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samedi 20 août 2011

Tom Wolfe : Un Homme, un vrai


Tom Wolfe a dit de lui-même qu'il voulait être "le greffier du siècle" et il s'appuie pour cela sur un énorme travail de documentation. Avec son roman paru en mai 2000 sous le titre "A man in full" traduit par : "un Homme, un vrai", il rédige donc un roman réaliste à la Zola, écrivain qu'il admire et dont il a parfois les outrances mais aussi le talent, une oeuvre pourtant bien ancrée dans notre temps.
Ici, c'est la ville d'Atlanta et sa population dont Tom Wolfe dresse les actes en "greffier" méthodique. Le tableau de cette ville du Sud, marquée par son passé malgré son gigantesque effort de modernisme et sa volonté évidente de concurrencer New York au niveau culturel et économique, est minutieusement brossé. Nous sommes amenés à visiter la ville, des plus basses couches sociales aux plus hautes, des zones les plus déshéritées où survit une population noire adonnée à la misère, la drogue et la violence aux beaux quartiers habités par les Blancs et dont le luxe défie l'imagination. Et ce clivage toujours existant entre les noirs plus nombreux (le maire est noir) et les blancs minoritaires mais qui possèdent l'argent, crée une situation explosive... Et donc, sur le point d'exploser, en effet, quand Le footballeur noir, Fareek Fanon, est accusé d'avoir violé une fille blanche de la haute société.
Le personnage central est Charlie Croker, d'origine modeste, promoteur immobilier de génie, devenu une des plus grandes fortunes de la ville mais que sa mégalomanie accule à la faillite, personnage fascinant d'une puissance extraordinaire, à la fois charismatique et odieux, arriviste et vulgaire, patron exploiteur qui licencie ses ouvriers sans aucun état d'âme, incarnant dans toute son horreur les relents du passé esclavagiste de la ville, machiste, homophobe, antisémite... et pourtant incontestablement courageux. C'est à lui que l'on va proposer ce marché : témoigner en faveur de Fareek Fanon ou perdre sa fortune.
Tout autour de lui gravite une foule de personnages principaux ou secondaires dont l'histoire nous est contée dans des chapitres parallèles selon le procédé cher à Tom Wolfe .
Il y a Inman Armholster, l'homme le plus riche et le plus en vue d'Atlanta, Roger II White (Roger Too White comme l'appelle ses camarades), avocat noir à qui ses frères de race reprochent d'être trop "beige", Wess Jordan, le maire de la ville qui a perdu ses illusions (et son honnêteté) quant à la politique, Raymond Peepgass, cadre secondaire d'une des grandes banques d'Atlanta, brûlant de prendre sa revanche sur les grands de ce monde, Harry Zale, collègue de Peepgass... Tout un peuple de vautours prêts à fondre sur leur proie dès qu'ils sentent une faiblesse chez elle et une occasion de gagner de l'argent sur son dos.
Enfin, vient Conrad Hansley, qui est le seul véritable être humain de ce roman finalement très pessimiste car il décrit des rapports humains qui ne sont régis que par l'argent, une société où l'amitié n'existe pas, où seule la position sociale a de l'importance.
Victime de Charlie qui le licencie de l'usine de congélation où il travaillait, Conrad va se retrouver en prison. C'est là qu'il s'efforce de rester un homme parmi des brutes sanguinaires qui ont perdu tout sens des valeurs et qui sont dressés pour le meurtre et le viol. Paradoxalement, c'est un livre sur les stoïciens qui va sauver Conrad et c'est avec Epictète que le jeune homme trouve la force de résistance nécessaire. Au milieu de cet enfer, la voix de ce grec venu d'au-delà des siècles retentit dans sa cellule d'une façon étrangement moderne. Et ces propos infiniment beaux guident le jeune homme qui est à mon avis celui qui donne le titre au roman : Un Homme, un vrai.
Je sais que mon interprétation est très personnelle et va à contre courant des critiques qui pensent que le titre fait référence à Charlie et à son attitude finale. Pour moi, le revirement de Charlie ne suffit pas à faire de lui "a man in full" et à effacer ce qu'il est réellement. D'ailleurs sa personnalité n'a pas changé puisque l'on apprendra, dans l'épilogue, qu'il se débrouille encore à faire de l'argent avec le discours d'Epictète. Non, l'homme véritable, c'est Conrad, celui qui a le courage d'affronter les pires conditions de travail dans l'entreprise de Charlie Croker pour nourrir sa famille, celui qui préfère être envoyé en prison plutôt que de plaider coupable alors qu'il est innocent, le seul qui se porte au secours du prisonnier violé par une brute, celui qui essaie toujours d'être en accord avec sa conscience.
Si parfois Tom Wolfe m'apparaît comme un peu lourd quand il veut faire passer certaines idées, je pense qu'il possède un réel talent dans l'art de construire un univers, de faire s'entrecroiser les fils de vies qui nous paraissent toutes non seulement crédibles mais aussi passionnantes.
Certes sa conception du roman est traditionnelle mais elle est pleinement réussie. A travers cet ouvrage, la société américaine est violemment mise en cause, avec ses monstrueuses inégalités, le racisme latent ou refoulé toujours prêt à refaire surface, le capitalisme sauvage qui foule aux pieds l'individu, les milieux financiers d'une âpreté impitoyable.
De plus, Tom Wolfe a l'art de peindre certaines scènes avec une telle puissance d'évocation que j'ai été complètement captivée, incapable de me décrocher de ma lecture. Je pense, entre autres, à la description du travail dans l'unité de congélation qui apparaît comme une antichambre de l'enfer ou aux scènes de délire collectif qui ont lieu la nuit dans la prison de Santa Rita.
Un bon roman dont la lecture est vraiment prenante et qui rend compte d'une réalité américaine bien loin de l'image édifiante que l'on veut nous en donner aujourd'hui.

Les plumes de l'été chez Asphodèle



Je suis toujours en vacances jusqu'au début Septembre  et je  n'ai toujours pas internet.  Je programme donc mon texte commançant par des mots en G.
GIRAUMON – GAMBADER – GARAGE – GIVRE – GARGOUILLE – GAMBIT – GALOP – GABARIT – GLORIOLE – GALIPETTE (S) – GALLINACÉ – GRILLE – GLAND – GROTESQUE – GEMIR – GOURMAND – GODILLOT – GRAVE – GRILLON – GALIMATIAS – GIROFLE –


La ronde des mots en G

Garage, Gabarit, Grillon
déclinent leur identité,
Gambit, Godillot, Giraumon
Chantent les mots en G

Quant à moi, grotesque gargouille
de mes yeux  de gallinacé
semblables aux glands d'un chêne altier
Du haut des tours de Notre-Dame
Je vous regarde gambader.

Des galipettes dans l'herbette
Des girofles et des giroflées

Vous qui aimez tant la gloriole
Au grand galop vous avancez
Gourmands de paroles et d'ivresse
 de galimatias, de promesses

Mais quand le givre sur vos têtes
Grave, vous a blanchi le chef
Derrière la grille du Temps
C'est alors que vous gémissez!

