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vendredi 2 novembre 2012

Hommage à Goya : L'enterrement de la Sardine


Francisco Goya : L'enterrement de la Sardine

Hommage à Goya

A l'enterrement de la Sardine
je ne veux pas aller maman
on met en terre Carnaval
On y embaume la Sardine
et la foule en ribambelle
Défile en fol cheminement
Dans un attelage funeste
Une cérémonie grotesque
Sous un ciel de larme et de deuil.

A l'enterrement de la Sardine

Je ne veux pas aller maman
Roses rose et ancolies frêles

Costumes blancs, sourire aux lèvres
Petites poupées manifestent
Marionnettes aux têtes creuses
Les bras levés, la jambe leste
Derrière elles, la Mort ricane
Dans une atmosphère de fête
costumes noirs, masques funèbres
La mort ricane, elle a placé
des fleurs
Dans les trous bleutés de son nez.

A l'enterrement de la Sardine
Je ne veux pas aller maman
Les acclamations admirables
S'élèvent jusqu'au Roi Momo
Au roi Momo sur sa bannière
Sa tête d'ogre carnassière
Picador qui crois-tu piquer?
Au roi Momo sur sa bannière
Qui nous dit, je veux te manger
Petits enfants, tremblez, tremblez!



L’origine de l’Enterrement de la Sardine remonte au milieu du XIXe siècle, lorsqu’un groupe d’étudiants de Madrid décidèrent de se réunir dans l’arrière-boutique de la Pharmacie de San Antón et de former un cortège funèbre présidé par une sardine, qui symbolise le jeûne et l’abstinence, en souhaitant revivre les festivités carnavalesques qui se célébraient à Madrid, le Mercredi des Cendres. Ce à quoi ils n’avaient sans doute pas songé était l’immense proportion et popularité qu’au fil du temps cette fête allait avoir. source


Les mots imposés dans l'atelier d'écriture d'Asphodèle :  funèbre – larme – ribambelle – cheminement – fleur – manifester – foule – costumes – rose (couleur ou fleur) – atmosphère – succession – carnaval – piquer – bleuté – attelage – embaumer – ancolie – cérémonie – tête – défiler – abattre – admirable – acclamation.

Ernest Capendu : Marcof, le Malouin





Ernest Capendu est né à Paris en 1826 dans une famille aisée. Il meurt en 1868. Il a  écrit une soixantaine de romans en s'essayant à tous les genres, historiques, maritimes, militaires, fantastiques…

Marcof le Malouin d'Ernest Capendu est reédité aux éditions Grand West pour la rentrée littéraire.  C'est le premier tome d'un roman populaire, historique et maritime, dans la même veine que les romans d'un Paul Féval dont Capendu est le contemporain.

Les ingrédients du roman populaire sont bien présents, y compris une intrigue complexe et à ramifications :  amour passion, jalousie, enlèvement, meurtres, secrets de famille, vengeance,  tout ceci se déroule sur une toile de fond historique, celui de la révolution qui voit s'organiser la révolte des Chouans en lutte contre les révolutionnaires.

Yvonne, une jeune et belle bretonne qui habite le petit village de Fouesnan, près d'Audierne, est fiancée à Jahoua. Mais Keinec son ami d'enfance à qui elle était promise ne lui pardonne pas ce qu'il considère comme une trahison. Il est prêt à tout pour se venger, y compris à  tuer les amoureux. Les deux jeunes gens sont sous la protection de Marcof, le Malouin, capitaine d'un lougre qui veille sur eux et a une influence sur Keinec pour qui il a de l'affection. Ce marin, nous le verrons, est reçu comme un familier par le marquis de Lonan et nous comprenons bien vite qu'un secret plane sur sa naissance. D'autre part, le marquis a été marié à une femme qui lui a été infidèle et qu'il a chassée pour laver son honneur. Le comte de Fougueray et le  chevalier de Tessy, les frères de cette dernière, ourdissent une diabolique machination pour s'emparer de la fortune du marquis.  Et voilà que ces deux  hommes rencontrent la pauvre Yvonne,  voilà que le chevalier la trouve à son goût et veut la faire enlever et qu'ils y parviennent avec l'appui de Ian Cardoff, un berger quelque peu sorcier qui vit dans une grotte de la baie des Trépassés et qui complotent avec eux pour faire triompher la révolution. Car vous vous en doutez, dans ce roman, les méchants sont tous anti-royalistes et les bons sont du côté du Roi et de la religion! Lorsque Yvonne est enlevée, Jahoua et Keinec, oubliant leur querelle, s'allient pour retrouver la jeune fille, laissant pour l'instant de côté leur rivalité. je ne vous en dis pas plus et je vous laisse affronter les dangers des souterrains mystérieux, les complots, les revirements de situation, les traîtrises, les actes d'héroïsme….

Quand on se lance dans ce genre de lecture, il faut s'abandonner à son âme d'enfant,  être prêt à vivre les situations les plus périlleuses, laisser parler son imagination…  C'est ce que je fais, je joue le jeu avec plaisir tout en explorant les côtes de la Bretagne, en essuyant des tempêtes et en partageant la vie et les aventures de nos héros. Ernest Capendu n'a peut-être pas le génie littéraire d'un Alexandre Dumas, l'invention d'un Eugène Sue mais son récit est suffisamment dense et enlevé pour nous intéresser. Marcof Le Malouin a une suite que je n'ai pas encore lue : Le marquis de Loc Ronan.


