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mardi 2 décembre 2008

Moscow-Belgium de Christophe Van Rompaey : une agréable surprise



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Oui, c'est une agréable surprise que ce petit film belge en langue flamande, fait avec des moyens restreints et des acteurs qui, pour n'être point universellement connus, n'en sont pas moins fort bons.
Il s'agit d'une comédie douce-amère qui montre la vie d'une famille comme tout le monde, celle d'une femme  Matty, partagée entre son travail (elle est postière) et ses trois enfants. Matty vit dans un quartier populaire de Gand appelé Moscou. La quarantaine, seule - son mari, Werner, l'a quittée pour une jeunette- elle  n'a pas, on le comprend bien, envie de rire tous les jours. Finalement assez banale, mais vraie, elle n'a rien d'une héroïne glamour, avec son visage fatigué et maussade, sa vieille veste de laine, son absence de coquetterie. Et pourtant, nous allons rire, non pas d'elle mais avec elle, car elle est heureusement dotée d'un tempérament volcanique, d'un sens de la répartie assez cocasse...
La rencontre avec son "Viking", Johnny, un camionneur plus jeune qu'elle, la jalousie du mari et de l'amant, l'affrontement entre "l'intellectuel" et le "manuel ", les réparties caustiques de la fille aînée, Véra, plus mature que les adultes qu'elle observe avec ironie, les réactions des enfants toujours dirigés avec justesse, font de ce film un heureux moment de détente qui ne va pas sans gravité. Le comique sait éviter la caricature. La condition féminine y est décrite d'une manière peu réjouissante; c'est la femme qui doit s'occuper de ses enfants, en l'absence du père, et affronter les difficultés, c'est elle qui attend le retour hypothétique de l'infidèle qui ne sait même pas  repasser ses chemises,  retour qu'elle devra non à l'amour triomphant mais au désir de tranquillité de Werner, débordé, y compris sur le plan sexuel, par une maîtresse qui est presque de l'âge de sa fille.
Ces personnages de milieu modeste sont donc tout à fait authentiques.  Et il y a une certaine tendresse dans la façon dont le réalisateur Christophe Van Rompaey filme, en particulier, le personnage féminin à qui il donne  pour notre plus grand plaisir, sa revanche, sachant bien que la vie réelle n'a rien d'une comédie!
Un film  sans prétention mais réussi!
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Matty et Johnny
Véra a obligé sa mère à se vêtir plus féminement pour son rendez-vous avec Johnny, espérant rendre jaloux son père.

samedi 29 novembre 2008

Christian Bobin : La vraie beauté ne va pas…


Les lys ont tout enduré : la fumée des cigarettes, l'odeur du café, la musique à deux heures du matin. Pas facile de partager la vie d'un célibataire.

Cela dit, ils sont en pleine forme. Ils ont quitté ce côté raide qu'ils avaient au début et c'est tant mieux.

La vraie beauté ne va pas avec le solennel; la vraie beauté a toujours un je-ne-sais-quoi de nonchalant, d'abandonné, d'offert.

 

Musée haut, Musée Bas de Jean-Michel Ribes : une déception!



