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samedi 4 mars 2017

Venise au temps du carnaval (8) : ses masques et ses costumes


 Un défilé de costumes

Je vous avais dit que je vous ferai découvrir  dans un billet précédent à quel personnage correspondait le détail de ce costume, un de mes préférés, dont j'adore la finesse du tissu, l'harmonie des couleurs et le soin apporté à chaque détail. Il évoque pour moi le conte traditionnel : Le chat botté.






Le défilé continue et si les photographies ne vous paraissent pas excellentes, soyez indulgents car voilà ce qui se passe autour de ces personnages (ci-dessous) ! Ce n'est pas facile de trouver sa place ! Une foule compacte se bouscule pour prendre la photo sinon du siècle, du moins des costumes ! Et si vous vous plaignez du tourisme de masse dont, après tout, vous faites partie, Henry James vous rappelle que de tout temps il en a été ainsi. La beauté de Venise en est la cause : « La Venise d’aujourd’hui est un vaste musée dont ne cessent jamais les grincements du petit tourniquet qui vous y a introduit ; c’est au milieu d’une horde de compagnons que vous traversez l’établissement » (Heures italiennes,  Henry James).




Le carnaval de Venise



Le carnaval de Venise est de tradition ancienne puisqu’il a été autorisé dès 1094 par le doge Vitale Falier, il est issu de traditions antiques, héritage du paganisme. Les vénitiens sont pris d’un tel engouement pour le port du masque que dès 1436 les mascareri se constituent en corporation.

« Le masque fut pendant de longs siècles d’un usage général à Venise. C’était un dédommagement nécessaire de l’inégalité trop sensible qui existait entre les différentes classes de la population. Chez le doge, les nobles dansaient en robe noire, en grande perruque et masqués. Le nonce du pape lui même se soumettait à cet usage. Affaires et plaisirs, joie ou deuil, le masque couvrait tout. Il favorisait les apparitions des prêtres, des religieuses dans les spectacles et dans les fêtes, et sous cet incognito commode chacun était inviolable, et ne comptait autour de lui que des égaux. Ajoutez à ce mystère individuel qui abritait chacun, celui de la discrète et sombre gondole, et figurez-vous quelle étrange société ! » (Jules Lecomte Venise coup d'oeil littéraire, historique, poétique.)







Au XVIII le port du masque est autorisé à des périodes précises de l’année  qui dépassent la période du carnaval et correspond à une durée de six mois environ.

« S’il prend à Venise un relief exceptionnel au point de devenir très tôt un mythe, c’est d’abord semble-t-il en raison de la physionomie singulière de la ville, de l’harmonie envoûtante qui se crée entre les personnages masqués et l’incomparable détour urbain : à Venise le masque a une dimension, à la fois théâtrale et poétique. C’est sans doute aussi que Venise est l’un des berceaux de la Commedia dell’arte, dont les personnages sont autant de masques. Et sans doute encore parce que Venise  est une ville hyperpolicée, où indicateurs, espions, préfets des moeurs sont partout. » Jean-Michel Brèque.

 Le masque devient le symbole de la ville de Venise. Pendant le carnaval, le peuple comme la noblesse s’amusent dans un gaieté débridée, une liberté sans contrainte, protégés comme ils le sont par l’anonymat du masque, mais qui s’accompagne aussi d’excès et de débauches.
Goldoni se fait le témoin de ces fêtes populaires sur les places et les campielli de la cité où quelques nobles désœuvrés viennent se mêler à la liesse populaire pour éprouver des émotions fortes.




Au XVIII siècle, le carnaval n’a jamais été aussi brillant mais il est interdit  en 1797 par Bonaparte dont la présence à Venise signe la fin de la république vénitienne. Plus tard, l’occupation autrichienne privant Venise de sa liberté ne sera pas propice à sa renaissance.
C’est en 1979 que le carnaval va être ressuscité lors de la biennale et du festival de théâtre qui  le proposent  pour thème central. 










De nos jours Venise est envahie au moment du carnaval par les touristes italiens mais aussi du monde entier. Pourtant, la tradition ne semble pas complètement morte pour les vénitiens si j'en juge par ces personnages masqués qui sortent de leur maison, se font photographier devant leur porte et se dirigent vers la place Saint Marc.










 Dominique Fernandez, en parlant du carnaval vous invite à mettre un masque et à déposer votre corset d'habitudes et de préjugés  : Lancez-vous dans le tourbillon du carnaval, une de plus belles inventions de cette coquine parfumée. Vous en rejaillirez neuf, délivré, transformé, vous rejaillirez en vous -même." .
 Je dois dire que j'ai été bien loin de ressentir cela ! J'ai été déçue, je vous l'ai dit, par l'aspect commercial du carnaval, l'attrape-touristes organisé, les animations vulgaires qui transforment la fête en foire bruyante et sans grâce. On peut le dire, ce genre d'organisation tue le mystère et ceci d'autant plus que la brillante piazza San Marco est dissimulée par cette scène monumentale, ces constructions en bois et ces barrières de fer qui gâchent l'enchantement que produit ce lieu habituellement paré d'or et de lumières. C'est sûr, vous ne souffrirez pas du syndrome de Stendhal ici ! Je me souviens d'avoir écouté un concert lorsque j'avais 15 ans sur cette même place, sous le scintillement des étoiles, avec une foule recueillie et plein d'émotion qui retenait son souffle. Souvenir inoubliable.  La poésie est morte.

