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dimanche 23 octobre 2011

Christian Bobin : petites filles…


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"Petites filles, petites filles, celles qui vous ont donné le jour ressemblent à des reines. Si vous saviez à quel point leur royaume est fragile, vous trembleriez de froid. Petites filles, petites filles, la vie c'est souplesse et transformation continue. Il vous faudra grandir, quitter la maison douce et apprendre comme tout le monde à danser sur le pont d'Avignon. Vous verrez : ce n'est rien de compliqué et de grave. Tombez, petites filles. Tombez, dormez, riez : plus rien n'est à craindre puisque vous avez déjà tout reçu -l'amour donné un jour, c'est pour toujours qu'il est donné."
Autoportrait au radiateur



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Un livre, un Jeu : Réponse à l'énigme n°7 Shakespeare : La Mégère apprivoisée

La Mègère de Zefirelli :  de somptueux costumes...


 Les gagnants aujourd'hui sont : Aifelle,  Eeguab, Keisha, Maggie, Thérère, Jeneen, Lire au jardin...
La pièce est  La mégère apprivoisée de Shakespeare
Le film,  La mégère apprivoisée de Zefirelli que vous irez voir chez WENS ICI


La Mégère apprivoisée est une des trois premières comédies  de Shakespeare. Elle a été écrite en 1594.

L'intrigue de La Mégère apprivoisée


Un riche gentilhomme de Padoue, Baptista, a deux filles à marier. L'aînée Catarina est une insupportable mégère qui mène la vie dure à la maisonnée et que personne ne veut épouser.  Bianca, la cadette, parée de toutes les grâces, a plusieurs prétendants, Gremio, Hortensio et surtout le beau Luciento qu'elle aime de retour, fils d'un vieux gentilhomme de Pise.
 Baptista déclare qu'il ne donnera sa fille Bianca que lorsque l'aînée sera mariée. Désespoir parmi les amoureux  de Bianca qui imaginent plusieurs stratagèmes pour approcher l'élue de leur coeur. Luciento et Hortensio vont se faire engager comme maîtres auprès de Bianca. Mais surtout, il leur faut trouver un mari pour Catarina. Quel bonheur lorsque Petruchio, jeune gentilhomme récemment arrivé de de Vérone, complètement désargenté, accepte d'épouser la jeune fille confortablement dotée et se charge de la mater!  Bien entendu, il y parviendra et même au-delà de ses espérances puisque un amour réciproque naîtra entre eux.

Une pièce controversée
Bon, disons-le tout de suite, pour un spectateur, devrais-je dire une spectratrice, du XXI ème siècle, la pièce peut faire grincer des dents! La conception de la femme qui doit obéissance à son mari et que l'on peut maltraiter a de quoi choquer.  Il faut savoir pourtant que ce thème de la femme acariâtre battue est courant depuis l'antiquité et au Moyen-âge.

Epagneul, femme, Noyer
Plus vous les fouettez mieux ils se comportent*

Il fait partie de la misogynie traditionnelle que le théâtre, la farce en particulier, n'a  cessé d'exploiter au cours de siècles, héritière de ses penseurs de l'Eglise, comme Saint Augustin, qui se demandait si la femme avait une âme. Molière s'y exerce lui aussi dans Le Médecin malgré lui mais l'on verra que Martine, la femme battue, aura sa petite revanche. Le mariage conçu donc selon l'expression d'Hortensio comme un champ de bataille.


Une pièce inégale
Shakespeare tire le sujet de I Suppositi d'Arioste. La pièce commence par un prologue : un ivrogne endormi, Sly, est recueilli par un lord qui lui fait croire pour le mystifier qu'il n'est pas un pauvre hère mais un riche gentilhomme, tombé dans la démence, qui a oublié son passé. Le seigneur accueille une troupe de comédiens qui va jouer devant Sly et la noble assistance la pièce de La Mégère apprivoisée. Le théâtre dans le théâtre, la théâtre qui reflète la vie, c'est un thème récurrent chez Shakespeare. Mais ici, que se passe-t-il? On s'attend à ce que Sly intervienne, commente le spectacle. Mais en fait, il disparaît pendant toute la pièce pour ne plus réapparaître même  au dénouement. Il semble que le dramaturge ait oublié son propos?  Une partie de l'intrigue a-t-elle disparu? Est-ce un signe de négligence? En fait, il y a tellement de disparités dans le style et le ton, de bons passages mais aussi des faiblesses et des erreurs, que certains critiques pensent que la pièce n'a pas été entièrement écrite de la même main. Mais comme l'on ne peut avoir aucune certitude, autant dire que La Mégère apprivoisée n'est pas la meilleure pièce de Shakespeare et qu'un écrivain ne peut réussir des chefs d'oeuvre à tous les coups!



Richard Burton : Petruchio

Entre farce et subtilité
Malgré cela, la pièce plaît et elle est toujours interprétée, même de nos jours. Comment peut-on l'expliquer? Il faut bien pour cela que la pièce soit assez riche pour recevoir des éclairages plus subtils que la lecture au premier degré ne le permet.
Certes la pièce exploite le comique de gags parfois gros, les querelles, les cris, les démonstrations de force, les séances de "dressage" mais le metteur en scène peut selon la finesse de son analyse et la subtilité de  l'interprétation  souligner des aspects particulier de la pièce :
Il peut très bien, en effet, mettre en valeur la férocité du traitement infligé à Catarina et insister non sur le rire mais sur la cruauté du sort de la femme qui doit non seulement abdiquer, sous la contrainte, les humiliations, les privations, sa volonté et ses désirs mais aussi aliéner son bon sens et sa raison, une occasion de dénoncer le statut de la femme dans la société, celle du  XVI ° mais pas seulement!

Acte IV scène 5 Petruchio a promis à Catarina de l'amener chez son père. Ils font route sous le soleil vers Padoue.
Petruchio
Je dis que c'est la lune qui brille d'un si bel éclat
Catarina
Je sais que c'est le soleil qui brille de ce si vif éclat
Petruchio
Ah! par le fils de ma mère, qui n'est autre que moi, ce sera la lune, une étoile, tout ce que je voudrai que cela soit, avant que je continue ma route pour aller chez ton père...  Il la menace de rebrousser chemin (....)
Petruchio
je sais que c'est la lune
Catarina
Je sais que c'est la lune

Il peut aussi montrer combien Pétruchio et Catarina sont faits l'un pour l'autre, tout comme Beatrice et Benedict de Beaucoup de bruit pour rien qui se font aussi "une guerre amoureuse" (mais beaucoup plus subtile et raffinée) et pourquoi l'amour est possible entre eux.
Catarina n'est pas une mégère pour le seul plaisir de l'être mais une femme de caractère qui refuse d'être un objet. Si elle ne s'entend pas avec sa soeur, c'est pour des raisons qui font honneur à son intelligence. Elle refuse la coquetterie et l'hypocrisie de Bianca qui consiste à donner l'image de la jeune fille docile que l'on attend d'elle et qui ne correspond pas à la réalité. Elle lui en veut aussi parce qu'elle souffre de ne pas être appréciée par son père dont la préférence pour la cadette s'affiche nettement, ce qui entraîne sa jalousie. On peut donc penser que la méchanceté de Catarina s'explique parce qu'elle trop fière pour accepter d'être traitée comme une marchandise mais aussi parce qu'elle est mal aimée .
 acte II scène 1
Catarina
Quoi prendrez vous toujours son parti contre moi? Oui, oui, je le vois bien, elle est votre trésor; à elle, il lui faut un mari, ; et moi, pour le prix de l'amour que vous lui prodiguez, je danserai pieds nus le jour de ses noces et j'irai garder les singe en enfer... Ne me parlez pas. Je me retire pour pleurer jusqu'à ce que sonne l'heure de ma vengeance.


