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dimanche 11 septembre 2011

Pierre Mc Orlan : Margaret chanson interprétée par Germaine Montero



La solution du jeu-énigme du samedi 10 Septembre est Le quai des brumes de Pierre Mac Mac Orlan. (voir billet sur Mc Orlan ICI ) Aussi ce dimanche poétique est consacré à ce poète, écrivain du XX ème siècle.

Cette chanson écrite en 1957 par Pierre Mac Orlan et interprétée par Germaine Montero raconte l'histoire d'une jeune fille qui quitte son Havre natal pour s'installer à Tampico, au Mexique, ville où elle se prostitue... Le destin de la  Nelly du roman Le quai des brumes même si elle ne quitte pas Paris est le même.



 




Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Dimanche poétique
 
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures
Océane :

Un livre, un film : Pierre Mac Orlan, Le quai des Brumes




La réponse est Le Quai des Brumes de Pierre Mac Orlan et le film : Le quai des Brumes de Marcel Carné. Merci à toutes pour vos participations.
Voici les noms de celles qui ont trouvé la bonne réponse : Aifelle, Gwen, Keisha, Lire au jardin, Jeneen, 32 Octobre, Miriam, Cagire.
Félicitations et à samedi prochain pour l'énigme N° 2.

Pierre Mac Orlan de son vrai nom Pierre Dumarchey est né en Picardie, à Péronne en 1882. Son père était officier d'infanterie et il a été orphelin très jeune. Son tuteur, inspecteur d'académie lui a fait faire ses études à Orléans. A 18 ans, son bac en poche, il part à Paris et connaît la même existence que les héros de Quai des Brumes, la misère, la faim. Il exerce divers métiers et vit dans la précarité jusqu'à la reconnaissance des ses premières oeuvres : Le Rire jaune  et La maison du retour écoeurant. En 1914, il est mobilisé et blessé. Après la guerre, il devient écrivain et grand reporter et sa réputation littéraire s'affirme.
   Le récit se déroule à Paris, à Montmartre, au Cabaret du Lapin Agile chez Frédéric, le patron qui accueille avec générosité les gens en difficulté. Les différents personnages du roman vont se retrouver dans ce lieu avec par ordre d'entrée "en scène" : Jean Rabe, un rêveur asocial et anticonformiste, Michel Kraus, un peintre allemand, Marcel Lenois, un soldat de la coloniale qui a déserté, Nelly, une fille de la rue. Tous ces personnages sont unis par des traits communs, ce sont des marginaux, des êtres à  part, incapables pour différentes raisons de s'intégrer dans la société. Une fusillade éclate qui prend le café pour cible. A l'issue de cette bataille rangée, surgit Isabel, le boucher. Nous avons tous les personnages du roman réunis. A partir de là, chacun va aller vers son destin qui préfigure l'hécatombe de la Grande Guerre, condamnés d'avance par une fatalité implacable.

La Construction du roman

Le  roman, paru en 1927 et dont l'action se déroule à Paris, sur la Butte Montmartre, en particulier au Café Le Lapin Agile tenu par la patron Frédéric, est divisé en deux parties :
Avant la guerre de 1914 et Après-guerre en 1919, année pendant laquelle les "réchappés du massacre" de la Grande Guerre  s'amusent dans un monde neuf fondé sur un charnier.
   
Les personnages du roman et leur destin

Pour caractériser les deux personnages de Rabe et Nelly, une même image, celle de la feuille morte, revient sous la plume de Mac Orlan :
Rabe : L'existence (qui) le balayait, comme le vent une feuille sèche, de-ci, de-là, souvent avec des soubresauts comiques.
Nelly passait à travers l'existence comme une feuille morte, une feuille blonde balayée.

Rabe  Son existence individuelle se confond avec le destin collectif des millions de victimes de l'holocauste : il tire sur un officier et se fait tuer.
Il ne lisait pas les journaux et se laissait aller sans résistance au courant qui l'emportait avec d'autres noyés, ses frères.

Nelly devient prostituée :  c'est une mort symbolique :

L'ancienne jeune fille nommée Nelly venait de mourir elle aussi, des suites de cette nuit qui lui rappellerait toujours sa propre mort.

  L'autre Nelly, Impératrice de la rue, ne peut revivre que sur les ruines de la guerre et son succès a l'odeur doucereuse du sang.

Klaus le peintre allemand se suicide pour échapper à ce don funeste qui lui fait voir le Mal derrière chaque chose

J'ai compris à cette époque que je portais en moi un excellent révélateur de la mort et qu'il ne me serait plus permis de voir sans dénoncer la menace qui se dissimule derrière les choses les plus candides.
Je verrai un crime dans une rose...

