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vendredi 6 mai 2016

De quelques peintres norvégiens

Frits Thaulaw : Une rivière française

Ce billet sur quelques peintres norvégiens que j'ai hâte de découvrir dans les musées d'Oslo, vous le lirez quand je serai dans l'avion ce vendredi 6 Mai.

L'école de peinture norvégienne commence vraiment avec le XIX siècle. Avant la Norvège subit trop d'influences étrangères pour que l'art soit  reconnu comme spécifiquement norvégien. 
Cela tient à l'histoire de la Norvège qui a longtemps été sous domination danoise. En 1536, une charte promulguée à Copenhague en fait une simple province danoise. En 1658, elle perd des provinces au profit de la Suède vainqueur dans sa guerre contre le Danemark (donc contre la Norvège). En 1665, le Danemark affaibli par la guerre, lui concède le statut de "royaume jumeau". Le pays obtient une relative liberté, des lois et des institutions propres mais elle est toujours sous tutelle. Au XVIII siècle commence à naître les prémices d'un sentiment national et à partir de 1760 un retour aux sources culturelles norvégiennes et des aspirations croissantes à l'autonomie. Pendant les guerres napoléoniennes Frédéric VI du Danemark, vaincu, céda la Norvège à la Suède par le traité de Kiel de 1814, ce que les Norvégiens refusèrent. Finalement, la Norvège obtint, non sans mal, la reconnaissance de la constitution élaborée à Eidsvoll par les seuls norvégiens et promulguée le 17 Mai 1814; en revanche, elle fut contrainte d'accepter  un souverain suédois. 1814 signe donc la naissance de l'état norvégien et c'est pourquoi, aujourd'hui,  la fête nationale est célébrée le 17 mai et Eidsvoll considéré comme un lieu sacré. La Norvège ne fut libérée totalement de la tutelle suédoise qu'en 1905. Mais dès l'époque romantique commença le processus de "renorvégianisation" au point de vue culturel pour se libérer de l'influence danoise , au point de vue politique par rapport à la Suède.

Johan Christian Claussen Dahl (1788-1857).  Peinture romantique

Johan Christian Claussen Dahl
   
Johan Christian Claussen Dahl (J. C. Dahl), né en 1788 à Bergen et mort en 1857 à Dresde, est un peintre norvégien, paysagiste et romantique. Dahl vient d'un milieu simple, son père est un pêcheur. Ses capacités artistique précoces l'amènent à une carrière dans la peinture. De 1803 à 1809, Dahl étudie avec le peintre JG Müller, dont l'atelier était le plus important à Bergen à l'époque. Puis il poursuit ses études à l'Académie de Copenhague. Il se manifesta tout d'abord en une suite de paysages danois (1814). 
Fixé à Dresde en 1818, il se lia d'amitié avec G. D. Friedrich. Au cours d'un séjour en Italie (1820-21), il exécuta de nombreuses études d'après nature, fraîches et spontanées, dans lesquelles il se montre attentif à rendre fidèlement la lumière et l'atmosphère. En 1826, Dahl accomplit son premier voyage d'études dans son pays natal et découvrit la Norvège de l'Est et ses montagnes ; il décida d'entreprendre la description de son pays en une longue suite de tableaux de grand format, valables par leur objectivité, la richesse du détail et leur effet dramatique.  Il devint ainsi le fondateur d'un nouveau style et le professeur d'une lignée d'élèves tels que Thomas Fearnley. L'influence de son école atteignit aussi la peinture de paysage allemande et danoise. (source )

Johan Christian Claussen Dahl (1840) Mère et fille au bord de mer

Mère et fille au bord de mer : Le tableau ci-dessus, représente une mère et un fille attendant, au crépuscule, le retour du pécheur, père de l'enfant. Il montre clairement l'influence de Caspar Friedrich, peintre romantique allemand, l'ami  de Dahl, dont il avait fait la connaissance à Dresde en 1818. Mais le tableau a une résonnance personnelle car son père de l'artiste était lui aussi pêcheur; souvenir d'enfance de Dahl? thème des dangers et de la mort qui attendent le marin, annoncés par les effets de lumière qui nappent le paysage et le dissolvent dans l'obscurité. Deux des enfants de l'artiste  étaient morts et en cette année 1840, Caspar Friedrich venait de disparaître. Le tableau peut se concevoir comme un hommage à son ami.