Et la manière dont tous la considèrent, le manque de respect envers une femme quand elle ne se plie pas aux conventions de la société,  peut expliquer sa révolte, sa rancoeur et sa colère, bref! son mauvais caractère.
Acte I scène 1
Baptista
Si l'un de vous aime Catarina, comme je vous connais bien et vous tiens en amitié, il a ma permission de lui conter fleurette.
Gremio
Fleurette! C'est la charette aux putes qu'il lui faut : cette fille est pour moi trop rude.
Catarina
Je vous en prie mon père, avez-vous résolu de me laisser railler et traiter de catin par ces épouseurs?

 Sous l'apparence rude qu'elle affecte se cache un coeur sensible, une femme qui ne demande qu'à aimer et être aimée.
Petruchio, lui,  peut apparaître comme  un coureur de dot, ce qu'il est assurément mais à une époque où cela n'avait rien de choquant. C'était la base du mariage. Mais il est réellement séduit par Catarina. C'est par dérision qu'il affirme dans la scène I de l'acte II

Si elle est revêche, c'est par politique : car loin d'être opiniâtre, elle est douce comme la colombe; loin de jeter  feu et flamme, elle est fraîche comme le matin.."

Mais il n'est pas loin de la vérité et sous l'ironie l'on sent qu'il a compris la véritable Catarina. Ils sont d'ailleurs de la même trempe des êtres de passion  que l'on n'asservit pas et Petruchio reconnaît en elle un adversaire de taille.

Pétruchio à Baptista Acte II 1
... car je vous avertis, mon père, je suis impérieux autant qu'elle est arrogante.. Or là où se rencontrent deux incendies farouches, ils ne manquent pas de consumer l'objet qui nourrit leur fureur. Tandis que sous le moindre vent grandit la moindre flamme, l'ouragan déchaîné éteint de son souffle le plus énorme brasier. Je serai l'ouragan pour elle et elle me cèdera : car grande est la violence et je ne fais pas cour comme un enfantelet.

 Certes, conformément  à la conception de l'époque, il va amener son épouse à lui obéir!
Acte III scène 2
Je veux être le maître ce ce qui m'appartient. Cateau est à la fois mes biens et mes effets, ma maison, mes meubles, mon champ et ma grange, mon cheval, mon boeuf, mon âne et mon toit!. La voici près de moi, la touche qui l'ose!

Ce n'est pas par la violence et les coups qu'il y parviendra mais par  "la sollicitude" fausse, bien sûr et exagérée. Si l'on donne de la nourriture à Catarina, il la lui retire parce qu'elle si de mauvaise qualité, si elle est couchée, il crie que le lit est mal fait : 
Acte IV scène 1
En conclusion elle veillera toute la nuit.(...) Voilà comment on tue une femme par la sollicitude et c'est ainsi que je viendrai à bout de son humeur violente et opiniâtre.

Le dressage a donc lieu, comme c'est une comédie nous en rions mais pour cela il faut que le metteur en scène sache mettre en relief certains aspects positifs de Petruchio qui sous la cruauté, possède une certaine classe, utilise l'ironie, tout en restant courtois dans son langage et ses manières, assez, du moins, pour que Catarina le juge digne d'être aimé.
Petruchio ( Bernard Noël) et son valet Grumio (1964)

Dans la fameuse mise en scène de  la télévision en 1964  avec Rosy Varte et Bernard Noël, le metteur en scène, Pierre Badel, va même plus loin. Il suggère par le jeu des acteurs, que si les époux se plient aux conventions sociales, il y a une telle complicité entre eux que Catarina ne se soumet pas.  Son apparente obéissance est en fait une déclaration d'amour.
 Acte V scène 2
 Ton mari est ton seigneur, ta vie, ton gardien, ton chef, ton souverain, celui qui prend soin de toi et qui, pour assurer ta subsistance, soumet son corps à de durs travaux sur terre et sur mer, qui veille la nuit dans la tempête, le jour dans le froid, tandis que tu reposes, bien au chaud dans la sécurité du logis, et qui n'attend de toi d'autre tribut que ton amour, un visage avenant et une sincère obéissance, maigres paiements pour un si grande dette.

C'est le parti pris, plus poussé encore, semble-t-il, (je n'ai pas vu la pièce), de la mise en scène d'Oskaras Korsunovas à la Comédie Française en 2008.  Voir l'article   ICI

 La mise en scène de Zefirelli
 Elizabeth Taylor et Richard Burton Zefirelli

C'est pourquoi je n'aime pas du tout la mise en scène "gros sabot" de Zefirelli! En dehors de ricaner  grassement, d'éructer,  de crier, Petruchio-Burton est une sorte de rustre, vulgaire, sans  délicatesse et sans nuances. Mais Zefirelli ne fait pas preuve de plus de finesse avec le personnage de Catarina. Catarina-Taylor, braillarde, dépenaillée, est une poissarde à la poitrine à l'air.. L'on peut dire que la rencontre entre les deux est tout à fait inintéressante! Et ceci d'autant plus que le rôle des autres personnages est réduit à néant ou presque! Insupportable! Heureusement, il y a des costumes splendides qui semblent sortir tout droit de tableaux de la Renaissance italienne et quelques scènes à l'intérieur de la ville très belles.

* cité dans la préface de A. Quiller-Couch




La littérature fait son cinéma
Chez Will Kabaret culturel

samedi 22 octobre 2011

Un livre, un Jeu : l'énigme n°7




Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma!Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens ICI vous devez trouver le film, le metteur en scène et les acteurs, chez moi, le livre.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagner que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.
 Après une énigme difficile samedi dernier,  nous retournons au classique. Il s'agit d'un dramaturge anglais (oui, je sais vous avez deviné!) mais dans quelle pièce?