Fini galipettes dans l'herbe
Fini girofle et  giroflées

Garage, Gabarit, Grillon
déclinent leur identité,
Gambit, Godillot, Giraumon
pleurent les mots en G.


 Jeu d'écriture d'Asphodèle

vendredi 19 août 2011

Milan Kundera : L’ignorance



L'ignorance met en scène deux émigrés d'origine tchèque, l'une, Iréna, installée à Paris, l'autre, Josef, au Danemark. Tous deux se retrouvent dans l'avion qui va les ramener à Prague après vingt ans d'exil. Dans cette Tchéquie post-communiste, ils partent à la recherche de leur passé respectif, de leur famille, de leurs amis et de leurs souvenirs.
C'est le thème du Grand Retour à la manière d'Ulysse qui lui aussi pendant vingt ans n'a eu de cesse de regagner Ithaque et de retrouver Pénéloppe, le thème de la nostalgie glorifiée par Homère mais qui, somme toute, nous dit Milan Kundera, se révèle bien décevante car il est impossible de faire revivre le passé
"On ne comprendra rien à la vie humaine si on persiste à escamoter la première de toutes les évidences : une réalité telle qu'elle était quand elle n'est plus, sa restitution est impossible."
La mémoire est incapable de ressusciter le passé car elle n'a pas de dimension temporelle. Elle est figée sur des images immobiles qui ne se déroulent pas puisqu'elles n'ont pas la durée. C'est en vain, par exemple, que Josef va essayer de faire revivre les souvenirs de sa femme disparue.
Le roman de Kundera nous livre donc une réflexion sur la mémoire humaine pour en constater la pauvreté.
"Elle n'est capable de retenir du passé qu'une misérable petite parcelette sans que personne ne sache pourquoi justement celle-ci et non pas une autre, ce choix, chez chacun de nous, se faisant mystérieusement, hors de notre volonté et de nos intérêts"
Ainsi Iréna se souvient très bien de Josef qui était amoureux d'elle et à qui elle a renoncé pour épouser son fiancé, Martin, dont elle maintenant veuve. Elle a toujours eu l'impression d'être passée à côté du grand amour. Josef, lui, ne se souvient pas du nom d'Iréna même s'il feint le contraire par politesse d'abord et peut-être aussi par calcul, plus tard, pour mieux la mettre dans son lit. Comment expliquer ses particularités de la mémoire?
"L'un se souvient de l'autre plus que celui-ci ne se souvient de lui; d'abord parce que la capacité de la mémoire diffère d'un individu à l'autre(....) mais aussi parce qu'ils n'ont pas l'un pour l'autre la même importance.
Le retour d'Iréna et de Josef dans leur pays natal est donc un échec et ils vont de même échouer dans la tentative de nouer entre eux des liens amoureux. Chacun retournera dans son pays d'accueil avec la certitude d'avoir été floué. C'est ce qu'a dû éprouver Ulysse en rentrant auprès des siens.
Alors de quoi peut-on être certain? Cerainement pas de l'avenir qui se dérobe à nous :
 Toutes les prévisions se trompent, c'est l'une des rares certitudes qu'il a été données à l'homme. Mais si elle se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir mais sur leur temps présent; Pendant ce que j'appelle la première vingtennie (entre 1918 et 1938) les Tchèques ont pensé que leur République avait devant elle un infini. Ils se trompaient mais, justement parce qu'ils se trompaient, ils ont vécu ces années dans une joie qui a fait fleurir leurs arts comme jamais auparavant. Après l'invasion russe, n'ayant pas la moindre idée de la fin prochaine du communisme, de nouveau ils se sont imaginé habiter un infini et ce n'est pas la souffrance de leur vie réelle mais la valeur de leur avenir qui a pompé leurs forces, étouffé leur courage et rendu cette troisième vingtennie si lâche, si misérable.
Donc le présent est tout aussi difficile à appréhender que l'avenir.
L'homme ne peut être sûr que du moment présent. Mais est-ce bien vrai? Peut-il vraiment le connaître, le présent? est-il capable de le juger? Bien sûr que non. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine?
Ainsi, au final, la seule certitude que nous puissions avoir est celle de notre ignorance à propos du monde qui nous entoure et de ce que nous sommes.
Je viens de noter ici ce que le roman -du moins tel que je l'ai compris et reçu- signifie pour moi; maintenant, il y a ce que j'ai ressenti. Les deux livres de Milan Kundera dont je parle dans ce blog La Plaisanterie et l'Ignorance sont riches à analyser, on a l'impression de ne pas arriver à les saisir dans leur intégralité, c'est donc un plaisir pour l'intelligence; mais pas un plaisir pour les sentiments. Le pessimisme de Kundera est tel que je referme toujours ses romans avec le moral en berne. Les personnages sont affectivement desséchés, ils n'ont aucune chance d'être heureux, de trouver un sens à leur vie. Les rapports humains oscillent entre l'indifférence ou l'égoïsme, l'envie ou la haine. Les rapports amoureux sont fichus d'avance. Les femmes, parfois, veulent y croire, sont plus sincères, mais en vain. Elles apparaissent souvent comme des victimes des hommes, ceux-ci étant particulièrement odieux. Tous sont des êtres tourmentés, enfermés en eux-mêmes, dans un monde qui n'a rien à envier à l'enfer dantesque.

jeudi 18 août 2011

Alberto Manguel : Dans la forêt du miroir

Alice et le lapin blanc John Tiennel


Imaginer, ce n'est pas mentir. Imaginer, c'est quand on raconte une histoire vraie mais on sait qu'elle est fausse me dit mon petit-neveu qui a cinq ans. Un mot d'enfant?


Oui! Mais voilà ce que je lis Dans la forêt du miroir*: Essais sur les mots et sur le monde d'Alberto Manguel et ce sera la citation de ce jeudi :

Les enfants savent ce que la plupart des adultes ont oublié, que la réalité, c'est tout ce qui nous paraît réel. Que bien qu'on ne puisse nier le monde extérieur (ainsi que l'a démontré le Dr Johnson en frappant du pied une pierre), on peut par un éclairage et un arrangement nouveaux lui donner la signification que nous voulons.
*lecture en cours
la citation du jeudi initiée par Chiffonnette.

mercredi 17 août 2011

Comment peut-on être français? de Chahdortt Djavann



 Après La Muette  de Chahdorrt Djavann, écrivaine iranienne, réfugiée en France depuis 1993, voici 
Comment peut-on être français? Ce roman en partie autobiographique raconte l'histoire d'une jeune iranienne, Roxane,  arrivant à Paris pour fuir son passé et le fanatisme religieux de son pays.