Johan Dahl  : L'éruption du Vésuve

Johan Dahl :  Clair de lune

Johan Dahl  : Les dents du Troll

Thomas Fearnley (1802-1842)



Thomas Fearnley : Glacier de Grindelwald (1838)

Thomas Fearnley a suivi les cours de Johan Dahl est est un de ses élèves les plus doués. Il peint des paysages romantiques qui témoignent de son amour pour la nature grandiose et sauvage et de  son sens du "sublime".


Christian Krohg (1852-1925) Peinture naturaliste


Christian Krogh : Autoportrait (1912)

Christian Krohg (1852-1925) est un peintre, écrivain et journaliste norvégien. Il fut formé en Allemagne et travailla à Paris en 1881 et 1882. Christian Krohg est associé aux peintres de Skagen (Danemark) dont l'influence donna une impulsion nouvelle à la peinture norvégienne. Christian et son épouse Oda Krohg, elle-même peintre portraitiste, sont les parents du peintre Per Krohg (1889-1965).

 En 1885,  revenu à Oslo (Kristiana) il soutient Hans Jaeger,  écrivain et philosophe anarchiste et publie lui-même un roman prolétaire : Albertine, qui fait scandale et est aussitôt interdit. Il y raconte l'histoire d'une jeune fille pauvre qui tombe dans la prostitution pour pouvoir survivre. Un Zola Norvégien? Ce roman qui s'inscrit dans le naturalisme de la littérature norvégienne dans années 1880 a été pour Christian Krohg un leit-motiv de nombreux tableaux.

Christian Krohg: Albertine dans la salle d’attente du médecin de la police

Voilà ce qu'écrit Frank Claustrat, critique d'art et journaliste dans Connaissance des arts (source)
"Un an après la fondation de la Fédération norvégienne féministe (1884), Christian Krohg peint son œuvre majeure : Albertine dans la salle d’attente du médecin de la police (1885-1887). La scène, située dans un commissariat, dénonce la brutalité de la prostitution protégée par la loi. Le tableau montre l’humiliation publique d’une jeune femme avant un interrogatoire et une visite médicale obligatoires pour les prostituées. Encerclée par une foule de filles aguerries, Albertine, désignée à la vindicte populaire, s’avance tête baissée, telle une condamnée à l’échafaud. Krohg construit habilement son « reportage » à partir du regard des personnages, cherchant à établir un contact oculaire avec le spectateur. Effet de proximité garanti. Mais rien à voir pour autant avec l’Olympia de Manet ou les peintures de maisons closes de Toulouse-Lautrec. Il ne s’agit pas du portrait d’une courtisane ou d’une scène de la vie de bohème, mais bien d’un impitoyable réquisitoire, contre l’hypocrisie de la société et contre les abus du pouvoir masculin. L’action militante de Krohg aboutira. Si son tableau provoque d’abord un scandale, il participera aussi à la suppression de cette loi abjecte."

Je n'aime pas particulièrement la peinture réaliste et naturaliste mais ce qui me touche dans les tableaux de Christian Khrog, c'est qu'ils témoignent  des thèmes et des engagements politiques, philosophiques et féministes de l'artiste et l'écrivain. Et puis ces mouvements artistiques nous renseignent avec beaucoup de précision sur les conditions de vie du peuple et en cela ils sont précieux. C'est pourquoi j'avais remarqué aussi, dans mon dernier voyage à Bruxelles, les peintres belges de la même période : Léon Frédéric, Eugène Laermans et Constantin Meunier.


Albertine (1884)
Christian  Krohg : Fatiguée
Christian Krohg : La lutte pour la vie
Christian  Krohg : Fillette malade (1881)

Oda Krohg (1860- 1935)

Par curiosité, je suis allée jeter un coup d'oeil  aux oeuvres de Oda Krogh et je suis tombée en amour devant ce tableau : La lanterne japonaise (coup de foudre). ce qu'il y a de sûr c'est que je vais guetter les oeuvres de cette peintre dans les musées norvégiens!  Et la femme me plaît; le portrait qu'en fait son mari montre une femme libre, décidée, directe et simple,  qui ne subit pas sa vie, le portrait d'une femme en avance sur son temps.