Le soldat,  Marcel Launois, change d'état civil puis rejoint la légion : c'est aussi une mort symbolique

Un soldat et rien, pensait Nelly, c'est à peu près pareil"

Le boucher, Isabel, tue un de ses amis, se fait arrêter et est condamné à mort.  Sa vision de la vie ne peut être que pessimiste et sombre car pour lui l'abattoir est l'arrière-boutique de la pensée de l'homme.

 Nous possédons tous, très loin dans la nuit de notre pensée, un abattoir qui pue. Ses désirs de pureté reste à l'état de rêves.

Il mourut sur la guillotine de mort violente, en avance de quelques mois sur un grande partie de ses contemporains.

Frédéric, le patron du Lapin-Agile a réellement existé.

Le cabaret du Lapin-Agile où est située la majeure partie de l'action du Quai des brumes, est un cabaret réel de la Butte Montmartre dont Frédéric Gérard, dit « Frédé » était effectivement le patron dans les années 1910. Pierre Mac Orlan en était un habitué, à cette époque où il « vivait des besognes littéraires les plus décourageantes, composait des chansons qu'il vendait, faubourg Saint-Antoine, au prix des paroliers et dessinait dans de très vagues journaux». (lire suite )

Ressemblances et différences entre le livre et le film






 Le sens : Pierre Mac Orlan décrit dans une langue poétique, par moments visionnaire et fantastique,  la naissance d'un monde nouveau, celui du XXème siècle, qui s'est construit sur les ruines de l'ancien, sur  la mort de millions de personnes.  Les personnages sont des êtres solitaires, qui rencontrent parfois sur leur chemin la solidarité, mais qui ne savent pas aimer. Cette vision pessimiste et sombre de la nature humaine liée à "la boucherie" de la guerre peut être résumée par les propos d'Isabel et par la "maladie" du peintre Klaus qui voit le Mal sous toutes choses.  L'être humain est foncièrement mauvais et même s'il aspire à la pureté, il ne peut l'atteindre.
Carné et son scénariste Prévert ont créé une magnifique histoire d'amour impossible, poétique et lyrique, bien ancrée cependant dans la société de l'époque et où l'on sent tout l'amour de Prévert et de Carné pour les humbles. Les personnages aiment, peuvent prétendre à la pureté, mais le  propos est  tout aussi pessimiste aussi puisqu'ils ne peuvent s'en sortir.

Les lieux  : Le roman se passe à Paris, à Montmartre et les "quais" ne sont qu'une image symbolisant le départ vers un destin inéluctable. Dans le film, les quais sont ceux du Havre. Ils ont une existence concrète mais il sont aussi un symbole comme dans le roman, celui d'un voyage vers la Mort. Dans les deux cas la brume noie les personnages de sa mélancolie et la même misère, la même fatalité pèsent sur eux.

Les personnages :

Jean Rabe et  Marcel Launois, le soldat, deux personnages distincts du livre de Mac Orlan, ne font plus qu'un dans le film de Carné.
Jean Rabe, devenu soldat, déserteur, est incarné par Jean Gabin. Il éprouve un amour pur et désintéressé pour Nelly qui causera involontairement sa perte puisqu'il ira jusqu'à tuer pour la défendre. Dans le roman, au contraire, c'est un asocial, un rêveur qui ne peut conserver un travail très longtemps. C'est un homme incapable d'aimer. S'il propose à Nelly de partager sa chambre, c'est parce qu'elle lui fait pitié mais elle l'irrite, le dérange, son rire l'agace "prodigieusement". Jean Rabe, personnage de Mac Orlan préfigure le destin des hommes  entraînés vers une mort  proche dont il n'ont pas encore conscience, la guerre de 1914.
Le Jean Rabe de Carné-Prévert représente le peuple, sa misère, son exploitation et la haine de la guerre, celle à venir qui s'annonce déjà; nous sommes en 1938. Il vit un amour impossible dont l'aboutissement ne peut-être que la mort.

Chez Carné, à la différence de Mac Orlan, Nelly (Michèle Morgan) est la pupille d'Isabel (Michel Simon) qui n'est pas boucher mais commerçant et vend des images religieuses. La métaphore du livre sur "l'arrière-boutique" est  reprise dans le film et rendue visible par la disposition des lieux, une arrière-boutique au sens propre. Isabel commet un meurtre comme dans le roman. Il est jaloux de Nelly  et essaie d'en faire sa maîtresse (situation qui  n'existe pas dans le livre). Dans le livre, Isabel meurt sur la guillotine, dans le film il est tué par Jean Rabe.



Michel Kraus, le peintre est interprété par Robert Le Vigan; c'est un des personnages que j'aime le plus,  très proche de celui du livre. Prévert, le dialoguiste du film, a conservé le texte poétique de Mac Orlan que Le Vigan dit  superbement.










