Voici les titres pour lesquels j'ai craqué dans la librairie ! Quelle joie de revenir ployant sous le poids des bouquins. J'exagère juste un peu pour le poids mais pas trop ... Regardez plutôt la photo !
J'avais un peu de doute sur certains titres comme La maison des hautes falaises mais la première page qui place le personnage face à des baleines évoluant avec grâce en pleine mer est tellement bien écrite et poétique que j'ai été séduite. Je viens de lire aussi que Keisha a beaucoup aimé Watership Down. Et je vais découvrir les autres avec plaisir.
C'est intentionnellement que je n'ai pas choisi les trois livres que j'ai retenus pour le tirage au sort de Price Minister mais que je lirai aussi un jour, j'espère !
Valentyne Goby : un paquebot dans les arbres
Smith Anderson : Yaak Valley Montana
Marcus Malte : Le garçon
Je vais être absente pendant trois ou quatre jours de mon blog pour aller en Lozère et je me promets déjà de bonnes heures de lectures. A bientôt et bon dimanche !
L’un des livres les plus marquants que j’ai lus cet été est le roman de Victor Del Arbol : toutes les vagues de l'océan. J’ai été fascinée par la force de ce roman, sa diversité, sa richesse et la manière dont l’écrivain nous plonge au coeur de l’Histoire, nous immergeant complètement dans les grandes tragédies du XX ième siècle.
Gonzalo Gil a épousé une femme riche, la fille d’un grand avocat. Il y a perdu son âme; avocat lui-même, il a tout fait pour rester indépendant mais il va être obligé de rentrer dans les rangs en signant un accord de fusion avec le cabinet de son beau-père et, ce faisant, en aliénant sa liberté. Ses rapports avec sa femme et son fils laissent à désirer et voilà qu’on lui annonce le suicide de sa soeur Laura avec laquelle il est en froid depuis de nombreuses années. Celle-ci a perdu son fils, assassiné par un maffieux, et la police la soupçonne d’avoir tué ce dernier avant de se donner la mort. L’enquête menée par un policier au passé trouble s’oriente vers la Matriochka, nom donné à un groupe de la maffia russe qui a à sa tête un chef aussi puissant que mystérieux.
La mort de sa soeur est un déclic qui va provoquer le réveil de Gonzalo. Peu à peu remontent à sa mémoire des souvenirs anciens, en particulier de Laura. Peu à peu aussi, nous pénétrons dans le passé de sa famille.
La mère, Esperanza, Katerina Orlovska, d’origine russe, farouche et passionnée, voue un culte à son mari. Mais que se cache-t-il derrière ses silences? Le père, Elias, est considéré comme un héros. Ingénieur communiste, il est parti travailler à Moscou et a été envoyé en déportation en Sibérie par Staline dans l’île de Nazino où il connaît l’horreur; puis de retour en Espagne il s'est illustré dans la guerre civile espagnole du côté des communistes contre Franco.
Ile Nazino dite l'île aux cannibales
Le récit est mené sur trois époques différentes : les années 30, en Russie, à Moscou puis en Sibérie, plus précisément dans l’île de Nazino en 1933; à Barcelone pendant la guerre civile dans les années 1936-37. Et dans la Barcelone contemporaine en 2002.
Le voyage des exilés vers la Sibérie et leur séjour sur l’île Nazino, l’île aux cannibales, sont hallucinants. On préfèrerait que ce soit une fiction mais Victor del Arbor s’appuie sur des faits attestés. Le retour à Barcelone et les cruautés de la guerre civile ne le sont pas moins. On suit le récit avec passion tant l'écriture en est belle et vibrante. Ces personnages extrêmes comme Igor Stern, le tueur, chef de bande, Elias et Esperanza sont remarquables. En même temps on éprouve de la compassion d’abord pour Elias dont l’innocence a été tuée en même temps que les valeurs morales et puis ensuite pour les enfants, Laura et Gonzalo, victimes collatérales des sursauts terribles de l’histoire.
Après l’horreur, la nostalgie s’installe devant le récit de ces vies ratées, de la cruelle enfance de Gonzalo et sa soeur. On éprouve beaucoup d’émotions en lisant ce livre, on s’attache à certains personnages, on a mal pour eux.
Barcelone 19 juillet 1936
Ce roman remue, émeut, pousse à la réflexion. Victor del Arbor ne juge pas Elias. Il en fait un portrait clinique qui nous pousse à nous interroger sur les frontières poreuses et malléables entre le bien et le mal. Comment Elias, ce jeune homme idéaliste et pur, peut-il devenir cet homme revenu de tout, endurci, sans scrupules, qui souffre et fait souffrir en retour? L’écrivain nous ouvre les yeux sur la nature humaine, sur ce qu’il y a d’obscur en elle. Jusqu’où irions-nous pour sauver notre vie? Et quand le Mal devient une habitude comment ne pas être contaminé ? Comment préserver un fond d’humanité ? A partir de quel moment Esperanza devient-elle, elle aussi, monstrueuse ? Même le tueur Igor Stern, cannibale, image de l’ogre, est une victime. Quand il avait neuf ans, les cosaques tsaristes l’ont obligé à mettre le feu à son père dont ils avaient arraché la peau. Dans la guerre civile espagnole, les atrocités ont lieu des deux côtés. Ce livre remet en cause toutes les idéologies, toutes les certitudes lorsqu’elles sont perverties par le pouvoir, les intérêts économiques, par le fanatisme. Il montre que l’homme est capable du pire… mais pas seulement car l’amitié est présente dans cette histoire et curieusement là où on l’attend le moins, entre un franquiste et un communiste; l’amour aussi, celui de Laura qui protège son petit frère, lui épargne d’être confronté à la réalité, celui d’Elias pour Irina morte en Sibérie et qui reste un fantôme accroché à sa vie, l’amour aussi de Gonzalo et Tania.
Un seul bémol pour moi, c'est dans le dénouement de l'enquête qui ne me semble pas conforme avec la psychologie des personnages ni avec ce qu’ils viennent de vivre.
Ce qui n’empêche pas Toutes les vagues de l’océan d’être un grand livre et un coup de coeur !