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Le petit bonhomme de Télérama, vous savez bien? Celui qui a une petite mèche noire dressée sur le crâne et qui  dit "bravo", "bien" "bof" "hélas"?  Et bien il arborait un petit sourire de contentement  cette semaine dans le journal et il proclamait "bien" avec satisfaction pour le film de Jean-Michel Ribes :  Musée Haut, Musée bas. Qui plus est, il y avait un énorme battage publicitaire autour de ce film..
Donc je suis allée le voir et j'ai été déçue. Certes, l'idée est bonne, montrer le musée et ses coulisses, ceux qui le font et ceux qui le visitent. Certes, il y avait matière à bons mots et à rires  soit que l'on veuille souligner le snobisme d'une intelligentsia formatée, soit que l'on souligne l'ignorance ou la naïveté des non-initiés et dans de nombreux cas la sottise des uns et des autres. Certes, aussi, l'art contemporain pouvait prêter à la critique et amener à une réflexion sur l'essence de l'art.  Encore aurait-il fallu que cela soit réalisé avec nuance et légèreté.
Par exemple, on peut ne pas aimer Gilbert and George, je le comprends très bien, mais de là à nous infliger pendant plusieurs épisodes la vision de deux cabotins affublés de costumes et de noms ridicules posant "en sculptures vivantes", c'est trop! "Malicieux" "Subtil"? pour reprendre les termes d'Aurélien Ferenczi dans Télérama... Pour ma part, je ne vois pas trop où est la subtilité! Lourd! Irrémédiablement lourd!
Quant à la scène ou ce sont les visiteurs eux-mêmes qui deviennent le sujet de l'oeuvre exposée, dont on nous parle avec admiration, oui, elle aurait pu être prétexte à la poésie comme il arrive dans une oeuvre conceptuelle réussie.  Mais là, je n'ai pas trop su si le réalisateur avait voulu souligner la "beauté"? ou le "ridicule"? de cet art. Car pour qu'il y ait poésie, il aurait fallu arrêter ces bavardages insipides et laisser l'image parler, magnifier les personnages. Ce qui n'est absolument pas le cas, ici. La parole est l'apanage du théâtre, l'image du cinéma même s'il peut y avoir, bien sûr, interférence.
Le film apparaît trop souvent comme  une succession de gags qui pourraient faire rire s'ils n'étaient pas aussi longs et répétitifs. A en crier! Quand on a vu une fois, deux fois, trois fois... le guide en train d'essayer de faire prononcer Paul Gauguin à des étrangères, quand la famille égarée n'en finit pas de chercher le parking où elle a laissé sa voiture, quand la mère s'acharne à poursuivre son fils de ses assiduités, on  finit par éprouver le même agacement et la même lassitude qu'eux et on aimerait bien que cesse leur martyre pour soulager le nôtre! Un comique lourd, vulgaire et qui aurait demandé à être traité avec plus de mesure.
Et puis il l'aspect  théâtral ou plutôt café-théâtre: la scène des mammouths par exemple pourtant interprétée par d'excellents acteurs..  Ah! Fabrice Luchini que j'apprécie tant! Qu'est-il allé faire dans cette galère! Mais il ne s'agit ni de cinéma, ni de théâtre, d'un sketch assez plat, tout au plus.
Le pire c'est que le film n'est pas nul. Il y a même des moments où l'on  rit, où l'on trouve l'idée séduisante. Ainsi le visage de Dussolier, ministre, quand il arrive à l'exposition et qu'il ne sait trop quoi en penser et son soulagement quand on lui souffle ce qu'il faut dire! La scène montre comment l'art se fabrique, comment une petite élite snobinarde peut faire et défaire des artistes sans y comprendre goutte; les discours pseudo-intellectuels qui accompagnent une certaine forme d'art sont parfois réussis aussi. De temps en temps, les mouvements des personnages, les entrées, les sorties, créent une animation bienvenue.
C'est à cause (grâce?) à ses qualités que l'on reste jusqu'à la fin partagée entre l'intérêt que l'on commence à éprouver pour une scène et l'irritation qui naît quand on la voit ratée, quand elle n'aboutit ni à une vraie réflexion sur l'art, ni à un humour vrai.

vendredi 28 novembre 2008

Utopia, Hunger de Steve Mc Queen : un film remarquable

 


