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mardi 19 septembre 2023

Emile Zola : Pot Bouille

 

Parmi les vingt ouvrages des Rougon Macquart, Pot Bouille (1882) est le dixième. Il est  situé entre Nana (1880) et Au bonheur des dames (1883) qui est la suite de Pot Bouille, roman décrivant la réussite d’Octave Mouret.  

Pot Bouille à l’époque de Zola, désigne péjorativement une cuisine de mauvaise qualité, dans l'acceptation que l’on donne de nos jours au mot tambouille. Et justement c’est cette cuisine-là, au sens figuré, que Zola va nous servir  dans ce livre. 

 


 Octave Mouret

Octave et Marie

Octave Mouret est un des personnages principaux de Pot Bouille. Il arrive à Paris, petit dom Juan de province, bien décidé comme le Rastignac de Balzac à faire fortune par les femmes ! C’est un beau garçon qui a jusqu’alors des conquêtes faciles à son tableau de chasse, grâce à son charme, à ses manières « presque distinguées » de commis de commerce et à sa galanterie envers les dames. Il use et abuse du succès de ses beaux yeux d’or veloutés. Homme à femmes, il professe pourtant, sous ses dehors policés, un mépris profond pour les femmes.

« Il ne savait laquelle choisir, il s’efforçait de garder sa voix tendre, ses gestes câlins. Et, brusquement, accablé, exaspéré, il céda à son fond de brutalité, au dédain féroce qu’il avait de la femme, sous son air d’adoration amoureuse. »

Oui, mais le voilà un peu ridicule dans ce roman, rebuté avec un certain mépris par Valérie, l’épouse de Théophile Vabre, fils cadet du propriétaire, ou repoussé paisiblement par Madame Hédouin, la patronne de Au Bonheur des dames chez qui il travaille.

Quant à ses conquêtes, c’est avec une certaine ironie que Zola malmène son personnage ! Certes, celui-ci arrive à ses fins, et vient à bout, sans gloire mais non sans brutalité, de la passivité et de la résignation de Marie Pichon, femme soumise et sans fortune, qu’il engrosse deux fois au grand dam de son mari, petit employé sans le sou, qui pratique l’abstinence  pour éviter d’avoir trop d'enfants ! Et que dire de la tragi-comédie de sa liaison avec Berthe Josserand, épouse d’Auguste Vabre, le fils aîné du propriétaire ? Adultère qui lui coûte cher, il faut faire des cadeaux à la dame, et qui aboutit à un scandale retentissant après maintes péripéties ridicules et cavalcades dénudées dans les escaliers, commentées par tous les habitants de la maison, bourgeois et domestiques compris, et même par tout le quartier ! Mais, on le verra à la fin du roman, la chance va tourner pour lui !

La maison comme personnage


Si Octave Mouret est l’un des personnages principaux de Pot Bouille, on peut dire qu’il passe presque au second plan derrière la maison bourgeoise dans laquelle il va habiter ! C’est ce grand immeuble qui est réellement le centre du roman et en est même LE personnage à part entière.

 Que se cache-t-il derrière cette belle façade qui respire l’opulence, le calme et semble refléter la probité morale de ceux qui l’habitent ?  Elle se révèle vite comme le luxe de l’escalier en faux marbre, un faux-semblant, une apparence !

"Les panneaux de faux marbre, blancs à bordures roses, montaient régulièrement dans la cage ronde; tandis que la rampe de fonte à bois d’acajou, imitait le vieil argent, avec des épanouissements de feuilles dures. Un tapis rouge, retenu par des tringles de cuivre, couvrait les marches »

« Derrière les belles portes d’acajou luisant, il y avait comme des abîmes d’honnêteté. »

A chaque étage de la maison, sont présentées des familles dont le statut social diminue au fur et à mesure que l’on grimpe les étages, les chambres de bonnes occupant le point le plus élevé ainsi que  le galetas d’un ouvrier puis d’une ouvrière, ces derniers faisant tache dans la maison aux yeux des autres occupants. Et à chaque étage, on découvre des moeurs dissolues, des mesquineries, des scandales avilissants couverts par un abbé en soutane, mondain qui chercher à cacher les frasques de cette « bonne société » pour maintenir l’apparence, lui aussi, - et seulement l’apparence - de la supériorité de l’Eglise et de son emprise sur les âmes.

« Un moment l’abbé Mauduit se retrouva seul, au milieu du salon désert. Il regardait, par la porte grande ouverte, l’écrasement des invités; et, vaincu, il souriait, il jetait une fois encore le manteau de la religion sur cette bourgeoise gâtée, en maître de cérémonie qui drapait le chancre, pour retarder la décomposition finale. Il fallait bien sauver l’ Eglise, puisque Dieu n’avait pas répondu à son cri de désespoir et de misère. »

Par la puissance de son style, Zola fait de  cette maison une entité dotée d’une vie propre, soit qu’elle incarne la dignité apparente de la bourgeoise

« Ce matin-là, le réveil de la maison fut d’une grande dignité bourgeoise. Rien, dans l’escalier, ne gardait la trace des scandales de la nuit, ni les faux marbres qui avaient reflété ce galop d’une femme en chemise, ni la moquette d’où s’était évaporée l’odeur de sa nudité. »

« Alors tout s’abîma, la maison tomba à la solennité des ténèbres, comme anéantie dans la distinction et la décence de son sommeil. »


Soit, au contraire qu’elle dévoile sa face cachée, celle de l’arrière-cour, où  les bonnes vomissent des insultes et révèlent les turpitudes cachées des foyers bourgeois :  

« Et du boyau  noir, monta de nouveau la rancune de la domesticité, au milieu de l’empoisonnement fade du dégel. Il y eut un déballage de linge sale de deux années. Ça consolait de n’être pas bourgeois, quand on voyait les maîtres vivre le nez là-dedans, et s’y plaire, puisqu’ils recommençaient. »

Quant à Julie, la bonne qui doit quitter cette maison, elle répond quand on lui demande si elle en est heureuse : 

"Mon Dieu, mademoiselle, celle-ci ou celle-là, toutes les baraques se ressemblent. Au jour d’aujourd’hui, qui a fait l’une a fait l’autre. C’est cochon et compagnie."

Une violente satire de la bourgeoisie sous l' Empire

BD d'Eric et Simon  Stalner : les personnages

Jamais Zola n’a été aussi virulent, aussi critique. C’est toute la société de l’Empire qu’il fustige, l’hypocrisie, le mensonge qui s’érige en bonne conscience, les tromperies, les adultères, les moeurs corrompues, la bigoterie, le feint amour de Dieu pour se concilier les bonnes grâces de l’église, le conservatisme étroit aussi bien dans le domaine de la morale que de la politique, l’amour de l’argent qui achète tout même les consciences, l’égoïsme,  le  mépris des classes sociales humbles, l’exploitation des ouvriers et des bonnes corvéables à merci, mal nourries, mal  payées.
Personne n’échappe à la satire, voire à la caricature, dans cette si belle maison, les bonnes raillent leurs maîtresses en des termes orduriers et couchent avec les maîtres dans leur chambre sordide, gagné par le gel, l’hiver. Le pire est peut-être ce monsieur Gourd, le concierge, ancien domestique monté en grade, qui est le plus acharné dans son mépris de ceux qui sont maintenant en dessous de lui et qui jette à la rue une ouvrière enceinte et prête à accoucher ! Plus tard, quand celle-ci sera accusé du meurtre de son bébé, on sent toute l’indignation de l’écrivain, qui n’a jamais pu supporter l’injustice, envers une société dure aux humbles.
Quant aux parents, ils vendent leurs filles aux plus offrants, une conception du mariage dépravée qui repose sur l’argent, la fortune du jeune homme, la dot de la fiancée. Et encore ne sont-elles pas toutes comme Berthe et Hortense Josserand, filles à marier, éduquées par une mère âpre au gain, orgueilleuse, tyrannique, qui vit au-dessus de ses moyens, préférant  priver de nourriture sa famille pour paraître en société et qui enseigne à ses filles à piéger le mari potentiel en attisant son désir.

