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jeudi 4 octobre 2012

Marguerite Duras : L'amante anglaise, premier livre de Objectif PAL noire





Avant d'ouvrir un blog, je vivais paisiblement, sereine et innocente : je ne savais pas ce qu'était une PAL*. Maintenant, elle est plus haute qu'une maison. Comment ai-je pu en arriver là?... J'allais dire comment ai-je pu tomber si bas mais le mot serait impropre! Vaine interrogation!  
Aussi quand L'Or et George ont proposé un challenge anti-pal intitulé Objectif PAL noire, avec un adorable logo, j'ai sauté sur l'occasion.

Voir  chez ces gentes damoiselles  les modalités du challenge : George et L'Or

Il s'agit de lire un ou deux (ou plus pour les courageux) livres par mois en piochant dans votre pile, sachant cependant (car il faut être lucide) que ce que vous entreprenez vous rend digne d'un héros  tout droit sorti d'un mythe grec : Vider sa PAL, c'est comme remplir le tonneau des Danaïdes mais à l'envers! Alors que le tonneau se vide sans cesse, La PAL se remplit toujours.

J'ai donc commencé à dresser une liste des livres qui attendent patiemment leur tour depuis des lustres, souvent relégués au dernier rang par d'ambitieux petits nouveaux, qui se haussent du col et intriguent pour passer devant eux!

A l'heure actuelle, la liste n'est pas encore terminée mais je vous la livre telle quelle car il est temps de s'y attaquer : VOIR ICI l'étendue du désastre!

Et pour commencer, un petit livre qui me tendait les bras depuis très longtemps en suppliant d'être enfin  lu.

Marguerite Duras  : L'amante anglaise 

 


A l'origine de L'amante anglaise, un fait divers, une femme assassinait son mari à coups de hachette. Dans le récit de Duras on découvre un morceau de corps humain dans un train; les jours suivants d'autres sont découverts dans d'autres trains. Seule la tête n'est pas retrouvée. Un recoupement ferroviaire permet de constater que la victime, une femme, après avoir été découpée en morceaux a été jetée du Viaduc de Viorne. La meurtrière, Claire Lannes, est vite retrouvée et avoue son crime. Elle a tué sa cousine Marie-Thérèse Bousquet, sourde et muette.  Mais elle est incapable de donner une explication à son geste.  Pourquoi a-t-elle tué? C'est ce qui va intéresser Marguerite Dumas.

Le narrateur qui enquête sur le meurtre cherche comprendre cet acte et à cerner la personnalité de Claire en interrogeant des témoins. C'est donc à travers différents points de vue qui se recoupent, se complètent ou se contredisent que le lecteur cherche à comprendre les mobiles du crime. Le premier témoin Robert Lamy est le propriétaire du café Le Balto à Viorne, le second est le mari, Pierre Lannes, le troisième, Claire Lannes la meurtrière. En fait qui sont-ils réellement?
Avec Claire, Marguerite Duras explore  un thème qu'elle aime, celui de la folie  : la folie exerce sur moi une séduction, c'est à l'heure actuelle le seul véritable élargissement de la personne, dans le monde de la folie, il n'y a rien, ni bêtise, ni intelligence, c'est la fin du manichéisme, de la responsabilité, de la culpabilité. Le personnage "normal" Pierre finit par comprendre que c'est lui qui aurait dû être tué.
Il n'y a pas de réponse. L'écrivaine n'impose sa vérité. C'est au lecteur de se faire un idée en interprétant ces trois témoignages.  Le texte a souvent été adapté au théâtre.

* pour les bienheureux ignorants  PAL = Pile à  lire

Paul Féval : La fée des Grèves (2): Le Mont Saint Michel, Tombelène et le Couesnon

Le Mont Saint Michel dans Les très riches heures du duc de Berry (XV°)

 Le Mont Saint Michel était originellement appelé Mont Tombe. Aubert, évêque d'Avranches fait construire l'abbaye sur le Mont au VIII ième siècle lorsque l'archange Saint Michel lui apparaît pour le lui demander. L'église est consacrée en 709.
L'enluminure de Les très riches heures du duc de Berry montre à quoi devait ressembler le Mont Saint Michel à l'époque où se situe le roman de Paul Féval La fée des grèves au XV siècle, sous François 1er, duc de Bretagne et  sous le règne du roi de France, Charles VII.
Et le voici aujourd'hui Septembre 2012

 Paul Féval le décrit ainsi en cette année 1450 lorsque François 1er se rend au Mont pour obtenir  du ciel "le repos et le salut de l'âme de son de M. Gilles, son frère, mort à quelque temps de là au château de la Hardouinays"*.