Oda Krohg: la lanterne japonaise

Oda Krohg peinte par son mari Christian Krohg

et leur fils Per Krohg (1899-1965)

J'aime bien ces deux tableaux mais je n'ai pas eu un vision globale de son style. Il est connu pour sa fresque du conseil de sécurité de l'ONU.

Per Krohg
Per Krohg

Karl Edvard Diriks (1855-1930) Peinture impressionniste


Karl Edvard Diriks

 Karl Edvard Diriks né et mort à Oslo  est un peintre norvégien rattaché au courant de l'impressionnisme. Il a peint principalement des paysages, et a fait un séjour en France en 1909, une de ses toiles est exposée au musée des beaux-arts de Lyon. (Wikipédia source)

Karl Edvard Diriks  : From Drøbaksundet


Edvard Diriks : Isløsning


Edvard Diriks : La métairie



Frits Thaulaw (1847-1906) Entre impressionnisme et réalisme 


Johan Frederik Thaulow, dit Frits Thaulow, peintre et graveur norvégien, né à Kristiana en 1847, est mort à Edam-Volendam au Pays-Bas en 1906.  Il se forme à l’Académie des beaux-arts de Copenhague, de 1870 à 1872, sous la direction du peintre de marines C. F. Sörensen, et à Karlsruhe, de 1873 à 1875, avec le peintre Hans Gude. Il se rend à Paris, où il demeure jusqu’en 1880, et est fortement marqué par la peinture de plein air, notamment par l’impressionnisme (paysages, vues citadines) avec effets d’eau, fleuves ou ruisseaux, mais il reste surtout attaché au réalisme des écoles nordiques. Le meilleur de cette période lui fut inspiré par la ville côtière de Kragerö, au sud de la Norvège (1881-1882). En 1892, Thaulow revient en France, où il se spécialise dans l’interprétation idyllique de petites villes du Nord (Dieppe, Montreuil, Étaples, Camiers) en des toiles dont le coloris raffiné lui valut une faveur internationale. Il a également visité l’Italie (1885 et 1894), les États-Unis (1898), l’Espagne (1903) et la Hollande (1904-1906).  source


Frits Thaulaw : le ruisseau du moulin


Frits Thaulaw : Le moulin

Frits Thaulaw : Village au bord d'un ruisseau

Frits Thaulaw
Frits Thaulaw est un de mes peintres chouchous pour ses effets de lumière impressionnistes qui enchantent les paysages..  mais après Harald Sohlberg et Nicolaï Astrup qui restent mes préférés. Je ne parle pas de Munch pour l'instant parce que j'irai visiter son musée à Oslo.

 Anna-Eva Bergman (1909-1987) Le XX siècle


Avant de terminer ce billet, un aperçu du XX siècle avec une peintre que j'aime Anna-Eva Bergman, née en 1909 à Stockholm et morte Grasse en 1987. C'est une peintre norvégienne de la nouvelle école de Paris, terme qui regroupe tous les artistes, étrangers ou non, résidant à  XXème siècle qui ont contribué à l'art moderne jusqu'à 1960.
Lydia Harambourg, critique d'art,  écrit à son propos « Elle réalise une œuvre où les espaces imaginaires, glacés, visions d'icebergs et de fjords sont transcrits à partir de volumes aux arêtes découpées, avec une palette sombre ou claire, dont elle broie les couleurs, les oxydes (...). Une peinture pure, décantée dont le minimalisme invite à la méditation. » (wikipédia)
Anna-Eva Bergman

Anna-Eva Bergman,

Rolf Aamot (1934 ) Du XX au XXI siècle

Et pour finir un peintre, photographe, réalisateur, contemporain Rolf  Aamot né à Bergen en 1934.
Il  a été un pionnier dans le domaine de la peinture électronique, il a exploré la technologie émergente qu'il combine avec les arts traditionnels de la peinture, la musique, le cinéma, le théâtre et le ballet. Aamot a étudié la peinture à l'académie nationale d'Oslo et le cinéma à l'Institut dramatique de Stockholm. Une grande partie de son travail consiste à créer des images électroniques, son travail contient des éléments de la photographie. (wikipédia)



Rolf Aamot : Destruction

Rolf Aamot : The day before Mona Lisa came

Rolf Aamot : portrait de  kristin Lodoen, chorégraphe et danseuse

Rolf Aamot

Et puis il y a tous les autres peintres norvégiens que je ne connais pas mais dont je vais faire bientôt la connaissance.