« Depuis longtemps leur mère les avait convaincues de la parfaite infériorité des hommes, dont l’unique rôle devait être d’épouser et de payer » «

« Les trois hivers de chasse à l’homme, les garçons de tous poils, au bras desquels on la jetait, les insuccès de cette offre de son corps, sur les trottoirs autorisés des salons bourgeois; puis, ce que les mères enseignent aux filles sans fortune, tout un cours de prostitution décente et permise, les attouchements de la danse, les mains abandonnées derrière une porte, les impudeurs de l’innocence spéculant sur les appétits des niais… »

 Une compassion certaine pour les victimes

Cela n’excuse pas mais fait comprendre le malheur de ces petites bourgeoises mal mariées, et qui cherchent en vain le bonheur hors de leur foyer soit dans les biens matériels, soit dans les bras d’un amant. D’ailleurs, Zola a pour ces femmes adultères qui sont aussi des victimes, une compassion qui s’exprime dans la scène où Marie, ayant pitié de Berthe chassée de sa maison par un mari fou furieux, l’accueille chez elle et où elles pleurent dans les bras l’une de l’autre :

«  C’était une lassitude dernière, une tristesse immense, la fin de tout. Elles ne disaient plus mot, leurs larmes ruisselaient, ruisselaient sans fin dans les ténèbres, au milieu du profond sommeil de la maison, pleine  de décence. »

Cette scène  répond à ceux qui reprochent à Zola son pessimisme et sa noirceur, car son amour pour ceux, malheureux, qui subissent la domination des autres est toujours présente dans ce roman. C’est la cas de Monsieur Josserand qui se tue au travail pour sa femme et ses filles mais n’en reçoit que du mépris ! Ou pour monsieur Duveyrier  aimé ni de sa femme ni de sa maîtresse qui le repoussent. C'est aussi le cas, on l'a vu de l'ouvrière enceinte ou encore  de la femme de ménage, misérable et épuisée, que Monsieur Gourd renvoie puis reprend en en profitant pour lui baisser son salaire.

De plus, à travers la réflexion d’Hortense, Zola dénonce aussi la brutalité courante, admise dans les couples :

Elle préfèrerait recevoir des gifles de son mari que de sa mère, car c’était plus naturel.

Il montre, en décrivant l’horrible accouchement d’Adèle, toute seule, dans sa chambre de bonne, combien les femmes sont toujours les victimes et de quelles souffrances elles paient les amusements des hommes. Une scène d'une puissance terrifiante.

 Des scènes de comédie

Mais il y a aussi de véritables scènes de comédie où  Zola décrit le salon de musique de Clotilde Vabre, épouse Duveyrier, faisant exécuter La bénédiction des poignards par ses amis et voisins devant ses invités résignés  :  

Tout de suite, Clotilde monta une gamme, redescendit; puis les yeux au plafond, avec un expression d'effroi , elle jeta le cri :

"Je tremble"

Et la scène s'engagea, employés et propriétaires, le nez sur leurs parties, dans des poses d'écoliers qui ânonnent une page de grec, juraient qu'ils étaient prêts à délivrer la France. Ce début fut une surprise, car les voix s'étouffaient sous le plafond bas, on ne saisissait qu'un bourdonnement, comme un bruit de charrettes chargées de pavés, dont les vitre tremblaient.

Enfin, une dernière remarque  :  un détail qui fait sourire : l’appartement du second étage est occupé par un écrivain (et sa famille) qui ne se mêle jamais aux autres habitants mais dont on sait qu’il a écrit un livre scandaleux sur les désordres cachés des familles bourgeoises dans un grande maison ! Là,  Zola se fait plaisir.

 Un roman très riche !


LC Avec Myriam

vendredi 15 septembre 2023

Laurent Binet : Perspective(s)


Jacopo da Pontormo, peintre maniériste florentin est mort le 1er janvier 1557 dans la chapelle de l'église San Lorenzo où il peignait des fresques*, travail commandé par Cosimo de Médicis, duc de Florence, et dont l'artiste aurait voulu qu'elles soient à l'égal de celles de la chapelle Sixtine. Laurent Binet imagine qu'il a été assassiné par une main inconnue et son roman Perpectives(S) se veut alors une enquête policière pour déterminer qui est l'assassin. 

 

La déposition de Pontormo église Sante Felicita Florence


Le roman est intéressant parce qu'il fait revivre une période de Florence assez délétère où les factions politiques se déchaînent. La reine de France, Catherine de Médicis et son cousin Pietro Strozzi dont le père Philippe Strozzi, républicain, a été exécuté par Cosimo de Médicis, cherchent à mettre la main sur le duché de Florence avec l'aide de l'armée français pendant que Cosimo, grand-Duc de Florence,  allié à l'Espagne par son mariage avec Eleonore de Tolède, essaie de se concilier les bonnes grâces du pape Paul IV ( Gian Pietro Carafa) pour être reconnu roi de Florence. Pour les arts, c'est une période néfaste. Le pape, ancien contrôleur général de l'Inquisition, intolérant, puritain, dans cette période de la contre-réforme, condamne le nu et fait "habiller" ou plutôt "culotter"  les peintures de Michel-Ange. A Florence, Pontormo considéré comme licencieux s'est attiré la haine de la bigote et fanatique duchesse de Florence, Eleonore de Tolède. Les idées de Savonarole, pourtant mort en 1498, refont surface et ne favorisent pas non plus la liberté de l'artiste. Triste période pour les Arts ! 

 

Agnolo Bronzino : Eleonore de Tolède et son fils

 

C'est un plaisir de retrouver dans ces pages tous les artistes rencontrés au cours de mes voyages à Florence : Giorgio Vasari, l'auteur des Vies des peintres, bras droit de Cosimo dans l'enquête sur l'assassinat, Jacopo da Pontormo, vieillard irascible, hanté par la mort, son élève Giambattiste Naldini, Michel-Ange lui-même toujours en exil à Rome, Le Bronzino et ses portraits de la famille ducale, Sandro Allori, son élève, sans oublier le mauvais garçon, l'orfèvre, Benvenuto Cellini.