Au sortir de la porte d’Avranches, ce fut un spectacle magique et comme il n’est donné d’en offrir qu’à ces rivages merveilleux.
Un brouillard blanc, opaque, cotonneux, estompé d’ombres comme les nuages du ciel, s’étendait aux pieds des pèlerins depuis le bas de la colline jusqu’à l’autre rive de la baie, où les maisons de Cancale se montraient au lointain perdu.
De ce brouillard, le Mont semblait surgir tout entier, resplendissant de la base au faîte, sous l’or ruisselant du soleil de juin.
Vous eussiez dit qu’il était bercé mollement dans son lit de nuées, cet édifice unique au monde ! et quand la brume s’agitait, baissant son niveau sous la pression d’un souffle de brise, vous eussiez dit que le colosse, grandi tout à coup, allait toucher du front la voûte bleue :
La ville de Saint-Michel, collée au roc et surmontant le mur d’enceinte, la plate-forme dominant la ville, la muraille du château couronnant la plate-forme, le château hardiment lancé par-dessus la muraille, l’église perchée sur le château, et sur l’église l’audacieux campanile égaré dans le ciel !


 Le cloître

À mesure qu’on montait, le roman disparaissait pour faire place au gothique, car l’histoire architecturale du Mont-Saint-Michel a ses pages en ordre, dont les feuillets se déroulent suivant l’exactitude chronologique.
Le soleil de midi éclairait le cloître, qui apparut aux pèlerins dans toute sa riche efflorescence : Un carré parfait, à trois rangs de colonnettes isolées ou reliées en faisceaux qui se couronnent de voûtes ogivales, arrêtées par des nervures délicates et hardies.
Le prodige ici, c’est la variété des ornements dont le motif, toujours le même, se modifie à l’infini dans l’exécution, et brode ses feuilles ou ses fleurs de mille façons différentes, de telle sorte que la symétrie respectée laisse le champ libre à la plus aimée de nos sensations artistiques : celle que fait naître la fantaisie. 


La flèche

La basilique de Saint-Michel n’était pas entièrement bâtie à l’époque où se passe notre histoire. Le couronnement du chœur manquait; mais la nef et les bas côtés étaient déjà clos. L’autel se dressait sous la charpente même du chœur qui communiquait avec le dehors par les travaux et les échafaudages.
Le duc François s’arrêta là. Il ne monta point l’escalier du clocher qui conduit aux galeries, au grand et au petit Tour des fous et enfin à cette flèche audacieuse où l’archange saint Michel, tournant sur sa boule d’or, terrassait le dragon à quatre cents pieds au-dessus des grèves**. 

Entre le Mont Saint Michel et Tombelène 

Les gens de la rive disent que le deuxième jour de novembre, le lendemain de la Toussaint, un brouillard blanc se lève à la tombée de la nuit.
C’est la fête des morts.
Ce brouillard blanc est fait avec les âmes de ceux qui dorment sous les tangues.
Et comme ces âmes sont innombrables, le brouillard s’étend sur toute la baie, enveloppant dans ces plis funèbres Tombelène et le Mont-Saint-Michel.
Au matin, des plaintes courent dans cette brume animée; ceux qui passent sur la rive entendent :
—    Dans un an ! Dans un an !
Ce sont les esprits qui se donnent rendez-vous pour l’année suivante.
On se signe. L’aube naît. La grande tombe se rouvre, le brouillard a disparu.


Autour du Mont Saint Michel
Ces défauts de la grève forment quand la mer monte, des espèces de rivières sinueuses qui s’emplissent tout d’abord et qu’il est très difficile d’apercevoir dès la tombée de la brune, parce que ces rivières n’ont point de bords.
L’eau qui se trouve là ne fait que combler les défauts de la grève.
De telle sorte qu’on peut courir, bien loin devant le flot, sur une surface sèche et être déjà condamné. Car la mer invisible s’est épanchée sans bruit dans quelque canal circulaire, et l’on est dans une île qui va disparaître à son tour sous les eaux.
C’est là un des principaux dangers des lises ou sables mouvants que détrempent les lacs souterrains.