Dans le film Frédéric, le patron du café devient Panama, un personnage vêtu de blanc, coiffé du chapeau qui lui vaut son nom, guitariste à ses heures, interprété par Edouard Delmont. Le Frédéric de Mac Orlan est coiffé d'un foulard rouge que l'on voit aux pécheurs dans le Sud, vêtu d'un pull en laine rouge, il joue de la Mandorle et du violoncelle.  Mais les deux personnages du livre et du film se ressemblent beaucoup, tous deux viennent en aide aux plus démunis et ne leur demandent rien sur leur passé.




Quart Vittel (Aimos), clochard qui rêve de coucher une nuit dans des draps blancs (et qui parvient à réaliser son rêve) est un personnage à la Prévert. Dans le roman, le Père Gaston a pu servir de modèle mais il n'a pas l'importance accordée à Quart Vittel.
Pierre Brasseur joue le rôle d'un petit truand, Lucien, Il cherche à tuer Isabel qu'il soupçonne du meurtre de son ami Maurice. Il est humilié par Jean Rabe en qui il voit un rival auprès de Nelly. C'est lui qui tuera Rabe pour se venger. Dans le roman, Tonio Biffi cherche lui aussi son copain Norbert mais il n'y a pas de rivalité entre lui et Rabe.




Pour la présentation du film : Voir WENS

Le quai des Brumes Carné-Prévert

samedi 10 septembre 2011

Un Livre, Un film : jeu-énigme du samedi (1)



Et voilà notre jeu annoncé depuis une semaine!

Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre/ Un film.

  Il s'agit de découvrir à partir d'un extrait de texte et d'indices quelle est l'oeuvre littéraire - titre et nom de l'auteur - qui est à l'origine d'une adaptation au cinéma. Pour le film, il vous faudra trouver le nom du réalisateur, des acteurs principaux et éventuellement le titre s'il est différent de celui du roman ou de la nouvelle et pour cela aller sur le blog de Wens : ICI.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler la réponse, indices qui me permettront de savoir si vous avez vu juste et d'aider ceux qui ne savent pas. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs (qui n'auront gagné que la gloire de participer, avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.


 La guerre Otto Dix

Enigme du samedi (1)

Pour la première énigme de Un Livre/ Un film, nous avons choisi deux oeuvres classiques dont l'auteur et le réalisateur vous sont connus même si vous n'avez pas lu l'un ou vu l'autre. Le film est peut-être plus mythique encore que le livre.  Voir Wens : ICI.
L'écrivain qui est aussi poète est né en Picardie. Il écrit sous un pseudonyme. Le roman paru dans la première partie du XXème siècle est très marqué par "la boucherie" de la première guerre mondiale au cours de laquelle l'écrivain a vu disparaître tant de jeunes gens de son âge et où lui-même a été blessé.
Le début de l'action du roman se déroule à Paris avant la guerre de 14, ce qui explique que tous les personnages soient des êtres condamnés d'avance, livrés à un destin auxquels ils ne sauraient échapper.
La fin du roman, se situe après la guerre, en 1919 dans un monde neuf établi sur le massacre de millions de personnes.

Extrait :

C'est Nelly, et c'est la seule femme dans cette salle dont la chevelure ne soit pas coupée à la nuque. Elle règne dans ce dancing, telle une divinité de la rue, mais de la rue enrichie par les prodigalités les plus folles de tous les réchappés du massacre.
L'odeur secrète du dancing, comme celle de 1919, est encore l'odeur doucereuse et fade du sang. Nelly est belle, d'une beauté nettement parisienne. C'est vraiment une fille de la rue élevée au pouvoir. La bouche est une bouche pâle de la rue, et les yeux durs et gris ont pris leur éclat définitif dans un autre décor que celui-là.(...)
Dans sa mémoire au verso de ses yeux gris, des images se déroulent sur l'écran blanc de la neige.
Voici le soldat sans importance, le boucher criminel et le jeune Allemand qui n'avait pas assez de patience, ou qui ne pouvait plus résister à ses dons. Voici R. mal enveloppé dans son mauvais pardessus marron.
Ils sont tous morts pour ma santé physique et morale", songe Nelly, et elle dit à voix haute :"naturellement".

vendredi 9 septembre 2011

Un livre, un film : Jeu-énigme du samedi Jour - 1



Juste un petit rappel. A demain pour notre jeu-énigme. 




Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit leurs deux passions : La littérature et le cinéma!

Le jeu commence Samedi 10 Septembre. Il s'intitule : Un livre/ Un film. 

  Il s'agit de découvrir à partir d'un extrait de texte et d'indices quelle est l'oeuvre littéraire -titre et nom de l'auteur- qui est à l'origine d'une adaptation au cinéma. Pour le film, il vous faudra trouver le nom du réalisateur, des acteurs principaux et éventuellement le titre s'il est différent de celui du roman ou de la nouvelle.

