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dimanche 8 décembre 2013

Alexandre Dumas : La Reine Margot



Avec La Reine Margot,  publié en 1845, Alexandre Dumas  se plonge dans l'histoire tourmentée et sanglante du XVIème siècle entre 1572 et 1574 en pleine guerre de religion.
La Reine Margot est le premier volume d'une trilogie sur les guerres de religion : le second sera La dame de Monsoreau et le troisième : Les quarante-cinq.

Marguerite de Valois

La reine Margot, héroïne éponyme du roman, est Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis et de Henri II, soeur de trois rois de France : François II, Charles IX et Henri III. Sa mère la contraint à épouser son cousin Henri de Navarre, protestant, dans le but de réconcilier les factions religieuses qui se déchirent le royaume. Le mariage a lieu à Paris le 18 août 1572 où sont réunis pour l'occasion tous les chefs huguenots du royaume.  Cette union est mal acceptée par le parti catholique  dont la famille de Guise et le pape. L'amiral Coligny, l'un des chefs  de la réforme protestante, subit alors une tentative d'assassinat  qui met le feu aux poudres.

L'amiral Gaspard Coligny, chef de la Réforme

 Catherine de Médicis et son fils Charles IX ordonnent  le massacre des protestants : c'est la Saint Barthélémy dans la nuit du 23 au 24 août 1572. L'amiral Coligny, défenestré, y  est assassiné. La Saint Bathélemy se poursuit pendant plusieurs jours dans  Paris  malgré les tentatives du roi pour l'arrêter. Le peuple fanatisé par le clergé  poursuit le massacre qui s'étend  à plus d'une vingtaine de villes de Province.


Le massacre de la Saint Barthélémy par François Dubois

Le livre de Dumas est un histoire de violence et de sang, terrible, tumultueuse, ou complots, trahisons,  assassinats, se succèdent mais Alexandre Dumas n'est certainement pas en dessus de la vérité. L'époque est fanatique, les grandes familles catholiques ou protestantes comme les Guise ou les Coligny, au-delà des croyances  religieuses,  poursuivent des buts politiques, se disputent le pouvoir et peuvent tout se permettre. La très Catholique et redoutable Catherine de Médicis  exerce une influence pernicieuse sur ses fils. Les personnages sont animés par la haine,  le fanatisme, l'ambition,  le jeu du pouvoir y est sans retenue, le sang coule à flots.

Catherine de Médicis



 Dans le roman de Dumas,  Marguerite de Valois et Henri de Navarre ne s'aiment pas mais conclut un pacte politique. Marguerite de Valois sauve la vie à son époux. Parallèlement à l'intrigue politique Dumas concocte une histoire d'amour  qui finit tragiquement entre  Marguerite et  le jeune comte de la Mole, protestant, accusé de complot qui finira décapité.

Film de Patrice Chéreau : La Reine Margot et le comte de la Mole
Si Dumas a pris des libertés avec l'histoire, c'est paraît-il avec Marguerite de Valois dont il a, nous dit-on, contribué à l'image de femme dépravée qu'elle est à nos yeux. Sous le joug absolu de sa mère (son père Henri II est mort quand elle avait 6 ans) elle est surtout une victime, un pion politique entre les mains de sa mère et de ses frères. Elle a eu des amants  -  tout comme son mari Henri IV-  mais ce  qui était admis chez un homme ne l'étais pas chez un femme, d'où sa réputation. C'était surtout une femme lettrée, connue pour sa grande culture : elle tenu  a tenu une cours littéraire, écrit de la poésie et est l'auteur de Mémoires, et d'une belle correspondance.

Le roman d'Alexandre Dumas plein d 'aventures, de rebondissements, est agréable à lire. Comme d'habitude, Alexandre Dumas sait ménager le suspense, relancer l'intérêt mais l'ouvrage  est plus sombre, plus grave que certains des ces autres romans comme Les Trois mousquetaires, par exemple. La période historique est trop trouble et les personnages historiques trop marqués par un destin impitoyable. Le film de Patrice Chéreau met en scène d'une manière somptueuse ces événements tragiques qu'Alexandre Dumas, en son temps a porté lui-même sur scène, au théâtre.




Réponse à l'Enigme n°77


La bonne réponse : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Keisha, Miriam , Pierrot bâton, Shelbylee


Le roman : La reine Margot : Alexandre Dumas
Le film : La reine Margot : Patrice Chéreau

samedi 7 décembre 2013

Un livre/Un film : énigme 77



Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?


Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. 


Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre




Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.




Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.  
Le samedi 14 décembre l'énigme aura lieu chez Eeguab




 
Enigme 77
Ce roman historique est écrit par un auteur du XIX siècle de l'époque romantique. Il ne s'agit pas du récit où il crée des personnages masculins dont l'amitié est restée célèbre mais d'un autre ouvrage. Lequel? J'ajoute au cas où vous auriez des difficultés que, ici, c'est une femme qui donne son titre au roman.  Que de renseignements! Je suis bonne avec vous!
 