 

Salière de Benvenuto Cellini

Par contre, je n'ai pas apprécié le choix du roman épistolaire que j'ai trouvé faux, artificiel : les lettres de nombreux correspondants, toutes écrites dans le même style, ne réflètent ni le caractère, ni la psychologie, ni l'origine sociale, ni la culture des personnages. Ce sont pourtant ces qualités que l'on attend d'un vrai roman épistolaire et qui en font l'intérêt ! Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi choisir cette forme plutôt que le roman. Je me suis passablement ennuyée à certains moments, à l'exception de celles de Maria de Médicis*, fille de Cosimo et Eleonor, dont on sent la vulnérabilité et la naïveté (Laurent Binet imagine que celle-ci est morte en couches à la suite d'une fugue avec son amant qui l'abandonne, enceinte). Enfin, j'ai trouvé deux lettres supérieures à toutes les autres, vraiment passionnantes celle ou Vasari échappe à la mort grâce, dit-il, à la perspective, reconnaissant ainsi le talent des illustres prédécesseurs, Paolo Ucello, Brunelleschi ou Masaccio et la magnifique réponse de Michel-Ange qui montre la puissance de l'Art comme témoin de la grandeur humaine.

« Nous l'avons méprisée . Mais nous ne l'avons jamais oubliée.

Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L'homme d'aplomb, enfin à sa taille, ayant retrouvé sa place dans l'espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L'image de l'infini sur la terre (…) L'artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l'idée de Dieu, qui est précisément l'infini, cette chose impensable, inconcevable. »

 

Masaccio :Adam et Eve chassés du Paradis 



Enfin, le dénouement qui permet de découvrir l'assassin homme ? ou femme ? (Je n'en dirai pas plus !)  du Pontormo, est aussi un moment de surprise pour le lecteur et l'on sent que Laurent Binet s'est bien amusé à nous mystifier !


Bronzino : Maria de Médicis


* Maria de Médicis devait épouser Alphonse II d'Este, duc de Ferrare, à la sinistre réputation. A sa mort (peut-être du paludisme ?? Cf Wikipedia ), c'est sa jeune soeur Lucrèce qui doit la remplacer pour cette funeste union. Hasard de la parution, le destin de Lucrèce si mal mariée est le thème du livre de Maggie O' Farrel : Le portrait de mariage.

 

Alessandro Allori : Lucrezia de Médidis

 * les fresques du Pontormo ont  disparu.


LC   avec Marilyne ICI

Voir aussi Je lis je blogue : Perspectives Ici

Perspectives Eimelle Ici



lundi 11 septembre 2023

Jussi Adler Olsen : Sel

 


Jussi Alder-Olsen, écrivain danois,  publie un roman thriller fleuve Sel qui nous plonge dans les méandres d’un esprit tortueux et malade, habité par plusieurs psychoses, et entouré, de plus, par des collaborateurs fidèles et fanatisés.

Les crimes, nombreux, sont d’abord déguisés en suicide  avant d’être reconnus comme meurtres de plus en plus sadiques, le point commun entre eux étant un petit tas de sel de cuisine laissé sur la scène du crime.

Il faudra 665 pages au cours duquel Carl Morck, et son équipe travaillant sur les cold cases, résoudront le mystère et d’abord en élucidant la portée symbolique du sel laissé près du cadavre, ce qui, évidemment, n’est pas anodin. Si l’on sait que le cerveau de tous ses crimes prétend le faire pour le bien de l’humanité, l’on comprendra que les victimes sont liées à des scandales financiers, à l’injustice sociale, à la perte des valeurs morales, ce qui permet à l’écrivain de critiquer la société actuelle. De temps en temps, cela fait plaisir comme lorsqu’il met en cause un concepteur de la « télé-poubelle », autrement de la télé-réalité.

La construction du roman obéit au schéma obligé de nos jours  : la narration ne peut-être linéaire et chronologique. Elle est entrecoupée de retour dans l’enfance des personnages qui explique les traumatismes irréversibles vécus par les adultes  sans que le lecteur sache d’abord de qui il s’agit dans le présent du roman.

L’imagination du romancier est fertile et son talent de conteur est réel. Le suspense est conduit avec habileté et c’est ce qui me perd car j’ai envie d’aller jusqu’au bout mais en même temps j’en ai un peu assez de ce genre, le thriller, qui nous maintient en haleine pour de mauvaises raisons et fait de nous les voyeurs de souffrances horribles.

J’aime le roman policier ancré dans la société,  basé sur la psychologie des personnages, leur épaisseur,  et je n’ai pas besoin, pour relancer l’intrigue, de crimes de plus en plus noirs, de souffrances et d’inventions sadiques délirantes.  L’intérêt doit être ailleurs comme dans le livre de Nesbo que je viens de commenter  : Leur domaine. C’est pour ces raisons que mon appréciation du roman d’Olsen reste mitigée.




Les épais de l'été initié par Taloiduciné chez Dasola



 

dimanche 10 septembre 2023

Rentrée littéraire 2023 : Que choisir ?

 

 


 

 

En cette rentrée littéraire 2023, je suis allée acheter des livres car la tentation était trop forte.  Bien sûr, j'ai trouvé en ville tous les livres qui font la une de la presse en ce moment, ceux qui sont unanimement repérés et déjà présélectionnés. J'en ai choisi quelques-uns mais dès que j'ai voulu autre chose, rien !  J'avais noté un livre d'une écrivaine portugaise Lidia Jorge, Misericordia, ou celui de Hernan Diaz, Trust, Prix Pulitzer ou le 4 TTTT de Télérama : La mer de la tranquillité de Emily St. John Mandel ... Rien de tout cela.

Je m'étais dit que je n'achèterai pas sur internet cette année mais... Les libraires se plaignent des commandes en ligne qui leur enlèvent des ventes et, en particulier, d'Amazone, mais il n'y en a aucun qui prend le risque de sortir des sentiers battus en achetant au moins un ou deux exemplaires d'autres livres, moins repérés, qui ne seront peut-être pas sélectionnés pour les prix ! C'est dommage de ne pas leur laisser une chance ! Ceci dit, j'ai l'air de râler, comme ça, mais non,  j'ai pris ceux que j'ai trouvés et, on peut le dire, cette année, c'est l'embarras du choix! J'ai l'impression d'avoir fait une bonne pioche et je suis ravie de mes achats !

Si vous avez un de ces titres on peut faire une LC ensemble pour une date que l'on déterminera ensemble ? Si oui, incrivez-vous dans les commentaires.

Laurent Binet : Perspectives  Editions Grasset voir Eimelle Ici ;  Voir Je lis je blogue Ici

Sorj Chalandon : L'enragé   EditionsGrasset Voir Eimelle

David Grann :  Les naufragés du Wager  Editions du Sous-sol

Pekka Juntti : chien sauvage  Editions Gallmeister

Kimi Cunningham Grant : Les rancoeurs et la terre Editions Buchet.Chastel

Fred Vargas : Sur la dalle  Editions Flammarion

Gaspard Koening : Humus Edition  Voir Kathel


vendredi 8 septembre 2023

Henri Troyat : Zola


 

Après avoir vu au festival d'Avignon, cet été, Les Téméraires, une pièce de Charlotte Matzneff, qui réunit Emile Zola et Méliès dans la lutte contre l’antisémitisme et l’injustice à propos de l’affaire Dreyfus, j’ai voulu en savoir plus sur Emile Zola afin de démêler ce qui est historique dans la pièce et ce qui appartient à l’imagination de l’auteur. 