Je ne résiste pas à citer un extrait du roman pour que vous ayez une idée de la maîtrise du style. Nous sommes sur sur l'île Nazino. Les soldats qui gardent les prisonniers viennent de céder à un moment de panique et ont tiré dans la foule :
"Quand
s'éteignit l'écho des derniers coups de feu, l'îlot était jonché de
cadavres. L'air sentait la poudre. Même les soldats, qui s'acharnaient
encore quelques minutes plus tôt, contemplaient ce spectacle dantesque
en silence, effrayés de leur propre rage. Certains vomissaient, d'autres
sanglotaient. Plus de deux cents hommes, femmes et enfants moururent ce
jour-là. Une demi-douzaine de soldats tombèrent aussi. Et soudain,
au loin, un écho musical transperça la brume qui enrobait le fleuve.
Entouré de cadavres, un vieil homme jouait de l'harmonica, assis sur un
tronc d'arbre. La musique répandait sa tristesse. La scène était
démentielle, hallucinante, incroyable. Mais le vieillard était bien
réel, les notes de son harmonica s'élevaient au-dessus des gémissements
des blessés.
Le commandant qui avait ordonné aux soldats de cesser le feu s'approcha du vieux, son revolver à la main, marchant comme un automate. Tous pensaient qu'il allait l'exécuter. Au bout d'une longue minute, il ôta son manteau, recouvrit délicatement les épaules du vieil homme, comme si c'était son père ou son grand père, s'assit à côté de lui, promena un regard dément, releva la visière des sa casquette à la pointe de son revolver, laissa son regard errer sur les cadavres figés dans des positions invraisemblables, à genoux, les yeux écarquillés, la bouche béante tournée vers le ciel. Les doigts tremblants, il chercha une cigarette dans sa veste, l'alluma et aspira une longue bouffée. Le vieillard jouait toujours. Alors, l'officier appuya son revolver contre sa tempe et se fit sauter la cervelle.
Victor del Arbol
Víctor del Árbol, né en 1968 à Barcelone, est un romancier
espagnol, auteur de roman policier. Il fait ses études supérieures en
histoire à l'Université de Barcelone. De 1992 à 2012, il travaille comme
fonctionnaire du gouvernement de la Catalogne. Il participe également à
une émission radiophonique de Ràdio Estel.
Il amorce une carrière d'écrivain avec la publication en 2006 du roman policier El peso de los muertos. C'est toutefois la parution en 2011 de La Tristesse du samouraï (La tristeza del samurai), traduit en une douzaine de langues qui lui apporte la notoriété. Pour ce roman, il remporte plusieurs distinctions, notamment le prix du polar européen 2012.
En 2015, son roman Toutes les vagues de l’océan remporte le le grand prix de la littérature policière * du meilleur roman étranger.
En 2016, il reçoit le prix Nadal pour La víspera de casi todo. (Wikipedia)
*
Il faut dire que je n'ai jamais considéré ce roman comme policier tout au cours de ma lecture !
Toutes les vagues de l'océan compte 596 pages au lieu de 600 ! Je le classe comme un pavé ou non?Allez, oui!
J’ai découvert Inger Hagerup, poétesse et dramaturge norvégienne, grâce à la collection Pour une rivière de vitrail aux éditions Rafael de Surtis avec le recueil L’amour mourra aussi. J'ai choisi ici quelques poésies d'elle parmi mes préférées.
Bonheur
Nikolaï Astrup, peintre norvégien
Dans ce poème, Inger Hagerup décrit le goût simple et intense du bonheur, celui que l’on éprouve quand on est très jeune, quand on est un peu et délicieusement puéril(e) (conseil aux marguerites) quand la vie est pleine d’espérance. Le bonheur n’est possible, semble dire Inger Hagerup, que si l’on est en attente, en devenir, quand on rêve encore la vie plutôt que de la vivre. J’aime ce ressenti qui s’exprime par de toutes petites choses (toile d’araignée vaporeuse, piqûres de moustique) et qui fait appel à tous les sens. Alors, l’esprit n’intervient pas entre le corps et ce qu’il ressent (indolemment) à l’exception de petites pensées légères qui affleurent ( la pluie et le beau temps, la lettre). La jeune fille est tout au présent de cette promenade, en suspension dans cette belle journée d’été, à l’écoute d’elle-même.
Qu’est-ce que le bonheur?
- C’est de marcher sur un sentier montagne herbu
en vêtements d’été, légers,
de gratter ses piqûres de moustiques fraîches
en réfléchissant indolemment,
être jeune, très riche
d’amours non vécues.
C’est de recevoir une toile d’araignée aussi légère qu’une étoffe
vaporeuse telle une çaresse sur la bouche et la joue
et penser un peu à la pluie et au beau temps.
Peut-être attendre une lettre.
Demander conseil aux marguerites
et peut-être oui - peut-être non-
qu’il m’aime-qu’il ne m’aime pas.
Ne pas encore te connaître.
Le jour neuf
Peter Balde peintre norvégien
Le jour neuf exprime un peu la même idée mais d’une manière
différente. Lorsque le jour arrive encore enveloppé par la nuit, il est
promesse de bonheur (les mains emplies de sommeil), de beauté (sourire
éblouissant), de pureté (il lave les montagnes). Ce n’est que lorsqu’il s’installe
qu’il est porteur de chagrins.
Le jour neuf est encore sans visage.
Enveloppé dans une cape d’étoiles
il file vers la terre. Puis il jette
sa cape et paraît là, superbe, nu,
les mains emplies de soleil.
Entre les extrémités de ses doigts
il laisse les heures de l’éternité s’égoutter.
Il lave les montagnes de son sourire éblouissant
et, sur ses épaules blanches, porte
mille chagrins inconnus.
L’amour mourra aussi
Edward Munch : Séparation, peintre norvégien
Le sentiment exprimé ici semble être la suite logique des précédents. Lorsque la vie n'est plus un rêve mais une réalité, elle est condamnée. Il en est de même pour l'amour! Mieux vaut choisir de mourir plutôt que de subir passivement la fin de la vie et de l'amour.
Tue-moi, dit-elle, car la mort
nous possède quoi qu’il arrive.
Plutôt que d’être abandonnée par la vie,
Je l’abandonnerai moi-même.
L’amour mourra aussi
sans jamais revenir.
Mon amour, laisse-moi le précéder.
Laisse-moi mourir avec lui!
Aust-Vagoy/ Mars 1941
Video Aust-Vagoy par Inger Hagerup
Un autre aspect de la poésie de Inger Hagerup, celui qui la fait se dresser contre l’idéologie nazie et incarner la résistance. Les norvégiens connaissent tous les vers : De brente våre gårder/De drepte våre menn.