Avec mes remerciements à : 







jeudi 1 novembre 2012

Citation : Shakespeare : De l'inconstance des peuples




A la lumière de ce qui se passe en France lors de nos différents changements présidentiels, je m'étais imaginée que l'inconstance du peuple et son mouvement continuel, étaient le propre des français et peut-être même de notre époque!
Or, voilà les paroles que Shakespeare  prête à César (Octave) dans Antoine et Cléopâtre.
Octave vient d'apprendre que Pompée est soutenu par le peuple dans le combat qu'il lui livre pour avoir le pouvoir :

Je ne devais pas m'attendre à moins. L'histoire dès son origine nous apprend que celui qui est au pouvoir a été bien-aimé jusqu'au moment où il l'a obtenu; et que l'homme tombé dans la disgrâce, qui n'avait jamais été aimé, qui n'avait jamais mérité l'amour de son peuple, lui devient cher dès qu'il tombe. Cette multitude ressemble au pavillon flottant sur les ondes, qui avance ou recule, suit servilement l'inconstance du flot, et s'use par son mouvement continuel.



mercredi 31 octobre 2012

Toni Morrison : Home





Nous sommes dans les années 50, Frank, un soldat noir qui revient de Corée, n'a pas le courage de retourner au pays, en Géorgie, sans ses deux amis d'enfance disparus à la guerre. Il porte en lui l'horreur des combats et tout son cortège de violences, de culpabilités, de fantômes, comme le visage de cette petite coréenne qui cherche désespérément un peu de nourriture dans les poubelles de l'armée américaine. C'est pourquoi il demeure à Seatle et cherche l'oubli avec Lily, une femme qu'il pourrait aimer s'il n'était souvent terrassé par des crises de dépression ou de violence. Pourtant, quand il reçoit une lettre lui annonçant que sa petite soeur bien-aimée, Cee, dont il a toujours été le protecteur, est en train de mourir, Frank se décide à faire le voyage vers le sud, vers Lotus, sa ville natale. Home! C'est ce retour à la maison qui va nous révéler, avec le passé de Frank,  la vérité sur la guerre qu'il a vécue et qu'il ne peut oublier. Un retour cathartique.
Le narrateur raconte l'histoire de Frank mais aussi de tous les autres personnages, Cee, sa grand mère, Lily… mais son récit est entrecoupé par les interventions de Frank mises en valeur dans le roman par le graphisme mais aussi par le style poétique. Ces moments nous font pénétrer dans les souvenirs du personnage, son intimité, ce qui nous permet d'explorer les zones d'ombre, d'aller au-delà de l'apparence.
 Ce court roman intense contient en condensé tous les thèmes de l'écrivain présentés avec une sobriété et une concision efficaces : racisme, haine, ségrégation, figure de la femme qui est à la fois la victime désignée, celle qui souffre le plus dans sa chair et son esprit mais aussi celle qui détient la sagesse et la force, celle qui a le pouvoir d'accéder à la liberté de l'esprit qui met véritablement fin à l'esclavage. Toni Morrison dit aussi que la violence n'est pas l'apanage d'une classe sociale ni d'une race mais est partout, prend toutes les formes comme celle exercée sur Cee par sa grand-mère, Lénore, qui se considère comme supérieure à tous parce qu'elle a de l'argent. Enfin, l'écrivaine dénonce l'horreur de la guerre et montre comme celle-ci peut détruire l'humain en l'homme et le transformer en monstre. Ce beau roman enferme en lui une  charge émotionnelle qui reste contenue et maîtrisée. La dernière scène où le frère et la soeur enfin réunis remettent en place l'ordre du monde par un geste symbolique est un message d'espoir - Ici se dresse un homme- dans un pays où les tensions raciales sont loin d'avoir disparu.



mardi 30 octobre 2012

Shakespeare : Antoine et Cléopâtre


La mort de Cléopâtre de Reginald  Arthur


Je ne connais pas les tragédies historiques de Shakespeare aussi il est temps que je m'y mette! Cette lecture commune avec Maggie, Miriam et Océane est une bonne occasion de découvrir Antoine et Cléopâtre composée en 1608 peu après celle de Jules César dont elle est la suite.
Pour écrire cette tragédie, Shakespeare suit de très près le récit conté dans Les vies parallèles des hommes célèbres de Plutarque, La vie d'Antoine.


Buste de Marc-Antoine

Quelques rappels historiques
Marc-Antoine (83avJC  - 30av. JC) est un général romain qui a fait la guerre des Gaules en - 49  avec Jules César. Celui-ci le fait élire tribun de la plèbe puis consul. A la mort de César, il se retrouve seul à la tête de la République puis  un Triumvirat se met en place avec Marc-Antoine, Auguste et Lépide. Ils se partagent l'Empire, l'Orient étant dévolu à Marc-Antoine. Celui-ci reprend un projet de César,d'attaquer les Parthes mais il a besoin de l'appui de la reine d'Egypte, Cléopâtre. Commence alors entre la reine alors  âgée de 29 ans et Antoine qui à quarante ans,  une liaison qui va durer 10 ans. Il suit la reine à Alexandrie.
Les relations entre Octave et lui s'enveniment; Pour se réconcilier Antoine accepte d'épouser Octavie, la soeur de Auguste mais il retourne auprès de Cléopâtre. Il essuie des échecs en particulier contre les Parthes et les relations se détériorent à nouveau avec Octave qui se sent menacé par l'alliance avec la reine d'Egypte. Antoine, mauvais stratège, perd la bataille navale contre Octave à Actium en -31. Les derniers mois sont assez mal connus. Antoine retourne en Égypte et ne prend pratiquement aucune mesure pour lutter contre l'avancée de plus en plus triomphale de son rival.  Il consume ses forces en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans se soucier de la situation et laisse triompher Octave.  Ceci marque la fin de la République et le début de l'Empire romain pour les historiens.
La situation de l'action dans la pièce