Alors? Alors, même si l'esprit du carnaval s'est perdu, il reste la beauté des costumes et des masques.  Certes les personnages costumés ne sont pas là pour s'amuser et faire la fête. Ils sont là pour "promener" leur costume et les faire admirer.  Certains qui se présentent visage nu sont même assez cabotins. Il y a parmi eux des passionnés et on sent qu'il y a une vraie recherche de leur part à la perfection de leurs atours et ceux-là vous apportent du plaisir. D'autres ont l'esprit de théâtre et organisent des petites scénettes et des facéties.






Et puis toutes les époques, les formes, les couleurs sont au rendez-vous. La créativité est à l'honneur.






Mais ceux que j'aime le plus parmi eux, ce sont ceux qui ne se livrent pas, qui attendent qu'on vienne à eux, qui cherchent à préserver leur mystère. Et alors, parfois, le charme opère car le masque a un pouvoir silencieux, il impose une distance par rapport à l'autre, un respect, une admiration.

Parmi eux mes préférés

Pour mon plaisir personnel et pour ceux qui ne crient pas encore grâce, je publie ici mon palmarès personnel à partir de tous les costumes que j'ai pu voir depuis le début de mon séjour.







  

Et vous quels sont vos préférés ?

et encore quelques masques...











jeudi 2 mars 2017

Venise au temps du carnaval (7) : Ca Pesaro, musée d'art moderne

Le Grand Canal et la Ca Pesaro

Le masque de la journée


Jeudi 23 Février : le masque du jour de Léonie

  Ca Pesaro

Ca Pesaro source
La Ca Pesaro qui appartenait à la famille Pesaro avant de devenir un musée, est un immense palais en marbre blanc dans le style baroque vénitien, construit par Baldassare Longhena, l'architecte de la basilique Santa Maria della Salute à la fin du XVII siècle et terminé par Gian Antonio Gaspari de 1703 à 1710.
Il abrite deux musées que je n'avais jamais visités malgré mes visites à Venise : un musée d'art moderne et le musée des arts orientaux.

Le musée d'art moderne

Vue sur le grand canal de la Ca Pesaro
Le musée abrite des oeuvres du XIX au XXième siècle. A partir d'acquisitions faites pendant les biennales, il s'enrichit grâce à des dons privés. 
 Certaines salles étaient fermées, nous n'avons pas pu voir, par exemple, la Salomé de Klimt. 
J'ai aimé cette visite, loin de la foule, avec toute la possibilité de rester longuement devant une oeuvre sans être bousculée.

 Rodin et Bonnard

Le Penseur, les Bourgeois de Calais,
Les artistes français nous accueillent avec deux superbes sculptures de  Rodin : Le Penseur, Les
 Bourgeois de Calais et un très beau Pierre Bonnard : La baigneuse

La Baigneuse de Pierre Bonnard
Mais le musée présente aussi un grand nombre de peintres italiens ou d'autres nationalités. Ainsi ce portrait peint par Fernand Knopff, un peintre belge symboliste (1858_1921) que j'ai déjà rencontré à Bruxelles.
Fernand Knopff : portrait de mademoiselle de Rothmaler (1889)

Parmi les  peintres italiens :

Umberto Maggioli

Umberto  Moggioli (1886_1919) : Le printemps à Treporti (1914)
Umberto Moggioli (1886_1919) est un peintre vénitien qui a a étudié à l'école de Burano où il s'installe avec sa femme. Il s'est spécialisé dans les paysages correspondant à son besoin de solitude et de silence contemplatif. Plus tard, il s'installe à Rome où sa peinture évolue vers des couleurs plus lumineuses et des paysages à l'horizon limité. Il  y mourra en 1919. J'aime beaucoup l'ambiance sereine et paisible de ce matin de printemps avec cette femme qui donne le sein à son bébé et les hommes occupés aux travaux agricoles.

Arturo Martini

Arturo Martini Portrait de Lilian Gish 1929
La finesse de cette sculpture d'Arturo Martini rend hommage aux traits délicats de Lilian Gish, la grande actrice américaine du cinéma muet.