lundi 2 mai 2016

Nicolaï Astrup, peintre norvégien


Nicolaj Astrup : Where five valleys meet

Je vous avais parlé du coup de coeur que j'ai eu à propos  du peintre norvégien Harald Sohlberg ICI.  Mais j'ai fait une erreur en publiant dans le billet qui le concernait un tableau qui n'était pas de lui. Il s'agissait, en fait, d'une oeuvre de Nicolaï Astrup (1880-1928), un autre peintre norvégien que j'adore. Vous vous en souvenez certainement puisque beaucoup d'entre vous avait aimé cet arbre torturé, ayant forme humaine, qui levait les bras au ciel dans un geste de déréliction.

Nicolai Astrup : Matin de mars

 Matin de mars introduit le thème du Saule-lutin ou Gobelin (Willow-Goblin), que Nicolaï Astrup affectionnait  et qu'il a décliné dans plusieurs tableaux peints à différentes heures de la journée, avec des variations de lumière qui les rendent uniques.

 Nuit de printemps et Saule-Lutin
Nicolai Astrup  se qualifie lui-même de "peintre naturaliste naïf". Il peint les paysages qui l'entourent, les montagnes sur laquelle sa maison est perchée et qui domine le lac en contrebas. Il rend la beauté mais aussi la rigueur de la nature, le froid, le passage des saisons.







 Il s'intéresse au folklore norvégien, aux légendes, à la magie que les paysages norvégiens semblent porter en eux. Il peint les fêtes païennes,  (Midsummer), avec ses feux de joie, que son père, pasteur, lui interdisait de fréquenter lorsqu'il était enfant parce que évocateur, dans son esprit, du diable et des sorcières. Dans tableau Midsummer Eve Bonfire la jeune femme enceinte qui contemple les couples en train de danser représente la fertilité.

Nicolai Astrup : Midsummer Eve Bonfire

Midsummer

NicolaI Astrup : Je suis un enfant
Nicolaï Astrup : Rhubarbes

Nicolai Astrup peint par Henrik Lund


Nicolai Astrup né en 1880 est le fils d'un pasteur luthérien. Il vécut à  Ålhus dans le district de Jølster dans la Norvège de l'Ouest et a passé son enfance dans la cure insalubre de son père, ce qui a compromis gravement sa santé, asthme, tuberculose... Il est mort d'une pneumonie à l'âge de 47 ans.  Il a étudié aux beaux-arts de Kristiana puis a fait un voyage d'étude et a séjourné à Paris, Londres, Copenhague, Stockholm et en Algérie. Il retourne ensuite à Jølster où il s'installe à Sandalstrand. Il vivait avec sa femme et sa fille dans une maison au toit de feuillages et de mousse, perchée au-dessus du lac, qu'il a maintes fois reproduite.


dimanche 1 mai 2016

Henrik Ibsen : Une maison de poupée


Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. Elle rembourse chaque mois sa dette en rognant sur les dépenses du ménage et en se privant de tout. Mais l’avocat qui veut obtenir un poste dans la banque dont Helmer est devenu le directeur la menace de la poursuivre en justice si Helmer ne lui donne pas satisfaction. Nora désespérée pense que Helmer va vouloir prendre sa faute et se faire condamner à sa place. Elle est prête à mourir plutôt que d’envoyer son mari en prison. Mais lorsque celui-ci apprend la vérité, il accepte le chantage de Krogstad et condamne sévèrement la jeune femme. Furieux, il décide de la séparer de ses enfants car elle ne lui paraît pas digne de les élever. Aussi lorsque l’avocat renonce à la poursuivre, Nora refuse de jouer à nouveau à la maison de poupée, avec un mari redevenu indulgent; elle prend conscience qu’elle n’a jamais pu être elle-même et décide de partir pour être libre et devenir enfin adulte.