Le dramaturge situe l'action au moment où Antoine retenu à Alexandrie par Cléopâtre va devoir partir à Rome pour se réconcilier avec Octave; ce dernier  a été attaqué par les partisans d'Antoine et par son épouse Fulvie qui meurt à ce moment-là. Antoine part à la rencontre d'Octave et pour se réconcilier épouse sa soeur Octavie.  La pièce s'intéresse donc à la déchéance d'Antoine qui mène une vie d'orgie incessante, à ses échecs guerriers, à son amour pour Cléopâtre. Le dénouement verra la fin tragique des deux amants. À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre qui veut échapper à la colère de son amant, Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Celle-ci est conduite devant Octave, qui la laisse se retirer avec ses servantes, la reine se suicide ensuite en se faisant mordre par un aspic.
La mort de Cléopâtre Claude Vignon

Mon avis :

Shakespeare s'intéresse  au dilemme entre la passion et la raison, le coeur et la tête. Antoine vit  son amour comme une perte de volonté et un affaiblissement de sa virilité. Sans cesse il se trouve ramené vers cette femme  mais aussi vers une vie de débauche, d'amollissement, alors qu'il sait que son devoir de chef de guerre l'appelle ailleurs.
Pour qu'Antoine n'apparaisse pas comme un être veule et geignard, pour que Cléopâtre soit transfigurée par l'amour il faudrait que le sentiment entre ces deux personnages  soit fervent, sublime, à la manière de Roméo et Juliette.  Or, ce Roméo et cette Juliette sont des amants vieillissants qui n'ont ni le désintéressement ni la pureté de l'amour. Cléopâtre ne cesse de se plaindre, craint de ne plus être aimée, ruse, compose avec l'adversité. On dirait parfois une mégère mal apprivoisée, elle refuse de donner sa confiance à Antoine parce qu'il  trompe sa femme (que ce soit avec elle n'entre pas en ligne de compte!). Elle est présentée comme la séductrice, volontiers vaniteuse et courtisane, cause de l'échec d'Antoine.  Elle est aussi calculatrice, essaie de tirer son épingle du jeu,  subtilise des  bijoux de son trésor qu'elle est censée remettre à Octave, son  vainqueur.   Antoine ne cesse de gémir, d'osciller entre colère et plainte. C'est un être faible. Il n'écoute pas ses conseillers qui sont pourtant prudents et avisés et court à sa perte en acceptant le combat naval à Actium. Il se montre donc peu clairvoyant et peu intelligent.. De plus, il n'accepte pas l'échec et en accuse volontiers Cléopâtre allant même jusqu'à la menacer et l'effrayer assez pour qu'elle se fasse passer pour morte.. Orgueilleux et vain, il ne reconnaît pas ses responsabilités.

Voilà donc ce que j'ai ressenti à la lecture d'Antoine et de Cléopâtre : ce sont des personnages médiocres qui n'ont ni la luminosité de Roméo et Juliette, ni la noirceur et la démesure de Macbeth et lady Macbeth! Et j'ai eu du mal à m'intéresser à eux en dépit des scènes du dénouement qui au niveau dramatique sont évidemment spectaculaires et rendent  un peu de leur grandeur aux personnages.
Mais peut-être, après réflexion, est-ce là le mérite de Shakespeare, celui de ne pas avoir voulu nous peindre des héros admirables mais des êtres humains avec leurs clairs-obscurs, leurs faiblesses, leur mesquinerie, mais aussi une certaine forme de sincérité et de courage?

Et puis bien sûr, il y a la langue de Shakespeare et des moments de pur lyrisme, par exemple, les  accents amoureux de Cléopâtre : 

J'ai rêvé qu'il était un empereur Antoine
Son visage était comme les cieux, et il y avait là
Un soleil et une lune, qui suivaient leur cours, et éclairaient
Le petit O de la terre.
Ses pieds enjambaient l'océan, son bras levé
Couronnait le monde, sa voix avait un chant
Comme toutes les sphères à l'unisson, et cela pour ses amis.
Mais quand il voulait effrayer le monde et l'ébranler,
Il était comme un orage qui gronde.  Pour sa largesse,
Il n'était point d'hiver en elle; c'était l'automne
Qui d'autant plus donnait qu'on y moissonnait: ses plaisirs
Etaient comme le dauphin, ils montraient son échine
Au-dessus des flots où ils vivaient. Sous sa livrée
Marchaient diadèmes et couronnes; les royaumes et les îles étaient
Comme piécettes tombées de sa poche.


Les plaintes poétiques d'Antoine

Antoine
—Tu as vu quelquefois un nuage qui ressemble à un dragon, une vapeur qui nous représente un ours ou un lion, une citadelle avec des tours, un rocher pendant, un mont à double cime, ou un promontoire bleuâtre couronné de forêts qui se balancent sur nos têtes ; tu as vu ces images qui sont les spectacles que nous offre le sombre crépuscule ?


Éros
—Oui, seigneur.


Antoine
—Ce qui nous paraît un coursier est effacé en moins d'une pensée par la séparation des nuages, et se confond avec eux comme l'eau dans l'eau.


Éros
—Oui, seigneur.


Antoine
—Eh bien ! bon serviteur, cher Éros, ton général n'est plus qu'une de ces formes imaginaires. Je suis encore Antoine, mais je ne puis plus garder ce corps visible, mon serviteur.
acte IV scène 14


L'expression de l'amour


Antoine
 - C'est  un amour bien pauvre, celui que l'on peut calculer.
Cléopâtre
- Je veux établir, par une limite, jusqu'à quel point je puis être aimée.
Antoine
- Alors, il te faudra découvrir une nouveau ciel et une nouvelle terre.
acte I scène 1




dimanche 28 octobre 2012

Haïkus des quatre saisons, estampes d'Hokusaï



Voilà un petit livre d'Haïkus à recommander aux amateurs. Magnifiquement illustré par les estampes d'Hokusaï il nous emporte sur les ailes de la poésie à travers les saisons. Un très joli écrin pour ces  poèmes qui respirent la douceur et la paix.