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Il y avait deux beaux films  remarquables et graves à la soirée du ciné-club d'Utopia  l'autre soir, à  l'instigation des classes d'audio-visuel et de la prépa Lettres-Cinéma du Lycée Frédéric Mistral d'Avignon : La Vie Moderne de Gérard Depardon et  Hunger de Steve Mc Queen. J'ai revu  le premier avec autant de plaisir et d'attention et découvert  le second : un grand choc!
Le film de Steve Mac Queen Hunger a obtenu  la caméro d'or et le prix de la critique internationale au festival de cannes 2008. On comprend pourquoi!
Le sujet d'abord :  A la fin des années 70, les prisonniers indépendantistes irlandais entament une lutte désespérée envers le gouvernement britannique de madame Tatcher pour se faire reconnaître comme prisonniers politiques, distincts des condamnés de  droits communs.  Devant le refus de la reconnaissance de leur statut, ils décident d'une grève dites de "l'hygiène et de la couverture", refusant d'endosser la tenue disciplinaire, de se couper les cheveux, de se laver..  Puis le mouvement aboutit à une nouvelle grève de la faim. Il faudra plusieurs morts dont celle de Bobby Sands qui est le principal personnage de l'action pour que leur demande soit en partie exaucée.
Steve Mc Queeen vient de l'art contemporain; c'est un vidéaste plasticien. Dans une interview, il explique :  "J'essaie de créer une situation de zombie, ni mort ni vivant, mais conscient. (...) Je veux mettre le public dans une situation où chacun devient très sensible à lui-même, à son corps, à sa respiration."
Et c'est exactement ce qui se passe,  la construction du film absolument étonnante, nous y amenant par degrés :
La première partie nous jette dans l'enfer carcéral au milieu de ces hommes torturés, nus, avec pour seule protection une couverture sur les épaules, qui vivent dans leur déjection, tapissant, en signe de révolte, les murs de leurs excréments. La violence de cette situation qui semble ravaler l'homme au rang de la  bête est telle qu'elle provoque chez nous une réaction de répulsion physique, de froid, d'étouffement comme si nous étions enfermés avec eux dans ces geôles dignes d'un moyen-âge barbare. La mort est à l'oeuvre dans cette lente décomposition organique où mouches et asticots semblent se lancer à l'assaut des vivants. Comme eux, corps nus, violacés, allongés par terre, dans la fange, nous devenons "zombie(s)", "très sensible(s)" à notre  "corps", englué, souffrant.
" J'aime faire des films dans lesquels les gens ont le sentiment de pouvoir pratiquement prendre du sable dans leurs mains et le frotter dans leurs paumes." dit encore Steve Mc Queen. Les déchets  alimentaires et excrémentiels qui se décomposent deviennent ici matières à dessins sur les murs de la cellule, sculptures épaisses, cercles concentriques qui vibrent et semblent nous entraîner dans un mouvement qui nous aspire toujours plus profondément vers l'horreur. Car l'on sent le plasticien sous le cinéaste. Pourtant l'esthétisme n'est jamais gratuit; il est au contraire porteur de sens, de sensations, de révolte; il permet de "partager" non en spectateur, non en voyeur, mais en acteur, l'expérience terrible que vivent ces hommes. Puis, sans moment de respiration, l'irruption dans ce monde d'ombres d'un paroxysme  de la violence avec l'arrivée d'un bataillon de policiers casqués, déchaînement scandé par le bruit des matraques sur les boucliers puis sur les corps des prisonniers, suppliciés, que l'on force à se laver, dont on coupe les cheveux. Blessures, sang, meurtrissures, haine, déferlement de brutalité qui sort de l'écran, qui nous atteint comme un coup de poing! J'ai rarement vu quelque chose d'aussi "physique" au cinéma, impression liée à cette attention extrême porté aux corps meurtris. Ces images rappellent ces peintures de Christ du Moyen-âge ou de la Renaissance aux chairs criblés d'épines, mais plus encore, plus proche de nous dans le temps, l'activisme viennois qui s'attaque au corps, le mutile, en explore la souffrance. Mais alors que j'ai horreur de cet art qui tient pour moi du masochisme et du sadisme, j'ai été convaincue par Steve Mc Queen car, là encore, cette souffrance n'est pas gratuite. Le cinéaste exprime ce qui m'a paru une des plus grandes beautés du film : la résistance de l'esprit.  La grève de l'hygiène a duré quatre ans. Plus extraordinaire encore que l'horreur c'est aussi la puissance de la volonté de ces hommes... irréductible!
La deuxième partie est un arrêt brutal de la violence, une longue conversation entre Bobby Sand et un prêtre. En fait il s'agit du moment où Bobby Sand a décidé de commencer une grève de la faim qu'il mènera, non conjointement avec ses camarades mais l'un après l'autre, et qui mènera inévitablement  les premiers grévistes à la mort. La question étant de savoir combien il faudra de décès à Margaret Tatcher pour qu'elle daigne prendre leurs revendications en considération. Bobby Sander sait qu'il va mourir et le prêtre qui est de son bord émet des réserves sur ce qu'il considère comme un suicide. La discussion porte, pour ce catholique pratiquant, sur ses véritables intentions, sur sa possibilité de salut et le conforte dans son choix. Cette seconde partie se conclut donc par une avancée de l'action alors qu'elle se passe autour d'une table et est absolument statique.
La troisième partie montre la longue grève de la faim de Bobby Sand qui mourra au bout de soixante jours de souffrance. Il y a la douceur d'un des soigneurs, les prévenances des infirmiers, les gestes feutrés pour toucher son corps, la blancheur des draps. Il y a aussi le battement d'ailes des oiseaux, bruit extra-diégétique d'abord, puis leur image, un envol libre dans le ciel, quand Bobby Sand se rapprochera de la mort, il y a ce visage de petit garçon qui le regarde et qui n'est autre que lui-même, enfant, il y a l'amour de sa mère qui est auprès de lui à son dernier soupir...
La violence, ici, est toute autre. C'est celle du corps qui s'affaiblit, maigrit, se décharne, des forces qui s'amenuisent,  des organes qui font défection l'un après l'autre, de la peau qui s'ulcère. Jamais je n'aurais cru qu'une grève de la faim pouvait être aussi terrible. Il s'agit d'un martyre et qui est filmé comme tel avec amour et un profond respect. Le personnage de Bobby est interprété par Michael Fassbender, remarquable dans ce rôle et dont le corps a été utilisé par l'artiste comme une oeuvre d'art, voué au dépérissement, à la mort.
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Steve McQueen