Chez Claudialucia vous prendrez connaissance de l'énigme littéraire avec un court extrait représentatif de l'oeuvre mais pas obligatoirement l'incipit. Un lien vous permettra de vous rendre dans le blog de Wens ou vous aurez tous les indices pour découvrir le film. (Ou vice versa).  Le lendemain dimanche vous sera donné la solution de l'énigme ainsi que la présentation de l'oeuvre littéraire chez Claudia et filmique chez Wens.


Merci à toutes pour vos réponses.

Des mots une histoire : Comète


Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia reprend le jeu d'écriture : Des mots une histoire. Aujourd'hui voilà la liste des mots qu'il fallait placer dans le texte.

comète – sergent-major – équinoxe – flamme – vagabond – charade – estimation – communiquer – sarbacane – partition – jeu – étoile

Voici les deux poèmes que m'ont inspiré ces mots Vers le Vie et Naissance que je regroupe tous les deux sous le titre Comète.

VERS LA VIE

Tu es venue du fond des âges
Petite comète volage
Et tu as ranimé la flamme
de ma vie

Lors munie de ta sarbacane
petite comète volage
 tu as pu percer les arcanes
de ma vie


Vagabond, j'avais fait naufrage
A l'équinoxe  de mon âge
Je m'étais trompé d'aiguillage
de ma vie


Sergent-major, tambour battant,
estimation de mes dommages
Tu as pu redorer l'image
De ma vie


Jeu de charade musicale
la partition s'est faite mage
J'ai recommencé le voyage
Vers la vie

Tu m'as communiqué ta rage
Tu es devenue mon étoile
Avec toi mon coeur a fait voile
vers la vie
 


NAISSANCE

Comète, plume sergent-major de l'Air
lancée par la sarbacane d'un l'écolier facétieux
Tu es en partance dans l'Espace-Temps
Où tu griffonnes ta partition de flamme
Tu traces tes charades sur le chemin lacté
dans l'équinoxe de l'automne
Espiègle, tu bouscules les étoiles,
Jeux d'enfants,  jeux brillants
Comme ta traîne liquide
Vagabonde, tu continues ta course
Et nous communiques ta joie


Tu as vécu  le temps suffisant aux yeux
Du nouveau-né
Pour s'ouvrir
Pour s'épanouir
Comme deux fleurs aveugles
Le temps nécessaire
Pour lui
De prendre la mesure de  l'Univers
L'estimation de  la Vie qui commence
Pour lui,
Flamme vacillante
Fragile et tendre
Mais forte et puissante
où je peux réchauffer mon coeur.



jeudi 8 septembre 2011

Montaigne : Quoi n'avez-vous pas vécu?




La vie :

Je veux arrêter la promptitude de sa fuite par la promptitude de ma saisie et par la vigueur de l'usage compenser la hâtivité de l'écoulement. A mesure que la possession de vivre est plus courte, il me faut la rendre plus profonde et plus pleine.

"Je n'ai rien fait aujourd'hui." Quoi? n'avez-vous point vécu? C'est non seulement la fondamentale mais la plus illustre de nos occupations.


Initié par Chiffonnette

mercredi 7 septembre 2011

Christian de Metter : Marylin ou de l'autre côté du miroir (BD Casterman)



 La BD de Christian de Metter  "Marylin , de l'autre côté du miroir", que je viens de découvrir, est un véritable coup de coeur.

L'histoire d'abord : un jeune homme, écrivain en herbe, que l'on devine rêveur et imaginatif, aperçoit Truman Capote en compagnie d'une jeune femme brune dans un bar new yorkais. Truman Capote! Son écrivain préféré, admiré, adulé! Aussi quand la compagne de Capote, ivre morte, est prête à rouler sous la table, le jeune homme propose sa voiture pour les raccompagner! C'est ainsi qu'il découvre que la jeune femme n'est autre que Marylin, la blonde Marylin débarrassée de sa perruque! C'est le début d'une amitié respectueuse qui les entraînera au cours d'un voyage en voiture et d'une panne dans la neige jusqu'à un manoir mystérieux où vivent d'étranges personnages...

Le titre, de l'autre côté du miroir, bien sûr, hommage à Lewis Caroll, donne le ton. L'auteur va nous faire pénétrer dans un univers mystérieux et fantastique. Les images ont les teintes froides, bleutées et grises de l'hiver seulement éclairé par les flocons de neige. Le nom de la demeure  Mirror House où les héros vont se réfugier, cette petite fille en robe d'été qui leur apparaît au milieu de la neige pour les guider, ces domestiques taciturnes et légèrement effrayants qui les accueillent, le maître de maison dont l'absence crée un malaise, tout nous amène à ce glissement d'un monde à l'autre, un passage à travers le miroir.