J'ai choisi pour vous en ce Dimanche d'automne qui ressemble à l'hiver, avec selon les régions où nous vivons, la pluie, la neige ou le Mistral, ces quelques mots qui volent vers vous :


Hokusaï


Mes os mêmes
sentent les couvertures -
nuit glacée

                                                                        Shiki                                                  

Les soirs des hommes d'autrefois
furent semblables au mien
ce soir de froide pluie. 
                       Buson

De temps à autre
les nuages accordent une pause
 à ceux qui contemplent la lune.
                       Basho



Hokusaï

Un livre/un film : William Burnett High Sierra




Réponse à l'énigme n° 45

 Bravo à  Aifelle,  Eeeguab, Pierrot Bâton, Somaja

Le livre : High Sierra de William R. Burnett 
Le film  : La grande Evasion de Raoul Walsh

 et merci à tous! Oui, c'était peut-être un peu difficile cette semaine!
Dans High Sierra de William Burnett , Roy Earle vient de sortir de prison. Il se rend en Californie où il va rejoindre son patron BigMac qui a payé pour son élargissement et lui demande en contrepartie de mener à bien un braquage.  Sur la route, Roy fait connaissance de Pa et de Ma, deux vieux fermiers qui ont été dépossédés de leur terre et qui sont accompagnés dans leur exode par leur petite fille Velma. Roy tombe amoureux de la jeune fille infirme et l'idée naît en lui de la faire opérer de son pied bot. Il rejoint ensuite ses complices qui se révèlent novices et plutôt nerveux. L'un d'eux a amené sa petite amie, Marie, qu'il maltraite. Roy va la prendre sous sa protection et va de plus accepter la garde d'un chien qui a jeté son dévolu sur lui. Or ce chien, dit-on, porte malheur à ses maîtres qui sont tous morts après l'avoir adopté… C'est sous ses auspices peu favorables que va se dérouler l'attaque de l'hôtel de luxe….


William  Burnett et John Hudson sont coauteurs du scénario à partir du roman de Burnett. Ils se retrouvent tous les deux sur la même longueur d'onde, en accord avec les thèmes de High Sierra. Hudson devenu réalisateur reprendra, dix ans plus tard, un autre des romans de Burnett Asphalte Jungle. Il dira : "Burnett semble écrire pour moi". C'est dire que le scénario est très fidèle au roman et à son esprit. Le film de Raoul Walsh paraît en France sous le titre de La grande évasion.

Le principal  thème qui réunit les deux scénaristes est celui du destin auquel l'on ne peut échapper. Roy Earle éprouve le désir de s'arrêter, de mener une vie paisible, de vivre avec une femme qu'il aime mais il s'est engagé dans une voie sans issue, celle du mal, et il ne pourra revenir en arrière. Les circonstances extérieures l'en empêchent. Big Mac, le grand patron ne lui laisse pas le choix. Mais plus profondément, c'est  surtout le caractère lui-même de Roy qui le condamne, cette propension à la violence qui est une marque inhérente de sa personnalité. Peut-on y voir une idée de prédestination?
Pourtant, le lecteur va s'intéresser à ce personnage qui est un dur, un tueur, parce qu'il n'est pas une brute, parce qu'il est capable d'humanité. En fait, sa personnalité est complexe. On voit que Roy Earle ne supporte pas que l'on fasse du mal a une femme, c'est pourquoi il protège Marie avant même de découvrir en elle un amour sincère. De même, il tombe amoureux de Velma avec une naïveté et un désintéressement qui fait sourire le médecin à  qu'il  demande de l'aide pour l'opérer :

Le vieux doc eut du mal à rester sérieux. Roy Earle rougissait réellement. Quel drôle de monde! Un braqueur de banque qui rougissait pour le pied bot d'une fille.

On peut dire que Roy Earle  se fait avoir dès qu'on le prend par les sentiments, ce que le chien  lui-même a compris, qui oblige Roy a l'adopter et à l'amener partout avec lui et même à un braquage!

 Le thème de la femme fatale est aussi présent comme dans tout roman noir mais curieusement décalé et détourné. C'est Velma la toute jeune fille, pure et innocente, qui incarne ce rôle car elle n'hésite pas à jouer avec les sentiments du gangster pour obtenir qu'il lui paye l'opération que ses grands-parents ne peuvent lui offrir. Elle se révèle une fois opérée, coquette et frivole. Le rôle de la femme idéale, courageuse, capable d'un amour désintéressé, profond est paradoxalement tenu par Marie, celle que l'on peut prendre pour une fille facile mais qui est en fait une victime de la vie. On sent d'ailleurs dans ce roman, la sympathie éprouvée par l'auteur pour les humbles, ceux à qui la société ne laisse aucune chance de s'en sortir. C'est en ce sens que le thème du gangster prend un sens particulier. Il incarne la résistance à une société impitoyable, qui broie l'individu, mais cette lutte est vaine et ne peut se solder que par l'échec.

samedi 27 octobre 2012

Un livre/un film : Enigme 45







Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.

