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dimanche 6 septembre 2015

Pouchkine Les récits de feu Petrovitch Belkine : Le marchand de cercueils, le coup de pistolet, la demoiselle paysanne, le maître de poste


Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine

C’est sous le nom fictif de Petrovitch Belkine que Pouchkine publie un recueil de nouvelles Les récits de feu Petrovitch Belkine (1831) dont les titres sont autant de réussites littéraires. 

Le coup de pistolet 

Alexandre Pouchkine

Le coup de pistolet est l’histoire d’un duel et surtout d’une vengeance longuement élaborée. Le narrateur, un jeune officier, raconte l’histoire de son ami Silvio, un civil, qui a un comportement  étrange. On sait peu de choses sur lui, sur son passé, sa fortune… Mais alors qu’il s’exerce tous les  jours au pistolet, devenant ainsi un des plus fins tireurs de leur cercle d’amis, il refuse de se battre en duel, se déshonorant selon les règles de cette société. Alors qu’il est rappelé impérativement chez lui, il explique au narrateur pourquoi il a refusé de se battre.  Il voulait se garder en vie pour assouvir une vengeance. 

En effet, il y a longtemps de cela, il était en rivalité  avec un jeune homme brillant et riche, amoureux comme lui de la même jeune fille, qu’il a fini par provoquer en duel. Mais ce dernier, alors que Sylvio le tient en joue, affecte de manger des cerises avec insouciance tout en crachant les noyaux vers son adversaire.

Sylvio refuse alors de tirer sur cet homme puisque la vie ne semble pas lui importer mais il garde le droit à son coup de pistolet et promet de revenir tuer son adversaire quand la vie aura plus de valeur pour lui :
« Depuis lors pas un jour ne s’est passé que je n’aie songé à la vengeance? Aujourd'hui mon heure est venue ». Je vous laisse découvrir le dénouement.
La nouvelle est un témoignage de la mentalité de ces jeunes militaires nobles qui ne manquent pas de panache mais jouent facilement avec leur vie. Désoeuvrés, hors des périodes de conflits, ils passent leur temps à jouer, à boire, à entretenir des liaisons amoureuses et à se battre en duel. On sait comment Pouchkine mourra à l’âge de 35 ans, tué en duel par un français d’Anthès, l’amant de sa femme Natalia Goncharova.  Sylvio est, comme le Hermann de La dame de Pique, un personnage en proie à une idée fixe : ici, la vengeance... et qui va jusqu'au bout  de son obsession. A noter que tous les deux ont des prénoms d'origine étrangère, ce qui est étonnant car ils personnifient ce qu'il est convenu d'appeler "l'âme russe", une sensibilité exacerbée. Silvio est  un personnage qui a eu un modèle historique : le colonel IP Liprandi.

Le marchand de cercueils 

Adrien Prokhorov, marchand de cercueils, aménage dans une nouvelle maison. Le cordonnier, Gottlieb Schultz, l’invite pour faire sa connaissance mais, au cours du repas un peu arrosé, les convives se moquent du métier de Prokhorov. Le marchand de cercueil, vexé, jure qu’il ne rendra pas l’invitation à ses voisins. Il préfère inviter ses clients, ceux qu’il enterre depuis des années. Oui, mais voilà, les morts le prennent au mot! Un conte où Pouchkine joue avec le fantastique mais non sans humour!

Le maître de poste

 Un maître de poste voit sa vie détruite quand sa fille Dounia est enlevée par un jeune noble. Le père va à la ville et cherche à récupérer Dounia mais le noble le met à la porte en lui jetant une poignée de billets. Le maître de poste mourra sans revoir sa fille avec la peur que celle-ci ne finisse sur le trottoir comme beaucoup d’autres jeunes filles enlevées de la même manière pour servir un moment les caprices du maître. Le récit est un cruel fait de société que Pouchkine inscrit dans la vie russe, avec la description des intérieurs humbles, des métiers, et des portraits vrais et douloureux de pauvres gens soumis au pouvoir des grands comme le vieux maître de poste. Il annonce le réalisme qui suivra plutôt que le romantisme de l'époque de Pouchkine.