 Tombelène
 
Le mont Tombelène est plus large et moins haut que le Mont-Saint-Michel, son illustre voisin.
À l’époque où se passe notre histoire, les troupes de François de Bretagne avaient réussi à déloger les Anglais des fortifications qui tinrent si longtemps le Mont-Saint-Michel en échec. Ces fortifications étaient en partie rasées. Il n’y avait plus personne à Tombelène.
C’était sur le rocher de Tombelène, parmi les ruines des fortifications anglaises, que monsieur Hue de Maurever avait trouvé un asile, après la citation au tribunal de Dieu, donnée en la basilique du monastère.( Voir La fée des Grèves (1) ICI)


 Tombelène et les lises vus d'une meurtrière du Mont Saint Michel

Quand Reine, l'héroïne, la fée des Grèves  s'enfonce dans les lises de Tombelène, son amoureux aperçoit la scène du haut du Mont Saint Michel à travers un tube qui provoque l'incrédulité de chacun car il permet de voir de près, comme par magie, ce qui est fort loin. Un tube miraculeux!

Aubry mit son oeil au hasard à l'une des extrémités.
Il vit distinctement les vaches qui passaient sur le Mont-Dol, à quatre lieues de là.
Un cri de stupéfaction s'étouffa dans sa poitrine.
Le tube fut dirigé vers le point sombre qui tranchait sur le sable étincelant. Cette fois, Aubry laissa tomber le tube et saisit sa poitrine à deux mains.
-Reine ! Reine ! dit-il ; Julien et Méloir ! ! ! Au risque de se briser le crâne, il se précipita à corps perdu dans l'escalier de la plate-forme. (...)
Bientôt, on put le voir galoper à fond de train sur la grève. Il tenait à la main la lance de Ligneville. Devant lui, un grand lévrier noir bondissait. Ils allaient, ils allaient.- C'était un tourbillon ! Jeannin avait dit :
-Dans dix minutes, la mer couvrira ce point noir. Ce point noir, c'était Reine.


   Le Couesnon

Que venez-vous quérir sur les domaines du Roi ? demanda monsieur de Ligneville.
-Nous venons, par la volonté de notre seigneur le duc, répondit Corson, quérir monsieur Hue de Maurever, coupable de trahison.
-Et portez-vous licence de franchir la frontière ?
-De par Dieu ! monsieur de Ligneville, riposta Corson, quand notre seigneur François a sauvé votre sire des griffes de l'Anglais, il a franchi la frontière sans licence.
Ligneville fit un geste. Ses soldats se rangèrent en bataille. Hue de Maurever perça les rangs.
-Messire, dit-il, si ces gens de Bretagne veulent s'en retourner chez eux en se contentant de ma personne et en laissant libres tous les pauvres paysans de mes anciens domaines, je suis prêt à me livrer en leurs mains.
-Donc, pour ce, franchissez la rivière de Couesnon**, messire, répliqua Ligneville ; sur la terre du Roi, on ne se rend qu'au Roi.
       

*M Gilles, le frère de François 1er de Bretagne (qui était aussi son héritier), a été incarcéré par son frère. Il fut retrouvé étranglé dans sa cellule. On n'a jamais pu savoir si c'était sur l'ordre du Duc.  Mais ce dernier est  mort quelques mois après.

** Paul Féval fait une erreur ; La flèche actuelle n'a été construite qu'en 1899 

***Le Mont était rattaché depuis l'époque de Charlemagne au diocèse d'Avranches, en Neustrie. En 867, le traité de Compiègne attribua l'Avranchin à la Bretagne : c'était le début de la période "bretonne" du mont Saint-Michel. L'Avranchin, tout comme le Cotentin ne faisaient pas partie du territoire concédé à Rollon lors de l'établissement des Normands en 911 - le mont Saint-Michel restait provisoirement breton. Il l'était encore en 933 lorsque Guillaume Ier de Normandie récupéra l'Avranchin : la frontière était alors fixée à la Sélune, fleuve côtier qui se jetait à l'est du Mont.
Quelques décennies plus tard, en 1009, la frontière sud de l'Avranchin (et, partant, de la Normandie) fut déplacée jusqu'au Couesnon, fleuve côtier dont l'embouchure marqua pendant des siècles la limite officielle entre la Normandie et la Bretagne (bien avant d'être remplacée par une limite topographique fixe).