1er extrait : 
Le duc, pâle et tremblant malgré lui, sentit un frisson de glace courir par tout son corps ; il passa la main sur son front comme pour en chasser la vision lugubre ; puis, quand il la laissa retomber, quand il osa reporter la vue sur l’amiral, ses yeux s’étaient refermés, sa main était redevenue inerte, et un sang noir épanché de sa bouche sur sa barbe blanche avait succédé aux terribles paroles que cette bouche venait de prononcer.
2ème extrait :
Bientôt son épée devint trop lourde pour sa main, et il la jeta loin de lui. Parfois il lui semblait que les pas s’éloignaient et qu’il était près d’échapper à ses bourreaux ; mais aux cris de ceux-ci, d’autres massacreurs qui se trouvaient sur son chemin et plus rapprochés quittaient leur besogne sanglante et accouraient. Tout à coup il aperçut la rivière coulant silencieusement à sa gauche ; il lui sembla qu’il éprouverait, comme le cerf aux abois, un indicible plaisir à s’y précipiter, et la force suprême de la raison put seule le retenir. À sa droite c’était le Louvre, sombre, immobile, mais plein de bruits sourds et sinistres. Sur le pont-levis entraient et sortaient des casques, des cuirasses, qui renvoyaient en froids éclairs les rayons de la lune 

jeudi 5 décembre 2013

Wallace Stevens Bonhomme de neige

Pekka Hanolen


Grâce  à Laura Kasischke j'ai découvert Wallace Stevens dont un vers Il faut posséder un esprit d'hiver,  extrait de Bonhomme de neige, donne son titre au roman : Esprit d'hiver.
Dans ce récit, le personnage principal, Holly, qui a toute sa vie souhaité écrire des poésies mais sans pouvoir y parvenir, en panne d'inspiration,  regarde la neige tomber par la fenêtre. Elle se souvient de ce que son mari lui disait sur ce poète : 

Wallace Stevens.
Wallace Stevens était le poète agent d'assurances dont Eric essayait de se rappeler le nom chaque fois qu'il reprochait à Holly son blocage en écriture, insistant sur le fait que ce n'était ni la maternité, ni son boulot dans le monde américain de l'entreprise qui la bloquaient . (" Regarde ce poète, tu sais ce type dans les assurances...")

Pekka Hanolen : Hiver

Bonhomme de neige

 
Il faut posséder un esprit d’hiver

Pour regarder le gel et les branches

Des pins sous leur croûte de neige ;



 Avoir eu froid pendant longtemps

 Pour contempler les genévriers hérissés de glace,

Les épicéas, bruts dans l’éclat lointain



Du soleil de janvier ; et ne pas imaginer

 De détresse aucune dans le bruit du vent,

 Le bruit d’une poignée de feuilles,



Qui est le bruit de l’étendue

Emplie du même vent

 Soufflant dans le même lieu nu



Pour qui écoute, écoute dans la neige,

Et, n’étant rien lui-même, ne contemple

Rien qui ne soit là et le rien qui est.

 
Gustav Fjaestad

The Snow Man


One must have a mind of winter

To regard the frost and the boughs

Of the pine-trees crusted with snow;



And have been cold a long time
 To behold the junipers shagged with ice,

The spruces rough in the distant glitter



Of the January sun; and not to think

Of any misery in the sound of the wind,
 
In the sound of a few leaves,



Which is the sound of the land

Full of the same wind

That is blowing in the same bare place



For the listener, who listens in the snow,

And, nothing himself, beholds

Nothing that is not there and the nothing that is.




Victor Charreton


Editions Corti
 Harmonium  traduction de Claire Malroux



Avec ce poème je rejoins le groupe poésie du jeudi d'Asphodèle

Voir - pour les peintres scandinaves Pekka Hanolen et Gustav Fjaestad - qui illustrent ce poème  le beau billet de Nathanaelle

dimanche 1 décembre 2013

Jean-Christophe Ruffin : Globalia




J'ai eu un peu de mal à entrer dans Globalia le roman de Jean-Christophe Ruffin dont le thème me paraît trop connue et me donne une impression de déjà lu depuis Le meilleur des mondes d'Huxley et 1984 d'Orwell.
Pourtant c'est de notre époque que Jean-Christophe Ruffin nous parle et c'est en cela qu'il offre un point de vue différent. Je me suis donc intéressée peu à peu au récit en découvrant la vision critique que l'écrivain donne de notre société, du pouvoir politique, et de la mondialisation des richesses économiques. 

Sous un globe qui le protège du monde extérieur, sous un ciel toujours clément et ensoleillé mais factice, voici un univers, Globalia, ou tout semble parfait, où l'état providence veille sur tout, assure le confort et la santé de son peuple mais où pourtant la liberté fait défaut. C'est pourquoi Baïkal, un jeune globalien cherche à gagner les non-zones, sauvages, peuplées d'après le gouvernement de Globalia de "terroristes". Mais peut-on se libérer vraiment d'un pouvoir qui détient toutes les commandes du pouvoir : L'argent, l'armement et  l'information? 