De brente våre gårder. De drepte våre menn. Lå våre hjerter hamre det om og om igjen. La våre hjerter hugge med harde, vonde slag: De brente våre gårder. De gjorde det i dag. De brente våre gårder. De drepte våre menn. Bak hver som gikk i døden. Står tusener igjen. Står tusen andre samlet I steil og naken tross. Å, døde kamerater, De kuer aldri oss.
*
Ils ont brûlé nos fermes. Ils ont tué nos hommes. Laissons nos coeurs le répéter encore et encore. Laissons nos coeur cogner de coups durs, mauvais, Ils ont brûlé nos fermes, Ils l’ont fait aujourd’hui. Ils ont brûlé nos fermes. Ils ont tué nos hommes. Derrière chacun de ceux qui sont partis à la mort, ils sont des milliers. Des milliers d’autres assemblés dans le défi nu et intraitable. Ô camarades morts, ils ne viendront jamais à bout de nous.
Ce poème très connu par tous les norvégiens ainsi que d'autres de Inger Hagerup ont été mis en musique.
Inger Hagerup,
née le 12 avril 1905 à Bergen et morte le 6 février 1985 à Fredrikstad,
est une poétesse, dramaturge et traductrice norvégienne. Son recueil Je me suis perdue dans les bois
l’a fait connaître en 1939. Elle écrit aussi pour la radio et pour les
enfants. Pendant l’occupation allemande pendant la seconde guerre
mondiale, elle incarne la résistance avec ses vers Aust-Vagoy Mars 1941 publiés dans l’illégalité : Ils ont brûlé nos fermes./ Ils ont tué nos hommes.
autres recueils philosophiques et lyriques de Inger Hagrup : La septième nuit (1947), Mon navire vogue (1951), Du cratère de la terre (1964) et deux livres de Souvenirs(1965 et 1966).
Le parfum d’Adam de Jean-Christophe Rufin est dans la veine de Globalia, un roman de science-fiction, pourrait-on dire, mais pas vraiment. En effet, s’il nous présente des faits fictifs, ceux-ci sont tellement proches de la réalité et dépeignent si bien notre époque qu’ils n’appartiennent pas vraiment à la science-fiction. C’est ce qui n’est pas encore arrivé mais que nous savons possible!
Jean-Christophe Rufin a choisi de parler du terrorisme mais pas de celui qui concerne l’islamisme. Il s’agit ici d’écologie telle qu’elle se pratique aux Etats-Unis où ce courant de pensée utilise parfois des méthodes violentes, allant jusqu’à s’attaquer aux engins de déforestation, par exemple, et aussi à ceux qui les conduisent. Mais là où nous entrons dans la science-fiction, c’est lorsque l’écrivain imagine un complot international visant à s’attaquer aux populations les plus pauvres car ceux sont eux qui polluent le plus et déforestent. L’écologie, en effet, poussé à l’extrême, peut aboutir à la haine de l’homme.
Juliette jeune fille psychologiquement fragile, est envoyée dans un laboratoire en Pologne pour délivrer les animaux qui servent à des expérimentations. Mais sa mission semble avoir un autre but. On lui demande aussi de ramener une flacon. Que contient-il? C’est ce qu’elle ne sait pas. Et pourquoi revêt-il une telle importance aux yeux des personnes occultes qui la manipulent? Juliette ira-t-elle jusqu’au bout de ce qu’on exige d’elle?
Face à Juliette et au groupe tout puissant qui est derrière elle, le docteur Paul Matisse, américain, un ancien de la CIA, et la brillante Kerry, ex-espionne, vont reprendre du service pour venir en aide à l’Humanité.
L’histoire est bien construite et bien menée et nous entraîne dans de nombreuses aventures dignes d’un roman d’aventures et d’espionnage - voilà pour l’aspect romanesque- mais qui ont pour but une réflexion sur notre monde actuel. JC Rufin ne cache pas que toutes les formes de terrorisme sont ici visées puisque toutes ont en commun la violence, le fanatisme et la destruction de l’autre. Mais il met aussi en avant le fait que les services de sécurité américains prennent très au sérieux la menace de l’écoterrorisme. L’écrivain dénonce les philosophies qui à la suite de Malthus, en poussant le raisonnement à l’extrême, considèrent l’homme comme nuisible. Ces idéologies permettent la justification de la guerre pour éliminer le surplus humain. La famine, la mortalité infantile, les épidémies sont donc vues comme « le mécanisme naturel » qui régule la population. Et comme ces fléaux touchent les populations du Tiers-Monde, on comprend bien que ce sont eux les victimes désignées de cette idéologie. William Aiken va même jusqu’à écrire dans Essay in environnemental Ethics » : « Une mortalité humaine massive serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C’est le devoir de notre espèce, vis à vis de notre milieu, d’éliminer 90% de nos effectifs ». Terrifiant, non? C’est d’ailleurs cette assertion qui est à l’origine du roman. Le parfum d’Adam conduit donc à une réflexion sur les rapports entre les pays riches et ceux du Tiers-Monde et sur la responsabilité qui est la nôtre..
J’ai aimé ce roman dont le sujet m’a paru particulièrement d’actualité et passionnant. Au niveau de l’aspect romanesque, on ne lit pas 754 pages d’affilé si l’on n’éprouve pas un vif intérêt pour le livre! Je ferai cependant un reproche au roman, celui d’être parfois une peu trop démonstratif. C’est la thèse défendue qui est mise en valeur au détriment des personnages qui m’ont paru parfois, surtout Paul et Kerry, un peu trop stéréotypés.
Challenge Pavé de l’été de Sur mes brizées : 754 pages dans Folio Gallimard
Le roman de Stef Penney La tendresse des loups commence comme un roman policier avec la découverte du cadavre de Laurent Jammet, un trappeur affreusement mutilé, dans une cabane du village de Dove River en Nouvelle-Ecosse. C’est madame Ross, émigrée avec son mari des Highlands d’Ecosse, qui l’a découvert. Les envoyés de la compagnie de la Baie d’Hudson dont le jeune Donald Moody mènent l’enquête qui s’oriente vers deux suspects : Parker, un trappeur indien, qui était en relation commerciale avec Jammet et qui est fait prisonnier, et le fils adoptif des Ross, le jeune Francis, qui a disparu le même jour. Madame Ross est persuadée de l'innocence de Francis. Elle s’inquiète pour lui et lorsque Parker qui est parvenu à s’enfuir lui demande de l’accompagner, elle n’hésite pas. Tous deux partent dans la forêt et vont affronter les dangers, les difficultés, les souffrances d’un voyage dans un pays où les grands espaces, les forêts touffues, le froid, la neige et la faim, sont autant d’épreuves que seule l’expérience de l’indien Parker leur permet de surmonter.