 Enigme n°45

Voilà un classique du roman et du cinéma.
Cet écrivain de romans noirs est co-auteur du scénario avec un autre grand nom du cinéma américain.  
Pour créer son personnage, il prend pour modèle le célèbre gangster John Dillinger. Il est à l'origine du mythe du gangster en "desperado solitaire".

ll sentit une profonde tristesse l'envahir. Tellement profonde qu'elle lui fut insupportable. Bon Dieu! Une jolie gamine comme ça avec une jambe estropiée! Qu'est-ce qui lui avait tant plu dans son visage? Il avait vu des centaines de filles pendant son voyage vers l'ouest; quelques-unes pas mal, même. Y avait cette rouquine dans le Kansas, qui avait essayé de se faire prendre en stop. Elle ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il se disait, c'était qu'une gamine gonflée comme ça pourrait le mettre dans un sacré merdier. Et la reine mexicaine du stand à hamburger qui l'avait pratiquement invité à venir dans l'arrière-boutique? Une belle gosse aussi, des beaux cheveux bruns bouclés et des grands yeux noirs. Elle ne l'avait même pas ému. Et maintenant il avait froid dans le ventre parce qu'une petite plouc de l'Ohio avait un ruban rouge dans les cheveux et un pied bot!



jeudi 25 octobre 2012

Des mots, une histoire : Petite-fille



Petite-fille

Petit sphinx rose en blouse rêve
Ma petite aux cheveux de lin
Tu es le don fragile, immense
la poésie, le champion tendre
de l'amour
L'antienne qui va et qui vient
dans ma vie
Tu es l'alchimie féérie
Alternance de pleurs, de rires
Petit poussin de mauvais poil
corbeau bougon, pinson heureux
De tes colères et de tes joies,
Tu berces le ciel, le soleil
Dans le carrosse de la fée
Tu vêts la robe arc-en ciel
chaste histrion, petit lutin
Et tu joues à ta convenance
la  musique gaie de la vie
sur la corde à vif de mon coeur                                                 
où tu es en sécurité                                                                                  
Et tu es bien évidemment
A travers les voiles du temps
Le trait d'union qui nous relie
Le visage aimé qui s'estompe
Mais que dessine ton oeil bleu

 Le pont romain qui jette l'arche
entre les rives des adieux.





Si vous aimez les peintures de Sabbio, peintre et amoureuse des livres, allez voir ses deux blogs : Du haut le mon cannelier où elle expose ses tableaux et A l'ombre de mon cannelier où elle parle de ses lectures.




Les mots imposés dans l'atelier d'Olivia :  alchimie – blouse – histrion – carrosse – amélioration – sécurité – évidemment – poésie – don – chaste – convenance(s) – antienne – alternance – champion – romain – robe – poil – sphinx

mardi 23 octobre 2012

George Sand : Cora, une satire du romantisme


 Théodore Chasseriau

Cora est un très court roman de George Sand. Il paraît en 1833, la même année que Lélia. Certes, ce n'est pas une oeuvre majeure dans l'immense production littéraire de l'écrivaine mais on y découvre une plume alerte, assez méchante envers les moeurs provinciales et pleine d'ironie envers les passions amoureuses. L'utilisation de la première personne entretient une ambiguïté. C'est sans nul doute le jeune homme qui dit "je" mais parfois on a l'impression que l'auteure se substitue à lui surtout quand il s'agit de s'amuser aux dépens du jeune homme tout en pratiquant l'auto-dérision. Il me semble à cet égard significatif que l'écrivain et son personnage portent le même prénom.

Georges est une jeune homme candide qui revient de l'île Bourbon et n'est pas trop au fait des coutumes des petites villes de Province française. Il a trouvé du travail dans l'administration des postes. Cependant, bien vite, il se fait admettre dans la société et il rencontre au bal une belle jeune fille nommée Cora dont il tombe follement amoureux. Mais Cora ne répond pas à son amour.


 George Sand

Une critique de la ville provinciale

George Sand pratique à l'égard de la petite ville de province qu'elle ne nomme pas un ironie certaine qui s'étend, avec plus de tendresse, à son héros dont la naïveté l'amuse.
L'apparition d'une nouvelle figure est un événement dans une petite ville, et, quoique mon emploi fût des moins importants, pendant quelques jours je fus, après un phoque vivant et deux boas constrictors, qui venaient de s'installer sur la place du marché, l'objet le plus excitant de la curiosité publique et le sujet le plus exploité des conversations particulières
Les exigences de la mode et ses ridicules sont ainsi dénoncés. Les habitants la petite ville le méprisent tant qu'il n'est pas habillé à la française;  tout le monde  se moque de sa tenue vestimentaire mais l'apprécie quand il se vêt d'une manière qu'il juge pourtant ridicule! L'habit fait le moine, il devient alors fréquentable.
 La satire du bal provincial est aussi très nette, ce qui fait ressortir l'ingénuité du jeune homme prêt à tout admirer dans son enthousiasme juvénile :
La salle était un peu froide et un peu sombre, un peu malpropre; les banquettes étaient bien tachées d'huile ça et là, les quinquets jouaient bien un peu, sur les têtes fleuries et emplumées du bal, le vieux rôle de l'épée de Damoclès, le parquet n'était pas fort brillant, les robes des femmes n'étaient pas toutes fraîches(…) et pourtant c'était une charmante fête, une aimable réunion…

Une satire du romantisme

Jeune romantique Désiré François Laugée

George Sand s'amuse aussi en faisant de son personnage un jeune romantique rêveur, tellement nourri de lectures qu'il perd de vue la réalité, idées romantiques qu'il transforme parfois en clichés. Ainsi quand il parle du suicide et du poison dans une coupe, il s'interrompt :
 Je dis coupe parce qu'il n'est pas séant et presque impossible de s'empoisonner dans un vase qui porte un autre nom quelconque.

Il me rappelle Théophile Gautier, Gérard de Nerval et leurs amis, jeunes romantiques exaltés, en train de boire dans un crâne que Gérard a volé à son père, chirurgien aux armées!.
 Le jeune homme s'exalte en comparant son amoureuse qui est fille d'un épicier à une "reine espagnole", à "l'ange de Rembrand" et en faisant l'héroïne d'un roman du "grand" Walter Scott, la Juliette de Shakespeare ou un être magique issu des contes d'Hofmann :
Pour mon malheur aucune créature sous le ciel ne semblait être un type plus complet de la beauté fantastique et de la poésie allemande que Cora aux yeux verts et au corsage diaphane.