Dans Globalia, en effet, le pouvoir est concentré entre les mains d'une poignée d'hommes. Ils sont si peu nombreux que leur puissance est presque illimitée. Les politiques n'y font que de la figuration et ne possèdent plus que l'apparence du pouvoir. Ils servent de paravent à des multinationales qui leur dictent les lois. Etonnant, non, comme ce monde ressemble au nôtre? J'ai eu l'impression de voir nos hommes politiques français de gauche ou de droite s'agiter comme des fantoches au service des multinationales!
Quant à ceux qui habitent Globalia, pourvu qu'ils bénéficient du confort et puissent consommer, ils renoncent peu à peu à leur liberté de penser; d'autant plus que le gouvernement de Globalia s'appuie sur la peur pour maintenir les habitants sous dépendance et place la sécurité au coeur de la constitution en présentant la video-surveillance comme un objet de liberté. Vous connaissez? Les globaliens s'endorment dans un quotidien ou l'écran les berce à longueur de journée de publicités mensongères, où la culture n'existe plus et où les livres ont disparu. Alors, bien sûr, les marginaux qui échappent à la règle, ceux qui aiment les livres, par exemple, vont essayer de s'insurger. Mais c'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
J'ai trouvé le roman de Ruffin très pessimiste à moins qu'il ne soit tout simplement lucide et c'est pourquoi même si le roman ne m'a pas paru  passionnant - les personnages ne sont pas attachants, l'histoire d'amour peu convaincante -  j'ai apprécié cette analyse sans concession de notre monde actuel et cette critique politique virulente de la mondialisation.


de Lisa et Silyre

Laura Kasischke : La vie devant ses yeux, une déception




Emportée par mon enthousiasme pour Esprit d'hiver j'ai voulu lire un autre Kasischke : La vie devant ses yeux. Mal m'en a pris! Le roman est une déception complète. Qui plus est je dois battre ma coulpe et demander à Wens (voir sa critique du film) pardon car le film est loin d'être bon!

Diana et Maureen sont amies lorsque a lieu le drame. Dans leur lycée, un élève devenu fou tire sur ses camarades, allusion à la tuerie de Colombine, et pénétrant dans les toilettes où elles sont réfugiées leur demande laquelle des deux il doit tuer. Diana répond "tue-la". La suite du roman montre la vie de Diana devenue adulte, avec sa fille Emma, son mari, un brillant universitaire … Mais sous cette apparence de bonheur, la fêlure …

Comme d'habitude, Laura Kasischke  mène l'intrigue avec habileté, nous amène là où elle veut avec son écriture élégante et cette sorte de cruauté qui est en elle, lorsqu'elle peint sous le calme, la beauté d'un jardin et des fleurs, le malaise et la menace.  On y retrouve maints thèmes communs à Esprit d'hiver. Mais je comprends mieux pourquoi certains lecteurs (devrais-je dire lectrice, n'est-ce pas Dominique (à sauts et à gambades?) ne peuvent supporter ce que l'on a  pu appeler "manipulation". Le lecteur envoyé sur une fausse piste croit ce qu'on lui raconte avant d'être retourné comme un crêpe et de s'apercevoir que tout ce qu'il pensait voir n'était qu'un reflet inversé de l'image présentée.  Mais en faisant cela Laura Kasischke, pour le plaisir d'un dénouement époustouflant, détruit ce qui était vraiment au centre de cette histoire : comment peut-on vivre après un tel drame et une telle culpabilité?  Question qui est le véritable intérêt du récit ou aurait dû l'être.

C'est du grand art, et si le roman m'a déplu, ce n'est pas parce que l'habileté et le talent d'écriture de Kasischke sont en cause mais parce que la manipulation est gratuite, le dénouement décevant, et que je ne peux adhérer au récit qui perd tout son intérêt et sa logique interne quand on connaît la vérité. Au contraire, j'ai totalement accepté ce procédé dans Esprit d'Hiver parce qu'il obéit à une logique psychologique, que le point de vue du récit, unique, celui de Holly, nous amène à cette vision faussée; et  l'écrivaine ne triche pas puisqu'elle nous donne toutes les clés pour comprendre. De plus, le roman rend compte de l'immense douleur d'une mère et donc il n'est jamais gratuit. Ce qui n'est pas le cas pour La vie devant ses yeux qui est un roman à sensation..

Quant au film s'il a les mêmes défauts que le livre, il n'en a pas les qualités. Le récit est mélo et au cas où l'on n'aurait pas compris ce qu'éprouve Diana, le metteur en scène Vadim Pelman en rajoute des tonnes. L'histoire devient moralisatrice : la jeune héroïne dévoyée mais libre de Kasischke, qui n'obéit pas à la morale bourgeoise bien pensante, devient une pauvre petite jeune fille mal aimée, larmoyante,  qui se rachète par sa grandeur d'âme.