L'histoire et la légende se brouillent à cette date. Les textes de l'époque ne précisent pas le sort du mont Saint-Michel (ni sa localisation par rapport au Couesnon), mais son rattachement à la Normandie est attesté quelques décennies plus tard, et il est déjà effectif lorsque Guy de Thouars incendie le Mont en avril 1204.
Or, une légende affirme que le Couesnon, lors d'une de ses fréquentes divagations, se serait mis à déboucher à l’ouest du Mont, faisant ainsi passer ce dernier en Normandie. Si cette légende est exacte, le Mont aurait été situé à l'ouest du Couesnon en 1009 et la divagation du Couesnon se situerait quelques décennies plus tard. Si elle est fausse, le Couesnon se jetait déjà à l'ouest du mont Saint-Michel en 1009. (source Wikipedia)





mercredi 3 octobre 2012

Paul Féval : La fée des grèves (1) Bretagne et Normandie





Paul Féval est né à Rennes en 1816 où il a passé les premières années de sa vie. La Bretagne est d'ailleurs toujours très présente dans ses oeuvres car il s'inspire de la culture bretonne, de son folklore et de ses légendes. Paul Féval a écrit de grands romans populaires et s'est illustré dans tous les genres :  de cape et épée (Le Bossu, La Capitaine Fortune), les récits bretons (La fée des grèves, La Belle étoile, La première aventure de Corentin Quimper), récit fantastique (Le vampire, Le chevalier Ténèbre)  de mystère urbain ( Les habits noirs, l'adaptation des Mystères de Londres de Reynolds). La plupart des romans de Paul Féval s'inscrivent dans la tradition romantique, en particulier La Fée des grèves, romantisme un peu tardif pourtant car le livre est publié en 1850 : Retour au Moyen-âge, grand amour chevaleresque baigné dans les brumes et les sortilèges de la baie du Mont Saint Michel….

Paul Féval, l'auteur du Bossu, est feuilletoniste. Il a l'art de tenir en haleine son lecteur, de piquer sa curiosité, de le maintenir en haleine et de lui faire vivre des aventures haletantes, affronter des dangers horribles tout en ayant la certitude que la belle, courageuse héroïne et son prince charmant, vaillant et sans reproches, vont s'en sortir. Tout ceci dans un style vif, clair et alerte. J'adore! Si j'avais lu La Fée des grèves à 13 ans, j'aurais vécu au premier degré et en claquant des dents les instants terrifiants où la marée montante entre le Mont Saint Michel et Tombelène va prendre au piège la blonde héroïne prisonnière des sables mouvants.  Et quand je le lis maintenant? Euh! J'ai un petit sourire attendri pour les invraisemblances et le manichéisme des personnages mais.. et oui, je l'avoue, ils sont bien attachants les "gentils", ils me font peur les "méchants" et je vis à cent à l'heure ce combat  pour arracher la jeune fille à une mort terrible. Paul Féval crée aussi des personnages qui semblent tout droit sortis d'une histoire à la Robin des Bois avec son moine guerrier, bavard impénitent, ce qui introduit des passages amusants en pleine histoire d'amour romantique. J'adore, je vous dis! Mais de quoi s'agit-il?

François 1er de Bretagne (source : Vigiles du roi Chalres VII)


L'action se déroule en 1450, sous le règne de François 1er, duc de Bretagne. Celui-ci se rend au Mont Saint-Michel pour assister à la messe à la mémoire de son frère Gilles de Bretagne décédé, en prison, d'une mort suspecte. Reine de Maurever, une jeune fille de seize ans, fait partie de l'escorte et suscite une rivalité entre le jeune Aubry de Kergariou, gentilhomme de Basse-Bretagne et son cousin le chevalier Méloir. Le premier est aimé de la jeune fille, le second prétend la prendre de force s'il le faut. Mais pendant la cérémonie funèbre Hue de Maurever, écuyer de M. Gilles, intervient, accusant le duc François de fratricide et le citant à comparaître dans un délai de quarante jours au tribunal de Dieu. Désormais, Le sire de Maurever, accusé de haute trahison, est traqué. Il sera aidé dans sa lutte par sa fille Reine et par Aubry mais aussi par ses domestiques et ses fermiers. Parmi eux la charmante Simonette et son amoureux , le petit Jeannin…. Jeannin qui croit avoir aperçu, revenue dans le village depuis quelques jours, la fée des Grèves, présente dans l'imaginaire breton, cet être étrange dont le nom revenait toujours dans les épopées rustiques, racontées au coin du feu. Le lutin caché dans les grands brouillards. Le feu follet des nuits d'automne.. Le fantôme qui glisse sur les lises dans les ténèbres de minuit.