L'écrivaine ménage même une digression pour disserter des goûts littéraires de la jeunesse actuelle en opposition à ceux des vieux bourgeois. Là encore elle me rappelle le Gautier du petit Cénacle!

La cristallisation amoureuse

aquarelle de MAG  : la cristallisation (source)

Sand décrit avec une précision admirable le coup de foudre ressenti par le jeune homme, autrement dit le processus de cristallisation de l'amour comme si elle s'était imprégnée du texte de Shendhal :
Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes (…) Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections  écrit Stendhal.

Voilà l'application de cette analyse à notre héros Georges dans les sentiments qu'il éprouve pour Cora:
Elle était extraordinairement brune pour le climat tempéré où elle était née; mais sa peau était fine et unie comme la cire la mieux moulée.

Quand on sait que, au XIXe siècle, la blancheur du teint est un critère de beauté absolu, on comprend combien le processus d'idéalisation est puissant!

La cristallisation donne lieu à des situations cocasses : Quand Georges s'aperçoit que Cora lit des romans sans valeur et qu'elle est inculte: "je rentrai chez moi enthousiasmé de Cora dont l'ignorance était si candide et si belle. 
Quand Cora lui tend un billet, il croit à une déclaration d'amour alors que c'est une note d'épicerie, il en tombe presque malade et puis : "Ingrat! pensais-je, tu te révoltes parce qu'un mémoire de savon et de chandelle a été rédigé et présenté par Cora, tandis que tu devrais baiser la belle main

Un roman d'initiation

Le roman est donc un roman d'initiation amoureuse où Georges,"de nature inflammable et contemplative" va faire connaissance de l'amour et de ses revers. Cette expérience va le transformer et peut-être lui ôter sa naïveté et sa sincérité en tout cas ses illusions. Sand fait preuve d'une connaissance assez désabusée de la nature humaine et la fin du roman est bien pessimiste. Si le jeune homme a beaucoup souffert, la femme mariée et mère ne s'en sort pas mieux. La peinture de la condition féminine en province au XIXe siècle n'est pas enviable!





lundi 22 octobre 2012

Rachilde : La tour d'amour, un roman sulfureux?





Née le 11 février 1860 dans la demeure familiale du Cros, dans le Périgord, Marguerite Eymery (Rachilde, en littérature) connaît une enfance et une adolescence perturbées. Son père officier de carrière qui aurait voulu un garçon ne s'occupe pas d'elle et sa mère  est dépressive et mythomane. Elle-même est victime d'hallucinations morbides qui font craindre pour sa santé mentale. Elle dit que ce sont les livres de la bibliothèque de son grand père qui l'ont sauvée. Encouragée par Victor Hugo, elle part à dix-huit ans à la conquête de Paris. Coiffée à la garçonne, vêtue en homme, audacieuse, intelligente et brillante, elle commence sa carrière littéraire en prenant le nom d'un gentilhomme suédois du XVIe siècle, Rachilde, rencontré lors d'un séance de spiritisme. Elle s'intéresse, l'une des premières, aux question d'identité sexuelles et d'inversion et fait scandale avec son roman, Monsieur Vénus (1884) où l'homme traité comme un objet tient le rôle traditionnellement dévolu aux femmes,  ce qui lui vaut d'être traduite en justice et condamnée. Cependant, ce roman qui correspond au goût décadent de la fin de siècle, assure sa célébrité et lui donne une réputation sulfureuse. Elle écrit plus de soixante romans dont La Tour d'amour qui est peut-être le meilleur.
Elle épouse Alfred Valette, ce qui lui permet de participer aux débuts de la revue symboliste le Mercure de France, lancée par son mari, dont elle deviendra la patronne. Elle exerce alors un grande influence sur la vie littéraire. Le Tout-Paris se presse à ses "mardis". Elle meurt à Paris en 1953.


 Je vous incite à aller voir chez La fée des logis, l'analyse de l'oeuvre de Rachilde dont je cite un extrait : 
Bien qu'elle soit l'auteur du pamphlet Pourquoi je ne suis pas féministe, et qu'elle tienne parfois des propos misogynes, Rachilde est l'auteure d'une oeuvre qui dérange et qui met mal à l'aise car s'inscrivant violemment contre l'ordre social et le rapport traditionnel des sexes, contre la phallocratie. De fait, ses détracteurs l'ont accusée de perversité, d'obscénité, voire de pornographie. En effet, selon eux, une femme se doit de taire ses fantasmes et ses plaisirs sous peine de manquer aux lois de la bienséance et de la convenance. Rachilde devient alors ce monstre tant redouté à l'époque de la vierge initiée qui " en sait plus long qu'une vieille femme " (in : La Marquise de Sade, Rachilde, p. 13). Aussi les mauvaises langues, confondant la vie de l'auteur et celle de ses personnages, la réalité et la fiction, la soupçonnent-elles de débauche. Se moquant de la réputation qu'on lui taille, Rachilde mène sa vie comme elle l'entend : affranchie et indépendante. 
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 La Tour d'amour

 

La tour d'amour de la "sulfureuse" Rachilde est un roman qui sidère, qui laisse pantelant. Jamais en ouvrant le livre de quelqu'un qui était pour moi une inconnue, jamais je n'aurais pensé découvrir un texte d'une telle force, servi pas un style puissant aux images hallucinatoires. Je comprends, bien sûr, que le récit ait fait scandale et je ne suis pas sûre qu'il ne choque pas, même de nos jours, les lecteurs sensibles tant il est morbide et nous entraîne dans la spirale d'une folie qui tient de la perversion. Si vous êtes de ceux-là, tant pis, mais ne me dites pas que Rachilde est un médiocre écrivain!