Réponse à l'énigme n° 76



La bonne réponse : Aifelle,  Asphodèle, Dasola, Eeguab, Gwenaelle, Valentyne

 Le roman : Laura Kasischke : La vie devant ses yeux
Le film :  Vadim Pelman : La vie devant ses yeux

samedi 30 novembre 2013

Un Livre/ Un film : Enigme 76


Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?


 

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur. 


Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre






Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.




Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.  

Le samedi 7 Décembre l'énigme aura encore lieu chez Wens et claudialucia puisque c'est le premier  samedi du mois de Décembre





Enigme 76
 Ce roman a été écrit par une célèbre romancière américaine dont on parle beaucoup en ce moment et qui a été couronnée de nombreux prix littéraires tant en poésie qu'en prose. C'est le troisième roman de cette auteure.

Le miroir est étroit et fonctionnel, mais éclatant, aussi. Plus tôt, ce matin, le gardien l'a frotté avec un chiffon et du glassex, et maintenant, il est comme un pan d'esprit qui s'ouvre. Aussi clair qu'une pensée qui naîtrait dans l'esprit d'un Dieu. Une pensée projetée par le créateur de toute chose, sur une eau parfaitement calme.
Elles doivent se serrer l'une contre l'autre, épaule contre épaule, pour faire tenir leurs deux reflets dans la glace. 
Une fille aux cheveux sombres qui sourit, le bras glissé sous celui de son amie.
Une blonde qui vient de pleurer, mais qui rit à présent. Il reste que ses larmes ont brouillé le cliché de son visage, le maquillage de ses yeux a coulé et son image lui paraît plaquée sur la surface tremblotante de l'eau d'une piscine.
 



jeudi 28 novembre 2013

Laura Kasischke : Esprit d'hiver (2 ) Réflexion sur un thème (citation)



Il y a dans Esprit d'hiver des thèmes, entre autres, qui me touchent beaucoup, c'est celui de l'enfance maltraitée, mise au rebut, celui de l'adoption, des difficultés et des souffrances qui lui sont liées : le désir d'enfant et l'impossibilité d'en avoir, les conditions de vie des enfants dans les orphelinats et pire encore de ceux qui vivent dans les rues; le fait aussi que les enfants malades ou déficients sont rejetés et le sentiment de culpabilité de ceux qui ont le pouvoir de décision. Quelle justification morale peut-il y avoir quand on décide que tel enfant a ou non le droit de vivre et celui d'être heureux?

Quand Holly décident d'adopter un bébé dans un orphelinat russe,  ses collègues n'ont de cesse de lui rappeler que l'enfant peut avoir des gènes défectueux, des maladies mentales ou physiques, des dégenérescences liés au passé de leurs parents, drogués, alcooliques, des séquelles d'une enfance traumatique dans une institution sinistrée où le manque de nourriture allié au manque de personnel entraînent des déficiences et une mortalité importante. Holly, elle, porteuse comme sa mère d'un gène entraînant la mort a dû subir des opérations qui ne lui permettent plus d'avoir d'enfants :

Ce type d'interrogations et de raisonnements avait mis Holly hors d'elle et, après la seconde ou la troisième suggestion de ce style, elle avait rétorqué : "Eh bien, je suppose que si mon patrimoine génétique était parfait, comme le vôtre, j'aurais bien des raisons de m'inquiéter. Mais puisque le mien est tissé de mutations génétiques mortelles, j'ai plus de compassion dans ce domaine que d'autres personnes. Je veux dire, vous sous-entendez que ceux qui auraient de mauvais gènes ne devraient pas avoir de parents, ou bien que les gens ayant de mauvais gènes ne devraient pas avoir d'enfants.


En Sibérie personne n'avait été en mesure (ni même désireux?) d'aborder avec Holly et Eric le sujet des parents biologiques de Tatiana... Evidemment peu importait à Eric et Holly. Leur seule inquiétude à ce stade - après ce premier aperçu des yeux noirs gigantesques de Tatty/Sally, après être tombés amoureux d'elle-  était de savoir s'il y avait quelque chose d'elle qu'il devait connaître concernant ses gènes afin de l'aider non de la rejeter.

 (Si vous n'avez pas lu  le livre, attention à partir de là spoiler*)

 Pourtant Holly et Eric malgré ces beaux sentiments qui demandent en fait beaucoup de courage et d'abnégation font comme les autres! Et l'on ne saurait les en condamner : avoir le désir d'un bébé en bonne santé est en somme bien naturel! Mais ce qui est pire, c'est qu'ils le font en se mentant par une sorte de déni de la vérité. Ils savent tous deux que Tatiana n'est pas le bébé qu'ils ont choisi et Holly sait ce que la vraie Tatiana est devenue depuis qu'elle a poussé la porte interdite.

Prendre connaissance des horreurs de ce monde et ne plus y penser ensuite, ce n'est pas du refoulement. C'est une libération.