Yasmina Khadra : Ce que le jour doit à la nuit



Ce que le jour doit à la nuit est le premier roman que je lis de Yasmina Khadra. Je sais que les avis sont partagés sur ce livre et que certains jugent que ce n’est pas le meilleur.
Le récit se déroule dans l'Algérie coloniale de 1936 à 1962 et conte l'histoire de Younes, petit garçon que son père est obligé de confier à son oncle pour le soustraire à une vie misérable dans un des quartiers les plus pauvres d'Oran, Jenane Jato. Elevé par son oncle, Mahi, pharmacien, et par sa tante Germaine, qui le prénomme Jonas, il  fait son apprentissage d'écolier à Oran.  Là, il est confronté pour la première fois au racisme anti-arabe. Après l'arrestation de son oncle suspecté d'épouser la cause des nationalistes, la famille va habiter Rio Salado, une petite ville où Jonas va grandir, se faire des amis, pour la plupart français de la même classe sociale que lui, et connaître l'amour... S'il prend conscience de l'exploitation  des algériens  pauvres à travers le personnage de Jelloul, factotum et souffre-douleur de son ami André, Jonas s'en accommode sans trop de peine. Une adolescence somme toute assez banale jusqu'au moment de la guerre d'indépendance où il devra choisir son camp.
Le roman m'a intéressée car il présente un point de vue original, celui d'un algérien d'une classe aisée. Il montre que finalement, il y avait plus d'affinités entre les français et les algériens de la bourgeoisie  qu'entre un algérien riche et un pauvre. Quand Younes-Jonas, - ses deux prénoms sont les deux facettes de son identité- doit prendre parti, il est dans la même situation que ceux qui vivent une guerre civile et qui sont déchirés par leur appartenance aux deux parties qui s'affrontent.. de même qu’il devait y avoir plus de points communs entre le petit Albert Camus et les enfants algériens des quartiers pauvres d’Alger, qu’entre lui et les riches français chez qui il  n’était pas reçu.
J'ai été moins convaincue, cependant, par la grande réconciliation finale, après la guerre, réunissant en France, Younes, ses amis français, son ennemi harki... On dirait que le ton  modéré de Yasmina Khadra gomme tout ce qui a fait l'horreur de la guerre d'Algérie, les violences dont le sujet a été tabou pendant si longtemps en France. Témoin le film de Vautier Avoir vingt ans dans les Aurès qui connut des difficultés à sa sortie en 1972 et même 25 ans après en 1997, attaqué par le Front National au festival de Tourcoing. Le style aussi du roman ne m'enthousiasme pas. Il y a un curieux mélange entre de grands passages lyriques assez faciles, qui ne me paraissent pas adaptés au sujet  .. bref! qui tombent à plat et des expression familières qui détonent dans un style qui se veut soutenu. Le roman reste cependant intéressant dans la présentation des sentiments du personnage principal qui porte comme une blessure le souvenir de son enfance et de ses parents disparus, victimes de la misère.
Il y a eu à partir d'un commentaire que j'ai fait sur ce roman dans le blog de Silouane Entre les Livres  une longue discussion non seulement sur Yasmina Khadra mais aussi sur la notion de nation algérienne.
Un des correspondants Wen Dao écrivait à  propos  de Yasmina Khadra  et du patriotisme algérien :
"Et ce Yasmina Khadra (pur produit de l’état algérien, en tant que “cadet de la révolution”) vient pleurer chez Thierry Ardisson de ne pas avoir de prix. On sait pourquoi certains écrivent. Le livre de YK n’est qu’à des années lumières de ce qui se passait à cette époque. Peut être justifie- t-il son (ses) attitude de nouveau notable. "
"Qu’on m’apporte un seul document officiel historique  attestant de l’existence d’un état ou d’une “nation” algérienne antérieur à la présence française. Qui ici peut nier le fait que la colonisation a saucissonné l’Afrique (du nord au sud) à sa guise? Ca ne s’enseigne pas? On peut en revanche, trouver nombre d’archives écrites, récits de soldats, décrets, lois ou discours politiques, en langue française attestant de la fabrication de l’Algérie après l’année 1830."
Un correspondant L'algérien réagit de cette manière :
"L’Algérie en tant que telle maintenant, est une création de l’état français malgré lui. Par le temps, ça a créé un sentiment d’appartenance à une seule nation.
Est-ce pour celà, que vous devez nier ce sentiment ? "
Longue discussion intéressante et qui dépasse le propos du livre . Je vous invite à vous y reporter.

jeudi 27 novembre 2008

Jehan Rictus : V’là l’hiver et ses dur’tés



                                           Dessin de Steinlein : Les Soliloques du Pauvre

L'hiver est arrivé.

Dimanche soir, la presse annonçait la neige dans certaines régions françaises et consacrait une émission aux sans abris, à la mortalité de ceux qui vivent dans des abris précaires ou tout simplement dans la rue, aux solutions toujours insuffisantes pour essayer de remédier à cet état de choses. De plus six français sur dix, nous dit-on, avouent avoir peur de tomber dans la précarité  à la suite de la perte de leur emploi.

Ce soir, Lundi, la presse nous informe que  le DAL (militants pour le droit au logement) est condamné à 12 000€ d'amende pour avoir installé un campement dans Paris et les Enfants de Don Quichotte se voient confisquer les tentes.

Douce France!

Je lisais justement cette après midi ce passage dans Les Soliloques du Pauvre  écrit, il y a plus d'un siècle, par Jehan Rictus (1867-1933) pour "Faire enfin dire quelque chose à quelqu'un qui serait pauvre, ce bon pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours".
Merd'! V'là l'hiver et ses dur'tés,

V'là l' moment de n' pus s' mettre à poils :

V'là qu' ceuss' qui tiennent la queue d'la poêle

Dans le Midi vont s' carapater!



V'là l' temps ousque jusqu'en Hanovre

Et d' Gibraltar au cap Gris-Nez,

Les Borgeois, l' soir vont plaind' les Pauvres

Au coin du feu... après dîner!



Et v'là l' temps ousque  dans la Presse

Entre un ou deux lanc'ments d'putains,

On va r'découvrir la Détresse,

La Purée et les Purotains!



Et faut ben qu'ceux d' la Politique

Y s' gagn't  eun' popularité!

Por, pour ça, l'moyen l' pus pratique

C'est d' chialer su' la Pauvreté.



Moi, je m' dirai : ""Quiens, gn'a du bon!"

L' jour où j' verrai les socialisses

Avec leurs  z'amis Royalisses

Tomber de faim dans l'  Palais-Bourbon.