Le roman devient donc un récit d’aventure, une histoire de survie où le courage, la force morale et physique et la volonté animent des personnages au caractère bien trempé. Mais la tendresse des loups est aussi une page d’Histoire - Nous sommes en 1867 - et raconte le voyage, l’installation des émigrés écossais dans ce pays où tout est à faire, défricher, bâtir des maisons, et même donner des noms à ces lieux inhabités.
La tendresse des loups est raconté à la première personne par Mrs Ross en alternance avec des passages rapportés à la troisième personne par un autre narrateur. Nous faisons connaissance avec les autres habitants du village, comme le Pasteur Knox et sa famille, ses filles, la belle Suzanna et l’intellectuelle Maria. Les mentalités, les grandeurs et les faiblesses de ces pionniers apparaissent. Nous apprenons le fonctionnement des Compagnies qui font le commerce des fourrures, leur rivalité entre elles, leur attitude avec les indiens qu’ils poussent à boire pour assurer leur hégémonie; d’autres thèmes apparaissent encore, la disparition déjà lointaine et mystérieuse de deux jeunes filles qui devient une sorte de légende, l’homosexualité condamnée sévèrement et qui exclut de la communauté. Et puis il y a les loups mais contre toute attente étant donné le titre, ils restent très secondaires !
Malgré tous ces aspects variés et la richesse de son propos, j’ai mis un moment à entrer dans le roman, car le récit est entièrement au présent de narration que, personnellement, je trouve un peu agressif. Le style est sec, énergique et efficace, certes, mais peu descriptif et manque de poésie surtout pour un roman parlant de la nature. Il ne m’a pas accrochée de prime abord. Et puis les personnages sont durs, à l’image du pays, et il faut le temps de les connaître pour les apprécier. Ce que j’ai fini par faire ! Progressivement, je me suis laissée entraîner par l’histoire et sans être un coup de coeur, La tendresse des loups m’a paru un bon roman, maîtrisé, complexe et intéressant.
Stef
Penney est née et a grandi à Édimbourg. Après un diplôme de philosophie
et de théologie de l’université de Bristol, elle entreprend des études
de cinéma. Elle a déjà écrit et réalisé deux films. La Tendresse des loups,
son premier roman, a été récompensé du prestigieux prix Costa Award
pour la meilleure première œuvre, ainsi que pour le meilleur roman. (10/18)
Lu pour le challenge Le Pavé de l’été de Sur mes Brizées : 600 pages éditions 10/18
Toujours dans le cadre de mes lectures du mois de Juillet Agatha Christie ! J’avais deux livres d’elle dans ma PAL depuis longtemps et comme je ne connaissais pas du tout ces titres, je me suis enfin décidée à les lire.
Un cadavre dans la bibliothèque
Miss Marple dans Un cadavre dans la bibliothèque
Le colonel Bantry et son épouse mènent une vie paisible dans leur maison campagnarde jusqu’au jour où… le cadavre d’une jeune fille « trop blonde » est trouvé dans la bibliothèque du colonel. La fenêtre a été forcée et la victime étranglée. L’enquête commence mais qui va croire que l’honorable colonel ne connaissait pas la victime? Même à son âge, les tentations, n’est-ce pas…? Les commérages vont bon train dans la petite ville et la réputation jusqu’alors sans tache de l’honorable militaire risque bien d’être mise à mal. Mrs Bantry prend les choses en main. Elle appelle son amie miss Marple qui va mener ses propres investigations à côté de celles l’inspecteur Flem. Bientôt une belle brochette de suspects est présentée au lecteur et miss Marple va débrouiller l’affaire pour nous.
J’ai d’abord beaucoup aimé le début du roman qui fait preuve d’un humour british réussi mais malheureusement par la suite le ton est moins amusant et c’est dommage. Comme d’habitude l’enquête est compliquée et l’on soupçonne les personnages l’un après l’autre car ils ont tous un mobile.
Lecture plaisante qui présente la construction traditionnelle, sans surprise, des romans d’Agatha Christie et fait passer un bon moment. Ce n’est pas le meilleur de l’auteure et je crois, d’ailleurs, qu’il n’est pas le plus connu.
A l’hôtel Bertram
Avec A l’hôtel Bertram, Agatha Christie nous ramène dans un quartier de Londres au coeur du West End. L’hôtel Bertram a conservé la décoration, l’atmosphère raffinée et feutrée, le service parfait des années 1939. Les clients de l’aristocratie provinciale, le haut clergé, les militaires à la retraite, les personnes en vue qui le fréquentent en 1955 sont assurés de se retrouver comme par miracle transportés dans le passé, le confort moderne en plus mais discret. Si miss Marple descend dans un hôtel aussi cher lors d’un séjour à Londres, c’est que son neveu et sa nièce ont voulu lui faire plaisir. Mais, on le sait, là où passe miss Marple, le crime n’est jamais bien loin : disparition du chanoine Pennyfather, mort du portier… On apprend aussi que la police enquête sur cet hôtel. Quelle réalité peu glorieuse se cache derrière la façade de cet établissement qui paraît immuable et digne?
A travers cette histoire l’écrivaine brosse un portrait de la bonne société, les argentés comme ceux qui ne le sont pas mais qui font tout pour le paraître. Bien vite, elle nous révèle l’intérieur de ce panier de crabes ou sous les riches oripeaux, les belles manières, grouillent les plus bas sentiments. A l’hôtel Bertram se révèle donc une enquête rondement menée bien que sans grande originalité mais qui se lit avec plaisir.
Avec Dans le grand cercle du monde, l’écrivain canadien, Joseph Boyden, raconte la fin du peuple Huron (les Wendat dans leur langue) dont les membres furent décimés ou dispersés en 1649 par les iroquois lors de la guerre qui les oppose.
Les Hurons qui furent baptisés ainsi par les français à cause de leur coiffure comparable à une hure de sanglier avaient fait alliance avec Samuel de Champlain dès le début du XVII siècle pour le commerce des peaux. Selon le contrat, les français leur devaient assistance contre les iroquois. En contre partie, la présence de jésuites sur leur territoire leur était imposée, ceux-ci oeuvrant pour la christianisation et favorisant les visées colonialistes de la France. Les Iroquois, eux, furent bien vite alliés aux Hollandais puis aux Anglais si bien que les guerres fratricides entre tribus servirent les intérêts des envahisseurs.