             Enigme 7


 B.
 Hola, donzelle, hola! D'où vient cette insolence? Pauvre enfant! Elle pleure... Retourne à ton aiguille, ne te frotte pas à elle. Fi! drôlesse possédée par le diable, n'as-tu pas honte de faire du mal à celle qui ne t'en a jamais fait? Quand t'a-t-elle blessée par la moindre parole méchante?
 C.
C'est son silence qui me nargue et je veux me venger  (Elle se précipite sur ...)
 B.
Quoi! sous mes yeux! Rentre chez toi ...
 C.
Quoi prendrez-vous toujours son parti contre moi? Oui, oui, je le vois bien, elle est votre trésor; à elle, il lui faut un mari; et moi, pour le prix de l'amour que vous lui prodiguez, je danserai pieds nus le jour de ses noces et j'irai garder les singe en enfer... Ne me parlez pas. Je me retire pour pleurer jusqu'à ce que sonne l'heure de ma vengeance.

vendredi 21 octobre 2011

Désirer de Richard Flanagan

 

Désirer de l'écrivain australien Richard Flanagan est un beau roman plein d'émotion et de finesse, une de ces œuvres que l'on referme avec un pincement au cœur. Dans ce roman où le théâtre a un rôle primordial, c'est à une tragédie que l'on assiste et celle-ci se joue aussi bien sur le plan collectif, déportation et élimination des aborigènes en Tasmanie, qu'individuel, les personnages sacrifiant la vérité de leurs sentiments aux fausses valeurs de la société. De là, ce titre — Désirer, cet infinitif, traduction de l'anglais « wanting », d'abord énigmatique et qui prend peu à peu tout son sens : chaque personnage s'agite sur une scène pleine de bruit et de fureur pour reprendre l'image de Shakespeare, agitation vaine où les aspirations, les désirs se voient sacrifiés à une morale rigide, à des conventions sociales qui nient les sentiments, l'amour, la liberté et par là, la vie. Chacun passe à côté de l'essentiel et se retrouve face au néant de son existence.

Désirer présente deux récits parallèles dans l'espace, en Tasmanie et à Londres, mais décalés au point de vue de la chronologie :
En Tasmanie, Sir John et lady Jane Franklin, vice-roi et vice - Reine de la Terre de Van Diemen, adoptent une petite fille aborigène nommée Mathinna pour prouver « scientifiquement » que les « sauvages » peuvent être civilisés et éduqués comme des Anglais.
À Londres, des années après, Lady Jane Franklin rencontre Charles Dickens. Ce qui de prime abord lie ces deux êtres pourtant si opposés est un fait historique dont Richard Flanagan s'est inspiré. Sir John partit en expédition polaire avec des officiers et son équipage n'est jamais revenu et est accusé de cannibalisme d'après le témoignage d'une peuplade esquimau. Lady Jane demande à Dickens, alors le plus célèbre écrivain de l'Angleterre victorienne, de prendre la défense de son mari et de réhabiliter sa mémoire. Ce que fait Dickens et ce qui lui inspire une pièce de théâtre qu'il écrit avec Wilkie Collins : Glacial abîme.

Mais au-delà de l'anecdote, les liens qui unissent cette femme de la haute société et cet homme qui a souffert de son humble origine, mais est devenu, par son génie, l'égal d'un roi, sont plus complexes. Et d'abord, très profondément ancrés en eux, la certitude de la supériorité de la civilisation anglaise et chrétienne. Ainsi, l'écrivain fonde la présomption d'innocence de l'explorateur sur la grandeur morale de l'anglais qui ne peut être confondu par « une poignée répugnante d'individus non civilisés dont la vie quotidienne se déroule dans le sang et le blanc des baleines ». Le livre est donc prétexte à dénoncer le colonialisme et ses maux, racisme, paternalisme, incompréhension et mépris des autres civilisations. Ainsi, dans la colonie pénitentiaire de Wibalenna sur l'île Flinders où Lady Jane en visite avec son mari découvre Mathinna et, séduite par la grâce et la vivacité de la fillette, décide de l'amener loin de son peuple, cent trente-cinq aborigènes de l'île Tasmanie furent transportés pour y « être civilisés et christianisés » sous la direction d'un prédicateur George Augustus Robinson qui se pare du titre de Protecteur. Tout cela au nom d'une civilisation qui affirme sa supériorité et qui, tout en prenant aux autochtones leur terre et leur moyen de subsistance, pense faire leur bien en leur imposant ses critères. Le récit se teinte alors d'une ironie terrible qui fait naître un sentiment d'horreur et de tristesse : « À part le fait que ses frères noirs continuaient à trépasser au rythme d’un par jour, quasiment, note le Protecteur, il fallait admettre que la colonie donnait satisfaction à tous les égards. »
Mais ce sentiment de supériorité, s'il est fatal à ceux qui en sont les victimes, se retourne assez curieusement contre ceux qui l'éprouvent. Et c'est ici que le titre du roman Désirer prend toute sa valeur, car le désir sous toutes ses formes engendre la douleur.
Désir d'amour. Lady Jane qui n'a jamais pu avoir d'enfant ne peut s'abandonner aux sentiments maternels qu'elle éprouve pour Mathinna, la petite fille noire devenue objet d'étude et ravalée au rang d'animal de laboratoire lorsque le projet échoue. Et elle se retrouve ainsi face à sa solitude, étreinte par une douleur « comme un châtiment terrible ».
Désir pervers. C'est sir John qui cède au désir contre nature qu'il éprouve pour la fillette et qui devra en payer le prix, « le sentiment de sa propre horreur », car dit Charles Dickens :
« On peut avoir ce que l'on veut, mais on découvre qu'il y a toujours un prix à payer. La question est celle-ci : peux-tu payer ? »
Désir de liberté : Mathinna retrouvant les siens sur l'île Flinders jette ses sabots dans un bosquet d'arbres. Geste symbolique, mais désir vain. L'éducation qu'elle a reçue chez Lady Jane fait qu'elle n'appartient plus à aucune civilisation.
Ainsi, Charles Dickens cherche à dompter son « cœur indiscipliné » et son amour naissant pour l'actrice Ellen Ternan :
« Nous avons tous des sentiments et des désirs, écrit-il, mais seuls les sauvages acceptent de les assouvir ». Pourtant, la pièce de théâtre, Glacial abîme, va consacrer le cheminement final et inverse de Dickens et de Lady Jane. Contrairement à cette dernière, Charles Dickens au cours de cette pièce où il est auteur et acteur à la fois, en interprétant ce texte qui révèle « toute son âme », va apprendre à céder au désir et se libérer :
« Il ne pouvait plus imposer de discipline à son cœur indocile. Et lui, cet homme qui avait passé toute une vie à croire que céder au désir était la caractéristique du sauvage se rendit compte qu'il ne pouvait plus rejeter ce qu'il voulait. »
Car l'autre thème de ce roman, et non des moindres, est celui de la création littéraire, une réflexion qui se révèle passionnante ; on y voit comment Dickens emprunte à sa vie des éléments pour construire ses œuvres, mais aussi comment, dans un effet boomerang, la fiction romanesque finit par devenir à ses yeux plus vraie que la vie réelle. Ainsi, l'on assiste à l'élaboration de Glacial abîme dont l'auteur est à l'origine Wilkie Collins. Mais son ami, Charles Dickens s'empare bientôt d'un personnage, Robert Wardour, pour le faire sien, lui donner ses pensées, ses sentiments, ses peurs, et finalement jouer sur scène sa propre vie, parvenant ainsi à agir sur elle, à l'infléchir comme si l'écrivain ne pouvait découvrir sa vérité qu'à travers le filtre de ses personnages.