 



                                                        Théophile Alexandre Steinlen

dimanche 23 novembre 2008

Le roman policier ethnologique : Arthur Upfield





Après Tony Hillerman et si décidément vous aimez le roman policier ethnologique lisez aussi les oeuvres de Arthur Upfiel, un écrivain anglais qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Australie, et dont Hillerman s'est inspiré pour créer son univers personnel.



        Vous partirez avec Upfield  à la découverte du bush et des aborigènes et suivrez  les enquêtes de son personnage, un policier (métis blanc et aborigène), affublé d'un nom mais aussi d'un prénom, pas toujours facile à porter ...  Napoléon Bonaparte!

Arthur Upfield est encore un auteur qui nous amène, à travers une enquête policière, à la découverte d'une civilisation aux coutumes étranges pour nous et d'un pays vaste et sauvage.


lundi 17 novembre 2008

Michel Folco : Dieu et nous seuls pouvons





                                      Une famille de bourreaux : Les Pibrac de Bellerocaille

Dieu seuls et nous  seuls  pouvons est l'orgueilleuse devise de la famille des Pibrac de Bellerocaille dans le Rouergue, bourreau ou pour mieux dire exécuteur des Hautes-Oeuvres, de père en fils pendant des générations. L'aventure commence en 1683 avec  le premier du nom, Justinien Pibrac, condamné injustement aux galères et grâcié parce qu'il accepte de devenir bourreau du baron de Bellerocaille. Elle se termine avec le dernier des leurs, Hippolyte Ier, Septième de la dynastie,  forcé d'arrêter cette profession à l'âge de 34 ans quand est votée la loi de 1870 qui réduit le nombre d'exécuteur à un par province. Hippolyte transmet, cependant "l'amour" du métier à son petit-fils, Saturnin Pibrac, qui ira exercer à Paris.

Michel Folco nous conte l'histoire avec verve et truculence. Nous apprenons une foule de détails insolites sur le bourreau au cours des siècles, l'anathème qui pèse sur les membres de sa famille, ses revenus substantiels, la façon de couper les têtes, sa conscience professionnelle, les progrès de la "coupe", l'entretien des machines, détails assez grand guignolesques mais présentés avec un humour fort divertissant. Ames sensibles, attention !

Un autre thème sous-jacent n'est pas inintéressant : la peinture des notables, des gens bien-pensants et de "bonne famille" qui ne fréquenteraient pas un bourreau, le méprisent mais réclament la tête du meurtrier, viennent assister à son supplice et sa mise à mort avec délectation comme à une fête. A force d'hypocrisie, ils finissent par nous faire préférer les bourreaux!

Un livre à lire pour  s'évader dans le temps, se dépayser,  et rire... noir!




mardi 11 novembre 2008

De Christian Bobin à Edouard Boubat : pour un brin d’herbe …

 

Mozart écrit à propos d'un de ses concertos
"C'est brillant mais ça manque de pauvreté.



Edouard Boubat

Je publie régulièrement dans Ma Librairie un Florilège de poètes que j'aime et, en particulier, des extraits du livre de Christian Bobin, Autoportrait au radiateur.
Ce journal écrit par l'auteur peu après la disparition de la femme qu'il a aimée est composé de petites notations prises au jour le jour, chacune comme un poème, où se côtoient la mort et la vie, la souffrance et la joie, la vie dans ce qu'elle a de plus petit et apparemment de plus anodin; pourtant cette somme de moments arrachés à la grisaille du quotidien composent un tout qui donne du sens et qui rattache à la vie.
 "Je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d'herbe. le monde tel qu'il va, mal, je le connais et je le subis comme vous, un peu moins que vous peut-être : dessous un brin d'herbe, on est protégé de beaucoup de choses.(...) Le désastre, je le vois. Comment ne pas le voir? Le désastre a déjà eu lieu lorque je commence à écrire. je prends des notes sur ce qui a résisté et c'est forcément du tout petit, et c'est incomparablement grand, puisque cela a résisté, puisque l'éclat du jour, un mot d'enfant ou un brin d'herbe a triomphé du pire. Je parle au nom de ces choses toutes petites. j'essaie de les entendre. je ne rêve pas d'un monde pacifié. Un tel monde serait mort. J'aime la lutte et l'affrontement comme j'aime la vie du même amour."
Or tous les livres de Christian Bobin dans la collection Folio sont illustrés - ce n'est évidemment pas un hasard -  par les photographies d'Edouard Boubat dont j'ai vu l'exposition en février 2008 à la Maison Européenne de la Photographie de Paris. L'on est frappé par les correspondances entre l'écrit de l'un, les images de l'autre.
"photographier c'est exprimer une gratitude" disait Edouard Boubat que Prévert surnommait "le photographe du bonheur" et Christian Bobin fait écho : "J'écrirai tant que j'aurai de la joie et de la surprise à écrire".