Cornelius Krieghoff : Huron-Wendat Callingmoose
Joseph Boyden présente le génocide de ce peuple divisé en cinq tribus et la diaspora des survivants à travers un récit qui s’étend sur une vingtaine d’années, vu par trois personnages principaux :
Un jésuite (que les indiens appellent le Corbeau comme tous ceux de son ordre) qui vient christianiser les Hurons, devient leur prisonnier puis leur allié imposé, jamais accepté.
Un chef Wendat, Oiseau, animé par sa haine contre les iroquois qui ont tué sa femme et ses filles. Il est conscient du danger que représente les Corbeaux pour son peuple et cherche en vain à l’en libérer. C’est lui qui mènera les négociations avec Samuel de Champlain et conclura l’alliance avec les français. .
Et une petite fille iroquoise, Chutes de neige, prisonnière d’Oiseau qui a tué ses parents. Elle deviendra bien contre son gré sa fille adoptive. Oiseau, entend par là, selon la coutume des amérindiens, remplacer ses filles défuntes par une adoption dans la tribu ennemie.
Cornelius Krieghoff : Huron indians at portage
Ce sont ces points de vue différents qui vont mettre en relief le choc des cultures, chacun appréhendant l’autre selon sa mentalité qui lui fait trouver cocasses, ridicules ou véritablement effroyables les coutumes, les croyances ou tout simplement la présence de l’autre. Ainsi les Corbeaux qui apportent des maladies mortelles aux indiens sans être malades eux-mêmes ne sont-ils pas des sorciers? Le Jésuite est de plus un être incompréhensible à leurs yeux avec son amulette autour du cou (la croix), ses gestes ridicules (les signes de croix) et son outrecuidance à proclamer la supériorité de sa religion. L’incompréhension du Jésuite envers les indiens n’est pas moindre !
Joseph Boyden qui est lui-même d’ascendance indienne, connaît bien cette civilisation et nous permet d’entrer dans cette culture qui parfois nous rebute (les tortures infligées aux prisonniers sont atroces) et parfois nous séduit. Leur religion, en particulier, est très belle car elle ne place pas l’homme au centre de l’univers en affirmant sa suprématie mais donne à tous une juste place, humains, végétaux, animaux, tous reliés à un Tout, tous serviteurs de la Nature plutôt que maîtres.
Maison longue Huron reconstitution pour le film Robe noire
Dans le grand cercle du monde nous permet donc d’aborder cette civilisation d’une manière agréable, intéressante, en nous attachant à certains personnages, y compris secondaires, en voyant vivre les autochtones dans les maisons-longues qui regroupent plusieurs foyers. Amour, mariage, amitié, agriculture, chasse, trappe, commerce, fêtes, croyances et guerres … les saisons passent, les héros grandissent comme la petite iroquoise qui devient femme et se marie, épousant définitivement les moeurs des Hurons; ou ils vieillissent comme le jeune jésuite apeuré et tremblant du début qui s’affirme dans sa foi et manifeste un courage et une ouverture aux autres qui permet de faire oublier certains aspects peu sympathiques de ses tentatives de conversion.
Ce roman est donc une belle approche de cette nation indienne et de cette période tragique qui a vu disparaître en grande partie ce peuple, les Wemdat.
Joseph Boyden est un écrivain canadien, né en octobre 1966. Il a des origines irlandaises, écossaises et indiennes. Son premier roman, Three Day Road, publié en 2005, a été bien accueilli et lui a permis d'acquérir une certaine notoriété au Canada. Son deuxième roman, Through Black Spruce, a remporté le Prix Giller. Ses ouvrages sont consacrés au destin des Premières nations du nord de l’Ontario. (wikipédia) Son oeuvre traduite en français :
Joseph Boyden (trad. Hugues Leroy), Le Chemin des âmes [« Three Day Road »], Paris, Albin Michel, coll. « Terres d'Amérique », 2006, 391 p. (ISBN 978-2226173201)
Prix Amazon 2006
Joseph Boyden (trad. Michel Lederer), Les Saisons de la solitude [« Through Black Spruce »], Paris, Albin Michel, 2009, 400 p. (ISBN 978-2226193995)
Giller Prize 2008
Joseph Boyden (trad. Michel Lederer), Dans le grand cercle du monde [« The Orenda »], Paris, Albin Michel, coll. « Terres d'Amérique », 2014, 610 p. (ISBN 978-2-226-25615-7)
Ce livre participe au challenge le pavé de l'été de Sur mes Brizées édition 2016 avec 685 pages en livre de poche.
Dans le roman de Siri Hustvedt, Lily Dahl, tout juste 19 ans, travaille dans un café restaurant d’une petite ville du Minnesota avant d'entrer à l’université. En fait, elle voudrait être actrice, admire Marylin et joue le rôle de Hermia, personnage du Songe d’une nuit d’été qu'elle interprète avec une petite troupe d’amateurs. Nous sommes dans le monde étriqué d'une petite bourgade provinciale où les jeunes n’ont pas beaucoup d’avenir et où tout le monde se connaît. Aussi les commérages et les affabulations sur les agissements des uns et des autres vont bon train. Qui est par exemple cet artiste peintre Edouard Shapiro? Pourquoi a-t-il pris une petite chambre dans un hôtel miteux de la ville alors qu’il vit à New York et paraît avoir de l’argent? Pourquoi reçoit-il dans cette chambre des gens aussi dissemblables que Dolorès, une prostituée, et Ted qui se prend pour un cow boy? Mais Lily tombe amoureuse du peintre malgré les on-dit. Pourtant il se passe d’étranges phénomènes assez inexplicables autour de la jeune fille mais auxquels son ami d’enfance Martin semble mêlé. D'où le titre L’envoûtement de Lily Dahl !