Le roman débute comme un conte et finit en tragédie dans un glissement progressif vers la tristesse et la noirceur.
C'est d'abord l'arrivée de la jeune femme et sa découverte de Paris. Elle  se sent heureuse devant tant de beauté, exaltée de se sentir si libre, de pouvoir aller tête nue dans les rues de Paris sans être sous la surveillance de la police des moeurs ou sans craindre le harcèlement et la lubricité habituels des hommes de son pays. Paris, c'est d'abord pour elle, ces grands hommes qui se nomment Hugo, Molière, Voltaire, Balzac... Paris, ses monuments historiques, ses promenades au bord du fleuve,"l'or de toitures et des statues, les reflets de la ville dans la Seine", Paris et l'abondance de ses cafés, des bistros, des restaurants, Paris et ses supermarchés  regorgeant  de marchandises qui consacrent définitivement la différence entre le tiers monde et les autres pays .
"Pour Roxane qui avait rêvé des années de cette contrée magique, qui pour y arriver avait attendu des années et traversé des frontières à pied, ça n'allait pas de soi qu'il y eût des gens qui vivaient depuis toujours à Paris, des gens qui étaient nés à Paris. Une évidence si évidente était l'étrangeté la plus étrange qui fût pour Roxane.
Comment peut-on naître à Paris?"
Puis la jeune femme se trouve aux prises aux difficultés rencontrées par les immigrés.  Une vie étriquée dans une chambre de bonne de 10m2, des petits boulots qu'elle doit multiplier pour gagner seulement de quoi survivre. Elle découvre un art de vivre léger et agréable qui lui est refusé par manque de moyen financier et aussi parce qu'elle est marquée par une éducation qui  lui refuse le droit d'être heureuse :
"Qu'y a-t-il de mal, après tout, à vouloir jouir de l'existence? La misère, que je sache, n'est pas une vertu, mais un malheur. Les tartuffes qui font de la misère vertu pensent surtout à la vertu des autres et savent quant à eux se protéger de la misère."
Roxane s'attaque à l'apprentissage de la langue française qu'elle aime mais qui lui échappe car elle voudrait la vivre par l'intérieur comme si elle était française, pour oublier son passé iranien. Ses difficultés, ses doutes, l'angoissent et la rongent inexorablement. On ne peut se renier soi-même sous peine de se perdre.  Des allers-retours  par le souvenir entre la France et l'Iran, entre présent et passé  révèlent peu à peu le vécu  la jeune femme.  Ainsi au style allègre, humoristique du début  a succédé un  ton grave désespéré  : "je courais en avant pour fuir mon passé, mais il courait plus vite que moi, il m'a rattrapée."
Et pourtant, elle aime la France et surtout Paris  "Mon coeur est à Paris. C'est à Paris que je peux vivre. ". Mais ce qui lui pèse le plus dans notre pays, ce n'est pas le manque d'argent mais la solitude :
"Pour pleins de bonnes intentions qu'ils soient, beaucoup de français manquent d'attention et vous pouvez dépérir à côté d'eux, vous consumer à petit feu et glisser insensiblement à la dernière extrémité sans qu'ils s'en aperçoivent, vous gratifiant imperturbablement le matin d'un "ça va?" sans curiosité et le soir d'un "salut!" sans attente, trop préoccupés d'eux-mêmes ou trop accablés de soucis."
Au cours de ses études, elle rencontre Montesquieu et les Lettres Persanes. Ce texte est une révélation et elle décide d'écrire à l'auteur comme au seul ami qu'elle ait en France. Le prétexte des lettres est une dénonciation du totalitarisme religieux et de la violence qui est faite aux femmes en Iran. Le comment peut-on être persan? de l'un renvoie donc au comment peut-on être français? de l'autre. Comme Charles de Montesquieu critiquaient les persans pour mieux juger de la société française de l'époque, Roxane critique les français pour mieux s'attaquer au manque de liberté de la société iranienne. Ainsi les jeunes filles ou jeunes gens peuvent être arrêtés et emprisonnés pour indécence.
 "Les attitudes coupables sont en règle générale : une mèche de cheveux de la jeune femme qui dépasse, le maquillage de la jeune femme, le rire de la jeune femme en plein milieu d'une rue, car en pays d'islam la voix de la femme doit se faire discrète, l'échange d'un regard amoureux entre les  jeunes  mariés surpris par  l'oeil attentif d'un passdaran, ou encore le fait que les jeunes mariés aient eu la vulgaire idée occidentale de se donner la main."
"Bien que tout soit interdit dans ce pays, tout y est possible. La bourgeoisie petite ou grande, les riches nouveaux ou anciens boivent de l'alcool, baisent sans être mariés (mais sans jamais l'avouer), regardent les dvd et les chaînes câblées, font des fêtes ou hommes et femmes dansent ensemble. Dans les quartiers pauvres, cent fois plus nombreux et cent fois plus peuplés, la prostitution , l'héroïne, les trafics de tout genre, les viols de tout genre et surtout le viol des fillettes font des ravages."
Toutes les lettres de Roxane ne sont pas rédigées de la même manière même si elle s'identifie constamment à la Roxane des Lettres persanes. Elle a parfois le ton naïf d'une petite fille, s'excusant de ses fautes d'orthographe. Il ne faut pas oublier que la plume est  supposée tenue par une étudiante modeste s'adressant à un grand philosophe. Mais elles prennent bien vite un ton très juste lorsqu'elle parle de notre société de consommation, de l'égoïsme et de  l'individualisme du monde occidental. Et elles empruntent le style du pamphlet, révoltée et âpre, quand elle parle du régime des mollahs, et de la condition de la femme en Iran, des malheurs du peuple iranien.
Je pense qu'aucun lecteur ne peut rester indifférent aux propos de  l'écrivain.

Article publié de mon ancien blog Ma librairie vers  celui-ci.

mardi 16 août 2011

Gens de Dublin : James Joyce et John Huston

Le  film de John Huston : Gens de Dublin est l'adaptation de la célèbre nouvelle de James Joyce, la dernière du recueil, dont le titre anglais est : The Dead, Les Morts.
Dans leur vieille maison, deux vieilles dames, tante Kate, tante Julia et leur nièce Marie Jane, professeur de piano, reçoivent leurs parents, amis et élèves pour la fête de l'Epiphanie. La soirée en apparence festive, au cours de laquelle bals, musique, chants, repas, propos mondains se succèdent joyeusement, laisse pourtant dès le début entrevoir quelques fêlures révélant la fin d'une époque, la disparition d'un monde qui refuse d'évoluer.
En effet, dans cette société policée où les conversations sont superficielles et convenues, Freddy Malins, alcoolique, dont tous redoutent les éclats, introduit une note dissonante avec des propos jugés de mauvais goût. Il y aussi Miss Ivors, patriote irlandaise, farouche indépendantiste, qui part avant le repas pour assister à une réunion politique. Et puis Gabriel, le neveu, l'homme de la maison, chargé de découper l'oie, de prononcer le discours d'usage, apparemment en accord avec cette société, mais que l'on sent brimé dans ses aspirations, étouffé dans ses désirs d'un ailleurs. Enfin, sa femme, Gretta, qui semble traîner une mélancolie et une insatisfaction inavouées. A l'issue de cette soirée pourtant réussie, une chanson traditionnelle irlandaise The Lass of Aughrim La fille d'Aughrim, chantée par un des visiteurs, ténor lyrique, va être révélatrice des sentiments que Gretta n'a cessé d'éprouver pour un jeune homme mort à dix sept ans par amour pour elle.  Gabriel prend conscience  alors qu'il est passé à côté de sa femme sans la comprendre, à côté de l'amour aussi, que sa vie n'a été que convention. Suit une méditation sur la mort au rythme de la neige qui tombe sans cesse et semble s'épandre faiblement sur tout l'univers comme à la venue de la dernière heure sur tous les vivants et les morts.
Notons pourtant que cette méditation sur la mort n'est pas exempte d'humour sous la satire et malgré la tristesse. Huston, comme Joyce, éprouve de l'amour pour ces personnages, une tendresse qui nous met en empathie avec eux et nous fait sourire, amusés. La scène où tante Kate, par exemple, s'énerve contre le pape qui a interdit aux femmes de participer aux choeurs dans les églises, celle où les deux vieilles dames et leur nièce, émues, pleurent en écoutant le discours de leur neveu sont réussies. Tous les acteurs principaux et secondaires sont par ailleurs excellents.