Jane Fonda dans le rôle de Nora

Une maison de poupée est ma pièce préférée de Henrik Ibsen. Le thème féministe qui m’intéresse particulièrement y est pour beaucoup évidemment. Il pose le problème de la liberté de la femme toujours considéré comme une mineure dans une société où elle doit tout attendre de son mari.
Le mot « féministe » nous explique Régis Boyer dans les notes écrites à propos de La maison de poupée n’est pas le terme qui convient précisément à Ibsen. Il était surtout moraliste et la double morale pratiquée en son temps entre l’homme et la femme, - douce et indulgente pour l’un et implacable pour l’autre-  le révoltait. Il écrivait : « Une femme ne saurait être elle-même dans la société de notre temps, c’est une société exclusivement masculine avec des lois écrites par des hommes et avec des accusateurs et des juges qui condamnent la conduite d’une femme d’un point de vue masculin. »
Or ce thème est traité ici d’une manière relativement optimiste, qui donne du baume au coeur, grâce au personnage de Nora. On sent toute la tendresse de Henrik Ibsen envers ce personnage qu’il a doté de grâce, de vivacité (écureuil, alouette), de sensibilité mais aussi d’intelligence et de courage. Elle dit adieu à son confort douillet, à ses enfants, car elle ne peut vivre dans le mensonge, continuer à faire semblant. Nora est une enfant qui devient une adulte devant nos yeux, qui prend conscience de la réalité et qui n’accepte pas les compromis. La conduite de son mari envers elle lui dessille les yeux, elle acquiert la lucidité et elle dénonce une société qui maintient les femmes dans l’ignorance et dans l’enfance mais qui les stigmatise quand elles ne connaissent pas les lois et commettent des erreurs. Ibsen signifie par là que tous les individus, femmes ou hommes, ont le droit d’être eux-mêmes, de chercher leur « vérité » et de refuser le « mensonge vital », celui de Peer Gynt ou des personnages de La cane sauvage.

Inutile de dire encore une fois que le dénouement de la pièce fit un scandale : une femme qui quitte son mari et qui abandonne ses enfants avait peu de chance de rencontrer la compréhension. D’ailleurs en est-il autrement aujourd’hui?






Bravo à : Aifelle, Eeguab, Keisha... et merci!

Une maison de poupée pièce de Henrik Ibsen
Le film : Une maison de poupée de Joseph Losey





samedi 30 avril 2016

Un Livre/Un film : énigme du samedi


`
Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme sera donné le Dimanche.

Nous partons en Norvège au mois de Mai. La prochaine énigme aura lieu le premier samedi du mois de Juin : le 4


Enigme N° 127 

Vous allez dire que je suis monomaniaque dans mes lectures et vous aurez raison! Mais au moins n'aurez-vous pas de difficulté pour trouver le nom de ce dramaturge norvégien  et le titre de sa pièce :


- Parle plus bas! Pense donc si T. t'entendait! Pour rien au monde je ne voudrais qu'il.. Personne ne doit savoir, personne en dehors de toi.

- Mais qu'est- ce donc?

-Viens là plus près. (Elle l'amène à s'asseoir sur le sofa à côté d'elle). Moi aussi il y a quelque chose dont j'ai lieu d'être heureuse et fière. C'est moi qui ai sauvé la vie de T. 

-Sauvé, comment cela sauvé?

-Je t'ai parlé de ce voyage en Italie, n'est-ce pas? T.  n'en aurait pas réchappé s'il n'était  allé là-bas.

-Et bien, oui! Ton père t'a donné l'argent nécessaire...

- Oui, c'est ce que croient T. et tout le monde. Mais...

-Mais...?

-Papa ne nous a pas donné un sou. C'est moi qui me suis procuré de l'argent.

-Toi? une somme pareille?

- Douze cents rixdales. Quatre mille huit cents couronnes. Qu'est-ce que tu en dis?


vendredi 29 avril 2016

Linn Ullmann : Et maintenant il ne faut plus pleurer





Linn Ullmann, née le 9 août 1966 à Oslo, est une critique et romancière norvégienne. Fille du cinéaste Ingmar Bergman et de l'actrice Liv Ullmann, Linn Ullmann passe son enfance auprès de sa mère, d'Oslo jusqu'à New-York, où elle résidera durant douze ans. Elle apparaît brièvement dans le film réalisé par son père Sonate d'automne, dans lequel elle interprète la version rajeunie du personnage tenu par sa mère. Elle étudie la littérature anglaise à l'Université de New York.
Journaliste, écrivain et critique littéraire, elle a écrit plusieurs romans : Avant que tu ne t'endormes (1999) Vertiges (2003) Miséricorde(2005) Je suis un ange venu du nord (2010);


 Et maintenant il ne faut plus pleurer  est son cinquième livre traduit en français. Je laisse à son éditeur - Actes Sud-  le soin de vous raconter l'histoire : quatrième de couverture