J’ai beaucoup aimé ce roman aux personnages attachants qui nous sont présentés avec beaucoup de finesse et se révèlent à nous dans leur complexité. Lily, toute jeune, « petite dure à cuire » comme l’appelle son employeur, est une fille volontaire, courageuse, qui fait peu de cas du qu’en dira-t-on mais qui est aussi sensible et fragile. Elle a pour amie la vieille Mabel, personnage intéressant dont nous découvrons peu à peu le passé. Elle joue envers Lily le rôle d’un mentor plein de sagesse et d’affection. Professeur retraitée, elle lui explique Shakespeare et lui fait comprendre le personnage d’Hermia par l’intérieur. La galerie de portraits des clients du café, du patron et des employés est aussi très pittoresque et réussie. En particulier, les frères Franck et Dick connus de tous pour leur refus de se laver mais dont nous découvrons l’humanité à travers la tragédie qu’ils ont vécue dans leur enfance. Lily jouant entre tous le rôle de lien et de passeur.
Avec Edouard Shapiro, le peintre, apparaît le thème de l’Art qui va au-delà des apparences et sert de révélateur à la vérité de chacun.
Et puis il y a l’aspect fantastique et inquiétant du roman : les apparitions étranges qui ne sont pas vues seulement par Lily mais par d’autres habitants de la ville. Une certaine folie s’empare de tous. L’irrationalité caractérise parfois Lily (je pense à l’épisode des chaussures) aussi bien que Martin, dérangé, exalté, douloureux, dont les secrets vont peu à peu se révéler à nous.
Un bon roman qui m’a permis de découvrir dans Siri Hustvedt une écrivaine intéressante, en pleine possession de ses moyens et qui manifeste beaucoup de tendresse pour ses personnages sans tomber toutefois dans le sentimentalisme.
Siri Hustvedt est une écrivaine américaine née le 19 février 1955 à Northfield au Minnesota.
Son père est un américain d'origine norvégienne et sa mère est norvégienne.
Poétesse, essayiste et romancière reconnue, elle est diplômée en littérature anglaise de l'université Columbia.
Son premier roman, Les Yeux bandés est édité en 1992, et son troisième roman Tout ce que j'aimais connaît un succès international. En 2010, elle édite un essai La femme qui tremble, sur les troubles neurologiques qu'elle a étudiés dans les hôpitaux psychiatriques. Le recueil Vivre Penser Regarder paru en 2013 rassemble 32 conférences et articles, prononcés ou publiés séparément entre 2005 et 2011. Elle y développe ses thèmes de prédilection, mêlant les apports de la littérature, de la philosophie, de la psychologie ou encore des neurosciences. Ses œuvres sont traduites dans seize langues à ce jour. En France les écrits de Siri Hustvedt sont traduits par Christine Le Bœuf et publiés chez Actes Sud. (wikipedia)
Lecture commune de Siri Hustvedt avec le blogoblub de Silyre
j’ai beaucoup de retard dans mes billets après ce mois d’août passé en Lozère. C’est en juillet que j’ai lu L’hôtel hanté et Seule contre la loi de Wilkie Collins en plein festival d’Avignon, courant de droite à gauche vers des salles de spectacles, entre plusieurs pièces de théâtre. Il me fallait des romans agréables et faciles à lire. Et c’est bien le cas.
L’hôtel Hanté (1878)
Wilkie Collins
J’ai lu l’hôtel hanté avec plaisir même si ce n’est pas le meilleur de l’auteur, loin de là ! Je ne peux même pas dire que l’intrigue m’ait fait peur comme elle devait le faire assurément quand le roman est paru en 1878. Lectrice de thrillers ou de romans à suspense, je finis par être blasée et il m'en faut plus pour trembler même si je n'oublie pas que c'est à Wilkie Collins que revient le mérite d'avoir créé le genre. Il s’y est illustré brillamment avec La femme en blanc, Sans nom, Mari et femme, Une belle canaille qui restent mes préférés… et bien d’autres encore.
Lord Montbary rompt ses fiançailles avec Agnès Lockwood pour épouser la comtesse Narona, une aventurière, toujours accompagnée de son frère que d’aucuns soupçonnent d’être son amant. Cette rupture et cette mésalliance provoquent un scandale dans une société (victorienne) très collet monté. Le plus indigné est certainement Henri Westwick qui n’a pas de mots pour blâmer la conduite de son frère aîné envers Agnès. On apprendra bien vite qu’il est amoureux de la jeune fille depuis de nombreuses années. Lord Monbarry et son épouse fuient Londres pour s’installer à Venise dans un palais lugubre et délabré. Mais le lord meurt de maladie peu après et la comtesse devient son héritière. Le palais est rénové et transformé en hôtel où descend la bonne société britannique. Mais que se passe-t-il dans les anciens logements que Lord Montbary a habité. Quelles sont ces apparitions funestes? Et pourquoi la comtesse Narona semble-t-elle sombrer dans la folie et le remords?
Le plus intéressant dans le roman me semble être la comtesse Narona qui est un personnage assez complexe, coupable et victime à la fois. Elle paraît être la proie d’une fatalité à laquelle elle ne peut échapper et donc ne semble pas maîtresse de son destin. Elle est aussi sous la dépendance de son frère(?) et est prête à tout pour lui. Les personnages d’Agnès et de son amoureux Henri sont sympathiques mais plus conventionnels.
Quant à Wilkie Collins on le sent hésiter entre le ressort fantastique, jouant sur le surnaturel, et une explication réaliste des évènements qui se déroulent dans l’hôtel. Il semble attribuer ces visions étranges et effrayantes à des courants magnétiques à la Mesmer ( le mesmérisme est à la mode à cette époque). Bref! L’hôtel hanté n’est pas un grand roman mais, je le répète, il se lit bien !
Seule contre la Loi (1875)
L’héroïne de Seule contre la loi, Valeria va partir en guerre contre la justice qui, faute de preuves suffisantes a relaxé son mari accusé de meurtre, entachant définitivement son honneur… Elle enquête, nonobstant tous les tabous de l’époque sur le rôle de la femme dans la société victorienne, allant contre les interdits, risquant sa réputation et mettant en danger sa vie pour prouver l’innocence de l’homme qu’elle aime.
Et c’est ce qu’il y a de meilleur dans le roman. Ce personnage de femme amoureuse, volontaire (certains des siens, car elle a des amis sûrs, diront têtue), courageuse, qui ira jusqu’au bout de sa recherche et que rien ne vient rebuter. A côte d’elle, un autre personnage féminin intéressant, la mère du jeune homme. Quant à Eustache Woodville, le mari, il est bien éteint, bien falot, et presque absent du roman! C’est bien de Wilkie Collins de s’intéresser à un personnage de femme peu conventionnelle et de faire d’elle le « détective » de son enquête policière ! Encore un roman agréable à lire.