Enfin, pour couronner le plaisir de cette lecture, l'heureuse surprise qui me met en face de deux auteurs, Charles Dickens et Wilkie Collins, que je fréquente beaucoup en ce moment et qui répond  aux questions que je me pose sur eux. Ceci d'une manière telle qu'il me semble rencontrer deux amis, personnages réels engagés dans la fiction romanesque à qui Richard Flannagan redonne vie, cheminant dans leurs pensées intérieures et les révélant au lecteur tandis qu'ils se révèlent à eux — mêmes. Car Richard Flannagan à partir d'une histoire vraie laisse libre cours à son imagination qui mieux que tout peut atteindre la vérité profonde de ses personnages pour nous révéler des êtres vivants et non des momies aseptisées par l'Histoire.
Désirer Richard Flanagan éditions Belfond

Billet tranféré de mon ancien blog.

Merci à Dialogues croisés et aux éditions Belfond pour la lecture de ce très beau livre

LIVRE VOYAGEUR

Un mot, des textes : Résonnances

Forêt de bouleaux Gustav Klimt


Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia nous propose le  jeu d'écriture : Des mots une histoire.  Pour cette édition 44 du jeu, les mots imposés sont :

réveil – calquer – mazarin – technique – tertre – châtaigne – douceur – cloaque – indifférence – cruellement – mère – tartine  – pagode – virgule – hérisson – retour – laitue –exubérant – forêt – livre – vaporeux – immortels.  C'était plus facile que la dernière fois, pour vous aussi?

Résonnances

Il y a entre  les mots comme une résonnance
La mère, au matin, dans la douceur du ciel
Nourrit son enfançon de tartine et de miel
au berceau, son réveil est un moment intense
Tout petit  hérisson enroulé dans ses langes
il calque sur sa mère la technique de l'ange
Indifférence extrême au cloaque du Monde.
 
Il y a entre les mots une correspondance
Dans forêts, dans châtaignes, bouleaux gris, trembles verts
Parmi les immortels, aux cimes vaporeuses
Assise sur un tertre ou sous une pagode
C'est la nature entière qui sans indifférence
Me berce dans ses bras, extrême exubérance
 
Je vois à mon retour, cruellement heureuse,
Dessus le mazarin posé le  livre blanc
Il m'invite à l'étude, je dois à la virgule
Un respect sans appel et pure obéissance
Mais quand sur la laitue un petit escargot
S'aventure pirate échappé des deux eaux
Avec lui je repars braver les mers du globe
Et l'archipel entier de mes rêves sans fin
Se détache voguant loin de la terre, enfin.



Un bureau mazarin


Sur le blog d'Olivia: Désirs d'histoire

jeudi 20 octobre 2011

Christian Bobin : le vent, ce matin…



"Le vent ce matin pique sa crise, arrache des feuilles aux arbres, comme on sort brutalement des condamnés de leur cellule pour les pousser vers une mort fauve, et la grâce de ce petit matin d'exécution, c'est que les feuilles, avant de rejoindre leur ombre sur terre, chahutent jusqu'à l'ultime seconde."
   Autoportrait au radiateur


avec Chiffonnette

David Vann : Désolations


Désolations de David Vann est un des grands livres de la rentrée littéraire. Jamais roman ne portera mieux son titre que ce récit fort et puissant mais d'une noirceur absolue.

David Vann place son récit en Alaska, dans la péninsule de Kenai, au bord d'un lac glaciaire. Gary va  réaliser son rêve en construisant la cabane où il a toujours voulu vivre, sur une île, au milieu du lac, non loin de la ville sur l'autre rive. Il entraîne dans cette aventure sa femme Irène, assez réticente à la pensée de quitter sa maison pour aller habiter dans un lieu coupé du reste du monde pendant le long hiver nordique. Malgré les maux de tête intolérables dont elle souffre, Irène va le suivre pourtant. Leur fille Rhoda s'en inquiète alors que  leur fils, Mark, ne s'en soucie pas!

Si vous attendez à partir de là un récit écologique vous vantant la beauté de la nature, le courage de cet homme et de cette femme dans leur combat face aux dangers qu'ils vont affronter, vous en serez pour vos frais. Dans Désolations - le titre est au pluriel- David Vann dresse un bilan pessimiste, de la nature abîmée par la présence humaine, des rapports entre les êtres mais aussi de la société en général. 

Désolante en effet, cette ville souillée par l'homme et d'une dureté implacable. Une ville sinistrée où les plus chanceux s'en vont pour trouver du travail, échapper à la détermination du choix qui fait de vous un pêcheur ou un employé de la conserverie de poissons, travail à la chaîne, inhumain, sans espoir, dans le froid et la saleté. Une vision sociale accablante. Tout est à l'image de ce pays désolé et sauvage ou les scories laissées par l'homme achèvent de rouiller.

Elle logea un centre commercial de plain-pied, un parking abandonné où pourrissaient une vieille voiture et d'autres débris en bordure de la forêt. Ploucland, dit-elle à voix haute.

Quant à la nature, certes elle est belle loin de la ville mais elle est surtout inhumaine, et il faut, pour y vivre, abandonner toute idée romantique :

Une belle illustration de ses trois décennies passées en Alaska, affalée dans son ciré, cachée, se faisant aussi petite que possible, chassant les moustiques qui parvenaient à voler malgré le vent. Se sentant frigorifiée, seule. Pas la vision grandiose qu'on pourrait avoir, se prélasser par une journée ensoleillée sur une pente douce couverte de lupin violet, la vue dégagée sur les montagnes environnantes.