C'est alors que l'élastique que doit tirer Holly sur les conseils de la psychiatre pour oublier la douleur ressentie chaque fois qu'elle pense à la mort de sa mère et ses soeurs prend toute sa signification. Une métaphore de l'oubli ou plus précisément du déni puisque Holly finit même par tirer l'élastique mentalement, dans sa tête. Et bien non! En cette journée d'hiver très particulière où tout va basculer pour Holly, le sentiment de culpabilité envers l'autre bébé va ressurgir plus fort que jamais. Ce n'était pas une libération mais du refoulement!

 Je crois que ce roman est un concentré de souffrance, que toutes les pages en sont imprégnées ; c'est pour cela qu'il m'a autant touchée et je me demande aussi si les lecteurs qui rejettent ce livre ne le font pas  par un sentiment d'auto-défense? (je ne peux répondre à leur place, évidemment mais vous le pouvez si vous êtes dans ce cas dans les commentaires)

*Comme je cherchais l'équivalent français de Spoiler voilà ce que je lis sur Wikipedia : 

Cependant, il est à préciser que cette recherche d'équivalents français à ce terme prétendument anglais n'aurait pas véritablement lieu d'être étant donné que ce mot "spoiler" est en fait issu en totalité de l'Ancien français "espoillier" (qui donnera "spolier" en français moderne), verbe provenant du latin "spoliare" signifiant "ruiner", "piller". Le terme "spoiler" n'est donc pas à proprement parler un mot anglais mais bien un dérivé direct du français (ancien français en l'occurence).
On nomme « spoil » le fait de donner des éléments de l'intrigue.

mardi 26 novembre 2013

Rentrée littéraire : Laura Kasischke, Esprit d'hiver




Avec Esprit d'hiver qui fait écho au poème de Wallace Stevens Bonhomme de neige  dont le vers  Il faut posséder un esprit d'hiver éveille des réminiscences peu agréables dans l'esprit de Holly, personnage principal du récit, Laura Kasischke signe un roman qui est pour moi un coup de coeur.

L'esprit de l'hiver imprègne ce huis clos à deux personnages, Holly et Tatiana, sa fille adoptive d'origine russe. Les uns après les autres les invités de Holly se décommandent renonçant,  à cause de la tempête, à  partager le repas de Noël que Holly est en train de préparer. Isolées du monde par la neige qui recouvre le paysage dans cette région du Michigan où les hivers sont rigoureux, la mère et l'adolescente se retrouvent  dans une solitude à deux qui va se révéler pesante.
 Il semble, en effet, que rien ne peut  se dérouler normalement ce jour-là, à commencer par l'angoisse qui saisit  Holly à son réveil tardif. Pourquoi cette pensée néfaste s'impose-t-elle à elle : "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux". Pourquoi le souvenir récurrent  de l'adoption de Tatiana, en Sibérie, il y a quinze ans de cela, viennent-ils la perturber. Et surtout pourquoi Tatiana, si belle, si aimante et si aimée, a-t-elle ce comportement bizarre envers sa mère? 
Le récit s'inscrit dans une seule journée et comporte de fréquents retours en arrière sur le passé de Holly, sur l'enfance de Tatiana, créant un leitmotiv obsédant. Holly parle de son désir d'enfant, elle qui ne peut être mère, de son désir d'être poète, elle qui ne peut écrire. Les images de l'orphelinat sinistre en Sibérie où la vie d'un bébé ne tient qu'à un fil hantent sa mémoire. Le lecteur se sent, comme Holly, prise au piège de toutes ces pensées  inquiétantes. Les rosiers du jardin protégés par des sacs sont semblables à des petits crânes emplis de roses, des esprits faits roses,  la poule Sally que Tatiana aimait temps a été déchiquetée par les coups de bec de ses compagnes, le rôti est une chose morte que Holly doit sortir à toute hâte de la maison… Laure Kasischke avec un talent considérable distille l'angoisse à dose infinitésimale mais progressive et continue.  Son style poétique, fait entendre des dissonances, provoque des perturbations en nous. L'auteur utilise la métaphore pour peindre la souffrance de Holly comme un paysage intérieur hivernal où tout semble étouffé, ou les bruits paraissent amortis, où la souffrance est comme recouverte d'un linceul. 
J'avoue avoir été complètement ensorcelée par cette voix désolée qui est celle de Holly, touchée par le sentiment de  détresse et de solitude, fascinée par tous les non-dits du roman que nous percevons dans la grisaille de l'hiver.  Il faut être un grand écrivain pour faire sentir tout cela, pour communiquer une telle émotion sans avoir besoin de dire, juste par la suggestion, puis peu à peu, en semant des indices de çà de là, légers comme des  flocons puis formant un tout pour nous amener à comprendre!  Une très belle lecture! Une réussite!