  
La beauté est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d'opposer à sa fureur une patience active.
Comme Christian Bobin, Edouard Boubat est, en effet,  à l'affût des moments de pureté et de joie, portraits d'enfant écoutant un coquillage, portraits de femme, droite, élancée,  sur la plage, regardant vers l'infini...
Petits instants sauvés du néant, éternisés par la grâce d'une photo, partout chez lui ou dans le monde, là où il témoigne de ce qui l'entoure.
Les enfants en bas âge prennent toutes les forces de ceux qui s'occupent d'eux, et, par la grâce d'un mot  ou d'un rire, ils donnent infiniment plus que tout ce qu'ils avaient pris.
L'enfance est longue, longue, longue. Après vient l'âge adulte qui dure une seconde et la seconde suivante la mort éclate, ruisselle.

jeudi 30 octobre 2008

Ed Harris : Appaloosa, un vrai western



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Avec Appaloosa nous avons enfin un vrai western et non une parodie, un vrai western qui maintient toutes les traditions et qui explore, une fois encore, le passé de l'Amérique.
Une fois encore? me direz-vous. A quoi cela peut-il servir? N'est-ce pas dépassé, désuet? Et bien non! Montaigne disait quand on lui reprochait d'imiter les anciens : "les abeilles pillottent de-cà, de-là les fleurs mais elles en font après le miel qui est tout un; ce n'est ni thym, ni marjolaine". Et bien c'est précisément ce qu'a fait Ed Haris avec Appaloosa, un film personnel qui exploite pourtant tous les codes du genre et dans lequel on peut voir maintes références cinématographiques, coups de chapeau aux Grands, Ford, Hawks, Antony Mann...
Quant au genre? je vois certains faire la grimace; un genre inférieur, pas assez intellectuel, le western? Ma foi, pour moi, il n'y a pas de mauvais ou de bon genre et ceci s'applique au film comme au livre, il y a de bons films (ou livres) et des mauvais...  Appaloosa est un bon film, agréable à visionner.
La première qualité d'un western est de montrer les grands espaces, de donner une place au paysage, d'en faire  même un  acteur de l'action. Appaloosa se déroule, en effet, dans les splendides décors naturels du Nouveau Mexique. Le chef opérateur choisi par Ed Harris a réalisé  "Danse avec les loups". Il filme des images splendides aux teintes ocres, à la lumière flamboyante, où la nature paraît toute puissante. L'image, en gros plan, d'un puma dominant du haut de la montagne une vaste plaine où avance le train est saississante : on peut y avoir le face à face de la nature sauvage et de l'homme, un symbole aussi du danger qui guette les voyageurs.
Les thèmes traditionnels du western sont bien là : Un justicier, Virgil Cole, (Ed Harris) et son adjoint, Everett Hitch (Viggo Mortensen) sont recrutés pour lutter contre Randall Bragg (Jeremy Irons), un propriétaire terrien, qui fait régner la terreur entouré de  sa bande d'assassins et de violeurs. L'histoire est donc un  prétexte à une réflexion sur la justice et le passé violent de l'Amérique où les armes font la loi.  Virgil Cole croit à ce qu'il fait, il veut rétablir la justice et ne se considère pas comme un assassin puisqu'il tue pour le "bien". Tant pis si les moyens ne sont pas toujours orthodoxes et si l'habitude de la violence le pousse au "dérapage". Son adjoint, ancien officier qui a fui l'armée, a plus de doutes et se demande s'il n'exerce pas ce  métier tout simplement pour avoir la permission de tuer! D'ailleurs la justice triomphe-t-elle dans ce pays? Tout va prouver le contraire.
Thème aussi habituel, celui de l'amitié virile mais traité ici d'une manière décalée et inattendue. Le Héros est, sans contexte Virgil Cole, interprété par Ed Harris, froid et impassible sous son chapeau noir comme un Clint Eastwood dans ses rôles de "lonesome cow boy" incarnant la justice. A côté de lui Everett Hitch, Viggo Mortensen, utilisé  avec brio, en contre-emploi, paraît effacé, en retrait, dans l'ombre de son compagnon. Cependant, l'on s'aperçoit vite  qu'il n'en est rien. C'est lui qui veille sur son ami et  ses amours, lui qui l'aide en toutes circonstances, lors des fusillades ou comme souffleur des mots que le héros ne parvient pas à maîtriser. Le personnage de Virgil Cole est d'ailleurs constamment ou presque sous le regard d'Everett, regard souvent amusé, inquiet voire attristé. Il faut dire que le film pourrait s'intituler : "le héros est fatigué" et que Ed Harris interprète ce personnage sur le déclin avec beaucoup d'humour.
Le méchant, Randall Bragg,  est incarné avec superbe par Jeremy Irons. Dans la scène où il est emprisonné, le metteur en scène traite avec subtilité la différence sociale et culturelle entre Cole, peu instruit, et Bragg issu d'un milieu supérieur (tout comme Everett Hitch), qui possède la culture et le don de la parole. La femme,(Renée Zellwegger) toujours présente dans le western, habituellement comme institutrice ou putain, est ici encore un personnage qui réserve des surprises et je vous laisse la découvrir car elle se révèle très...particulière!
Quant aux indiens, ils sont là, certes, mais ce n'est plus le moment des grandes luttes de la conquête de l'ouest. Ils se sont échappés de la réserve où ils étaient parqués et errent dans le désert, bande loqueteuse et pouilleuse, qui conservent pourtant la fierté et le sens de l'honneur du peuple Apache.
Ajoutons que les situations pleines d'humour, les dialogues souvent savoureux, font de ce film un moment de bonne humeur et de détente.
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Ed Harris et Viggo Mortensen

vendredi 24 octobre 2008

Christian Bobin : J’écris sur des fleurs… et Walt Whitman


Autoportrait au radiateur ... On n'explique pas Christian Bobin, on ne l'analyse pas, on le lit, on écoute le son de ses phrases comme une mélodie, on entend son silence et les images qu'il met au monde, on entre dans la lumière de sa prose comme dans un poème...