Avec habileté, humour, il nous introduit dans la vie de ces personnages célèbres, dans la nostalgie d'une époque révolue. Truman regrette que le rôle de Holly soit attribuée à la trop sage Audrey. Il parle, bien sûr de l'adaptation de Breakfast at Tiffany. Il vient d'apprendre qu'il y a eu un crime dans le Kansas. Nous savons que ce fait divers donnera naissance à In cold blood (De sang froid). Mais le livre est surtout un bel hommage à Marylin. Christian de Metter s'intéresse non à l'artiste célèbre et glamour, non à la séductrice mais à la femme blessée, mal aimée, à ce côté enfantin qu'elle porte  en elle et qui contraste avec sa vie  fantasque, folle, noyée dans l'alcool. L'image refuse de montrer Marylin en représentation. Elle reste sobre, souvent dans les teintes sombres. La beauté vient des paysages extérieurs, New York, la campagne sous la neige. Tout en nous intéressant à l'histoire pleine de poésie et de mélancolie, l'auteur nous permet de cerner la personnalité de Marylin, en fait un personnage sensible, profondément humain.

La personnalité du narrateur est aussi très intéressante. Ecrivain en herbe, on devine qu'il est un lecteur assidu et que la littérature est tout pour lui comme le prouve son admiration pour Capote. Il a une personnalité attachante, ne profite pas de la détresse de Marylin pour coucher avec elle. Il est encore comme elle le lui dit un petit garçon, plein d'admiration, en train de vivre une rêve. On devine aussi qu'il est connu par sa famille comme un affabulateur. Il a dû raconter tellement d'histoires que personne ne veut le croire! En fait, un passage à la fois plein d'humour mais triste aussi,  montre que sa mère, malade, dont il a oublié l'anniversaire, ne peut le croire que s'il raconte un mensonge!

La chute du récit est très belle mais je ne vous ne dis pas plus pour vous laisser la surprise!

Voir aussi  ici 
Wens



Chez George

mardi 6 septembre 2011

Raymond Carver : Les trois roses jaunes


Le recueil Les Trois roses jaunes  réunit  plusieurs nouvelles de Raymond Carver extraites de dWhereI'm calling from et New and selected stories.  La dernière histoire qui raconte la mort de Tchékov donne son titre au recueil.
Après la lecture du premier récit intitulé : Cartons je me sens perplexe voire déçue. Bien sûr,  il y a quelque chose de poignant dans  l'histoire de cette femme qui ne peut se fixer nulle part et qui voit dans ses déménagements une manière de fuir le néant de son existence; terrible aussi la manière dont elle détruit la vie de son fils partagé envers elle entre amour et haine. Mais l'écriture me déroute, non pas parce qu'elle d'une grande sobriété mais parce qu'elle s'intéresse surtout à une foule de petits détails insignifiants qui paraissent sans relation avec ce qui se passe. Bon, je continue!
Débranchés : un homme et une femme sont réveillés dans la nuit par le téléphone, nuit d'insomnie où les époux, incapables de se rendormir, vont échanger des petits propos d'abord anodins (semble-t-il) mais qui finissent par exprimer toutes les craintes profondes que nous enfouissons au fond de nous, peur de la maladie, de la souffrance et de la mort... Une banale nuit d'insomnie, en somme!
Puis Intimité, d'une âpreté saisissante : un homme revient voir son ex-femme après quatre ans d'absence et elle reprend la liste de ses griefs comme s'il l'avait quittée la veille! L'accumulation, la violence de cette haine nous font frémir mais la femme s'interrompt brusquement à l'arrivée du second mari.
Menudo, le récit du mensonge, de l'infidélité conjugale et de la souffrance qui ne guérit jamais. L'éléphant : un homme, modeste ouvrier, exploité par sa famille, épouse, frère, enfants, ne reçoit jamais aucun amour ou respect en retour; le bout des doigts, une femme quitte son mari qui n'est préoccupé que par un détail, sans importance, il ne reconnaît pas l'écriture de sa femme sur la lettre qu'elle lui a écrite.
Et  enfin Les trois roses jaunes, la mort de Tchékov, tuberculeux, dans un hôtel, vue à travers l'embarras d'un jeune homme qui ne sait pas quoi faire du vase aux trois roses qu'il lui apportait et du bouchon de champagne qui a roulé à ses pieds. 
Un  recueil magnifique!
Et je crois que c'est cela la force de Carver, d'opposer ainsi les petites choses, la banalité quotidienne, à tout ce qu'il y a d'absolu dans l'existence humaine : la fin de l'amour enlisé dans la mesquinerie, la trahison, la séparation, les blessures qui ne se referment jamais, la souffrance, la maladie, la mort.
Si j'ai commencé par être surprise au début du recueil, je peux dire que j'ai refermé ce livre avec un sentiment de lourde tristesse et l'impression d'avoir rencontré un grand auteur capable de suggérer beaucoup, de nous remuer au plus profond de nous, avec l'air de ne pas y toucher.