En fait la nature est la métaphore de ce qui se passe à l'intérieur des consciences, l'enfer personnel que chaque homme ou femme porte en soi. A l'âge de la retraite Gary et Irène font le bilan de leur vie et leur échec est total. Gary a raté sa vie. Doctorant médiéviste à Berkeley, une de plus grandes université américaines en Californie, il peut toujours reporter la responsabilité de son échec sur sa femme. Il n'en est pas moins vrai qu'il s'est senti distancé dans ses études, incapable de les mener à bien. Se fixer en Alaska pour échapper au milieu universitaire, épouser Irène, institutrice de maternelle, qu'il juge inférieure à lui sur le plan intellectuel, est une fuite, non un choix de vie. La construction de la cabane est la réalisation d'un rêve mais l'on s'aperçoit bien vite qu'il n' est pas capable, non plus, de la mener à bien.
 Irène, elle, est brisée dès son enfance par le suicide de sa  mère. Si elle subit la volonté de son mari en s'isolant ainsi dans l'île au moment où un hiver rigoureux s'annonce, ce n'est pas par amour pour lui , qu'elle regarde avec une froide lucidité, mais par peur de l'abandon. Il n'y plus que haine entre eux et le huis clos dans l'île va se révéler terrifiant.
David Vanne explore avec talent le thème de la solitude de chaque être en rapport avec la nature hostile, car ce ne sont pas seulement les personnages âgées qui sont condamnés mais aussi les jeunes.
Marc, le fils de Gary et d'Irène, qui mène la vie rude des pêcheurs est lui aussi en situation d'échec; Il se saoule avec sa femme et ses amis et se drogue. Son indifférence apparente envers ses parents semble plutôt être de l'ordre de la survie. Quant à Rodha, qui est le personnage le plus positif du livre, elle est bien trop fragile pour trouver une issue, échapper à son destin. Capable d'amour et de dévouement envers ses parents, elle aime Jim, un dentiste, et espère fonder une famille avec lui. Elle ne trouvera en face d'elle que trahison, mensonge, indifférence, haine et folie. L'on peut penser raisonnablement qu'elle reproduira le schéma de vie de sa mère, les femmes de cette famille semblant condamnées d'avance par les hommes mais aussi, comme toutes les femmes, par la société qui les place au bas de l'échelle. C'est ce que pense Carl, le jeune étudiant venu en Alaska pendant les vacances pour y connaître sa première déception amoureuse, trahi par la riche et cynique Monique, obligé de prendre un emploi à la conserverie  de poissons où il ne tient même pas un jour! Le constat social est désespérant  et est résumé ainsi par le jeune homme pendant ses quelques heures de travail :

1 Ne travaille pas avec d'autre personne
2 N'exerce pas un travail manuel
3 Sois content de ne pas être une femme sur le marché du travail.
4 le contrôle de qualité n'existe pas. Tous les autres termes du monde des affaires sont aussi des conneries. Le monde des affaires est le cimetière de la pensée et des paroles.
5 Le travail ne sert qu'à gagner de l'argent. Alors trouve-toi un boulot qui aille au-delà, un boulot, qui, dans l'idéal, ne te donne pas la sensation d'en être un.

Quant aux relations entre les hommes et les femmes, elles sont toutes fondées sur des rapports de domination. L'amour n'existe pas, c'est une chimère et ceux qui se laissent aller à y croire en souffriront. Le paysage où le vent, la neige, l'eau sont hostiles, se liguent contre les humains, reflètent la désolation  de leur âme.

Un roman pessimiste, certes, mais excellent.

Voir l'avis de Choco dans Le Grenier à Livres ICI

PriceMinister

Merci à Price Minister et aux éditions Gallmeister pour l'envoi de ce livre
 




mercredi 19 octobre 2011

Fanny Saintenoy : Juste avant


 Fanny vient d'apprendre que son arrière-grand mère est en train de mourir. Elle prend aussitôt un train jusqu'à Bergerac pour venir assister la vieille dame dans ses  derniers instants, apportant avec elle, dans cette chambre d'hôpital, tous les soucis de sa vie.
Dans ce dernier face à face qui les réunit, la jeune femme et l'aïeule en train d'agoniser vont égrener tout à tour leurs souvenirs personnels qui se croisent parfois et se complètent. Peu à peu, à travers des retours dans le passé se dessinent la personnalité de chacune et leur histoire qui recoupe celle de notre pays à travers les évènements du XXème siècle.

Ce court roman est très bien écrit  et l'on y sent l'émotion d'une fin de vie mais  sans rien de déchirant ou de tragique. La mort est présentée comme inéluctable, dans l'ordre des choses, et s'il y a nostalgie, elle vient des souvenirs évoqués, de l'affection qui lie Fanny et sa grand mère. Le personnage de cette vieille dame est intéressant, une femme du peuple à qui l'existence n'a pas fait de cadeau et qui a conçu la vie comme une lutte. Pourtant les bons moments, les amies, la convivialité, l'amour de sa famille viennent contrebalancer les tragédies, la déportation de son mari, résistant communiste qui disparaît dans un camp de concentration, la mort de sa fille atteinte d'un cancer. On sent très bien aussi le clivage qui se fait entre la vieille femme peu instruite, peu ouverte sur le monde par la force des choses, et son arrière-petite fille devenue une intellectuelle, un mode d'ascension sociale qui crée des fossés entre les quatre générations de femmes qui se succèdent, de l'arrière-grand mère à sa fille Jacqueline, sa petite fille Martine et son arrière-petite fille Fanny.
Ce premier livre me laisse pourtant un peu sur ma faim à cause de la rapidité du roman qui  ne permet pas à l'histoire de s'installer ni aux personnages de vivre. On a l'impression d'un survol, là où l'on attendrait que l'écrivain se pose un peu pour qu'il y ait plus de force dans le récit, une analyse plus approfondie des rapports sociaux. Mais les qualités d'écriture sont indéniables et ne demandent qu'à être développées.
 Un grand merci à Jeneen pour ce livre voyageur!


mardi 18 octobre 2011

Anne-Marie Garat : Nous nous connaissons déjà


Dans le roman de Anne-Marie Garat, Nous nous connaissons déjà, la narratrice se rend dans le sud-ouest de la France pour examiner des plaques photographiques découvertes dans les combles d'un vieux château en restauration. C'est dans ce paysage de vignoble qu'elle rencontre Laura, une jeune femme qu'il lui semble déjà connaître. Désormais, leur route ne va  pas cesser de se croiser au hasard des rencontres spontanées ou voulues.
La construction du récit est habile et c'est peu à peu que toutes les pièces se mettent en place jusqu'à la révélation du dénouement. Le récit est mené en parallèle :  la  narratrice cherche à percer le mystère des photographies retrouvées au château, particulièrement horribles, qui révèlent un crime de guerre, ce qui l'entraîne d'un lieu à l'autre en France et à l'étranger. Laura, dans une vieille école abandonnée, classe des archives, à la recherche d'un petite fille disparue. Et leur quête respective les amène sur les traces de leur passé personnel et du secret familial qui pèse sur chacune d'elle. Le roman se révèle être une interrogation sur la mémoire collective et historique d'abord mais aussi individuelle, personnelle, réflexion aussi sur le rôle de la photographie dans la conservation du souvenir et comme substitut de la mémoire ou encore sur la littérature et l'art :
Parce que les mots sont plus forts que le monde, ils sont dangereux, ils nous obligent. A ce prix l'art est l'exacte vérité du monde, l'impudeur extrême des constructions de notre imaginaire, qui est la forme sous laquelle nous instruisons la réalité, aussi pouvons-nous dormir les yeux grand ouverts, le roman est un représentation vraie et nous y courons des dangers extrêmes, parce que nous sommes d'intelligence avec nous-mêmes.
Quand je cherche les mots qui pourraient le mieux qualifier ce roman, me viennent ces qualificatifs : intelligent, brillant. Le style de l'écrivain que l'on peut qualifier de proustien semble épouser les circonvolutions de la pensée, tel un long  fleuve déroulant ses méandres.
Pourtant, malgré ces qualités, je n'ai pas totalement adhéré à ce récit même si j'ai éprouvé de l'admiration pour le talent de l'écrivain et si j'ai aimé, par exemple, ce voyage  dans l'Italie érudite du vieux Battistini.  Cependant, je n'ai pas eu l'impression de rencontrer de véritables personnages mais plutôt des idées, non "l'exacte vérité du monde". Pour moi qui aime les romans où la société apparaît, où les gens se collètent avec la vie parce qu'ils sont intégrés dans un tissu social, je ne me suis pas sentie complètement concernée.  Je suis en grande partie restée extérieure à l'histoire sauf à plusieurs moments très forts où j'ai ressenti une profonde émotion.
Par exemple, lorsque les personnages cessent d'être des idées pour devenir des êtres vivants, déchirés, tourmentés,  la réflexion intellectuelle laisse alors place au récit.
Il en est ainsi lors de la dernière rencontre entre Laura et son père. Celui-ci fait un long détour pour venir lui parler et lui dire peut-être enfin le secret qui a pesé sur leurs relations et les a empêchés de communiquer. Mais Laura, cadenassée en elle-même, refuse cet échange :