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Van Gogh

" A la question toujours encombrante : qu'est-ce que tu écris en ce moment, je réponds que j'écris sur des fleurs, et qu'un autre jour, je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si possible. Une tasse de café noir. Mais pour l'heure, j'ai déjà beaucoup à voir : neuf tulipes pouffant de rire dans un  vase transparent. je regarde leur tremblement sous les ailes du temps qui passe. Elles ont une manière rayonnante d'être sans défense, et j'écris cette phrase sous leur dictée.
"Ce qui fait évènement, c'est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c'est ce qui ne se protège pas de sa perte."
images.1224886320.jpg    Comment ne pas penser à  Walt Whitman?
 "Un volubilis à ma fenêtre me plaît plus que toute la métaphysique des livres."
"Je pense qu’un brin d’herbe ne compte pas moins que le labeur des étoiles..."
 article transféré de mon ancien blog Ma Librairie

mercredi 22 octobre 2008

Donald Westlake : Le Couperet (2): Michel Rocard, écrivain de roman noir?



"Il faut continuer à lire des romans" a déclaré Le Clezio, prix Nobel de littérature, le roman est un très bon moyen d'interroger le monde actuel."

Je lis aujourd'hui dans Le Monde une interview de Michel Rocard par Sylvain Besson sur la crise financière actuelle. Je ne peux m'empêcher de mettre face à face l'extrait du roman de Weslake que j'avais précédemment relevé dans : Le couperet (1) et les déclarations de Michel Rocard :

      
Extrait du Couperet de Dolnald Westlake :

"Ce sont toutes des propriétés anonymes et c'est le besoin des actionnaires qui les pousse, toutes autant qu'elles sont. Pas le produit, pas la compétence, certainement pas la réputation de l'entreprise. Les actionnaires ne s'intéressent à rien d'autre que le rendement, et cela les conduit à soutenir des cadres de direction formés à leur image... qui gèrent des entreprises dont ils se moquent éperdument, dirigent des effectifs dont la réalité humaine ne leur vient jamais à l'esprit, prennent des décisions non pas en fonction de ce qui est bon pour la compagnie, le personnel, le produit ou encore (ah!) le client, ni même pour le bien de la société de façon plus générale, mais seulement en fonction du bénéfice apporté aux actionnaires. La démocratie dans son état le plus dévoyé; on ne soutient les chefs qu'à condition qu'ils assouvissent son avidité. c'est pourquoi des firmes saines, largement bénéficiaires, riches en dividendes pour leurs actionnaires, licencient néanmoins des ouvriers par milliers : pour extirper juste quelques gouttes de plus, pour paraître juste un peu mieux aux yeux de cette bête à mille bouches qui maintient les cadres au pouvoir, avec leurs indemnités à un million de dollars, dix millions de dollards, vingt millions de dollars."
Extrait de l'interview de Michel Rocard

"Les actionnaires ont fini par considérer qu'ils étaient mal traités. Ils ne venaient pas aux assemblées générales – on en rigolait, d'ailleurs. Ça a changé quand se sont créés les fonds de pension qui regroupent des milliers, des millions d'actionnaires. Ils ont envahi toutes les assemblées, en se moquant des problèmes internes de l'entreprise, et en disant "je veux plus". Dans la foulée se créent les fonds d'investissement, plus petits mais beaucoup plus incisifs, et les fonds d'arbitrage, les hedge funds. Ces fonds ont créé une vaste pression sur les managers. Ils disaient : "Si vous ne payez pas plus, on vous vire." Puis il y a eu un mouvement plus puissant encore, celui des OPA. Celui qui ne distribue pas assez à ses actionnaires devient "opéable". Il en a résulté une externalisation formidable de la main-d'œuvre, qui a rendu précaire un quart de nos populations. Au final, cela donne une économie fatiguée, minée par la méfiance, où l'idée de fidélité à l'entreprise commence à disparaître et où la croissance ralentit."

Voir l'article complet  dans Le Monde : Propos recueillis Sylvain Besson

lundi 20 octobre 2008

Donald Westlake : Le couperet (1)



 Le couperet de Donald Westlake paru en 1997 n'a jamais été autant d'actualité qu'en cette année 2008 avec la crise économique qui secoue le monde et agite plus que jamais la menace du chômage pour les ouvriers mais aussi pour les cadres.