 

Zola, Jeanne et leurs enfants


La biographie d’Emile Zola de Henri Troyat est une oeuvre agréable à lire, qui se lit comme un roman. Les faits marquant de la vie de Zola y sont relatés, sa naissance à Aix-en-Provence, son admiration pour son père, ingénieur, qui meurt lorsque l’écrivain est encore un enfant, laissant la famille dans la gêne, les humiliations subies à l’école en tant que fils d’Italien et son attachement à la France - il doit demander sa naturalisation - son amitié avec Cézanne et plus tard sa brouille, son double foyer, entre sa femme Alexandrine et sa maîtresse Jeanne qui lui donne des enfants qu’il adore, et sa prédilection pour la photographie qui a marqué son oeuvre.
 Et puis son combat pour la justice et contre l’antisémitisme, le célèbre J’accuse, l’exil en Angleterre, les ennemis qui s’acharnent sur lui et sa famille, et sa mort en 1902, empoisonné par le monoxyde de carbone, la nuit, dans son lit, plus tard le transfert de sa dépouille au Panthéon, en 1908, à laquelle assistait Dreyfus. Ce que je ne savais pas, c’est que ce dernier fut blessé au bras à la sortie de la cérémonie par un tir de pistolet, échappant ainsi à une tentative d’assassinat.  

 

Nana


Mais ce qui m’a le plus intéressée dans cette biographie c’est la manière dont il a été traité en France, la haine qui a déferlé sur lui alors qu’il était reconnu partout comme un grand écrivain et reçut à l’étranger avec tous les honneurs, en particulier en Italie, bien sûr. Ce qui ne l’a pas empêché, d'ailleurs, d’obtenir en France un vif succès de lecture auprès du public, ses chiffres de vente le prouvent, et une notoriété grandissante malgré les inimitiés.
En effet, ces ouvrages suscitent la plupart du temps l'indignation et sont enveloppés d'une aura de scandale. Avec Nana, par exemple, on lui reproche d’attenter aux bonnes moeurs et les critiques sont d’une bassesse affligeante, n’épargnant pas sa vie intime, certains de ses faux « amis »,  dont Edmont Goncourt, se servant de ses confidences pour le traîner dans la boue et l’accuser d’obsessions sexuelles, d’obscénité, de pornographie. Ainsi, on reproche à cet homme chaste d’assouvir ses fantasmes sexuels par procuration dans ses écrits mais plus tard, alors que sa relation avec Jeanne est connue, on le traitera de vieillard lubrique.

« Le marquis de Sade dans ses œuvres immondes… croyait, à ce qu’on assure, entreprendre un oeuvre morale. Cette manie le fit enfermer à Charenton. La manie de Zola n’est pas aussi aiguë, et, de nos jours, on laisse souvent la pudeur se venger seule. Mais Nana, comme Justine, relève de la pathologie. C’est l’éréthisme commençant d’un cerveau ambitieux et impuissant qui s’affole de visions sensuelles. » ( Louis Ulbach , écrivain )

Heureusement, Flaubert s’écrie :  «  Un livre énorme, mon bon ! » et « Nana tourne au mythe sans cesser d’être réelle! »

 

La débâcle

La débâcle où il raconte et analyse la défaite de Sedan suscite un tollé sans pareil. Que n'avait-il pas fait ? Critiquer l'armée française, parler d'une défaite française ! Les milieux monarchiques, catholiques, nationalistes, militaristes, lui reprochent d’avoir avili l’armée et outragé l’honneur français, d’avoir chercher à saper le moral des français. 

« La débâcle est un cauchemar, un honteux cauchemar, aussi malsain  qu’antipatriotique. » (L’abbé Théodore Delamont )

"Zola devine, écrit Henri Troyat, qu’une coalition de militaires effrénés, défenseurs du drapeau, d’ecclésiastiques étroits, partisans de l’ordre public à tout prix, et d’ennemis de la liberté de parole se forme insidieusement pour lui barrer la route. On ne lui reproche plus la violence de ses livres mais leur signification politique. Tous ces gens se proclament plus français que lui. Jusqu’où iront-ils dans leur haine de la vérité ? » 

 

Le capitaine Deyfus

 


C’est avec sa prise de position dans l’affaire Dreyfus que la haine est à son comble.  Dans un article du Figaro, Zola écrit en décembre 1897 quand il acquiert la certitude de l’innocence de Dreyfus :

« Ce poison c’est la haine enragée des juifs, qu’on verse au peuple chaque matin, depuis des années. Il sont un bande à faire ce métier d’empoisonneurs, et le plus beau, c’est qu’ils le font au nom de la morale, au nom du Christ, en vengeurs et en justiciers. »

Au Sénat, des cris de haine retentissent : « Pot-Bouille ! Zola la Honte ! Zola l’Italien ! » 7 décembre 1897

« A l’heure actuelle Zola est le plus roublard de la littérature, il dégote les juifs… »  (Goncourt journal)

Et c’qui eut été plus épatant/ C’est que le père Zola la Mouquette/ N’eût pas foutu son nez dedans/ Pour en tirer un brin d’galette ! (Les chansonniers)

Dans les rues on crie : "A Mort Zola !".  On insulte le  "Signor Emilio Zola",  "Zola la Débâcle"  "Zola souteneur de Nana" …

Jeanne et ses enfants reçoivent des menaces de mort. Zola les fait déménager.

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1898 dans l’Aurore, gazette de Clémenceau, paraît J’accuse ! adressée au président de la République Félix Faure. En voici la conclusion que je cite ici juste pour le plaisir de la relire :


Mais cette lettre est longue, monsieur le Président, et il est temps de conclure.


J’accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d’avoir été l’ouvrier diabolique de l’erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d’avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.

J’accuse le général Mercier de s’être rendu complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle.

J’accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l’innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s’être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l’état-major compromis.

J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s’être rendus complices du même crime, l’un sans doute par passion cléricale, l’autre peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l’arche sainte, inattaquable.

J’accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d’avoir fait une enquête scélérate, j’entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.

J’accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d’avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.

J’accuse les bureaux de la guerre d’avoir mené dans la presse, particulièrement dans l’Éclair et dans l’Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.

J’accuse enfin le premier conseil de guerre d’avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.

En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose.

Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !

J’attends.

 Ce n’est pas sans raison que la mort de Zola est restée suspecte. On a retrouvé des gravats dans sa cheminée, qui ont bouché le conduit empêchant une évacuation normale, ce qui a entraîné la mort de l’écrivain. Alexandrine, sa femme n’en a réchappé que de justesse.

Pendant de longues années, Emile Zola a donc déchaîné les passions tant pour son oeuvre que pour ces idées et ces combats.  Ce qui ne l’a pas empêché de présenter sa candidature à l’Académie française et il le fera 25 fois !  Il était bien évident qu’étant donné ses idées il ne pourrait jamais l’être ! Mais peut-être s’obstine-t-il pour démontrer par l’exemple le crédit que l’on peut accorder à cette institution quand on voit tous les inconnus qui lui ont été préférés … et tous ceux aussi qui ont été refusés : Baudelaire, Stendhal, Maupassant, Dumas, Verlaine, Proust, Hugo à quatre reprises, Balzac à deux reprises ! …  Mais cela c'est moi qui l'ajoute,  et là, n’est pas le sujet !