Il semblait si vulnérable, hésitant sur le pas de la porte à la quitter, s'y résolvant cependant, et la réalité dormait devant la porte, elle attendait son heure. Laura n'avait pas retenu son père, et vers midi il avait quitté la longue voie rapide dans une embardée que seule expliquait le sommeil ou un malaise.

Et encore à la fin du récit lorsque l'on apprend "la réalité", pourquoi le père a agi ainsi ..  ou  bien  quand la narratrice rencontre l'auteur des photographies, le criminel de guerre dans un hospice pour vieillards indigents :

... mais sa face à la mâchoire décrochée par la sénilité, ses yeux larmoyants sans paupières s'apparentaient à la figure universelle du délabrement séculaire d'un corps humain, et rien ne laissait à penser qu'il avait pu être un échantillon de cette humanité qui ne s'est pas rencontrée ni connue, qui est peut-être restée au coeur des ténèbres dont parle Conrad, pour qui l'histoire n'a pas commencé et qui erre en liberté dans notre imaginaire comme une bête d'épouvante, dont la dérisoire réalité ne résout rien, n'annonce rien, reste sans guérison ni rédemption, et qui pousse ce cri inarticulé, inaudible, du crime immémorial.

Pour résumer, disons que ce livre, malgré ses qualités évidentes et abouties, ne me touche pas entièrement parce que j'attends encore autre chose d'un roman, celui de coller à la réalité.

Ceci est une lecture commune avec L'Or des chambres dont vous trouverez le billet ICI. Voir aussi celui de Lire au jardin ICI

lundi 17 octobre 2011

François Emmanuel : Cheyenn

Cheyenn, non, ce livre de François Emmanuel, ne vous amènera pas, dans les grandes prairies de l'Ouest américain, chevauchant votre appaloosa à la recherche de bisons. Cheyenn est le nom que s'est donné Sam Montana-Touré, SDF, un homme au regard silencieux qui hante l'imaginaire du narrateur de cette histoire, un cinéaste, auteur de documentaire pour la télévision. Et si cette recherche vous entraîne vers de grands espaces, "ce sont ceux des chantiers ceints de palissades, routes et trottoirs défoncés, alignement de façades sinistres... dans cette demi-friche industrielle qui longe le canal sur près de quatre kilomètres,  paysages de délabrement urbain", usines désaffectées peuplées d'êtres à la dérive, de skinhead haineux, un univers entre misère et violence.

Le cinéaste a rencontré une première fois Cheyenn dans une usine de filature désaffectée où il venait filmer Lukakowsky, un de ses compagnons d'infortune. Cheyenn n'apparaît dans ce premier documentaire  que de loin en loin, il n'est pas le sujet principal. Pourtant, déjà, au cours d'un plan fixe qui le saisit, le réalisateur remarque son regard intense, qui semble détenir un secret, peut-être tout simplement le secret d'une vie. Peu de temps après Cheyenn est sauvagement assassiné. Le narrateur, hanté par ce regard, décide alors de réaliser un second documentaire et de partir ainsi à la recherche de Cheyenn, de ses origines, de son passé, bref, de l'homme qu'il était au-delà des apparences.

"Parfois Cheyenn vient s'asseoir à côté de moi dans mon rêve. Nous sommes tous les deux assis  sur un banc, adossés au mur, et nous regardons les arbres du parc où nous nous trouvons; (...) Je ne me retourne pas vers Cheyenn mais je sens qu'il est à côté de moi, il pourrait être mon frère, mon ami de toujours, mon compagnon tranquille. C'est la récurrence de ce rêve qui m'a convaincu d'écrire."

 Le cinéaste mène alors son enquête auprès des personnes qui l'ont connu, la soeur de Cheyenne, de Mauda, la femme qui l'a aimé mais qui n'a pas pu l'empêcher de sombrer, des skinhead qu'il soupçonne de l'avoir tué. Il rencontre le juge d'instruction qui mène l'enquête. Mais si tous deux s'acharnent à la découverte de la vérité, il ne s'agit  pourtant pas de la même. L'un veut découvrir les coupables, l'autre, la victime. Une exigence qui le prend tout entier, un quête plus qu'une enquête, une obsession. Mais comment filmer l'absence? Comment aller au-delà des apparences? Comment aussi être entièrement honnête vis à vis de l'image, ne pas tomber dans le voyeurisme, respecter l'intime. Ce sont ces interrogations philosophiques qu'égrène le livre mais pas seulement. Il aborde aussi les aspects économiques du cinéma documentaire, un producteur qui veut des résultats, du sensationnel et qui exige la rapidité.  Ainsi quand le cinéaste filme le regard de Cheyenn :

Or la démarche du cinéaste qui est à la recherche d'une vérité ne peut se faire qu'en laissant le temps au temps, le temps de connaître les gens, d'établir des relations humaines, de vrais contacts, le temps du respect et de l'estime : c'est ce qui se passe entre Mauda et le réalisateur. Ceci me rappelle la démarche de Raymond Depardon dans sa trilogie de Profils Paysans qui a demandé plusieurs années à Canal Plus pour filmer les agriculteurs lozériens ou ardéchois. Une démarche authentique qui cherche à entrer au coeur de l'Humain, à l'antipode de cette culture journalistique "qui recherche avant tout l'émotion"

Cheyenn a existé comme le prouve la dédicace de François Emmanuel qui s'adresse à Bernard Mottier, photographe français installé en Belgique : A Bernard Mottier qui a aimé Cheyenn. Y a-t-il eu réellement un documentaire? Je ne le sais pas. Par contre le livre de François Emmanuel est une  réflexion intéressante sur l'image. C'est aussi un bel hommage  à Cheyenn de même qu'à  tous les hommes qui, comme lui, sont tombés dans la déchéance.


dimanche 16 octobre 2011

Gérard de Nerval : Chanson gothique



 Dante Gabriel Rossetti


Chanson Gothique

Belle épousée,
J'aime tes pleurs !
C'est la rosée
Qui sied aux fleurs.