Le héros de Westlake, Burke Devore, est justement un cadre supérieur dans une usine de pâte à papier. Compétent, expérimenté et  pour tout dire un des meilleurs dans son domaine. Certes! mais cela ne l'empêche pas  d'être licencié et de se retrouver sur la liste des demandeurs d'emploi avec toutes les angoisses, les humiliations et les échecs qui accompagnent la quête d'un travail :  "le chômage à long terme, ça abîme tout. "

L'analyse faite par Westlake de notre société est d'une froide lucidité. Il met en nu les rouages des entreprises où seul le profit entre en jeu. Il montre la stupidité d'un système qui "jette" ses travailleurs au moment où ils sont le plus performants et pourraient produire des richesses dont profiterait le pays tout entier.

"Les actionnaires ne s'intéressent à rien d'autre que le rendement, et cela les conduit à soutenir des cadres de direction formés à leur image... qui gèrent des entreprises dont ils se moquent éperdument, dirigent des effectifs dont la réalité humaine ne leur vient jamais à l'esprit, prennent des décisions non pas en fonction de ce qui est bon pour la compagnie, le personnel, le produit ou encore (ah!) le client, ni même pour le bien de la société de façon plus générale, mais seulement en fonction du bénéfice apporté aux actionnaires."

Un vrai gâchis! Burke Devore n'a donc plus qu'une solution dans cette "démocratie dévoyée" où le couperet vous prend votre vie sans autre considération, d'appliquer la règle du jeu qui est celle des grandes entreprises  : la fin justifie les moyens. Et comme il est un des meilleurs dans sa partie mais pas le meilleur, il va lui falloir utiliser à son tour le couperet sur ses concurrents, c'est à dire se débarrasser des plus compétents. Quoi de plus moral?

"Il fut une époque où c'était considéré comme malhonnête, l'idée que la fin justifie les moyens. Mais cette époque est révolue. Nos chefs de gouvernement justifient toujours leurs actions en invoquant leurs buts. Et il n'est pas seulement un PDG qui ait commenté publiquement la vague de compressions de personnel qui balaie l'Amérique sans l'expliquer par cette idée."
On l'aura compris le couperet et les meurtres commis par Burke ne sont que la métaphore de ce que le capitalisme   dépourvu de toute morale applique à l'échelle mondiale. Burke a le bon droit pour lui.

"la fin de ce que j'accomplis, l'objectif, le but, est juste, incontestablement juste. je veux m'occuper de ma famille, je veux être un élément productif de la société (...) Comme les PDG, je n'ai rien à regretter."

Un livre politique et rébarbatif, alors? Pas du tout mais un vrai polar bien noir avec suspense et angoisse  où vous vous sentez englué dans une logique implacable comme une mouche prise dans une toile d'araignée. Pour couronner le tout, un humour grinçant et féroce, terriblement efficace.

samedi 18 octobre 2008

Utopia : Parlez-moi de la pluie d’Agnès Jaoui


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Parlez-moi de la pluie : c'était hier, dans mon cinéma préféré, Utopia, dans une des salles de ciné, à République, aménagée dans une ancienne chapelle. Les autres salles d'Utopia, à la Manutention, sont installées dans une vieille fabrique restaurée décorée d'une manière qui n'appartient qu'à Utopia, de tableaux rococos, de petits anges dorés. A l'entrée pend la tête d'un cerf qui aurait été tué pendant les chasses de Giscard D'Estaing ... et j'en passe. Voilà pour le décor.
Le film de Jaoui? Des passages amusants servis par de bons dialogues et des acteurs bien dirigés qui les mettent en valeur. Ce sont les principaux atouts du film.

Parlez-moi de la pluie

Le scénario de Jaoui-Bacri m'a semblé construit comme une succession de scènes dialoguées où la parole est omniprésente. Les deux scénaristes viennent du théâtre. Ils savent montrer des situations drôles, des gens de milieux différents qui parlent juste et avec naturel. J'ai bien aimé, par exemple, la scène chez l'agriculteur qui se met en colère contre les technocrates de Bruxelles et leur reproche même la pluie incessante. La tête d'Agnès Jaoui, en politicienne débutante et accablée qui découvre les aléas du métier, est réjouissante. Celle aussi de Jamel Debouzze pendant le rituel chrétien du baptême mené par un prêtre à l'accent pagnolesque n'est pas mal non plus! J'ai aimé aussi les relations épidermiques entre les deux soeurs qui prouvent que l'on n'est jamais vraiment guéri de son enfance, ou ceux entre la femme de ménage d'origine maghrébine et ses patronnes...
En fait, beaucoup de thèmes intéressants sont abordés ici : celui du féminisme et de la politique, celui des rapports d'un père divorcé avec le fils dont il n'a pas la garde, celui de la fragilité des êtres au-delà des apparences, celui de l'échec aussi bien amoureux que professionnel lié à une dévalorisation de soi-même...
Ce que je n'ai pas aimé? A mon avis, le film manque de rythme.L'image est sacrifiée à la parole, elle n'est jamais signifiante. La réalisatrice filme chaque action comme si elle se déroulait sur une scène, dans un lieu théâtral. Les personnages sont d'ailleurs très statiques, assis sur une chaise, dans un jardin ou une pièce. Même les paysages extérieurs, les Alpilles, ou la ville d'Avignon avec le palais des papes sont traités seulement comme des décors. On a l'impression d'être devant une pièce de théâtre filmée plutôt que dans un film.
Malgré ces réticences, le film reste un divertissement agréable.