Film de John Huston


Huston, amateur de littérature, grand admirateur de Joyce, apporte à la nouvelle son point de vue, sa parfaite maîtrise cinématographique et son talent dans un film où l'image, le mouvement, le son, ne sont jamais purement esthétiques mais porteurs de sens.
Si cette adaptation brillante est très fidèle à l'auteur, elle est pourtant très personnelle. En effet,  le cinéaste a porté cette oeuvre très longtemps en lui, toute sa vie, il a voulu l'adapter. Or, c'est juste avant sa mort, en Février 1987, quand il se sait condamné, sous respiration artificielle et en fauteuil roulant, qu'il va réaliser ce qui sera son dernier film. Et il signe ici une oeuvre admirable.
Admirable d'abord dans la présentation des personnages, dans l'art de la caméra de nous révéler la vérité de chacun sous les apparences et ceci avec finesse, sans jamais appuyer, par un regard, une expression, un geste de la main. Par le mouvement aussi : les personnages passent d'un pièce à l'autre comme s'ils ne voulaient pas se laisser saisir, pour échapper aux conventions, au regard de l'autre; au cours d'une danse, d'une quadrille, ils se fuient et se rejoignent échangeant des propos aigre-doux par dessus la tête des autres danseurs; enfin, moment sublime entre tous, la caméra quitte le visage de la tante Julia en train de chanter un air de Bellini :  Parée pour les noces, monte les escaliers, pénètre dans la chambre de la vieille dame, effleure les objets qui s'y trouvent, vieilles photographies, bible et rosaire, bibelots de porcelaine fragiles, qui résument la vie de la vieille dame. L'air surannée chantée par cette voix chevrotante accompagne la vision de ces images du passé annonçant la mort prochaine.
A plusieurs reprises, le cinéaste nous surprend et provoque une émotion profonde en jouant sur le son et l'image. Je pense à la voix off qui chante The Lass of Aughrim; la caméra se fixe alors sur Gretta qui descend l'escalier lentement, subjuguée par la chanson, elle oscille entre la jeune femme et Gabriel au pied de l'escalier : regard triste de Gretta vers l'étage supérieur d'où provient la voix du ténor, regard de Gabriel sur sa femme figée dans l'attente, regards qui ne se rencontrent jamais et  montrent l'incompréhension entre les deux époux. Enfin et surtout au dénouement lorsque la voix off  de Gabriel exprimant ses pensées intérieures s'élève et se déroule (le texte est magnifiquement dit) sur les images de paysages noyés dans la nuit, de ruines et de cimetières lentement recouverts par la neige.

lundi 15 août 2011

Arni Thorarinsson : Le dresseur d’insectes


Après la lecture des romans d'Arnaldur Indridasson, écrivain islandais, que j'aime beaucoup,(la femme en vert, l'homme du  lac, la cité des jarres ) j'avais très envie de découvrir son compatriote Arni Thorarinsson.
Le Dresseur d'insectes est le second roman de cet auteur après Le Temps de la Sorcière que je n'ai pas lu. Les deux livres présentent le personnage principal, Einar, correspondant local du Journal du soir à Akureyi et peuvent être lus séparément car des allusions à l'ouvrage précédent nous apprennent des bribes du passé d'Einar, de sa fille Gunnsa et son petit ami Rabbi.
Dans ce roman Einar va être entraîné dans une enquête  qu'il mènera avec et en parallèle avec la police. Il s'agit du meurtre de Pandora, une jeune fille retrouvée dans un maison "hantée", meurtre signalée par une vieille femme, Victoria, sorte de clocharde alcoolique qui traîne derrière elle un lourd passé  et qui semble avoir pris le journaliste comme confident. Avant qu'elle ait eu le temps de démasquer les assassins de Pandora, Victoria est assassinée dans une clinique de désintoxication où elle s'est retirée. C'est à Einar qu'il revient la tâche de démasquer les coupables.
Le roman présente des qualités, la première consistant dans la présentation de la société islandaise qui n'est pas  tout à fait rose. C'est un euphémisme! La description de la grande fête  des commerçants de Akureyri  qui draîne une foule immense venu de tous les coins du pays dans cette petite ville provinciale est, en effet, une occasion pour Ani Thorarinsson de dénoncer la montée de la violence, du racisme, de la corruption, le règne de l'argent, les méfaits de la drogue et de l'alcoolisme  en Islande. Il rejoint Arnaldur Indridasson dans la peinture pessimiste qu'il dresse de cette société qui se durcit, perd tous repères, toutes ses valeurs.
De plus le style de l'écrivain nous réserve de bonnes surprises, des passages forts avec un art certain pour les formules percutantes. Ainsi en référence à la chanson des Kinks, Victoria :
Long ago life was clean /Sex was bad and obscene  (...)/Victoria was my queeen
Il écrit :  L'ancienne société décrite par Ray Davies a depuis longtemps disparu. Je me demande par quoi elle a été remplacée.  Docteur Jekkill ne brime plus Mister Hyde, c'est Mister Hyde qui brime docteur Jekill.
De plus il utilise l'humour, la dérision,  notamment quand il voit vivre sa fille de seize ans, qui  ne cesse de le dérouter et sur laquelle il exerce une autorité défaillante :
"La pire chose qui soit arrivée à l'humanité est la decouverte de l'adolescent" affirmait mon professeur d'anglais au lycée (... ) Ce professeur d'anglais n'était évidemment q'un foutu réac. Pour ma part, j'ai toujours éprouvé plus de symptathie envers les rejetons qu'envers leurs parents. La lutte des adolescents pour leur indépendance devint une menace pour les parents qui perdirent tout pouvoir et considérèrent bientôt qu'il n'existait qu'une seule chose plus difficile que d'élever un enfant : parvenir à se montrer exemplaire. (p 290)  :
 ... où quand il prend en charge le jeune photographe du journal, Agust Orn,  neveu du commissaire, un adolescent à principes (un peu trop!), revêche et malheureux,  et qu'il règle avec maestria les problèmes de l'adolescent avec sa mère.
Comment se fait-il donc, que malgré toutes ces qualités, je n'ai pas entièrement adhéré à ce  roman?
D'habitude, dans un bon roman policier, je n'apprécie pas outre mesure les histoires de psychopathes, de meurtres en série, les détails violents et sordides qui sont censés faire frissonner comme nous en servent Fred Vargas et Henning Mankell. Pourtant ces écrivains figurent parmi mes auteurs préférés de romans policiers au même titre que Arnaldur Idrindasson auquel je peux encore rajouter Jean Claude Izzo et dans un tout autre style Tony Hillerman. C'est que je suis surtout sensible au style, à  l'univers de ces auteurs, à l'atmosphère qui s'en dégage, aux personnages attachants et complexes, que nous voyons évoluer au fil des ans, et à  l'humour (celui de Fred Vargas, en particulier, que j'adore). En fait, ce n'est pas l'intrigue qui m'importe le plus!
Mais dans Le dresseur d'insectes, je n'ai pas été complètement séduites par les personnages qui n'ont pas assez d'épaisseur, qui paraissent un peu stéréotypés, fixés une fois pour toutes par quelques termes qui semblent les résumer.  Il n'y a pas les nuances et la finesse d'analyse que je trouve chez les écrivains précités, ni l'évolution psychologique au fur et à mesure de l'action.  Et de ce fait, l'intrigue va dominer et comme elle ne m'a pas passionnée, la lecture du roman m'a parfois déçue. Le récit s'étire inutilement sans que l'on n'apprenne rien de nouveau. On sent trop  le travail de l'auteur qui recule sans cesse le moment de nous révéler des indices car le roman serait terminé. Par exemple, dans le centre de désintoxication, le journaliste s'en va sous un prétexte peu convaincant, après avoir glané quelques renseignements; on a l'impression que ce passage est placé là simplement pour décrire en quoi consiste une cure mais au détriment de l'action et aussi de l'atmosphère qui manque de magie.  Du coup, il aurait mieux valu un roman plus court mais plus dense.
En résumé, si j'ai été sensible aux qualités certaines du livre, je ne suis pas encore convaincue; reste à voir comment l'écrivain et ses personnages évolueront dans les prochains ouvrages.