Les belles choses
N'ont qu'un printemps,
Semons de roses
Les pas du Temps !

Soit brune ou blonde
Faut-il choisir ?
Le Dieu du monde,
C'est le Plaisir


Gérard de Nerval


Les troubadours de Bookworm

Alex : Mot-à-mots; Alinea66 : Des Livres... Des Histoires...; Anne : Des mots et des notes; Azilis : Azi lis; Bénédicte : pragmatisme; Cagire : Orion fleur de carotte; Chrys : Le journal de Chrys; Ckankonvaou : Ckankonvaou; Claudialucia : Ma librairie; Daniel : Fattorius; Edelwe : Lectures et farfafouilles;  Ferocias : Les peuples du soleil;George : Les livres de George;
Hambre : Hambreellie; Herisson08 : Délivrer des livres?; Hilde : Le Livroblog d'Hilde; Katell : Chatperlipopette; L'Ogresse de Paris : L'Ogresse de Paris;
L'or des chambres : L'Or des Chambres; La plume et la page : La plume et la page; Lystig : L'Oiseau-Lyre (ou l'Oiseau-Lire) Mango : Liratouva; MyrtilleD : Les trucs de Myrtille; Naolou : Les lectures de Naolou; Océane : Oh ! Océane !;  Pascale : Mot à mot;  Sophie : Les livres de Sophie; Wens : En effeuillant le chrysanthème;  Yueyin : Chroniques de lectures

Un livre, un film : Enigme N°6 : Richard Hughes, Cyclone à la Jamaïque



Merci à tous pour votre participation et félicitations à ceux qui ont trouvé l'énigme un peu plus difficile cette fois :
Le livre et le film Eeguab, Keisha,  Gwenaelle, Lire au jardin.
Le livre : Thérèse

Le Cyclone à la Jamaïque de Richard Hughes (1900-1976) est paru  en 1929.
Le cyclone à la jamaïque de Mackendrick avec Antony Quinn et James Coburne. Voir le billet de Wens
Après un cyclone qui dévaste la Jamaïque, des enfants, envoyés par leurs parents en Angleterre, sont enlevés par des pirates. Le navire devient un terrain de jeu magnifique pour les enfants épris d'aventures mais le voyage va tourner au drame avant qu'ils ne  retrouvent leurs parents.

Quand se passe le récit?

L'histoire se passe à la Jamaïque dans la deuxième partie du XIX siècle.
"Je ne connais rien des méthodes modernes, ni même s'il y en a, n'ayant pas visité l'île depuis 1860, époque aujourd'hui très lointaine..

Le récit est donc fait par un narrateur qui est venu sur l'île en 1860 et raconte, longtemps après les faits, l'histoire de la famille Thornton  à cette époque.

Mais qui est le narrateur?

Cela ne peut être l'écrivain qui est né en 1900, ni un personnage du livre. Il s'agit donc d'un narrateur fictif qui va d'ailleurs s'effacer et cesser de dire "je". Mais il a des idées bien arrêtées sur l'émancipation des esclaves(1833) puisque dès le premier chapitre il y fait allusion pour mieux la déplorer puisque cela a entraîné la ruine des Antilles. Il décrit amplement les propriétés dévastées, les bâtiments de broyage, et de raffinage de la canne à sucre ruinés. Les enfants Thornton vivent là avec leurs parents, des colons anglais, et sont élevés, filles et garçons, avec une liberté que n'aurait jamais pu tolérer la société victorienne en Angleterre. Notons que même vivant comme les petits "nègres" (c'est le terme employé par l'auteur), Emily, petite fille de dix ans, personnage principal à côté de ses frères et soeurs, n'oublie pas la prétendue supériorité de ses origines, cherchant à éduquer les jeunes noirs si ignorants.. En effet, même si les enfants vivent à l'état de nature, ils portent incontestablement la marque de leur civilisation, comme le dit Mrs Thornton après le cyclone qui frappe et dévaste leur propriété : "Songez combien la peur est plus cruelle chez les enfants. Et ils ont été si courageux, si Anglais!"

Un déterminisme religieux

Si le narrateur du premier chapitre s'efface, l'écrivain commente le récit et nous fait part de ses réflexions sur l'enfance qui sont assez surprenantes. En effet, les enfants sont expédiés en Angleterre et enlevés par des pirates, ce qui donne lieu à toutes sortes d'aventures passionnantes.
 Mais le roman n'est pas un roman d'aventures au sens où on l'entend habituellement. Les enfants sont  vus par Hughes comme le seraient des insectes par un entomologiste, épinglés, étudiés, répartis en espèces selon leur âge mais aussi jugés, analysés par un moraliste. Laura, la plus jeune, qui a quatre n'est plus tout à fait un animal mais pas encore un être humain:
Puisqu'elle approchait de ses quatre ans, c'était certainement un enfant; et les enfants sont des "êtres humains" (si l'on accorde au mot humain un sens large) mais elle n'avait pas tout à fait fini d'être un bébé, et les bébés naturellement ne sont pas des hommes, ce sont des animaux qui ont une culture très ancienne, très ramifiée, comme celle des chats, des poissons, et même des serpents.. les bébés sont, après tout, une des espèces les plus développées parmi les les vertébrés inférieurs
 Rachel, 7 ans, possède, elle, "un sens extraordinairement vif et simple du Bien et du Mal, qui s'élevait jusqu'à une sorte de précoce génie éthique."
Quant à Emily : Elle savait... qu'elle était damnée, qu'il n'y avait jamais eu de personne si méchante qu'elle depuis le commencement du monde. Après l'arrestation des pirates, Emily va devenir le principal témoin et collabore avec la justice pour faire accuser les pirates d'un crime - la mort du capitaine hollandais fait prisonnier- qu'elle-même a commis. Même son père a peur d'elle. Hughes semble imprégné par la croyance protestante en la prédestination et  la manière dont il l'interprète est effrayante.

Une condamnation de la société anglo-saxonne

Quant à la société anglo-saxonne tant vantée par Mrs Thornton, loin de sauver Emily, elle participe à la corruption. La bonne société veut obtenir la tête des pirates que l'on vient d'arrêter mais ceux-ci ne peuvent être condamnés à la pendaison que s'ils sont reconnus coupables d'un crime. La  Justice -ou ce qui se présente comme telle- va faire pression sur les enfants et va demander à Emily d'apprendre par coeur ce qu'elle dira au procès.