Si vous voulez voir Mangeront-ils? de Victor Hugo (nous avons une lecture commune de cette pièce pour le mois de Septembre), je vous signale qu'il y a une représentation de la pièce au Bois de Boulogne tous les vendredis et samedis soir du mois d'août et les 10 17 24 septembre.
Savoir si cette représentation estde qualité, c'est ce que je sais pas mais.. si vous y allez, n'oubliez pas de nous en informer.. nous autres pauvres provinciaux!
Qui veut nous rejoindre, Tania et moi, dans la lecture commune de Virginia Woolf pour la dernière semaine d'Octobre? Nous serons sera très souples sur les dates s'il vous faut un peu plus de temps. Inscrivez-vous dans les commentaires.
Virginia Woolf: le voyage au phare( traduit aussi par la Promenade au phare)
Un dernier billet sur les spectacles du festival d’Avignon que j’ai vus cette année dans le IN car il est temps d’en finir et je pars en vacances en Lozère!
La 70e édition en chiffres :
La 70e édition du Festival IN d'Avignon a réuni 63 spectacles en 289 représentations dans 39 lieux. Sur 126 000 billets proposés à la vente, 120 000 billets ont été délivrés (+ 6,55% par rapport au total de l’édition 2015), soit un taux de fréquentation de 95%. Les manifestations gratuites ont comptabilisé 47 000 entrées libres. Fréquentation totale au 23 juillet 2016 : 167 000 entrées
La 70e édition : lucidité et espérance
Ce Festival a incarné particulièrement cette année l’esprit de mobilisation, les spectateurs toujours plus nombreux préférant le partage de l’intelligence au silence de la peur ou à la violence du rejet.
Tristesses/ Anne-Cécile Vandalem auteure et metteuse en scène belge
"En passe de devenir Premier ministre, Martha Heiger, dirigeante du Parti du Réveil Populaire, retourne sur son île natale, Tristesses, pour enterrer sa mère retrouvée morte dans des circonstances qui restent encore à éclaircir. Après la faillite des abattoirs de Muspelheim, la candidate retrouve son village, exsangue, et profite de la situation pour jeter les bases d'un projet de propagande. Dans l'ombre, deux adolescentes décident de prendre les armes... Inspirée par la violence de la montée des nationalismes en Europe, la dernière création d'Anne-Cécile Vandalem dissèque avec humour ce qu'elle envisage comme l'une des plus redoutables « armes » de la politique contemporaine : « l'attristement des peuples ». Comment ? En liant de manière inextricable la tristesse à la comédie sociale, la politique à l'enquête de moeurs, l'émotion à sa propre résistance. En imaginant cette fable comme un polar nordique, animiste et surnaturel, la metteuse en scène croise la fiction et la réalité, le théâtre et le cinéma, les vivants et les morts. Un thriller où le passé télescope le présent, où les personnages sont pris dans des postures drôles et cruelles, et où le pouvoir insidieux des médias domine. « Un des états de la tristesse ».
C'est la pièce la plus terrifiante et la plus aboutie à ce stade du festival d'Avignon: "Tristesses", de la Belge Anne-Cécile Vandalem, raconte la prise de pouvoir d'une dirigeante d'extrême droite sur les habitants d'une petite île au Danemark.
Mon avis : Effectivement Tristesses est un beau, triste mais nécessaire spectacle, polar nordique comme le disent les critiques, mais surtout théâtre politique, ancré dans notre temps. Le spectacle montre le triomphe de l’extrême-droite et comment, au nom de cette idéologie pernicieuse, Martha, chef du parti du Réveil populaire et son père, triste individu sans scrupules, n’hésite pas à faire sombrer économiquement les habitants de cette petite île pour récupérer le pouvoir. Rien ne pourrait être plus d'actualité et la mise en scène entre vidéo et théâtre est très réussie.
Les âmes mortes d’après Gogol : Kirill Serebrennikov metteur en scène russe
"Dans la Russie des années 1820, Tchitchikov homme ordinaire mais astucieux, cherche fortune et applique une idée peu commune : acheter à très bas prix les titres de propriété de serfs décédés mais non encore enregistrés comme tels par l'administration, pour les hypothéquer et en retirer bien plus d'argent qu'ils n'en valent en réalité. Au fil des tractations et des transactions de ce personnage, Nikolaï Gogol construit une oeuvre monumentale en forme de galerie de portraits dont la trivialité d'abord drôle devient vite inquiétante. L'écrivain semble nous dire que le pire n'est pas que les âmes vivantes marchandent celles des morts... mais qu'elles se révèlent toutes corrompues par le jeu, l'alcool et la cupidité. S'inspirant de cette oeuvre historique qui attira tant de haine à l'auteur qu'il la renia, le metteur en scène Kirill Serebrennikov fait défiler les habitants de la ville de « N. » dans un décor de contreplaqué qui laisse résonner les travers de l'humanité de toutes les époques, de la Russie à toutes les régions du monde. Castelet pour dix acteurs qui, comme des pantins, endossent les innombrables rôles du roman ou misérable cercueil pour des âmes aux intérêts si morbides qu'elles sont dénuées de vitalité, cette boîte est le théâtre d'un humour grinçant et d'une choralité absurde. Un espace-temps où les relations humaines sont sans perspective sur le moindre changement."
Mon avis : Même avec beaucoup d’idées et une grande inventivité, la mise en scène m’a laissée en dehors. Je ne suis pas arrivée à entrer dans cette pièce. J’ai trouvé que c’était long et surtout répétitif en particulier lors de chaque achat d’âmes mortes. Je n’ai apprécié vraiment que la fin beaucoup plus poétique lorsque les ombres des âmes mortes reviennent sur scène. A noter que le manque de climatisation et la chaleur suffocante de la Fabrica n’ont rien arrangé!