dimanche 14 août 2011

Gérard de Nerval, Fantaisie


John William Waterhouse


Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C'est sous Louis-Treize... - et je crois voir s'étendre
Un côteau vert que le couchant jaunit;

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.

Puis un dame, en sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens
Que, dans une autre existence, peut-être,
J'ai déjà vue - et dont je me souviens!

Poème publié de mon ancien blog  au nouveau


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :
 
 

samedi 13 août 2011

Les plumes de l'été chez Asphodèle


               Asphodèle

Je participe aujourd'hui au jeu les plumes de l'été du blog Les livres du jardin d'Asphodèle. Je l'ai programmé à l'avance car je suis en vacances et ne peux pas toujours accéder à internet. Je viendrai lire vos écrits plus tard. Bonne inspiration à toutes et tous.

Les consignes donnée par Asphodèle : Et c’est reparti pour un tour ! Voici donc le résultat de la collecte des mots en F d’aujourd’hui. C’est de la folie vous dis-je ! Mais cela devrait nous inspirer…
Ils sont au nombre de…16 et c’est tout .
Fantasque  – Fariboles – Farandole – Feu– Fauve – Frimas – Fond– Folie – Firmament– Foule– Faon – Fascination -Fricandelle* – Fièvre – Frénésie -Fakir
* Fricandelle n’est pas dans le Larousse mais existe, c’est la même chose que fricadelle…bon appétit au fakir !!! 

FRIMAS

Fantasque farandole, fond
                                    sur moi la frénésie de l'hiver
Fascination... 

Fièvre à mon oreille,  tintent les grelots du froid dans l'air blême

Fabuleuse, la dent acérée du froid me fouaille, me flagelle
Fakir de glace lèche mes doigts,
                                      lacère ma chair comme un fauve de feu
 

Folie, Folie, Folie
Frimas
             Frimas
                         Frimas...

Sur la foule, petites fariboles de neige, flocons légers,
                                                                          petits faons,
Vous tombez doucement du firmament
semant vos fricandelles de cristal,
                                               opalescent,
                                                             voletant,
                                                                      chantant
                                                
                        comme le petit Poucet,
ses cailloux blancs. 






vendredi 12 août 2011

Henry Wadsworth Longfellow : Evangeline, le mythe acadien



Evangéline de Henry Wadsworth Longfellow, écrivain américain (1807-1882) est un long poème qui raconte la déportation des Acadiens au XVIIIème siècle,  à travers le personnage devenu célèbre d'une jeune fille, Evangéline.

Pour comprendre le récit, il faut un peu d'Histoire canadienne*. La colonie français de l'Acadie fondée en 1604 est située entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. En 1713, par le traité d'Utrecht, la France cède l'Acadie à la Grande-Bretagne. Les Acadiens sont obligés pour rester sur leurs terres de prêter serment à la couronne d'Angleterre. Certains refusent car ils ne veulent ni abdiquer la religion catholique, ni prendre les armes contre les français en cas de conflit. La question est réglée par un serment d'allégeance qui leur permet de rester neutre et les Acadiens vivent en paix dans leur pays fertile et prospère. Mais lorsque la guerre reprend entre les deux Puissances en 1744, les tensions réapparaissent et en 1755 le conseil de la Nouvelle-Ecosse décide de déporter les Acadiens et de  les envoyer dans les colonies anglo-américaines de la côte Atlantique.
Leurs biens et leurs terres sont confisqués au profit des colons britanniques. Il faut dire que l'Acadie était une terre riche et donc convoitée.


Dans un vallon riant où mouraient tous les bruits,
Où les arbres ployaient sous le poids de leurs fruits,
Groupant comme au hasard ses coquettes chaumines,
On voyait autrefois, près du Bassin des Mines,
Un tranquille hameau fièrement encadre,
C'était sous un beau ciel, le hameau de Grand Pré.
In the Acadian land, on the shores of the Basin of Minas,
Distant, secluded, still, the little village of Grand-Pre
Lay in the fruitful valley. Vast meadows stretched to the eastward,
Giving the village its name, and pasture to flocks without number.
Dikes, that the hands of the farmers had raised with labor incessant,
Shut out the turbulent tides; but at stated seasons the flood-gates

La déportation se fait en bateau avec brutalité, dans le désordre le plus complet :

Malgré les pleurs brûlants et les plaintes amères
On sépare, en effet, les femmes des maris,
les frères de leurs soeurs, les pères de leurs fils!.
.