Bien qu'elle soit née en Périgord, ce roman fait partie de la période bretonne de Rachilde. Jean Maleux, jeune marin breton, veut se fixer après avoir bourlingué comme chauffeur sur un vapeur des ponts et chaussées. Il demande un poste de gardien de phare et  obtient le plus  terrible, le plus redoutable et le plus redouté de tous, nommé par tous les gardiens "l'enfer des enfers", le phare d'Ar-Men, au large de Brest,  appelé ici par dérision la Tour d'amour.  Ce phare battu de manière incessante par les flots,  où l'on ne peut aborder que par télésiège, est terrifiant.  Maleux y rejoint le gardien en chef,  le vieux Mathurin Barnabas, qui n'a plus quitté le lieu depuis vingt ans. Commence alors entre les deux personnages une confrontation hallucinante, une véritable descente aux Enfers.

 Le récit est un huis-clos entre  Maleux et Barnabas sur ce roc abandonné de Dieu. A l'exception de quelques rares sorties de Jean Maleux qui vont d'ailleurs précipiter sa fin, les deux hommes, enfermés dans le phare comme dans une prison, affrontent la mer qui est le troisième personnage et certainement le plus puissant. Elle est parfois décrite comme une prostituée qui s'offre à tous, certaine de son pouvoir sur les hommes.
La mer délirante bavait, crachait, se roulait devant le phare, en se montrant toute nue jusqu'aux entrailles. La gueuse s'enflait d'abord comme un ventre, puis se creusait, s'aplatissait, s'ouvrait, écartant ses cuisses vertes; et à la lueur de la lanterne, on apercevait des choses qui donnaient l'envie de détourner les yeux. Mais elle recommençait, s'échevelant, toute une convulsion d'amour ou de folie. Elle savait bien que ceux qui la regardaient lui appartenaient.
Elle joue un rôle maléfique et détient le droit de vie ou de mort non seulement sur les équipages des bateaux qui viennent se briser sur les formidables écueils de la chaussée de Sein mais aussi sur les gardiens. C'est ainsi qu'après un naufrage,  ceux-ci voient passer les morts remontés à la surface, entraînés par le courant :
Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m'en donner le vertige. Ils n'en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s'éparpille le long du dernier branle du bal.
Dans ce décor de fin du monde, dans ce lieu battu par les tempêtes, et les vents,  les personnages vont peu à peu se dépouiller de leur humanité. Quand Jean Maleux arrive dans le phare, Mathurin Barnabas  est déjà plus proche de la bête que de l'humain. Il a oublié son alphabet , ne sait plus lire ni écrire, parle à peine. Il est repoussant, ne se lave plus, ne change plus de linge, urine contre la porte et marche parfois à quatre pattes. De plus, il est devenu un être hybride, asexué, mi homme-mi-femme.  Jean Maleux pourra-t-il résister à cette hideuse attraction?  On assiste peu à peu  à sa transformation. Rachilde nous entraîne ainsi dans les méandres de la folie qui nous est révélée progressivement et nous plonge dans l'horreur. Quand on pense avoir touché le gouffre, l'on se rend compte que l'on descend encore plus bas!
Une histoire dont on ne sort pas indemne servie par un style très visuel, vigoureux, parfois lyrique où perce à certains moments des accents à la Zola, mais le Zola visionnaire,  celui qui personnifie les éléments de la nature comme la terre dans Germinal.



 

Le phare d'Ar-Men  


Le phare d'Ar-Men (le Roc en breton) qui se dresse au bout de la chaussée de Sein constituée d'écueils redoutables, à huit milles au large de l'île de Sein, possède une mauvaise réputation dès sa construction, une des plus longues et des plus dangereuses de l'histoire des phares. Il a fallu six années de prospection et 15 années de travaux dans les pires des conditions, avec les vagues qui balayaient le roc toutes les cinq minutes, les lames qui risquaient d'emporter les ouvriers à tout moment. Son allumage a lieu en 1881. C'est un endroit où les tempêtes sont les plus dangereuses, les courants les plus violents. Les habitants de l'île de Sein ont nommé le lieu où le phare est implanté Ar Vered Nê, le Nouveau Cimetière à cause des nombreux naufrages qui y ont lieu et un proverbe breton dit : Qui voit Sein voit la fin
La vie dans ce phare d'Ar-Men est tellement âpre et sauvage  que la folie guette les gardiens en proie à la solitude, cerné par le vent, assailli par des vagues qui montent jusqu'à la lanterne.

Rachilde s'appuie sur des documents très précis pour écrire son roman. Le journal L'Illustration de Juin et Juillet 1896 a fait plusieurs reportages sur ce phare, ( sa construction, les conditions de vie des gardiens...) à la suite du naufrage du grand paquebot anglais le Drummond-Castle dans la nuit du 17 au 18 Juin. Il avait à son bord 250 personnes dont 3 seulement ont pu être recueillies vivantes. Rachilde change le nom du bateau qui devient le Dermond-Nesle et utilise les détails techniques pour la description. Tout le reste bien sûr est de l'ordre de son imagination et participe de son univers littéraire qualifié de "décadent" mais où tout est avant tout symbolique et reflète nos peurs les plus profondes.
 
 
 


Deuxième édition du challenge des fous par L'ogresse de Paris

dimanche 21 octobre 2012

Haïku, mon nounours : Gilles Brulet et Chiaki Miyamoto




Haïku, mon nounours  voilà un charmant petit livre bilingue, français- japonais, paru aux éditions L'iroli, pour initier vos enfants à la poésie.