 Challenge de Sabbio

lundi 5 septembre 2011

Première rentrée : Atelier d'écriture du Skriban





 L'atelier d'écriture du Skriban de Gwenaelle a repris le Dimanche et je vais prendre l'habitude de publier mon texte dans mon blog le Lundi. 
Voici le sujet que Gwen  a concocté pour nous ce Dimanche 4 Septembre.  Comme vous pouvez le voir, il est bien d'actualité!

 On vit tous des premières fois. Premier bobo, premier baiser, premier vélo, premier mensonge, premier enfant… La liste est longue. Puisque demain de nombreux élèves vont reprendre le chemin de l’école, j’aimerais que vous plongiez dans vos souvenirs pour trouver une première fois en rapport avec l’école, l’enseignement, les professeurs… et que vous nous la racontiez. Le texte n’a pas besoin d’être long. L’important, c’est qu’il soit autobiographique… Hum, je sais, ça n’est pas facile… Bon courage! A ce soir!

Première rentrée

Il sonne! Il a la sonnerie stridente, aiguë et méchante… cruelle ! Je l’appelle La Guêpe!  M’énerve! Je lui claque le beignet, je l’aplatis comme une crêpe, je le broie entre mes mains. Rien à faire! Je sais bien qu’il recommencera le lendemain et ainsi de suite toute l’année. Car c'est la rentrée.  Ma première rentrée! La vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue? Fini désormais la brûlure du soleil sur la plage, le sable entre les orteils, dans les narines ou qui craque entre vos dents. Fini le côte à côte des serviettes sur la plage de La Ciotat, les longs bouchons qui s’éternisent, les bonnes goulées de gaz carbonique. Fini le paradis, finies les vacances! J’entre en sixième! Voilà des jours que j’y pense, que je m’angoisse, que je me pisse dessus. Pardon pour la vulgarité, ce n’est pas dans mes habitudes mais là…!  Comment seront les profs? Sympas, portes de prison? Et les élèves? Est-ce que je vais me faire des amies? Et le travail scolaire? Et si  je n’y arrivais pas? Je me sens bien seule et toute petite. J’en rêve la nuit! Les mauvaises notes me hantent. Les enfants me prennent pour tête de turc, je perds mon cartable! J’oublie mes devoirs ou mes livres!  Ma mère essaie de me raisonner. Il faut bien y aller! Tu n’as pas le choix. Me rassure : Tout va bien se passer! Et si encore mon père pouvait aller leur « parler »...  à tous ceux qui me veulent du mal! Mais non! je suis grande maintenant. Et comme cela ne sert à rien de rester la tête sous les couvertures, je me lève. Non, je ne déjeune pas! Oui, je m’habille! Non, personne ne m’accompagne. Qu’est-ce que vous croyez! Oui, j’y vais en bus! Non, je ne pleure pas! Faut pas pousser! Oui, j’entre dans la classe. Tout le monde s’assoit.. et je commence  avec un sourire : « Bonjour les enfants. Je suis votre nouveau professeur de français! »

dimanche 4 septembre 2011

René Guy Cadou, La blanche école où je vivrai...





  Pierre Vallon
Peintre impressionniste video


La blanche école où je vivrai

La blanche école où je vivrai
N'aura pas de roses rouges 
Mais seulement devant le seuil
Un bouquet d'enfants qui bougent
On entendra sous les fenêtres
Le chant du coq et du roulier;
Un oiseau naîtra de la plume
Tremblante au bord de l'encrier
Tout sera joie! Les têtes blondes
S'allumeront dans le soleil,
Et les enfants feront des rondes
Pour tenter les gamins du ciel.
René Guy Cadou



Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Dimanche poétique  
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :

vendredi 2 septembre 2011

James Frey : Le dernier testament de Ben Zion Avrohom

 Intégristes de tous bords et de toutes religions, fanatiques, trop bien-pensants, collets-montés, grenouilles de bénitiers, la lecture du roman de James Frey n'est pas pour vous! Certes Ben Zion Avrohom, héros éponyme du roman, est le Messie et il revient parmi nous, certes il est en communication avec Dieu mais, comme tout vrai Messie, il va vous choquer, bouleverser votre idée de Dieu, renverser toutes vos croyances, piétiner vos idées toutes faites, vous paraître dérangeant, fou, voire dangereux. Vous aurez envie de le voir disparaître, d'en être débarrassé, de retomber dans la quiétude de vos convictions et vous n'interviendrez pas lorsqu'on le battra, lorsqu'on l'enfermera, le détruira. Pire! Vous serez même parmi les bourreaux  et vous réitérerez avec des moyens modernes ce que l'on a fait à  Jésus il y a  2000 ans.