 

Alexandrine Zola

Je ne saurai pas si les Zola ont été vraiment victimes d'un attentat à la bombe qui a arraché la porte de leur maison au moment de l'Affaire comme il est dit dans la pièce de théâtre. Ce qui m’a aussi manqué dans cet ouvrage - car j’aurais voulu en savoir plus sur elle -, c’est le rôle qu’Alexandrine a joué pour soutenir l'oeuvre et défendre le combat d'Emile. La pièce de théâtre en fait une femme admirable qui aide et soutient son mari. Cette biographie ne lui accorde qu’une place secondaire, tout en lui reconnaissant une certaine grandeur d’âme pourtant, quand, après la mort de son époux, elle fait reconnaître les enfants de Zola qui pourront désormais porter son nom. Sinon, en dehors de nous répéter qu’elle était laide et avait de la moustache, (celle dont Edmont Goncourt vantait les beaux yeux noirs), Troyat n’a pas grand chose à dire sur elle comme si une femme ne pouvait être jugée que par son  physique. Encore patriarcal, le papa Troyat en 1992 ! Il existe une livre sur madame Zola et un autre écrit par sa fille Denise. Ce qui doit être une manière  de compléter cette biographie.

mercredi 6 septembre 2023

Jo Nesbo : Leur domaine

 

Jo Nesbo avec ce roman Leur domaine signe un beau roman noir… très noir !

Roy et Carl Opgard sont frères. Roy est l’aîné et parce qu’il n’a pas su venir en aide à son petit frère dans son adolescence, il se sent coupable et ce sentiment de culpabilité ronge sa vie. Adulte, il devient le défenseur de Carl, celui qui est toujours là pour réparer ses erreurs, pour le venger, celui qui lui vient en aide dans les pires moments et cela va l’amener loin, très loin !
A la mort de leurs parents dont la voiture s’est abîmée dans un précipice, Roy est devenu mécanicien et a travaillé dans le garage de son oncle pour envoyer son frère à l'université. Celui-ci, après avoir terminé ses études part au Canada et ne donne plus signe de vie pendant quelques années. Mais quand il revient  dans leur petit village norvégien, avec Shannon son épouse, c’est pour se lancer dans la construction d’un hôtel de luxe sur leur domaine familial, dans la montagne. Là, encore il va avoir besoin de l’aide de son grand frère. Les personnages sont entraînés dans une spirale infernale.
Le roman est un roman policier et c’est vrai qu’il y a des meurtres, nombreux, et une enquête qui piétine. Un jeu du chat et de la souris s’exerce entre le policier Kurt Olsen et les deux frères, l’un persuadé de détenir la vérité mais n’arrivant jamais à le prouver, les deux autres démontrant toujours qu’ils sont injustement soupçonnés. 

Mais Leur domaine est aussi autre chose. C'est un roman, ancré dans la société, qui montre comment en Norvège les villes meurent après la construction d’un tunnel et d’une autoroute qui les coupent de la circulation routière. La ville des deux frères a été pour l’instant épargnée : "Mais le tunnel viendra. Aussi sûrement que le soleil pulvérisera notre système solaire dans deux milliards d’années, et, bien plus vite que ça. Ensuite, dans ce trou paumé, ce sera, bien sûr,  la clef direct sous la porte… ".  Une sorte de huis clos à l’échelle de cette ville en sursis où tout le monde se connaît et s’observe crée une atmosphère pesante et s'installe tout au long de la narration.

La construction du livre est habile. Il se présente en en six parties dont la fin relance toujours l’intérêt en détruisant ce que l’on croyait avoir compris si bien qu’au début de chaque nouvelle division on se retrouve à devoir réviser son jugement et à repartir sur d’autres bases, dans une direction que l’on n’attendait pas. Ceci est d’autant plus passionnant que l’intrigue repose sur la psychologie des personnages. Nesbo explore le thème de la culpabilité et a le don de créer des personnages très forts, qui ont une personnalité marquante, et de leur donner de l’épaisseur. Il en est ainsi des deux frères irrémédiablement marqués par leur passé, mais aussi de Shannon, la femme de Carl, de Mari, l’ex-petite amie de Carl, la fille du maire, de Grete la coiffeuse malfaisante qui est amoureuse de Carl, du vendeur de voitures d’occasion inquiétant…
 Enfin, le récit prend parfois une dimension fantastique avec le précipice bordant la route qui grimpe, en virages, jusqu'à la ferme des frères Opgard, un gouffre toujours prêt à avaler ses victimes, symbole de la mort, de l'échec, et d'un destin sans échappatoire.

Un très bon roman !

 

 Leur domaine Jo Nesbo :  Gallimard 687 pages



 

lundi 4 septembre 2023

André Maurois : Olympio ou la vie de Victor Hugo



Depuis la dernière biographie que j’ai lue de Victor Hugo où l’auteur Henri Gourdin avait une si violente horreur du poète ( non du poète mais de l’Homme) qu’il voulait le voir « dépanthéoniser », j’ai eu envie de lire une autre biographie moins partisane car cette lecture m'était restée un peu en travers de la gorge!

« Victor au Panthéon, est-ce irréversible?
Sachant ce qu’il saura à la fin de ce livre, le lecteur pourra se demander si le vécu de Victor Hugo justifie de le montrer en exemple aux générations montantes… » Les Hugo Henri Gourdin Ici

Et c’est chose faite avec Olympio ou la vie de Victor Hugo d’André Maurois qui d'ailleurs n'est pas réellement une réponse à Henri Gourdin (2016) puisqu'elle est antérieure (1954). 

Pourquoi Olympio ? Le biographe fait allusion au poème de Victor Hugo La tristesse d’Olympio dans le recueil Les Rayons et les Ombres

Les critiques  n'ont pas été tendres envers le poète : «  Il est fâcheux que le nom d’Olympio soit un nom absolument impossible; mais l’intention de M. Hugo, en créant ce barbarisme est assez manifeste. Il est évident que, dans sa pensée, l’idée de lui-même s’associe à l’idée du Jupiter Olympien… Comme il eut été de mauvais goût de dire : je suis le premier homme de mon temps, Monsieur Hugo se met sur un trône et s’appelle Olympio  Tel est  l'article du fielleux Gustave Planche dans La Revue des deux mondes, qui dénie même à Hugo tout talent de poète, ne lui concédant que le titre d'habile faiseur de vers. Et André Maurois de commenter : « La haine aveugle le goût ». 

 Je précise que l’intérêt de la biographie d’André Maurois est bien évidemment , dans la présentation des oeuvres, leur genèse, leur parution et l’analyse qu’il en fait. J’ai aimé aussi la façon dont il fait revivre la vie littéraire et sociale dans le Paris de cette époque avec tous les personnages célèbres qui l’ont peuplé et que nous retrouvons avec plaisir.

Mais je vais dans ce billet m’intéresser en particulier à ce qui constitue une sorte de réponse avant la lettre à H. Gourdin, c’est à dire à la vie et aux idées de Victor Hugo, bref! à Hugo, l'homme.

Celui-ci en tant qu’homme, a bien des choses à se reprocher et Maurois n’occulte pas les côtés sombres du personnage. Et d’abord la tyrannie qu’il a exercée sur sa famille et ses enfants, les contraignant à l’exil avec lui sans leur laisser le choix, les tenant sous sa dépendance à la fois financière et patriarcale. Et pas seulement sur sa famille mais sur Juliette Drouet qui a vécu une vie de recluse pour obéir au Grand Homme. Et que dire de toutes ses autres maîtresses, les servantes qui couchaient près de sa chambre pour satisfaire le maître jusque dans la maison de son épouse, ou les jeunes danseuses qui satisfaisaient sa libido de vieillard le posant même en rival triomphant de son fils ! Dire que la plupart des hommes agissaient ainsi à l’époque ne le justifient en rien. Dire que sa femme Adèle Fouchet avait un amant, Sainte Beuve, non plus !  Hugo, nous dit Maurois, était un homme dominé par une forte sensualité que d'ailleurs il condamnait très imprégné de morale chrétienne mais trop faible pour résister mais ce n'était pas un homme méchant. Il n'aimait pas faire souffrir, il s'enfonçait alors dans le mensonge et faisait des promesses qu'il ne pouvait pas tenir. Il a cependant toujours assumé sa responsabilité, en particulier envers Juliette,  et a élevé la fille de celle-ci comme sa propre enfant.