Les poèmes écrits par Gilles Brulet, et les tendres illustrations de la japonaise Chiaki Miyamoto décrivent le doux tête à tête d'un bébé avec son doudou, les moments précieux de connivence et de tendresse. Ils révèlent avec grâce et simplicité l'univers des tout-petits et la relation qu'ils entretiennent avec leur nounours, lapin, chat, et autre petite peluche magique qui apaise les peurs, qui les aident à grandir....

pour me protéger
 mon nounours
dort les yeux ouverts
La poésie voyage, funambule légère sur le fil aérien, intangible qui maintient l'enfant à mi-chemin entre le monde magique et le monde réel. Celui où l'on sait très bien que le nounours n'est pas vivant mais où pourtant, il l'est !

Quand je serre mon nounours
dans mes bras
je sens son coeur qui bat


Vous voulez savoir quels sont les haïkus préférés de Nini, ma petite-fille (2 ans 1/2)?



Quand je rentre de l'école
mon nounours
à la fenêtre

L'ombre
de mon nounours
 est aussi un nounours






Quelques gouttes
du parfum de maman
dans le cou de mon nounours


Et l'image qui la fait le plus rire? Celle qui correspond à ce texte :

chapeau de paille
lunettes de soleil
mon nounours à la plage


Un livre / Un film : Marc Dugain La chambre des officiers


Réponse à l'énigme 44





Réponse à l'énigme n° 44
 Bravo à  Aifelle, Dasola, Eeeguab, Gwen, Keisha, Margolette, Pierrot Bâton

Le livre : la chambres des officiers de Marc Dugain

Le film  : la chambre des officiers de Dupeyron
Ceux qui ont trouvé :
Bravo à tous et merci!



Dans "La chambre des Officiers" Marc Dugain aborde la guerre de 1914  par une approche bien particulière, celle des "gueules cassées", de tous ces soldats qui n'ont pas perdu la vie, certes, mais qui ont souffert dans leur chair et ont été irrémédiablement mutilés et privés d'une vie normale.

Adrien Fournier, qui est ingénieur, est mobilisé dans le Génie et il est un des premiers blessé de la guerre alors que celle-ci débute à peine. Son visage est déchiqueté d'une atroce manière. Commence alors pour lui et pendant cinq années, comme pour tous ceux qui sont dans son cas, une horrible descente au enfers. Il se retrouve désormais sans nez et sans bouche :  souffrance physique intolérable, opérations successives, greffes osseuses qui se soldent  souvent par un échec, désespoir… Avant son départ il avait eu une brève liaison avec Clémence à laquelle il continue à rêver mais qui est désormais perdue pour lui.

Marc Dugain nous fait pénétrer dans le quotidien de ces grands blessés et nous touche en nous faisant partager les épreuves de ces hommes, Adrien et ses amis,  pour lesquels nous ressentons beaucoup d'empathie. Dans la chambre des officiers où  vit Adrien, une grande solidarité se met en place malgré laquelle des gestes de désespoir conduisent parfois au suicide.  Pourtant des amitiés indéfectibles vont se nouer, qui aident à vivre.  Si nous sommes d'abord frappés d'horreur par ce qu'il y a de monstrueux dans la mutilation de ces hommes, si nous éprouvons aussi compassion et pitié, nous découvrons peu à peu un autre sentiment qui doit être de l'admiration. Car la souffrance révèle les caractères et certains d'entre eux, malgré les périodes d'abattement et de découragement, réagissent avec courage, dignité et même parfois humour.  La chambre des officiers est donc en même temps qu'un réquisitoire contre la guerre, une formidable leçon d'espoir. 

Le roman qui débute en 14 ne s'achève qu'après la fin de la guerre de 40, avec la mort de Penanster, un des compagnons d'infortune d'Adrien.
- Qu'est-ce qu'on va faire maintenant? demande Adrien à son ami Weil après l'enterrement de Pennanster,  en regardant les jeunes gens tristes et éteints qui assistent  avec eux à la cérémonie.
Il eut un long silence avant de répondre :
- On va leur apprendre la gaieté.

Un bon roman, bien écrit, efficace sur un sujet qui ne peut que nous toucher.

Le film relate fidèlement le roman même s'il est plus court et s'achève après la guerre de 14-18 lorsqu'Adrien rencontre dans la rue une jeune fille qui lui redonne espoir en lui disant qu'il n'est pas un monstre. Nous savons d'après le roman qu'elle deviendra sa femme. Très belle scène finale qui n'existe pas dans le livre. Il y a aussi des modifications par rapport à la rencontre finale avec Clémence. J'ai cependant préféré le roman dont les descriptions permettent mieux d'imaginer les souffrances et la gravité des blessures que lefilm où l'horreur est forcément édulcorée. De plus, le film cède à un certain pathos   - surtout exprimé par une bande sonore annonçant d'une manière trop appuyée les évènements tragiques-  alors que le livre reste sobre.




samedi 20 octobre 2012

Un livre/un film : Enigme 44






Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.


Enigme 44

L'action du roman écrit par un auteur français se situe pendant la guerre de 1914-18 et  en dénonce l'horreur  à travers les souffrances des soldats touchés dans leur chair.

Le blessé à la peau mate s'est éteint ce matin. L'éclat de l'obus a fait son oeuvre au cerveau sans lui laisser la moindre chance. On est venu l'enlever quelques minutes après la première ronde de l'infirmière, à la hâte, comme pour faire disparaître toute trace de son passage.
Un nouveau blessé est venu le remplacer quelques heures plus tard. l'infirmière, parce que je suis le plus ancien de la chambrée, se fait un devoir de m'informer des mouvements.
J'apprends ainsi que le nouveau venu est un pilote dont l'aéroplane s'est écrasé en flammes dans les plaines de la Marne.