Ben Zion Avrohom est le fils de Dieu, tout le monde le dit dans la communauté juive où il est né, les rabbins ne s'y trompent pas, les signes sont là. Lui? Un type trop gentil, un tendre, un illuminé, et surtout un paumé car il ne sait pas qui il est, lui, ni pourquoi il est là! Un souffre-douleur aussi, il s'attire la haine de son père et de son frère qui le chasse de la maison, il se fait voler son argent par sa voisine prostituée, et plus tard, une fois reconnu comme le Messie, il est tiraillé, malmené, retenu en otage par les différents groupes religieux  chrétiens ou juifs qui veulent le récupérer pour qu'il reconnaisse leur Dieu au détriment de ceux du voisin. Cependant, quand il apporte la parole de Dieu, il dérange.  Que direz-vous d'un Messie qui vous dit que l'amour charnel et spirituel vont de pair et qui joint le geste à la parole en couchant avec des femmes et les hommes à qui il apporte ainsi le bonheur; un Messie qui vous conseille de remplacer le concept ridicule de l'âme par le cerveau, qui déclare que la vie éternelle n'existe pas, c'est pourquoi il faut savoir jouir (à tous les sens du terme) de la vie terrestre et que seul l'amour a de la valeur. Un Messie qui affirme que la Bible est un vieux livre dépassé qui s'adresse à une société archaïque si éloignée de la nôtre que ce livre n'a plus cours!  Vous vous doutez que  le comportement du "Messie" surtout lorsqu'il s'adresse aux religieux donne lieu à des scènes surprenantes et savoureuses qui ne sont pas exemptes d'ironie!

Vous allez me dire que James Frey est un provocateur, qu'il cherche délibérément à choquer pour s'assurer le succès de son livre. Vous allez arguer que ce Messie de pacotille est un gourou, le maître d'une secte, comme l'on en voit tant de nos jours. Et il faut reconnaître que la vie communautaire qu'il mène dans la ferme prêtée par une adepte y ressemble bien, du moins en apparence car Ben Zion laisse sa liberté de penser à tous, il n'impose pas, il ne juge pas. C'est un homme qui n'accepte pas d'argent, qui vit, ainsi que les siens, en fouillant dans les poubelles de la surconsommation de masse. Profondément humain, il accueille les marginaux, les sans-grade, les rejetés, femmes victimes de violence, prostituées, homosexuels, immigrés, tous ceux que la bonne société met à l'écart et il parvient à  leur rendre leur dignité. C'est un homme qui prêche l'amour dans une société qui se vautre dans le profit et dont le seul Dieu est l'argent.
Alors vous l'aurez compris, la provocation de James Frey, - si provocation il y a - n'est pas gratuite! La venue de son "Messie" est une occasion pour lui de démonter les rouages d'une société où l'amour des autres, la solidarité, l'empathie n'existent plus. Le roman dénonce avec virulence les fanatismes, l'intolérance, l'obscurantisme, les hypocrisies religieuses qui sévissent dans le pays, avec son cortège de maux, guerres, violences, exclusions, misère. 
Le dernier testament de Ben Zion Avrohom nous dit que si les minorités privilégiés continuent à vivre égoïstement, sans se préoccuper des autres et de l'avenir, amassant les richesses au détriment de la planète et de l'espèce humaine, alors nous allons droit au mur et nous signerons la fin de notre civilisation. C'est un cri d'alerte, une condamnation sans appel mais aussi  un plaidoyer pour l'amour , et le partage. Un grand livre, dérangeant mais beau!

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Merci à Dialogues croisés et aux Editions Flammarion

Rentrée littéraire 2011

Des Mots, une histoire : Rentrée scolaire

 Robert Doisneau

Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia reprend le jeu d'écriture : Des mots un histoire. Aujourd'hui voilà la liste des mots qu'il fallait placer dans le texte.

 création – orchidée – révélation – combat – cartable – bouffer – tropical – contemplation – passion – hiberner – boîte – ancien – apprivoiser – ritournelle – asphyxie – folie – ostentatoire – azulejo – chromosome – imaginer – ardoise – bouchon


Rentrée scolaire

Regarde-le s'éloigner l'enfant écolier
 Aux yeux d'azulejo
Son cartable sur le dos
Comme un petit escargot
Regarde-le, son ardoise à la main,
chromosome de ton coeur
Ta création
 

Tu aurais voulu le garder, petite fleur tropicale
Orchidée précieuse,
Tu aurais voulu qu'il hiberne
Dans la boîte de ton coeur

Ta passion
                Ta folie
                         Ta révélation
Ta création

Tu l'as paré de vêtements ostentatoires
qui bouffent sous la caresse de ta main
Tu as voulu un petit singe apprivoisé
Marionnette aux fils de tes doigts
Tu l'as enfermé dans l'asphyxie de ton amour

Ta contemplation
                Ton combat
                           Ta révélation
Ta création


Mais il s'éloigne, regarde-le. Imagine-le
loin de toi, 

Petit esquif flottant comme un bouchon de liège
Sur les flots de la vie, au gré des vents qui le secouent
Chantant la ritournelle ancienne du petit écolier
il s'en va dans le vaste monde
loin de toi.