La demoiselle paysanne  

Lisa, une jeune fille romanesque et indépendante, nourrie de romans anglais, se déguise en paysanne pour faire connaissance d’Alexeï, fils de son voisin. Le père de ce dernier, le propriétaire Ivan Pétrovich Bérestov, et le père de la jeune fille, Grigory Ivanovich Mouromsky, sont fâchés! Comme il se doit les deux jeunes gens tombent amoureux l’un de l’autre. Pendant ce temps les pères se rabibochent et décident de marier leurs enfants … mais le jeune homme refuse obstinément car il veut épouser sa paysanne! Un récit on ne peut plus romanesque que Pouchkine raconte avec humour et avec une certaine distanciation, se moquant gentiment de ses amoureux et prenant le lecteur à parti, si bien que celui-ci est complice et rit du dénouement qui n’est une surprise… pour personne! Pouchkine parle d'une manière plaisante et légère d'un thème récurrent à la littérature du XIX siècle : l'influence de la lecture de romans sur les jeunes filles en fleurs! ( Mode comédie douce-amère avec Northanger Abbey de Jane Austen; tragique avec Emma Bovary de Flaubert)

La tempête de neige

La tempête de neige fait aussi partie de ce recueil. Voir mon billet :  La tempête de neige Pouchkine et Tolstoï

Avec ces cinq nouvelles qui mettent en valeur la prose et la langue russe jusqu'alors dédaignés par les intellectuels, Pouchkine ouvre à la nouvelle et au roman russe une voie qui se révèlera d'une grande richesse. Il nous offre en même temps un tableau passionnant des classes sociales à travers des personnages du peuple ou des nobles, et nous renseigne sur de nombreux détails de la vie quotidienne en Russie à son époque.




12 commentaires:

  1. Comme je t'envie de pouvoir lire cette littérature qui me reste hermétique ! Et pourtant. J'espère me réconcilier bientôt avec un livre d'Andreï Makine, un contemporain "romantique", on verra ! ;) Bises et bon séjour dans cette Russie si riche en littérature et arts en général...

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    1. Je suis sûre que ces nouvelles ne te paraîtraient pas hermétiques. Elle sont contées d'une manière simple, dans une langue sobre. Et certaines sont légères, des petites scènes de comédie!

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  2. Te lisant je suis allé rechercher un volume de Pouchkine acheté dans ma jeunesse. Il y a pas mal de nouvelles dont les cinq que tu décris très bien. Je vais m'y mettre car si j'en ai lu une ou deux je ne m'en souviens plus.

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    1. Une lecture plaisante et qui renseigne vraiment sur la mentalité de l'époque mais aussi sur les classes sociales etc..

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  3. Alors que je n'aime pas les nouvelles j'ai pris du plaisir à lire celles ci mais plus pour le tableau brossé d'une certaine Russie que pour le récit lui même

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    1. Oui, le tableau de la Russie est très passionnant. Quant au récit lui-même, il ne faut pas le mépriser; Il témoigne lui aussi de la mentalité d'une époque. Ce qui nous paraît "trop" romantique pour être vraisemblable a réellement existé comme le personnage de Le coup de pistolet qui mange des cerises en regardant la mort en face. Et l'histoire du maître de postes est glaçante; et celle de la demoiselle paysanne pleine d'humour témoigne de l'ironie de Pouchkine par rapport à ces mauvais romans qui farcissaient la tête des jeunes filles! d'autre part elle montre le clivage social entre deux types de nobles, celui tourné vers l'Europe (le père de Lisa) et celui qui reste attaché aux traditions (le père d'Alexei). Sous l'apparente légèreté, il y a donc beaucoup de sérieux.

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  4. je me suis arrêtée à la dame de pique, mais à l'occasion je continuerai avec plaisir!

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    1. J'aime beaucoup Pouchkine donc je ne peux que te dire , oui, lis les! Elles valent largement la peine.

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  5. Yueyin m'a sorti le recueil pour son super challenge (je ne sais pas si c'est dans les lectures obligatoires ou complémentaires... we'll see). Du coup, je les lirai. J'aime Pouchkine. Et j'ai beaucoup lu de lui suite à mon voyage en Russie, où il est carrément vénéré!

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    1. Pouchkine est vraiment considéré comme le père de la littérature russe; il est adulé, c'est vrai. Mais il n'a pas eu beaucoup de chance de son vivant avec la censure, le manque de liberté, l'exil etc...

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  6. J'ai pioché dans mon recueil et lu avec plaisir Le coup de pistolet, La tempête..., Le marchand... et Le maître de poste. Il y a aussi dans ce livre La fille du capitaine, longue nouvelle, La demoiselle paysanne, Doubrovski, La Dame de pique et quelques autres.

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    1. La fille du capitaine, une des plus célèbres et à juste titre... et la dame de pique aussi.

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