 Umberto Boccioni

Umberto Boccioni (1882_1916): portrait de la soeur de l'artiste (1904)

Umberto Boccioni (1882_1916) est l'un des grands représentants avec Luigi Russolo, Carlo Carrà et Gino Severini, du mouvement futuriste qui naît autour du poète Filippo Tommaso Marinetti. Les futuristes s'insurgent contre la nostalgie du passé et exaltent le mouvement qui régit la vie moderne. Ce mouvement magnifie la vitesse, la beauté de la machine (la voiture),  et emprunte au cubisme et au divisionnisme pour  donner le sentiment d'un dynamisme, d'un élan impétueux, à travers une forme fractionnée, démultipliée. Dans cette salle, on ne voit de Umberto Boccioni qu'un peinture très classique. C'est le reproche que l'on peut faire au musée qui ne possède pas assez d'oeuvres d'un même artiste pour nous montrer leur évolution et leur période la plus représentative. Cela m'a laissée un peu sur ma faim.
Cependant, le musée regroupe les tableaux par thèmes et grandes périodes et je n'ai pas boudé mon plaisir car j'ai eu plusieurs coups de coeur qui m'ont donné envie de mieux connaître la peinture moderne italienne.  Mais j'aime le futurisme pour avoir vu une exposition sur ce mouvement à Venise il y a quelques années aussi je ne résiste pas à vous montrer cette peinture de Boccioni.  Représentative du futurisme, elle n'appartient pas à ce musée.

Umberto Boccioni : la rue entre dans la maison (1911) musée du Hanovre

Mario Sironi 

Mario Sironi(1885 -1961) : paysage urbain (1924)

Mario Sironi (1885-1924) est lui aussi un peintre italien, qui devint le peintre officiel de Mussolini. Il se rattache au futurisme vers 1914.  En 1922 il se rapproche du Novecento, prolongement du futurisme dans l'Italie fasciste. Ce mouvement naît à Milan et veut être un retour aux formes classiques. Le paysage urbain fait partie de cette période. L'éclipse appartient à sa période après guerre.

Mario Sironi (1885 -1961)  : Eclipse ( 1942)

 Giorgio de Chirico

Giorgio de Chirico  (1888-1976) : Bains mystérieux (1933)
Né en Grèce, Giorgio de Chirico est un peintre italien qui meurt à Rome en 1976.  Il est d'abord adulé par les surréalistes avant d'en être rejeté. Ce tableau Bains mystérieux appartient à un ensemble de douze peintures explorant le même thème et portant le même titre. Il introduit dans un paysage en apparence réaliste des détails étranges, inattendues. Il a appelé cette période : "peinture métaphysique" car elle est né d'une vision qui lui a permis de découvrir le monde pour la première fois, de comprendre ses symboles, d'explorer ses mythes.

«l’idée des bains mystérieux me vint alors que je me trouvais dans une maison où le sol avait été bien lustré avec de la cire. Je regardai un homme qui marchait devant moi et dont les jambes se reflétaient dans le sol. J'eus l'impression qu'il pouvait plonger dans ce sol, comme dans une piscine, qu'il pouvait s'y mouvoir et même nager. Ainsi j'imaginais ces étranges piscines avec des hommes immergés dans cette espèce d'eau-parquet qui sont immobiles et bougent».

Carlo Carrà

Carlo Carrà 1881_1966) : Tramonto al Mare (1927)

Carlo Carrà 1881_1966) : le cheval (1937)
Carlo Carrà est lui aussi comme Boccioni, le cofondateur du futurisme mais après la guerre de 1914, il se détourne du futurisme pour subir l'influence de la peinture métaphysique de Chirico. Puis il revient à des oeuvres plus classiques comme celles ci-dessus.
Et pour le plaisir des yeux ce tableau futuriste de Carrà qui lui aussi n'est pas à la Ca Pesaro : Le cavalier. Admirez le mouvement, la vitesse et la puissance qui émanent de cette peinture.

Carlo Carrà : le cavalier

Giorgio Morandi

Giorgio Morandi (1890-1964) : vases et bouteilles (1948)





Même s'il a été attiré tour à tour par le futurisme, la peinture métaphysique, Giorgio Morandi n'appartient pas à une école particulière. Mais Cézanne exerce sur lui une influence majeure. La plus grande  partie de son oeuvre est consacrée aux nature mortes. La Ca Pesaro en présente deux, dont celle  intitulé vases et bouteilles. J'aime beaucoup cette composition, ces coloris où domine le blanc et cette impression de "toucher" la matière avec mon regard !

et encore quelques coups de coeur

Bice Lazzari ( 1900_1981) : Situation (1951)

Ennio Morlotti (1910 -1992) Campagne automnale

Mark Tobey (1890-1976)  : Précipice (1957)
Mark Tobey est un artiste américain (1890_1976). Il a étudié la calligraphie chinoise et la peinture zen qui ont grandement influencé son oeuvre. 

Quelques images de l'extérieur vues du musée

Cour intérieure du palais Pesaro


Vue de la ca Pesaro sur le canal





samedi 25 février 2017

Venise au temps du carnaval (6) : Dernier jour du départ







Samedi 25 février 2017 :  Pour le dernier jour, le dernier masque !

A bientôt dans mon blog pour la suite des vacances vénitiennes !