Beaucoup d'Acadiens périssent noyés pendant le voyage. Commencée en 1755, la déportation continuera jusqu'en 1763. On estime à 10 000 le nombre d'individus déplacés pendant cette période. En 1764, les Acadiens sont autorisés à revenir en Nouvelle-Ecosse à condition de prêter le serment d'allégeance et de vivre par groupes dispersés. Certains ne reviendront pas et peupleront les colonies du Massachussetts à la Géorgie. Les années d'exil et d'errance ont duré selon les familles de dix à soixante ans.
En 1845, Henry Wadsworth Longfellow apprend, de la bouche d'un canadien français, l'histoire vraie de deux jeunes mariés séparés par la Déportation et les recherches de la mariée pendant des années à travers l'Amérique pour retrouver celui qu'elle aime. Ce récit l'émeut et c'est ainsi que paraît en 1847 ce long poème romantique d'une centaine de pages  : Evangeline, a tale of Acadie.
Dans la première partie du récit de Longfellow décrit la vie à Grand Pré, le village d'Evangéline,  une vie champêtre très rousseauiste, jusqu'au moment de la déportation. La deuxième partie décrit l'errance d'Evangéline à travers les Etats-unis d'Amérique jusqu'au moment où, âgée, elle finit par retrouver Gabriel sur son lit de mort.
L'histoire d'amour tragique de Gabriel Lajeunesse et Evangéline Bellefontaine eut un retentissement immédiat et est inscrite aujourd'hui dans le patrimoine littéraire mondial.. De plus, Henry Longfellow a donné aux Acadiens une épopée à la mesure de leurs souffrances tandis que le personnage d' Evangeline est devenu le symbole de leur appartenance à l'Acadie.
J'ai choisi cet extrait situé vers la fin du poème après la mort des deux amants. Longfellow nous ramène  vers le présent, dans le pays acadien occupé maintenant par les anglais.

C'est l'antique forêt... Noyés dans la pénombre,
Vieux et moussus, drapés dans leur feuillage sombre,
Les pins au long murmure et les cyprès altiers
se balancent encore sur les fauves sentiers;
Mais sous le frais ombrage et sous leur vaste dôme,
On entend murmurer un étrange idiome,
On voit jouer, hélas! les fils d'un étranger!...
Seulement près des rocs que le flot vient ronger,
On voit de place en place un paysan rustique.
C'est un Acadien, dont le pieux aïeul
Ne voulut pas avoir autrefois pour linceul,
La terre de l'exil. Il vient bravant le maître,
Mourir aux lieux aimés ou Dieu l'avait fait naître.
Still stands the forest primeval; but under the shade of its branches
Dwells another race, with other customs and language.
Only along the shore of the mournful and misty Atlantic
Linger a few Acadian peasants, whose fathers from exile
Wandered back to their native land to die in its bosom;

* Voir la préface de Sally Ross et Barbara Leblanc dans l'édition française : Nimbus publishing limited





 J'ai acheté ce livre en version française lors d'un voyage au Québec

jeudi 11 août 2011

René Char : La lucidité...

Urizen de William Blake



La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil
Feuilles d'Hypnos
René Char Fureur et Mystè
re
 
 
la citation du jeudi initiée par Chiffonnette.

mercredi 10 août 2011

Ya Ding : Le Sorgho Rouge



Le Sorgho rouge de Ya Ding paru en 1987, écrit en langue française par un jeune écrivain chinois intallé en France en 1986 -il avait 31 ans-, est un récit qui prend ses racines dans l'expérience vécue de l'auteur  mais se refuse d'être une autobiographie ou un témoignage. C'est "un roman", affirma l'écrivain  interviewé par Bernard Pivot à l'époque où  le livre fut présenté au prix Goncourt, un choix qui doit permettre aux lecteurs de s'identifier aux personnages et de partager avec eux le quotidien, les coutumes des paysans.
Le héros du roman Liang est un enfant de neuf ans qui arrive avec ses parents et sa petite soeur dans un village rural de la Chine du Nord. Son père, Li, membre du parti qui vénère Mao et croit à la Révolution nécessaire, selon lui, pour apporter le bonheur au peuple, a été nommé préfet. Il est chargé d'éradiquer les vieilles croyances d'une population reculée, peu gagnée à la nouvelle idéologie. Contrairement à la camarade Song qui veut imposer les idées révolutionnaires par la force, le préfet Li cherche à changer les mentalités en sortant les paysans de la misère.  Or dans cette région désertique, le fléau est la sècheresse. Le préfet Li avec l'aide de tout le village creuse des puits pour l'irrigation, construit un canal pour éviter l'inondation pendant la saison des pluies. La récolte s'annonce belle. Mais la Révolution Culturelle est mise en place. Ceux qui détiennent le pouvoir sont alors acccusés : le préfet Li d'avoir voulu embourgeoiser le peuple en l'enrichissant, la mère de Liang, Wang, d'avoir eu un grand-père Général, traître à l'armée de Mao. Les persécutions commencent, accusations dénonciations, auto-critiques publiques. La peur et la honte s'abattent sur la famille.
Le récit qui est captivant épouse le point de vue de l'enfant, trop jeune encore pour tout comprendre mais qui va peu à peu prendre conscience de ce qui se passe autour de lui et devenir adulte.
On peut dire que pour Liang, il y a, par rapport à la Révolution culturelle, un avant et un après.
Un Avant, avec l'installation dans le village, la naissance de son amitié avec Tiang, la découverte des coutumes des anciens, les légendes et les croyances qui animent la vie du village. C'est le temps de l'innocence.  Le petit garçon est plein de certitudes. Il adore son père, il est très fier de lui, fier aussi d'être le fils du préfet. Il croit en la révolution qui assurera le bonheur et la paix, il aime le président Mao qu'il voit comme une image tutélaire chargée de veiller sur ses enfants. Ses chagrins sont ceux d'un garçon de son âge, il ne voit pas assez son père toujours pris par son travail, le directeur de l'école ne l'aime pas, sa petite soeur est la préférée de ses parents. Pourtant déjà des ombres menacent, la camarade Song et son fanatisme, le marchand de melon et sa perversité...
Un Après : pendant la Révolution culturelle, les enfants sont chargés de faire la chasse à tout ce qui est pratique anti-révolutionnaire : signes de richesses ou de frivolités, vêtements hors norme, cheveux longs pour les filles, jouets, anciennes croyances. Liang est le premier à monter sur le clocher de l'église contruite jadis par des missionnaires pour démanteler le Christ en croix, il  poursuit une jeune fille et  lacère son  pantalon trop étroit, il est transformé en petit tortionnaire fanatique comme l'ont été avant eux et de tous temps, les enfants de Savonarole, les enfants nazis, les enfants soldats. C'est la perte de l'innocence. Et puis il y a l'impensable, son père mis au ban de la société, sa mère humiliée  emprisonnée, et tout bascule pour Liang, plus rien ne sera jamais comme avant.
Le roman présente des scènes et des personnages superbes : l'arrivée de l'électricité dans le village, la cérémonie ancienne des Seigneurs du Ciel que l'on brûle chaque année dans la cheminée à l'arrivée du printemps, l'enterrement du grand-père de Tiang, les champs de Sorghos rouges et les puits qui sécroulent avec le départ du préfet Li...


