélie est enceinte, d'où son suicide, la seule issue pour échapper au déshonneur. On peut trouver une justification à cette affirmation dans les exhortations de Polonius ( I 4) qui craint que sa fille ne soit allée trop loin dans sa relation avec Hamlet et lui dit :
 
On m'a dit que bien souvent il vous avait parlé en privé. Si c'est vrai (...) il faut que je vous dise que vous ne   comprenez pas bien clairement les devoirs qui conviennent à ma fille et à votre honneur 
 
et aussi dans l'acte II scène 2  lorsque Hamlet traite Polonius de maquereau (proxénète) et observe :
 
 Le soleil engendre des vers dans un chien crevé, laquelle charogne est bien digne d'être baisée    il ajoute : Vous avez une fille? Qu'elle n'aille pas au soleil! Concevoir est une bénédiction, mais mon ami, veillez à la façon  dont votre fille peut concevoir.
 
La comparaison d'Ophélie avec une charogne et le terme to conceive qui en anglais comme en français peut vouloir dire concevoir par l'esprit ou être enceinte sont éloquents.

La mort d'Ophélie

 
La mort d'Ophélie

 
 
Tous les peintres séduits par l'image d'Ophélie ont représenté la jeune fille parée de guirlandes de fleurs. Cela n'est pas anodin. A partir du moment où Ophélie sombre dans la folie elle peut exprimer la vérité sur son amour et sur la mort de son père. Elle le fait de deux façons : par des chansons, nous l'avons vu, mais aussi par le langage des fleurs qui ont ici un sens symbolique.
 
Acte IV scène 5
Au roi : Voilà du fenouil pour vous et des ancolies
A la reine : Voici de la rue pour vous et pour moi.
Voilà une pâquerette; je vous donnerais bien des violettes, mais elles se sont toutes fânées quand mon père est mort.
 
L'ancolie et le fenouil qu'elle offre à Claudius sont symboles d'infidélité et d'adultère, et elle attribue la rue, l'herbe du chagrin et du repentir à la reine Gertrude, et à elle-même. La pâquerette se dissimule pour avertir les filles de ne pas se fier aux belles promesses de leur amoureux. Les violettes, symboles de modestie et de fidélité sont fânées après la mort de Polonius, meurtre que le roi et la reine ont tenu caché devenant complices de Hamlet. Elles ne peuvent convenir à aucun des personnages qui ne sont pas dignes d'elles.
Les fleurs sont présentes aussi dans le récit de la mort de  la jeune fille que fait par la reine Gertrude à Laerte :
 
(IV  7)

Il y a un saule qui pousse en travers du ruisseau et mire ses feuilles grises dans le miroir du courant. C’est là   qu’elle tressa de fantasques guirlandes de boutons d’or, d’orties, de marguerites, et de ces longues fleurs pourpres que nos bergers hardis appellent d’un nom plus grossier mais que nos froides vierges appellent "doigts  d’homme mort". Là, tandis qu’elle grimpait pour suspendre sa couronne de fleurs aux branches inclinées, un rameau envieux se rompit, et ses trophées tressés de mauvaises herbes, et elle-même, tombèrent dans la rivière en pleurs... »

Le saule symbolise une fille pleureuse (Ophélie et la Desdémone d'Othello) mais également et cela paraît significatif : une fille volage. L'ortie est la rupture, le bouton d'or peut représenter selon le contexte l'ingratitude, la raillerie. La marguerite innocente est la fleur utilisée pour séduire. Enfin Les doigts d'homme mort aussi appelés Testiculus Morionis (une variété d'orchis mâle?) sont bien évidemment un symbole phallique. Un langage des fleurs éloquent!
Il est frappant de constater que dans Shakespeare, seule la folie permet aux êtres de se libérer et de se montrer tels qu'ils sont. Seul un fou (au sens d'insensé ou de bouffon) peut dire ce qu'il pense. C'est le cas d'Ophélie qui n'a jamais été aussi lucide que lorsqu'elle perd l'esprit, c'est aussi celui de Hamlet qui simule la folie, seul moyen d'atteindre la vérité.
 
 


Challenge de Maggie et claudialucia