Enfin, mais Maurois n'en parle pas, il est aussi le seul à avoir réclamé l'égalité en droit des femmes et des hommes.

Car le vieux monde du passé trouve la femme bonne pour les responsabilités civiles, commerciales, pénales, il trouve la femme bonne pour la prison, pour Clichy, pour le bagne, pour le cachot, pour l’échafaud ; nous, nous trouvons la femme bonne pour la dignité et pour la liberté ; il trouve la femme bonne pour l’esclavage et pour la mort, nous la trouvons bonne pour la vie ; il admet la femme comme personne publique pour la souffrance et pour la peine, nous l’admettons comme personne publique pour le droit.

 



 On lui fait grief aussi de son ambition, de son orgueil, de sa soif des grandeurs, vouloir être pair de France alors qu’il se dit près du peuple, vouloir être académicien à tout prix !   Il s'y présente quatre fois ! Et c'est vrai, Victor Hugo avait une haute opinion de lui-même ou  comme on le dit en pays lozérien : "Il ne se prenait pas pour la queue d'une cerise !". ( Aparté : J'adore cette expression.)

 Mais en même temps, on peut dire qu'il n'avait pas tort ! D'une intelligence supérieure, doté d'une mémoire phénoménale, son érudition n'avait pas de limites et ses talents, non plus. S'il n'avait pas été  un grand poète, romancier ou dramaturge, il aurait pu être peintre comme en témoigne ses oeuvres ou mathématicien ( il aimait les mathématiques et les jugeait indispensable pour la formation de l'esprit) ou encore helléniste, langue où il excellait. Mais, il n'était pas méprisant et, si l'on en juge par ses lettres, il était cordial envers ses collègues et portait souvent des jugements positifs sur ce qu'ils écrivaient.

 


Autre reproche, celui d’avoir changé de bord, d’abord royaliste, admirateur de Napoléon 1er, puis républicain. Or, André Maurois explique que Hugo ne s’est pas renié, n’a pas trahi ses idées mais a évolué en fonction de son âge, de la maturité acquise. Royaliste, il l’avait été dès son jeune âge sous l’influence de sa mère, bretonne et du parti chouan. Les récits de son père, officier de Napoléon, élevé à la noblesse en Espagne, ont nourri la légende de l’empereur. Mais sa conscience et sa soif de justice le portaient vers la défense des humbles et la lutte contre la misère. André Maurois montre que le budget de Hugo à Guernesey, alors qu’on lui a fait une réputation d’avarice, comportait un tiers de dépenses pour l’aide aux nécessiteux et, en particulier aux enfants. D’ailleurs, s’il a d’abord bien accueilli Bonaparte, futur Napoléon III, avant le coup d’état, c’est que celui-ci avait écrit un livre : « L’extinction du paupérisme » que Hugo crut sincère. Son refus du coup d’état et son exil font de lui un républicain et là on peut admirer son courage, sa constance dans la résistance à Napoléon le Petit et sa fidélité à ses idées. 

Plus tard, il a même accueilli dans sa maison, en Belgique, les proscrits communards pour les soustraire aux exécutions sommaires et à la répression sanglante exercée par les Versaillais, alors qu’il n’approuvait pas la violence des deux côtés. Mais il défend le droit à la justice pour tous car tout accusé a droit à un procès. 

« Toute cause perdue est un procès à instruire. Je pensais cela. Examinons avant de juger, et surtout avant de condamner, et surtout avant d’exécuter. Je ne croyais pas ce principe douteux. Il paraît que tuer tout de suite vaut mieux… » (Lettre à cinq représentants du peuple belge) 

Il ne faut pas oublier aussi ses autres titres de gloire, sa lutte contre la peine de mort, 

" Qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne. Ce sont là des faits incontestables. L’adoucissement de la pénalité est un grand et sérieux progrès. Le 18° siècle, c’est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le 19° abolira certainement la peine de mort." Discours à l’assemblée 

 ... son désir d’une création des Etats-Unis d’Europe pour résoudre les conflits pacifiquement.

" Et on entendra la France crier : «  c’est mon tour ! Allemagne me voilà ! Suis-je ton ennemie ? Non, je suis ta soeur. J’ai tout repris et je te rends tout, à une condition : c’est que nous ne ferons plus qu’un seul peuple, qu’une seule famille, qu’une seule République » (Discours sur la guerre Assemblée nationale 1871)

Quoi ? Rester fraternel, c’est être chimérique ! 

Rêver l’Europe libre autant que l’ Amérique 

Réclamer l’équité, l’examen, la raison, 

  C’est faire du nuage et du vent sa maison !(L’Année terrible) 

 

Le peuple ne s’y est pas trompé et le respect, les honneurs qu’il lui a prodigués le prouvent bien. 

Enfin,  et c'est peut-être par là que j'aurais dû commencer, il me semble que l'on doit juger un écrivain sur ce qu'il écrit, sur ses idées, sur la valeur et l'intérêt de son oeuvre et non sur sa vie privée !  Alors, au diable la  "dépanthéonisation"  !

 

 

Ceci est le deuxième livre lu pour le challenge Les épais de l'été initié par Taloiduciné chez Dasola. Il remplace le challenge de Brize que celle-ci a souhaité arrêter après 11 années. Du 21 Juin au 29 Septembre. édition Hachette 600 pages



samedi 2 septembre 2023

Bientôt, retour à la ville !

Lozère  : château du pape Urbain V

 

 


 Je suis là ! Mais j'arrive...

mardi 1 août 2023

Festival d'avignon Off 2023 : Mon festival !


 

Le festival est fini !  Voici les spectacles que j'ai vus classés de cinq à une étoile. Il se révèle que l'année 2023 était un bon cru  ! 

Ma petite-fille a vu seize spectacles parmi les 37 auxquels j'ai assisté dans le OFF. Je trouve que c'est intéressant de  voir ce qu'en pense une adolescente.  On verra que nos avis concordent parfois mais pas toujours, ce dont je me réjouis.   

Je note son avis par des émoticônes: 💚 😁 😡

COUPS DE COEUR   *****

Les Téméraires  (voir mon billet)

Yvonne (voir mon billet)

Kids !(voir mon billet)   💚

Non loin d'ici (voir mon billet)

Pour un oui ou pour un non ! (voir mon billet)

le voyage de Molière ! (voir mon billet)  💚

 Phèdre   (voir mon billet)  😡

 Le huitième ciel (voir mon billet)

 SPECTACLES ****

 Phoenix danse Hip Hop  à La Factory:  Très beau spectacle de danse où les corps des danseurs vivrent à l'unissson de la musique baroque interprété sur uen viole de gambe.