On comprend pourquoi le roman de Richard Hughes a pu inspirer William Golding pour Sa majesté des mouches.  C'est un roman à la fois passionnant et déroutant. La manière dont l'écrivain parle de l'enfance dérange même de nos jours et l'on peut comprendre pourquoi il a fait scandale en 1929.
 L'excellent film de Mackendrick, tout en restant fidèle aux grandes lignes du roman, offre une interprétation très personnelle du roman.


 Mon nouveau challenge s'imposait :  dans le blog de Will, le Kabaret culturel

samedi 15 octobre 2011

Un livre, un film : Enigme du samedi N°6



Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma!Il s'intitule : Un livre, Un film.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs qui n'auront gagner que la gloire de participer (avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.

Mais qu'ont-ils donc Wens et Claudialucia avec les pirates? Des pirates samedi dernier, et aujourd'hui encore! C'est que cette année quatre films de pirates ont été entièrement restaurés et passent dans les salles de cinéma.  L'île au trésor vous a été proposé samedi 8 Octobre et sortira bientôt, celui-ci que vous avez à découvrir est projeté dans les salles depuis le mois d'Avril.
  Et comme ce film  est une  adaptation d'un roman, voilà que moi, Claudialucia, j'interviens.

 Enigme n° 6


 Sa majesté des mouches de Richard Brooks

Le roman et le film portent  le même titre français. (Voir WENS)  Le livre est d'un écrivain britannique né en 1900 et mort en 1976. Il  a été écrit en 1929. Personnellement, je l'ai lu en traduction française, à sa sortie en poche en 1958 quand j'étais enfant et je ne l'ai jamais oublié, certains détails m'ayant tellement frappée.
Le sujet : Des enfants sont enlevés par des pirates.
En fait, ce n'est pas du tout un roman pour la jeunesse; il aborde des question philosophiques :  l'enfance est-elle innocente? Qu'est-ce que la civilisation? L'état de nature est-il bon? et les conclusions sont assez pessimistes. Je ne crois pas que le livre soit très connu en France mais il l'est beaucoup plus en Angleterre puisqu'il a inspiré  à William Golding  Sa Majesté des mouches (1954). Je vous présente un extrait du roman. Si cela ne suffit pas, demandez moi des indices supplémentaires.

Ils s'arrêtèrent, épouvantés, et commencèrent à se rendre compte qu'après tout l'orage était d'une violence extraordinaire. Ils s'aperçurent qu'ils étaient trempés jusqu'aux os, et cela, depuis leur sortie de la maison. Les éclairs entretenaient une lueur continue, se jouaient jusque sur les étriers d'acier; et tout d'un coup ils virent que leur père avait peur. Ils volèrent vers la maison bouleversés; il y fut presque aussi vite qu'eux. Mrs Thorton se précipita :
-Ah! mon ami, quel bonheur...
- Je n'ai jamais vu pareil orage! Pourquoi diable avez-vous laissé sortir les enfants?

Pete Fromm : Avant la Nuit Editions Gallmeister


Et bien si l'on m'avait dit que je lirais un recueil de nouvelles sur la pêche, que j'apprendrais tout sur les diverses espèces de truites, sur les différents types d'appâts, que je passerais des après midi à pêcher sur un radeau  ou dans le courant de la rivière, que je saurais placer délicatement l'hameçon à l'endroit choisi, au millimètre près, avec ma canne à lancer, j'aurais été bien étonnée. Et encore plus, que cela me plaise! Oui mais, dans un livre, tout est possible! C'est la cas avec Avant la nuit de Pete Fromm.

Pourquoi cet intérêt? parce que les nouvelles de ce recueil parle de pêche  mais encore plus d'êtres humains que l'on devine avec leur personnalité, leurs attentes, leur fragilité, avec les drames qui interviennent dans leur vie mais aussi les rapports de confiance, la complicité que cet amour de la pêche mais aussi de la nature crée entre eux.
Parmi mes préférés, Père et fils, est la douloureuse histoire de ce père divorcé, séparé de son fils qui a dû suivre sa mère dans un autre état, et qui accomplit quelques milliers de kilomètres en voiture pour l'amener pêcher. On y lit une belle complicité entre le père et l'enfant mais aussi on devine en filigrane, une autre histoire, celle du père et de la mère, d'un amour qui n'a pas survécu, éteint par la vie quotidienne qui foule aux pieds les rêves, malmène le bonheur. Pourtant, par l'intermédiaire de ce fils qu'ils aiment tant, peut-être parviendront-ils à l'apaisement?..  Ou encore Avant la nuit, qui donne son titre au recueil, une partie de pêche entre Gordon et son beau-père, un récit tout en sous-entendu et silence. Peu à peu, cette journée au bord de l'eau, alors qu'il faut rentrer à la maison avant la nuit pour échapper aux dangers de la rivière, permet de cerner la personnalité de Gordon, de comprendre sa souffrance, lui qui, marqué par le divorce de ses parents, ne revient voir sa mère et son beau-père que de longues années après son départ. La nouvelle parle de la peur d'être père, de la difficulté de vivre, de la crainte de perdre ceux que l'on aime. Là aussi la rivière et les aventures vécues ensemble représentent une sorte de catharsis qui permet d'affronter la vie. Dans Le cours normal des choses  pour la première fois depuis la mort de sa femme, un père ramène ses deux fils à la pêche. Une  nouvelle terriblement poignante où chacun s'efforce de faire comme si tout était normal jusqu'au moment où le plus jeune des enfants, Corby, ne parvient plus à contrôler l'irruption du chagrin. Certains de ses récits sont moins tragiques, comme Stone, ce garçon qui ne veut pas apprendre à pêcher mais qui est le roi du ricochet, une leçon de respect mutuel entre un père et son fils... Ou encore  la nouvelle Le gamin quand deux vieux copains se retrouvent pour la pêche mais l'un a amené son gamin, prétexte à une prise de conscience pour l'autre des changements survenus ... Mais tous campent des personnages pleins de vie, très forts, dont les sentiments sont analysés avec finesse et pour qui l'on sent la tendresse de l'auteur. Le thème père et fils est une constante avec ce que cela représente d'amour, de compréhension mais aussi de doute et de crainte. Le fil conducteur, la pêche, crée une unité dans ces courts récits avec l'image de l'eau, métaphore du temps qui s'écoule amenant d'inéluctables changements. Le respect des créatures vivantes, la beauté de la nature, des joies qu'elle procure, des rapports de confiance qu'elle établit entre les gens font  de ce recueil une petite merveille. Un beau recueil plein de sensibilité et de nostalgie.


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ludique de Calypso :  Un Mot, Des titres. Calypso a proposé le mot nuit qui devait figurer dans le titre, d'où ce recueil de Pete Fromm.

Mais sans que je l'ai cherché au départ, il illustre aussi deux autres de mes challenges :


Nature Writing, le challenge de Folfaerie


Et le challenge des nouvelles de Sabbio