"Babel 7.16 : réactualisation ou recréation ? Aujourd'hui, pour les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, il ne s'agit plus de voir la pièce dans les mêmes dispositions que celle de 2010 du triptyque composé avec Foi et Myth. L'extension du titre en est l'incarnation : 7.16 fait autant référence aux codes des logiciels qu'aux versets d'un texte sacré, à une date contemporaine qu'au pouvoir d'une numérologie archaïque. La pièce convoque le choc des langues et des corps porteurs de différentes nationalités, la diversité et la difficulté à être dans la coexistence et confronte l'unicité à la communauté. Elle questionne notre rapport au changement où la technologie modifie constamment nos empathies et nos connexions. Babel 7.16, tout comme la pièce originale, met en scène des danseurs qui partagent avec humour leurs héritages immuables mais en métamorphose constante. Danser cette contradiction, c'est comme explorer les mots par le corps, éviter l'écueil de l'indicible grâce au geste et à l'action. Dans le mythe initial, il est dit que Dieu ne voulait pas partager son territoire, les hommes, eux, voulaient se rapprocher de Lui. « Le partage est une décision, une attitude, face aux événements traumatiques notamment. Ces instants où l'extrême solidarité se confrontent à la peur de partager ». En invitant au plateau l'intégralité des danseurs qui ont fait de Babel une référence chorégraphique, les deux chorégraphes issus d'une Belgique flamande et francophone, divisée et unitaire, ont placé la masse, l'histoire et le territoire dans la Cour d'honneur du Palais des papes. Dans le centre des centres, là où les murs continuent à nous raconter des histoires de prérogatives et d'immuabilité du pouvoir et de la religion mais subliment et accueillent le vivant dans sa complexité."
LA CROIX critique :
"Les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet réactualisent à Avignon, à travers Babel 7.16, l’un de leurs succès, dans un tourbillon de langues, de nationalités et de trouvailles souvent réjouissantes, parfois étourdissantes. La cour d’honneur du palais des Papes a frémi mercredi soir, quand, alors que l’obscurité achevait d’envelopper ses hauts murs, les danseurs de Babel 7.16 se sont alignés. Vingt hommes et femmes, qui, les uns après les autres, ont planté leurs poings dans le sol en criant le mot « terre » dans différentes langues, avant de danser aux rythmes d’énormes tambours japonais. Cette saisissante entrée en matière marque le moment du récit de la tour de Babel où Dieu, punissant les hommes d’avoir voulu élever leur édifice jusqu’aux cieux, confond leur langage afin qu’ils ne s’entendent plus.
Si la pièce se trouve réadaptée
six ans plus tard à Avignon, c’est parce que les tensions qu’elle
explore, avec un humour salvateur, agitent plus que jamais notre
actualité. Tous les danseurs ayant donné vie à Babel (words) se
rassemblent pour une version XXL, où voisinent dix-sept langues et vingt
nationalités.
Mon avis : encore un très beau spectacle, une chorégraphie éblouissante dans le cadre magnifique de la cour d'Honneur. Et toujours comme beaucoup de spectacles du In comme du Off, un théâtre engagé dans l'actualité. Décidément le Festival a amené cette année à une réflexion sur toutes les questions que nous nous posons sur notre société.
Spectacle visuel inspiré de L’ombre des Choses à Venir de Kossi Efoui, Volatil(es) est un spectacle de marionnettes-objets créé par la plasticienne et marionnettiste Violaine Fimbel.
Pour conter cette histoire d’une femme devenue folle de douleur qui cherche à s’incarner pour fuir son propre corps dans celui d’un oiseau, Violaine Fimbel utilise toutes les ressources de son art.
Marionnettes de taille humaine : l’homme prisonnier apparaît et son image se déforme devant nous comme effacée par la souffrance et l’éloignement; La femme, corps humain en mutation, effectue sa transmutation devant nous. D’elle poussent des appendices que l’on peut prendre pour des ramures d’arbres et qui deviennent bientôt des organes vivants irrigués de sang, les ailes de la métamorphose.
Marionnettes à fil pour suggérer la légèreté de l’oiseau, son vol silencieux, objets, ailes et plumes d’oiseau, vidéos, jeux d’ombre et de lumière sur une scène plongée dans le noir qui entretient le mystère. L’ambiance sonore y est aussi très importante.
Le marionnettiste-manipulateur tout vêtu de noir est le conteur et
incarne le fils de ce couple séparé; son père a été fait prisonnier à la
guerre ou interné par un régime totalitariste. Petit bémol au niveau du visuel, j'ai trouvé que le comédien était
parfois (mais pas toujours) trop visible, donc trop réaliste et, dans
ces moments-là, sa présence me gênait en empêchant l’illusion.
Le spectacle est d’une grande beauté et impressionnant par sa forme et pourtant je l’ai trouvé froid et je ne suis pas parvenue à éprouver des émotions autres qu’esthétiques. Je vous renvoie aux photos du spectacle qui vous permettront de vous faire une idée de la qualité visuelle.
Impression de froideur peut-être accentuée encore par le fait que nous n’étions qu’une poignée de spectateurs dans la salle en ce dernier jour de représentation, que les comédiens n’ont même pas daigné venir nous saluer quand nous avons applaudi, et que le déménagement avait déjà commencé, bloquant une partie de l’accès au théâtre, alors qu’il restait encore une journée de festival! Depuis, j'ai vu que la compagnie Yokaï était parti au Japon où ils ont obtenu un vif succès.
Le collectif de Champagne-Ardennes vient depuis longtemps dans le même lieu, la Caserne des Pompiers. Tout au long de ces dernières années, j’ai vu le nombre de spectacles et le nombre de jours de présence au festival s’étioler. Je suppose que cela reflète l’histoire de la culture en France qui est toujours la première à être sacrifiée en temps de crise. On le voit aussi avec le raccourcissement du festival IN à Avignon. Et même maintenant qu’à la Champagne-Ardennes s’ajoutent, avec la création des nouvelles régions, l’Alsace et la Lorraine, le collectif est arrivé après les autres - alors que l’on sait l’importance des premiers jours pour le remplissage des salles - et il est reparti avant. Pas de tracs dans les rues, pas un seul article critique affiché devant le lieu ? N’ont-ils plus d’attaché de presse ? Je me demande comment ils ont pu survivre à Avignon ? Il ne faut pas oublier qu’il y avait 1416 spectacles au festival OFF! Je serais très curieuse de connaître leur taux de remplissage cette année et de le comparer à celui du passé.
Volatile: du latin volatilis (qui vole) -qualifie une matière, solide ou liquide, qui s'échappe/s'évapore facilement -désigne un oiseau. Dans un corps devenu trop lourd à porter, une femme tente de quitter son enveloppe humaine et de devenir oiseau. L’absence de l’homme qu’on lui a enlevé enracine son chagrin. La métamorphose tant désirée se produit, lors d’improbables retrouvailles entre deux corps dans un monde en suspens : celui du souvenir. Une transe. Une envie volatile…