Voir Clara ICI

lundi 25 novembre 2013

Léonor de Récondo : Pietra viva

Michel Ange : Le tombeau de Jules II Moïse (détail)

Dans un pierre vive /L'art veut que pour toujours/Y vive le visage de l'aimée  écrit Michel Ange dans un madrigal composé pour Vittoria Colonna que Léonor de Récondo place en exergue de son roman. Pietra viva : La pierre vive, la pierre qui enferme les formes que Michel Ange distingue avec  prescience, enfouies dans le marbre, et qu'il ramène à la surface en leur donnant vie. C'est cette quête que nous conte Léonor de Récondo  dans cet ouvrage qui présente quelques mois de la vie de Michel Ange dans les carrières de Carrare. Il y est venu pour arracher à la montagne les blocs de marbre qui lui permettront de réaliser les statues du tombeau monumental commandé par le pape Jules II à l'artiste. Pourtant, Michel Ange a une autre raison d'être là; il a fui Rome bouleversé par la mort d'Andrea, un jeune moine qu'il aimait et qui vient de mourir, le laissant désespéré par cette mort subite.
Je dois le dire clairement, la romancière malgré ses qualités de style et de conteuse n'est pas complètement parvenue à emporter mon adhésion. Je suis souvent restée en dehors devant cette analyse intelligente, certes, mais qui m'a semblé un peu trop cérébrale et où le sentiment reste muselé.. J'ai aimé pourtant la manière dont Léonor de Récondo conduit son récit pour ressusciter Michel Ange non seulement en tant qu'artiste, un des plus grands de son temps, mais aussi en tant qu'homme. La démarche est originale et réussie.

La romancière ne cherche pas, en effet, à écrire la biographie du sculpteur même si elle introduit très habilement de nombreux éléments  sur sa vie et sur l'histoire de son pays : son enfance chez une nourrice dont le mari est carrier et son initiation précoce à la pierre, ses dons exceptionnels pour le dessin, la mort de sa mère quand il a six ans, les oeuvres qu'il a déjà sculptées au moment du récit, sa rencontre avec Lorenzo le Magnifique, les autodafés de Savonarole, les terribles épidémies qui moissonnent les vies, les emportements de Jules II…
Mais à côté des faits historiques, concrets, il y a surtout de la part de la romancière tout un travail d'imagination, de compréhension intuitive, bref! un réel talent pour peindre l'homme sous l'artiste. Semblable en cela à la démarche du sculpteur qui taille dans la pierre vive pour délivrer les esclaves de la gangue qui les retient, Léonor de Recondo scrute la mémoire pour faire remonter les souvenirs perdus de Michel Ange et ainsi nous révéler le personnage de l'intérieur.
La mort d'Andréa, en effet, va le renvoyer à celle de sa mère qu'il s'est toujours efforcé d'oublier par crainte de souffrir. Il ne peut même plus se rappeler ses traits. Cette remontée du souvenir se fait par degrés successifs : un parfum d'abord, des images, et la lecture de la bible que lui a laissée Andrea en sont les moteurs. Peu à peu Michel Ange, prisonnier de lui-même, accède au souvenir, accepte les sentiments et la souffrance, émerge à la vie.
Ce thème  traité avec beaucoup de finesse est associé à celui de l'art et interroge sur le rôle que celui-ci doit jouer :  l'art comme travail de la mémoire, l'art pour conserver le souvenir du passé, l'art vécu comme une "fièvre de la pierre", comme une nécessité vitale.
Autres centres d'intérêt du roman : la vie des carriers et de leur famille, les dangers de l'exploitation de la pierre et les personnages vivants ou surprenants qui gravitent autour de l'artiste, le petit Michele doté d'une forte personnalité qui révèle Michel Ange à lui-même, Cavalino qui se voit comme un cheval, Topolino qui se faufile comme une "souris" entre les blocs de marbre, son épouse, Chiara , un beau portrait de femme… De beaux passages décrivent l'irréalité des paysages, de cette carrière et de cette pierre de lune, le marbre :
Imagine le visage des premiers hommes quand un bout de paroi est tombé, quand le blanc a scintillé et qu'ils ont découvert ces pierres si blanches, issues de cette montagne si vertes. Ils ont dû se retourner pour regarder la lune briller dans le ciel nocturne et se sont dits que des morceaux d'elle s'étaient échoués là.
Le roman de Léonor de Recondo, très bien écrit, présente donc de grandes qualités dans la manière d'aborder le personnage comme si elle l'extrayait de la roche, dans sa description du travail du carrier mais le style m'a paru un peu froid. Les phrases courtes, nettes, rapides, l'emploi du présent de narration qui donne une clarté crue aux actions, refusent tout sentiment. La romancière m'apparaît comme un chirurgien du style :  elle tranche dans le vif, elle dégage l'abcès, elle cautérise. La retenue, la distance volontaire qu'elle maintient par rapport à son personnage m'a donc laissée spectatrice plutôt que partie prenante du récit. C'est pourquoi si j'ai été intéressée et séduite intellectuellement je n'ai pas ressenti de véritable émotion.