Le Moby Dick (voir mon billet)

Le malade imaginaire donne le La (voir mon billet)    💚

 Boby Lapointe De la racine à la pointe : Mise en scène inventive et fantaisiste pour  animer la fête du langage des chansons de Boby Lapointe, ses jeux de mots, et son brin de mélancolie. Un spectacle très agréable !

L'humour de Proust  (voir mon billet)

Weber à vif  (voir mon billet)

Faraekoto danse hip hop  : Le thème :  deux enfants perdus dans la forêt par leurs parents, comme Hansel et Gretel. L'un est muet, l'autre qui a des jambes en caoutchouc ne peut tenir debout (étonnante souplesse de la danseuse !).  Les deux danseurs sont excellents, la chorégaphie impressionnante, la mise en scène belle et poétique avec mapping en toile de fond montrant la forêt et le loup qui les conduira vers la sortie. Mon petit-fils Ewen  (2 an et demi) était fasciné, les adultes aussi !

 La foire de Madrid de Lope de Vega : Très agréable de voir pour la première fois en France une pièce de cet auteur espagnol du XVI siècle.  Le thème est classique : pendant la foire de Madrid, un jeune homme tombe amoureux d'une jeune femme mariée. Il faut détourner l'attention du mari ! Mise en scène enlevée, bons comédiens. Un agréable moment de théâtre !  💚


LES SPECTACLES INTERESSANTS ***

 Variations énigmatiques : Un brillant exercice de style de Eric-Emmanuel Schmit, mise en scène par Paul- Emile Fourny servis par deux bons comédiens au Chêne noir.

L'avare à la Factory, dans une mise en scène grinçante, complètement folle, étonnante, inventive, qui met en relief  la dureté, l'égoïsme du personnage et dénonce la toute puissance d'un père sur ses enfants, d'un maître sur ses valets et d'un riche sur la société. L'avarice dans toute son horreur et pourtant on rit du personnage ! Parfois, malheureusement, le texte est un peu sacrifié -  comme la scène du quiproquo "les beaux yeux de la cassette" - à l'idée de la mise en scène. Très bonne scène, hilarante, avec maître Jacques cuisinier ou cocher !   😀

les fourberies de Scapin (voir mon billet)  😀

La tempête (voir mon billet)  😄

Le secret des conteuses : Agréable rencontre (non sans humour) avec Ninon de Lenclos, Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, Madame Scarron ( la future madame de Maintenon)  pour tous ceux qui aiment la langue du XVII siècle et le raffinement des salons littéraires du siècle.

De l'ambition : Des jeunes gens, l'année du Bac et après... Leur avenir, leurs espoirs, leurs ambitions , leurs échecs. Intéressant ! Un des spectacle préférés de ma petite-fille (13 ans)  💚

Le bonheur de donner (voir mon billet)

Bestiaire végétal : une pièce pour enfants où j'ai amené Ewen, mon petit-fils de 2 ans et demi. Il a aimé. Comme le titre l'indique le bestiaire, insectes, petites bêtes, oiseaux...  sont  suggérés par des végétaux, tiges, paille, feuilles mortes, laissant libre cours à l'imagination. Un beau spectacle.

Le Barbier de Séville Beaumarchais : Le spectacle préféré de ma petite-fille (13 ans). Elle l'a vu deux fois. Interprété par de jeunes comédiens pleins d'énergie et de conviction.  💚💚

Eurydice aux enfers : Une version dans laquelle Eurydice va chercher Orphée aux Enfers mais ne vous attendez pas à une histoire classique ! Vous allez visiter les différents cercles de l'Enfer en ascenseur, y rencontrer de drôles de personnages (mention spéciale à la Mérule et son compagnon au niveau de l'invention et des costumes ) et un gentil animateur qui vous fera les honneurs de l'Enfer !

Frankenstein le cabaret des âmes : Marie Shelley écrit Frankestein devant nous ! Spectacle original.

  La peur (voir mon billet)    😡

Celle qui ne dit pas a dit : Trois femmes, des ouvrières ! L'une qui dit (autre ment appelé, la grande gueule), l'autre qui dit après et la dernière qui ne dit pas ! C'est pourtant la dernière qui, en se libérant, fera bouger les choses ! mais le théâtre du Lilas, nouveau lieu, n'est pas climatisé et j'ai bien souffert !

 

LES SPECTACLES **

L'armoire à poésie : déçue par L'armoire à poésie parce que j'en attendais autre chose ! Je pensais que la poésie s'inviterait dans ce spectacle et que le faux procès qu'on instruit contre elle  - la poésie est inutile et dangereuse parce qu'elle éloigne de la réalité et freine la réussite sociale -  serait vaincu par la beauté des vers. Il y a bien poèmes dans la pièce mais des extraits et mal dits, juste de manière allusive, à toute allure, pour faire place à une histoire d'amour. J'ai bien aimé, par contre, le décor avec le panier et les livres lumineux.

Storm : Ballet  :  Les grands ventilateurs pour suggérer  l'orage et le vent sont hideux et m'ont gênée et, en plus, dirigés vers les spectateurs, ils vous congèlent ! J'étais au premier rang, après avoir cuit au four dans les rues d'Avignon, je me suis retrouvée en Sibérie !  Ce n'est pas bien malin ! C'est dommage pour les danseurs !

Mariés sur le tarmac : Une fable écolo, une critique de la télé réalité que ma petite-fille a bien aimée et elle a bien ri. C'est une pièce amusante mais je sais que je l'oublierai vite.  💚

 Le Montespan : J'ai été déçue par ce spectacle qui a pourtant récolté des Molières. L'histoire de monsieur de Montespan est intéressante mais je n'ai pas aimé l'interprétation de deux des personnages féminins. Comme si pour "montrer" une vieille femme, il suffisait de se casser en deux et de prendre une voix éraillée et désagréable ! La comédienne qui tient tous ces rôles a eu pourtant un Molière d'interprétation. Les goûts et les couleurs ... !   😡

LES SPECTACLES  *

 Le cercle de craie caucasien :  Ennuyeux. J'aime bien Bertold Bretch, pourtant.  😡

Le jeu de l'amour et du hasard : une mise en scène comique mais qui ne rend pas la subtilité du langage, la finesse de l'analyse psychologique : Marivaux mérite mieux !  Les costumes, cet affreux tailleur-pantalon de Sylvia au début, et le décor (un bar ?) ne m'ont pas plu. Ma petite-fille a aimé parce qu'ils l'ont fait rire. C'est la première fois qu'elle voit la pièce et elle ne peut pas en entendre autant que moi, forcément ! J'étais donc heureuse que le spectacle lui ait plu.  💚

L'île des esclaves : Je ne sais si c'est le texte ou la mise en scène mais j'ai trouvé la pièce démonstrative, pesante et quand le metteur en scène, en plus, nous a expliqué ce que veut dire Marivaux et ce que lui, a voulu signifier, j'ai pensé qu'il prenait les spectateurs pour des imbéciles.   😡

dimanche 30 juillet 2023

Yvonne de Witold Gombrowicz mis en scène par le Théâtre brûler Détruire

Au théâtre de la Factory
 

« Le théâtre comme la peste est une crise qui se dénoue par la mort ou par la guérison. »
Antonin Artaud

Yvonne est laide, empotée, timide, peureuse et ennuyeuse. Et c’est par rébellion contre les lois de la nature qui recommandent aux jeunes gens de n’aimer que les filles séduisantes que le fils du Roi la prend pour fiancée. Par crainte du scandale la famille accepte les fiançailles. Mais la venue d’Yvonne à la cour devient rapidement encombrante. Sa seule présence suffit à faire tomber les masques et révèle peu à peu les monstres endormis en chacun.