mardi 9 août 2011

Sofia Tolstoï : A qui la faute? et Léon Tolstoï La sonate à Kreutzer


Sofia Tolstoï : A qui la faute? ou une brillante réponse à La Sonate à Kreutzer

Les éditions des Syrtes ont réuni dans une même publication la très célèbre nouvelle de Léon Tostoï : La sonate à Kreutzer et celle de Sofia Tolstoï : A qui la faute? qui est une réponse directe à son illustre mari.
L'oeuvre de Sofia n'a jamais été publiée en France et a dû attendre ces dernières années pour l'être en Russie. Pourtant, elle ne manque pas de piquant et répond point par point et d'une manière intelligente aux réflexions philosophiques et religieuses du grand écrivain et à sa vision misogyne de la Femme. De plus, elle éclaire d'un jour nouveau La Sonate à Kreutzer qui est une des oeuvres les plus surprenantes et les plus controversées de Léon Tolstoï puisque ce dernier a dû répondre, dans une postface publiée dans cette édition, à ses lecteurs qui lui demandaient des éclaircissements.
Si l'on ajoute à ces deux ouvrages un autre roman de Sofia Tolstoï : Romances sans paroles  et la réponse de Léon Tolstoï fils à La Sonate à Kreutzer sous le titre Le prélude de Chopin, l'on verra que les éditions des Syrtes nous offre une véritable saga de la famille Tolstoï.
Dans La sonate à Kreutzer,  au cours d'un long voyage en train, des voyageurs entament une discussion sur le mariage. La réussite d'un mariage repose-t-elle sur la crainte exercée par le mari sur sa femme, ou au contraire, sur un amour véritable et réciproque entre les deux époux? Un homme prend alors la parole pour nier l'amour que l'on confond, dit-il, avec la sensualité. Il n'y a pas d'amour spirituel, il n'y a  que l'amour charnel, "répugnant", "repoussant et malpropre" et celui-ci ne peut durer qu'un temps. De plus, il donne un pouvoir exorbitant à la femme qui devient pour l'homme "un objet dangereux". Ainsi le  mariage n'est que duperie.  Lui-même  a épousé une jeune femme dont il pensait être amoureux. Mais après le mariage et  la satisfaction de l'acte sexuel, la honte ressentie par "ces excès bestiaux" a fait naître la haine entre les deux époux. Cet homme, Pozdnychev, resté seul avec le narrateur, lui explique alors son histoire et pourquoi il a tué sa femme éprise d'un musicien...
Ce que Tosltoï veut démontrer dans ce récit, c'est que l'acte sexuel est néfaste aussi bien dans le célibat que dans le mariage, qu'en aucun cas c'est un acte naturel et indispensable pour la santé. Le bien ne viendra que de la pureté et de la continence. A ceux qui lui répondent que la race humaine disparaîtrait si l'homme respectait ce précepte, Tolstoï répond que toutes les doctrines religieuses  et scientifiques annoncent la fin du monde et que celle-ci est par conséquent inéluctable. Il ajoute dans sa postface que la chasteté est un idéal voulu par le Christ, vers lequel il faut tendre, mais qui est-  comme tout idéal-  hors d'atteinte.
"La passion sexuelle est un mal terrible qu'il faut combattre et pas encourager comme nous le faisons."
La réponse de Sofia Tolstoï est un récit A qui la faute? qui met en scène une jeune fille intelligente, cultivée et sensible, un peu exaltée, Anna, qui a du mariage une conception idéaliste et pure. Mariée avec un vieil ami de la famille, le Prince Prozorski, un célibataire endurci et débauché, dont elle est amoureuse et qu'elle idéalise, elle va vite déchanter. Le Prince ne s'intéresse à elle que pour l'acte sexuel. Il admire sa beauté et la considère comme un objet de plaisir mais refuse tout partage intellectuel ou spirituel. Il méprise son travail de peintre dans lequel elle met toute son âme. Ses lectures, ses pensées lui sont totalement inconnues. Il se soucie peu de ses sentiments, ne manifeste aucune tendresse envers elle et même envers ses enfants qui lui sont indifférents en dehors du fait qu'ils perpétuent son nom. La rencontre avec son voisin, peintre lui aussi, avec qui elle peut avoir un échange intellectuel et tendre, lui prouve que tous les hommes ne sont pas comme son mari. Cependant, elle met tout son honneur à rester fidèle à son mariage. Le prince, fou de jalousie, ne veut pas croire à son innocence et la tue.
L'habileté de Sofia Tolstoï est de répondre à son mari en créant un récit semblable à celui de La Sonate à Kreutzer  mais raconté du point de vue de la femme.
La thèse qui répond à celle de Léon Tolstoï est la suivante: si les hommes considéraient leur femme comme un être humain et non comme un objet sexuel et acceptaient d'avoir d'autres échanges avec elle, le mariage ne serait pas un échec. A qui la faute, donc?
"Cette façon tendre et désintéressée de se comporter avec une femme était la seule qui pût apporter le bonheur absolu dans sa vie"
Chacune des particularités du récit de La Sonate à Kreutzer est reprise mais transposée : à la rencontre avec le musicien correspond celle du peintre qui dans les deux cas permet une entente intellectuelle et spirituelle. A l'indifférence du mari envers les maladies des enfants, Sofia oppose l'inquiétude de la mère, les nuits sans sommeil, la peur de la mort. A l'obligation de l'allaitement exigé par le mari de La Sonate à Kreutzer (et donc par Tolstoï lui-même) répond le regard que jette Anna dans sa glace qui lui renvoie un image d'elle négligée avec un vieux corsage trop large, des cheveux en désordre. A l'obligation de la procréation comme justification des rapports sexuels correspond la libération d'Anna quand une femme médecin lui donne des conseils pour ne plus avoir d'enfant. Quand on pense que Sofia a eu treize enfants de son mari (dont cinq ont disparu en bas âge) et que Léon Tolstoï est mort loin d'elle en refusant de la revoir, on comprend qu'elle sait de quoi elle parle!
L'analyse des sentiments féminins est bien menée et subtile et si Sofia n'est pas un écrivain à la mesure de Léon Tolstoï, son récit ne manque pas de finesse dans l'étude psychologique complexe qui refuse tout manichéisme et dans la construction du récit.

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1281609365.pngMerci à Dialogues croisés et aux éditions des Syrtes pour l'envoi de ce livre qui paraîtra le 19 août 2010
Article de mon ancien blog

dimanche 7 août 2011

George Sand : Mauprat


 Caspar David Friedich

 Quand on lit George Sand, on a toujours l'impression de la redécouvrir tant les genres qu'elle explore sont différents. Avec Mauprat, nous sommes en plein romantisme, un roman gothique avec une histoire d'amour et de mise à l'épreuve, des nobles sinistres perpétrant leurs méfaits derrière les fortifications de leur château, des brigandages, des meurtres... L'intrigue complexe est celle d'un  feuilleton, les méchants que l'on espérait morts resurgissent au moment où on les avait un peu oubliés pour faire le mal, l'héroïne échappe de peu à la mort, le héros est injustement accusé d'un crime. Bref! l'aventure est au rendez-vous et c'est ainsi que le livre peut-être lu au premier degré, ce qui est très plaisant!