Le récit

 Comme tous les ans, Siri Brodal emmène son mari et ses enfants passer l’été chez sa mère, Jenny, dans un petit village paisible de la côte norvégienne. Cette fois, Mille, une adolescente à la beauté lunaire, les accompagne afin de s’occuper des deux filles. Pour Siri, ces séjours chez sa mère sont une épreuve douloureuse qu’elle nourrit toujours l’espoir de surmonter. Depuis que son petit frère s’est noyé dans le lac à l’âge de quatre ans, elle cherche en vain le pardon dans le regard fuyant de Jenny. Quant au mari de Siri, écrivain à la dérive qui tente depuis cinq ans d’accoucher de son nouveau roman, il passe son temps enfermé dans le grenier à envoyer des SMS frivoles à des femmes qui ne l’intéressent pas. Un soir, Siri organise une grande fête à l’occasion des soixante-quinze ans de sa mère. Tandis que les convives l’attendent dans le jardin, l’invitée d’honneur s’enferme dans sa chambre. Et personne ne prête attention à la jeune Mille qui se glisse silencieusement par le portail pour ne plus jamais revenir…

Mon avis 

Comme le roman commence par la découverte d'un cadavre, le lecteur peut  raisonnablement penser qu'il s'agit d'un livre policier. Il n'en est rien. Si l'on sait presque tout de suite qui est l'auteur du crime, c'est parce que l'écrivain omniscient nous le dit. Il n'y a pas d'enquête, ni de suspense. Tout est dit et  à partir de là Linn Ullmann présente ce qui l'intéresse :  l'analyse de la  psychologie de ses personnages et des rapports familiaux complexes qu'ils entretiennent, le déchiffrage  de ce que Paul Eluard a appelé "les affreux noeuds de serpents des liens du sang". La mère Jenny, la fille Siri et la petite fille Alma, toutes sont marquées à différents stades par le drame originel : dans le passé, la noyade  du petit frère que sa soeur Siri n'a pu empêcher et, dans le présent, la disparition de Mille, la jolie baby sitter engagée par Siri pour garder ses filles Liv et Alma.
 Jenny a-telle pardonné à Siri? Siri cessera-t-elle un jour d'essayer d'acheter l'amour et le pardon de sa mère? La fête qu'elle veut donner à tout prix en l'honneur des 75 ans de Jenny alors même que celle-ci la refuse, allant même jusqu'à ne pas être présente à cette soirée, peint  d'une manière magistrale le malaise qui règne entre la mère et la fille.  Le sentiment de culpabilité de Siri face à la mort de son petit frère rejoint celui d'Alma vis à vis de Mille. Que cache Alma à ses parents et pourquoi est-elle si agressive?
 Rien n'est dit dans cette famille, où les personnes gardent pour eux leurs sentiments secrets, où les agissements des uns et des autres ne se font jamais dans la clarté.  Le sentiment de culpabilité n'est jamais exprimé, le ressentiment non plus. Et chacun y est un peu trouble, avec sa part d'ombre. Le père, par exemple, passe son temps à entretenir des liaisons par désoeuvrement avec des femmes qu'il n'apprécie pas et a un comportement ambigu envers Mille. 

Linn Ullmann peint avec puissance la pesanteur des liens familiaux et les maladies de l'âme humaine. Elle se révèle habile dans l'art brouiller les repères temporaux, de mêler le présent et le passé d'une manière inextricable, dans la façon dont elle fait partager au lecteur le drame qui détruit les personnages par l'intérieur sans que jamais cela ne soit dit ou reconnu par l'entourage.
 Un roman qui révèle des qualités certaines de style et de psychologue.


Ainsi Siri, lorsqu'elle était petite fille,  face au chagrin et à la colère de sa mère ne pouvait que se perdre dans plusieurs personnalités pour y faire face

"Une fois qu'elle arrivait en déferlant, la fureur de Jenny était si grande, noire, impossible à réfréner, que mieux valait se diviser et de venir une armée entière. Devenir une  qui faisait la vigie. Une qui se battait. Une qui pleurait et demandait grâce. Une qui raisonnait. Une qui dansait et faisait des pitreries. Une qui demandait pardon. Une qui apportait des fruits et du réconfort. Une qui essayait de tout réparer. Et une qui se sauvait mais qui n'arrivait jamais bien loin."