A travers la force comique et destructrice du texte de W. Gombrowicz, le Théâtre Brûler Détruire accouche d’un spectacle radical et furieusement joyeux à l'esthétique puissante et ambitieuse. Un spectacle physique grave et brûlant comme une danse passionnelle entre tragédie et burlesque, sauvagerie et tendresse. Un spectacle de troupe débordant de vie, débordant du plateau. C’est l’expérience d’un théâtre cruel et drolatique, une comédie humaine ou irrévérence devient langage visuel. Car si le théâtre est incohérent, idiot, incompréhensible et violent c’est qu’il est le reflet du monde. N'est-ce pas ? Il n’y aurait entre la scène et la salle que la distance d’un objet à son image. Très proche. Vous êtes très proche.

 

Mon avis

"Elle ne parle pas, elle ne dit rien. Mais ne rien dire, ne serait-ce pas sournoisement tout insinuer ? Insupportable. Brûler détruire la mollichonne." C'est par cette phrase que le Théâtre Brûler Détruire présente la pièce du dramaturge polonais Wiltold Gombrowicz et, effectivement, que de force dans ce silence et quel déchaînement de violence il va  provoquer ! Une mention spéciale à la comédienne, Lea Lévy, qui joue le rôle d'Yvonne. Exprimer autant sans dire un mot, quel exploit !

Cette tragédie de l'absurde qui rappelle par certains aspects Ubu Roi et le théâtre de Ionesco dénonce tous les abus de pouvoir, toutes les formes de domination, celles d'un dictateur sur ses sujets, de l'homme sur la femme, du fort sur le faible, du persécuteur sur sa victime, celles de la beauté qui exclut, du groupe qui rejette la différence. Et c'est vrai que nous ne pouvons que nous sentir concernés !

Brûler, détruire, c'est effectivement, ce que fait la troupe de comédiens qui nous entraîne avec eux dans la folie, le grotesque, la cruauté et pourtant nous fait rire !  Une aventure théâtrale surprenante, ahurissante, loufoque, puissante, tragique et pourtant, - pour reprendre les mots du texte ci-dessus -, "furieusement joyeuse "!

Quelle pièce ! Quelle mise en scène  ! Quels comédiens !

La dernière pièce de "mon" Festival vue le 29 Juillet 2023 à 20H 50 ! On ne pouvait finir mieux!

 

FACTORY THEATRE
 
YVONNE
 
D'après WITOLD GOMBROWICZ
Traduction K. Jelenski & G. Serreau
Par le THÉÂTRE BRÛLER DÉTRUIRE
Mise en scène
Chloé Bourhis
Clément Le Roux
Avec
Mélissandre Archimbaud
Quentin Carpentier
Matthieu Gabanelle
Léa Levy
Clément Le Roux
Johann Poels
Création lumière
Thomas Ozeray
Scénographie
Clément Le Roux
Régie lumière
Thomas Ozeray
Régie son
Chloé Bourhis
Production
Théâtre Brûler Détruire
Avec le soutien de la Fabrique des Arts de Carcassonne Agglo.
Avec 7 nominations, Yvonne a remportée 4 prix lors de la cérémonie des Jacques 2023. Meilleur Spectacle 2023, Meilleure Actrice (Léa Levy), Meilleur Acteur (Johann Poels), Meilleure Création Lumière (Thomas Ozeray)
« Une inventivité foisonnante, j’aime la noirceur lumineuse avec laquelle ils éclairent cette pièce, elle est monstrueuse et résonne très fort aujourd’hui. »
Lionel Lingelser, Munstrum Théâtre

Non loin d'ici de John-Patrick Shanley

 



 THEATRE LES GEMEAUX

« Un Pagnol à l’Irlandaise »

Cette comédie dramatique raconte l’histoire de deux célibataires quarantenaires, Anthony et Rosemary.
Anthony a passé toute sa vie dans la ferme familiale, enfermé dans sa solitude. Rosemary, qui vit dans la ferme voisine depuis toujours, l’attend … laissant s’écouler les années éternellement.

Alors que le père d'Anthony menace de le déshériter et de vendre la ferme, le rêve de Rosemary s’effondre. Et si Anthony venait à s’envoler loin, loin d’ici ?...

Dans cette pièce, John Patrick Shanley propose une introspection, à la fois drôle et émouvante, sur nos rêves et nos désirs, enfouis sous la chape du déni et de la fuite. La remise en cause des certitudes et des peurs est douce et familière car l’histoire qui nous est présentée est à la fois proche et éloignée de notre quotidien. 

 On se rassure en se disant que c’est « non loin d’ici ». La pièce parle d'amour, de deuil et de transmission. Les personnages ressemblent à des archétypes qui, se fissurant, expriment une humanité touchante, comme dans une photo de Raymond Depardon. Ils transmettent un message d’espoir : il n’est jamais trop tard pour vivre librement. Mais pour cela il faut s’affranchir des atavismes familiaux… Et le plus tôt sera le mieux !


Mon Avis

La qualification d'un Pagnol à l'irlandaise ne me paraît pas bien choisie ! Non, le ton n'est pas celui de Pagnol et nous sommes loin de la faconde, du soleil et des mas provençaux. La pièce nous parle du froid et de la solitude, de "taiseux" qui ne savent pas exprimer pas leurs sentiments, des années qui s'écoulent avec le passage triste (mais beau) des saisons, des envies de suicide, des rêves d'évasion. 

Nous vivons en Irlande, dans des fermes isolées, nous pourrions être en Lozère sur les hautes terres... La comparaison avec le film de Raymond Depardon me paraît plus juste. 

Nous sommes dans un pays où le père est prêt à enlever la ferme à son fils parce qu'il "n'aime" pas la terre même s'il la travaille laborieusement, cette terre, et y consacre sa vie. Le ton est juste et vrai, entre émotion et humour.

La pièce est comme une petite musique douce, mélancolique, rythmée par les belles images en écran de fond, aux couleurs de l'automne, de la neige et de la floraison, en un retour qui paraît éternel ! Et on aimerait qu'ils se disent, "je t'aime ", ces deux-là, au lieu de vivre seuls, crevant de solitude, chacun dans sa maison familiale, après la mort de leurs parents. Heureusement, la pièce se termine par une jolie note d'espoir !



Un beau spectacle que j'ai beaucoup aimé et bravo aux quatre comédiens!

 

 NON LOIN D'ICI
 
Auteurs

John Patrick Shanley, Adaptation : Julie Delaurentis 

 


Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Manuel Olinger
  • Interprète(s) : Pierre Santini, Gregori Derangère, Michèle Simonnet, Julie Delaurenti
  • Lumières : Didier Brun
  • Musiques : Jean-François Farge
  • Décor : Virgile Baron
  • Costumes : Atelier Des Petites Mains
  • Régisseuse : Floriane Vaesken
  • Photos : Aurore Vinot

 

Cie Div'Art L-D-19-234

Produit par la compagnie Div'Art avec la participation de Gilles Bonamy.
Soutenu par la SPEDIDAM, Le Parc naturel régional Normandie Maine et le Conseil Départemental de l'Orne.