Le tombeau de Jules II della Rovere



Dans Pietra viva Léonor de Recondo fait dire à Michel Ange : Le tombeau sera sur deux étages, comme une maison sans toit. Le tout entouré de colonnes, de fenêtres, de niches et de sculptures. A l'intérieur de ces murs, il y aura la tombe à proprement parler où l'on déposera le corps du Pape.

C'est en 1505 que Michel Ange se rendit à Rome où le pape Jules II della Rovere le chargea de construire  son tombeau sur cinq ans. Il devait mesurer 7 mètres de large et 8 mètres de hauteur et être orné de 40 statues. Il était prévu un niveau inférieur où figurerait l'homme, un niveau central pour les saints et les prophètes et un niveau supérieur représentant le Jugement Dernier.

Mais entre temps, Michel Ange, à la demande du pape, aura  à réaliser le plafond de la chapelle Sixtine, ce qui lui prendra quatre années à partir de 1508. Le pape Jules II l'inaugurera en 1512.

A noter aussi une autre interruption que le roman de Mathias Enard Parle-leur de batailles, d'amours et d'éléphants  situe en 1508.  A cette date, Michel Ange humilié par le pape qui refuse de lui donner une avance alors qu'il est en train de sculpter le Moïse, délaisse le tombeau pour se rendre à Constantinople à la demande du sultan Bazajet afin de contruire un pont sur le Bosphore.

Ce n'est qu'après la mort du Pape en 1513 que le sculpteur reprendra le tombeau qui ne sera achevé par étapes qu'en 1545. Celui-ci sera plus petit et placé contre un mur. Il sera mis en place non pas à la cathédrale Saint Pierre comme prévu initialement mais à l'église Saint Pierre in Vincoli. Les esclaves destinés à l'étage inférieur disparu, sont exposés pour quatre d'entre-eux à Florence et pour deux à Paris.

voir aussi le billet de Dominique A sauts et à gambades




Les quatre esclaves de Florence




Merci à Price Minister et aux éditions Sabine Wespieser











chez Eimelle

dimanche 24 novembre 2013

Au Centre Pompidou, le surréalisme et l'objet.

Arnaud Labelle-Rojoux : A la main du Diable

Je sortais à peine de la Maison de Victor Hugo où dans La cime des rêves  (voir ici) étaient présentés les rapports du poète avec les surréalistes que je découvre à Pompidou une autre exposition  : Le surréalisme et l'objet. Aussitôt j'y cours. Vous l'avez peut-être compris, je suis accro à ce mouvement artistique! J'en aime l'esprit de dérision, de provocation, de subversion et de liberté; j'aime la volonté affichée de détruire le regard conventionnel, étroit et convenu que l'on porte trop souvent sur l'art; j'aime cet appel à sortir des sentiers battus, à réfléchir sur la notion d'Art; j'aime aussi l'aspect ludique qui parle à l'imagination ou l'impossible devient possible!

La conscience poétique de l'objet


Loup-table de Victor Brauner

En 1924, André Breton proposait de fabriquer dans la mesure du possible, certains de ces objets que l'on n'approche qu'en rêve et qui paraissent aussi peu défendables sous le rapport de l'utilité que sous celui de l'agrément. 
En mettant ainsi la lumière sur l'objet surréaliste, à partir d'objets trouvés mais détournés de leur sens ou à partir d'objets rêvés concrétisés par leur fabrication avec des éléments du réel, l'exposition  montre comment les surréalistes ont donné une conscience poétique à l'objet, lui ont conféré une surréalité que Breton définissait comme "une sorte de réalité absolue". C'est le sens que j'ai retenu de cette exposition.

Les Readymade 


Dans les premières salles on retrouve des objets très connus du surréalisme, comme les Readymade de Duchamp ainsi son Porte-bouteilles, ou le téléphone-Homard de Dali... Pour Duchamp l'objet, même quotidien, banal ou prosaïque acquiert un statut d'oeuvre d'art par le seul fait que l'artiste l'ait choisi. Perçus comme scandaleux, choquants en leur temps, les Readymade ont eu pourtant une grande importance dans la réflexion sur l'art.  


Marcel Duchamp : Porte-bouteilles

Le mannequin et la poupée

 

Pour la première fois le mannequin est introduit dans une oeuvre que Chirico intitule Le Prophète car son  statut hybride -objet de forme humaine- lui confère une inquiétante étrangeté et Hans Bellmer accentue cet effet avec ses poupées de cire démantibulées qui renvoient au mythe de Pygmalion ou à l'Olympia d'Hoffmann  et qui ont aussi une dimension érotique soulignée pleinement par la projection d'une scène du film de Luis Berlanga :Grandeur nature dans lequel Michel Piccoli danse avec une poupée.