Ta création





Désirs d'histoires  Olivia

jeudi 1 septembre 2011

Laurent Gaudé : le soleil des Scorta, citation

 Les Oliviers de Henri Manguin

Dans Le soleil des Scorta, Elia, âgé, s'interroge sur le sens de la vie. Il a une conversation avec le vieux curé don Salvatore qui lui aussi ne sent pas près à quitter la vie.

... puis le visage de don Savaltore s'éclaira et il ajouta : "Les olives sont éternelles. Une olive ne dure pas. Elle mûrit et se gâte. Mais les olives se succèdent les unes aux autres, de façon infinie et répétitive. Elle sont toutes différentes, mais leur longue chaîne n'a pas de fin. Elles ont la même forme, la même couleur, elles ont été mûries par le même soleil et ont le même goût. Alors, oui, les olives sont éternelles. Comme les hommes. Même succession de vie et de mort. La longue chaîne des hommes ne se brise pas. ce sera bientôt mon tour de disparaître. La vie s'achève. Mais tout continue pour d'autres que nous."


Avec Chiffonnette

Laurent Gaudé : le soleil des Scorta, Actes Sud



Il y avait longtemps que je voulais lire un roman de Laurent Gaudé et le challenge de Calypso :  un mot, des titres... m'a donné l'occasion, puis que ce mot était soleil, de découvrir l'oeuvre la plus célèbre de cet écrivain : Le soleil des Scorta.
Agréable découverte que ce roman tant par le style de l'auteur qui sait rendre l'atmosphère d'un pays à la terre aride et ingrate que par sa parfaite connaissance des mentalités d'un petit village des Pouilles, Montepuccio. C'est à travers les tribulations des membres de la famille Scorta, de la fin du XIXème siècle à nos jours, que nous que nous découvrons la vie de cette population bien souvent réduite à l'exil pour échapper à la misère.


Le récit commence par le viol de Immacolata Biscotti par le bandit Luciano Scorta Malcazone qui le paie de sa vie. De cette union naît Rocco Scorta qui parviendra à s'enrichir par le vol, le pillage et le crime. Sa richesse lui permettra d'obtenir le respect des villageois mais à sa mort, il déshérite ses enfants pour donner sa fortune à l'Eglise et les précipite dans la misère. Les frères, Domenico, Giuseppe et Raffaele,le frère d'adoption, et leur soeur Carmela,  après s'être fait refouler des Etats-Unis, décident d'unir leur force pour pouvoir s'en sortir dans le village qui les a vus naître. Ils forment désormais avec leurs époux et épouses respectifs, leurs enfants, un clan soudé et solidaire, qui place le nom des Scorta comme une priorité. Le commerce du tabac, la contrebande aussi, vont leur permettre de vivre.

Une des plus grandes qualités du roman réside dans l'empathie que l'on sent de la part de l'écrivain pour ces hommes et ces femmes qui ont la mentalité parfois primaire de ceux qui doivent arracher leur subsistance aux cailloux mais qui rachètent leur âpreté par une instinctive dignité. La famille Scorta avec ses faiblesses, et ses secrets forcent la sympathie par l'amour qu'ils se portent les uns aux autres, leur solidarité sans faille, leur désir de transmettre à leur descendance ce qu'ils considèrent comme essentiel. Ce sont des êtres pauvres mais fiers, facilement blessés mais durs à la souffrance comme le dit Carmela, souvent intransigeants avec eux-mêmes. Il y a de très belles scènes qui placent certains de ses personnages au niveau de héros de tragédie dont ils ont la grandeur malgré leur humble origine. L'histoire d'amour entre Elia et Maria est splendide : fierté de la jeune fille qui refuse d'être considérée comme une marchandise, force morale d'Elia qui détruit sa seule richesse pour repartir à zéro et offrir à son épousée une vie qu'il aura construite lui-même. La mort-suicide de Donato dans sa barque, l'attitude de Carmela qui s'enferme dans le mutisme pendant de nombreuses années, le crime de Raffaelle et son amour perdu, tout donne l'impression d'assister à travers cette famille à une grande tragédie antique brûlée par le soleil. Car le soleil est un des personnages principaux du récit, l'emblème même des Scorta dont il rythme la vie de la même manière qu'il pèse sur tout le village et impose sa loi implacable.
Voilà ce que dit Domenico à son neveu Elia  qui renonce à quitter le pays : Il fait trop beau. Depuis un mois, le soleil tape. Il était impossible que tu partes. Lorsque le soleil règne dans le ciel à faire claquer les pierres, il n'y a rien à faire. Nous l'aimons trop, cette terre. Elle n'offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d'entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur, nous l'avons en nous. D'aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleine dents. Il est là, dans les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les Olives; Les oranges. C'est son parfum. Avec l'huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil.

Angelebb, Lasardine, Juliah, Calypso, Felina