L'intrigue :

Bernard Mauprat, après la mort de ses parents, est confié, tout jeune à son grand père,Tristan, de la branche aînée des Mauprat surnommée Coupe-jarret, un vieillard qui, avec ses huit fils, fait régner la terreur dans la région de La Varenne, aux confins La Marche et du Berry. L'enfant est élevé au château de la Roche-Mauprat par Tristan et ses oncles, cruels et impitoyables, en particulier l'aîné, le perfide Jean de Mauprat. Il y subit des sévices tout en s'endurcissant au mal, assistant aux rapines de ses oncles, à leurs exactions de toutes sortes, tortures, crimes, viols. C'est en vain que son grand oncle, l'honorable Hubert de Mauprat de la branche cadette qui n'a qu'un seule fille essaie de le soustraire à cette néfaste influence pour en faire son fils adoptif. Bernard grandit, devient complice de brigandage, de pillage mais refuse la cruauté des Mauprat Coupe-Jarret lorsqu'elle s'exerce sur des femmes et des enfants. Il a dix-sept ans lorsque sa cousine Edmée qui s'est perdue dans la forêt est amenée prisonnière au château. Bernard tombe amoureux  de sa cousine et  décide de la sauver en s'échappant avec elle mais il lui fait promettre qu'elle n'appartiendra jamais à un autre homme que lui. Commence alors une nouvelle vie chez son grand oncle Hubert de Mauprat, commencent alors l'apprentissage de la civilisation... et la découverte du véritable amour!


Récit d'aventures, Mauprat est aussi un roman où l'on retrouve  tous les thèmes sérieux chers à l'écrivain.
George Sand écrit ce livre au moment où elle se sépare de son mari, un moment douloureux où elle a tout loisir de réfléchir à ce que doit être la base d'un mariage solide. C'est ce qui explique son envie de peindre un amour exclusif, éternel et fidèle avant, pendant et après le mariage.. Elle s'élève ainsi contre la société qui rabaisse cette institution sacrée (le mariage), en l'assimilant à un contrat d'intérêts matériels. (Préface 1851)
L'histoire d'amour entre Edmée et Bernard rappelle celle du roman courtois. Le héros est mis à l'épreuve pendant  sept ans  avant de mériter sa bien-aimée. Comme dans un roman chevaleresque, le héros doit gagner le coeur de la femme qu'il aime, dominer ses pulsions et ses instincts même si les exploits qui lui sont demandés sont d'un tout autre ordre que ceux d'un chevalier du Moyen-âge. Bernard doit surmonter des difficultés adaptées à son époque. Il devra, par exemple, accepter d'apprendre à lire et à écrire, il lui faudra se cultiver en fréquentant les philosophes des Lumières et acquérir les manières d'un homme du monde. Il découvrira aussi que la femme n'est pas un objet sexuel, qu'elle a droit au respect et que l'amour véritable se fonde sur l'estime et la tendresse. George Sand aborde ici le thème de l'éducation mais, si elle est rousseauiste et admire l'Emile, contrairement à Rousseau, elle est persuadée que l'homme n'est pas naturellement bon et que l'éducation a une fonction civilisatrice. Ce n'est d'ailleurs pas sans difficulté que Bernard parviendra à s'élever.

Le roman présente aussi un aspect documentaire très intéressant. Le récit est raconté par Bernard de Mauprat alors qu'il a quatre-vingts ans à un jeune narrateur.  Le personnage parle d'une période qui se situe avant la révolution. On y voit se dérouler des évènements historiques, Bernard part rejoindre La Fayette dans la lutte pour l'Indépendance américaine. On y sent le souffle des idées nouvelles, la montée de la tempête qui va ébranler le royaume de France :

Le pauvre a assez souffert; il se tournera contre le riche, et les châteaux tomberont, et les têtes seront dépecées. Je ne verrai pas cela, mais vous le verrez; il y aura dix chaumières à la place de ce parc, et dix familles y vivront de son revenu,  dit le paysan Patience dans une vision prophétique.

 George Sand décrit donc les moeurs d'une époque révolue et elle peut noter les évolutions des mentalités par rapport à 1836, date de parution du roman. Elle peint trois types de nobles de province.

 Les Mauprat Coupe-jarrets, race de ces petits tyrans féodaux dont la France avait été couverte et infestée pendant tant de siècles. La civilisation, qui marchait rapidement vers la grande convulsion révolutionnaire, effaçait de plus en plus ces exactions et ces brigandages...

Hubert de Mauprat a une haute conception du rôle du noble basé sur l'honneur et la justice mais  il est imbu de sa classe et  plein de préjugés de caste.

Enfin Edmée et plus tard Bernard de Mauprat influencé par les idées philosophiques, représentent tous deux une noblesse débarrassée de son orgueil ancestral et partisane d'une société plus juste. George Sand prône dans ce roman des idées égalitaires qui sont portées par les deux jeunes gens. Ainsi ils éprouvent un grand respect et un profond sympathie pour Patience, un vieux paysan illettré mais d'une extrême intelligence, véritable philosophe du peuple, qui défend les idées révolutionnaires et annonce la fin d'une noblesse qui écrase  le faible.  Ils mettront d'ailleurs leurs actes en accord avec leurs idées.
Mais ce qui m'a le plus étonnée dans ce roman, c'est la virulence de Sand (elle qui est si croyante) envers l'Eglise catholique. Un des personnages principaux est le curé de Briantes, ami de Patience et d'Edmée,  accusé de jansénisme, ouvert aux idées philosophiques et persécuté pour ces raisons par le clergé. Le personnage dénonce l'hypocrisie religieuse des moines trappistes. Leur  prieur, sous couvert de générosité et de charité chrétienne, est avant tout attiré par l'appât du gain et prend le parti de Jean de Mauprat, sorte de Tartuffe, qui feint  de se convertir pour arriver à ses fins. Le ton de la critique est à la  hauteur du pamphlet et possède une violence corrosive. Il est vrai que Sand prête ces mots à l'abbé janséniste mais comme nous savons que sa sympathie lui est acquise, la critique n'en est pas moins mordante.

C'est là le caractère indélébile du clergé catholique. Il ne saurait vivre sans faire la guerre aux familles et sans épier tous les moyens de les spolier.
Il est même possible que Jean de Mauprat soit dévot. Rien ne sied mieux à un pareil caractère que certaines nuances de l'esprit catholique. L'inquisition est l'âme de l'Eglise, et l'inquisition doit sourire à Jean de Mauprat.

Critique qui n'a d'égale  que celle qui concerne la justice
Les mots de probité et intégrité résonnent depuis des siècles sur les murs endurcis des prétoires, sans empêcher les prévaricateurs et les arrêts iniques.

Et pour conclure en quelques mots : vous l'aurez compris, j'ai adoré ce livre!



Challenge de George

Voir le billet de George ici

Et celui de Titine ici