Giorgio de Chirico : Le prophète

Hans Bellmer : la poupée et Luis Berlanga : Grandeur nature

Objet à fonctionnement symbolique

 

Les objets à fonctionnement symbolique sont présentés dans une scénographie que j'ai beaucoup aimée. Elles sont plongées dans une semi-obscurité qui met en valeur l'objet éclairé, enfermé dans des écrins de verre comme des bijoux précieux et rares. Une caméra capte l'objet dans un mouvement tournant qui renvoie les images  sur les murs tendues de toile de la salle, permettant de magnifier les détails de ces créations. Ainsi l'objet à fonctionnement symbolique d'André Breton, la Boule suspendue de Giacometti, Le soulier de Gala de Salvador Dali, prennent leur sens en fonction du regardeur.. Et bien sûr il faut accepter de se perdre, de ne pas tout comprendre.
La chaussure de Gala par Dali a un sens érotique évident, associée au dessin d'un couple en train de copuler dans une boîte à chaussures :

Dali : La chaussure de Gala

On sait l'obsession de Dali pour la chaussure de femme, ce qui inspire à Elsa Schiaparelli le fameux chapeau-chaussure que porte Gala sur cette photo :


Gala Dali et le chapeau-chaussure

D'autres objets sont encore plus complexes à décrypter! Et ce n'est pas grave, il faut laisser son esprit cartésien au vestiaire! Parfois les surréalistes agissent comme des enfants facétieux qui cherchent à vous mener en bateau et ce côté ludique est passionnant.

André Breton : objet à fonctionnement symbolique
La compréhension de l'objet surréaliste se mérite! Son mode d'emploi c'est : se laisser aller à son imagination!  Avec cet objet à fonctionnement symbolique André Breton me laisse perplexe : on y voit un timbre et une selle de bicyclette reliés à une fronde munie d'un caillou, et une sorte de petit panier contenant des objets qui évoquent pour moi un utérus avec des embryons, la Naissance? La bicyclette au milieu des feuilles serait donc la représentation de la vie, son mouvement? et la fronde n'est-elle pas synonyme des difficultés, des blessures de la vie? Les feuilles séchées seraient alors la mort annoncée? Et que signifient certains objets que je n'identifie pas bien. Regardons un de ces détails grâce au film qui le sélectionne et le grandit :

André Breton : objet à fonctionnement symbolique(détail)
 Cet détail se révèle être un sablier, il évoque donc bien le temps qui s'écoule et nous amène inexorablement vers la mort.
Un objet surréaliste est une énigme! Et peu importe si ce n'est pas ce que l'artiste a voulu dire parce que voilà ce que déclare Dali à ce propos : Ces objets, qui se prêtent à un minimum de fonctionnement mécanique, sont basés sur les fantasmes et représentations susceptibles d’être provoqués par la réalisation d’actes inconscients. [...] Les objets à fonctionnement symbolique ne laissent aucune chance aux préoccupations formelles. Ils ne dépendent que de l’imagination amoureuse de chacun et son extra plastiques. » (Salvador Dalí, « Objets surréalistes », Le Surréalisme au service de la révolution, n° 3, décembre 1931.

 

Meret Oppenheim : Ma gouvernante


J'adore l'humour de ces chaussures blanches ficelées comme un gigot prêt à enfourner (ou à passer à la casserole) que Meret Oppenheim intitule : Ma gouvernante.
A noter tous les détails symboliques de l'objet :
Et d'abord la chaussure qui est la représentation érotique et fétichiste par excellence. On peut imaginer la gouvernante, objet des fantasmes prépubères du petit garçon.
La blancheur, symbole de pureté, de virginité,  est détournée par la ficelle qui ligote les chaussures et évoque des relations sado-maso ou tout simplement la domination du mâle impliquant la soumission de la femme voire son non-consentement.
Enfin le plat sur lequel est disposé cet objet a pour moi une double référence : Il renvoie d'une part à une video de l'exposition dans laquelle on voit Oppenheim et ses convives prendre un repas sur une table-femme, ce qui est peut-être l'image d'un cannibalisme amoureux faisant un sort aux expressions :" je te mangerai!""Tu es à croquer"!
D'autre part, je ne peux m'empêcher d'y voir un pastiche des tableaux de la Renaissance ou de l'art Baroque représentant la tête de Saint Jean-Baptiste posée sur un plat, offrande sacrificielle offerte à Salomé.

Andrea Solario, La tête de Saint Jean-Baptiste, 1507
Le Caravage : Salomé et Saint Jean-Baptiste

Les autres objets sont regroupés d'après les expositions internationales auxquelles ils ont participé, de 1933 à  1960 selon des thèmes divers, l'objet et son rapport avec  la sculpture, Eros, une dernière salle est consacrée à  Joan Miro,  après 1960, où l'artiste invente l'objet selon le principe des "cadavres exquis" avec des objets divers.

Joan Miro : personnage

Joan Miro : personnage


 Et enfin je vous laisse regarder certaines oeuvres et vous interroger sur leur sens si le coeur vous en dit!

 
Salvador Dali

Alberto Giacometti : Table
 
Dali : Le veston aphrodisiaque




Centre Pompidou, Paris
Le surréalisme et l'objet
30 octobre 2013 - 3 mars 2014
de 11h00 à 21h00 Galerie 1 -