En dehors des talents de conteur dont j'ai parlé ci-dessus, un autre des intérêts du roman tient au cadre dans lequel il se déroule et l'époque dans laquelle il nous fait retourner.. Nous redécouvrons le pays tel qu'il fut, lorsque le marais de Dol était encore une baie, à une époque où passer la frontière de la Bretagne à la Normandie, c'était quitter le territoire du Duc de Bretagne pour entrer dans celui du roi de France. Nous sommes jetés dans les geôles du mont Saint Michel et sommes assiégés dans Tombelène, voyageons sur les routes de Bretagne et allons jusqu'à Nantes assister le duc de Bretagne sur son lit de mort. L'auteur connaît bien ce pays  et lorsque nous fermons le livre nous n'ignorons plus rien de la différence entre les tangues, les lises et les paumelles, les dangers des marées de la baie de Cancale, les perfidies du Couesnon dont le lit est si capricieux qu'il a placé le Mont Saint Michel … en Normandie

Le filet d'eau qui raie la grève et qui tranche en quelque sorte comme le soc de la charrue, c'est Le Couesnon. Cette grande rivière large comme la Loire, c'est encore le Couesnon. Dans ce cas-là, le Couesnon étale sur le sable une immense nappe d'eau de trois pouces d'épaisseur; le soleil  s'y mire, éblouissant. Vous diriez une mer.
Et cette mer a ses naufrages, ses sables tremblent sous les pas du voyageur; ils brillent, ils s'ouvrent, on s'enfonce; ils se referment et brillent.

Une bien plaisante lecture




mardi 2 octobre 2012

Lorenza Foschini : Le manteau de Proust



Dans Le manteau de Proust, Lorenza Foschini, journaliste italienne, raconte qu'à l'occasion d'une enquête effectuée pour Luchino Visconti sur La Recherche du temps perdu, elle découvre l'existence du vieux manteau de l'écrivain archivé dans une caisse du musée Carnavalet.  C'est une vieille pelisse noire, usagée, dans lequel on voit Marcel Proust enveloppé sur une photographie de 1905, à Evian, un manteau qui lui sert de couverture quand il écrit son oeuvre, au fond de son lit, luttant contre la maladie et la mort. Elle s'intéresse alors à celui qui en a fait don au musée, Jacques Guérin, un grand parfumeur parisien, collectionneur fortuné, bibliophile et amoureux de l'oeuvre de Proust.
L'enquête menée par Lorenza Foschini sur ce personnage lui permet, bien évidemment, d'entrer dans le monde de Proust et de sa famille. Car Jacques Guérin, en effet, rencontre le "petit frère" de Marcel, Robert, qui lui montre les manuscrits de l'écrivain et les meubles de celui-ci. A la mort de Robert, le collectionneur n'aura de cesse d'acquérir toutes ces reliques. Il y parviendra, mais seulement en partie, car l'épouse de Robert, Marthe, jette au feu tout ce qui lui paraît compromettant sur son beau-frère (dédicaces, lettres, manuscrits..). Nous découvrons peu à peu les secrets de famille, les non-dits qui pèsent et font plus de mal que ce qui est exprimé clairement, notamment en ce qui concerne l'homosexualité de Proust dont sa famille homophobe avait honte. Jacques Guérin, investi dès lors d'une mission de "sauveur", parvient à réunir le manteau mais aussi le lit, le bureau, des lettres et des objets de l'écrivain.
Jean Genet qualifiait le collectionneur-bibliophile de "fétichiste". Je le suis un peu quand il s'agit d'un écrivain et la découverte d'un lieu où il a vécu, d'un objet lui ayant appartenu, parle toujours à mon imagination. C'est pourquoi je me suis emparée de ce petit livre avec impatience. Aucune émotion!  Le style est journaliste, il s'agit d'une enquête bien menée, efficace. Les objets y sont décrits comme dans un rapport administratif avec méthode et rigueur et accompagnés de photographies qui  font un peu redondance :
C'est un manteau croisé, fermé par une double rangée de trois boutons. Quelqu'un de plus maigre a déplacé le boutonnage pour le resserrer, et les traces des précédentes attaches, des noeuds de fil noir et épais, subsistent à l'endroit de la couture. Un trou signale l'absence d'un bouton qui devait fermer le col, une étiquette blanche au bout d'un fil rouge pend du revers de la fourrure noire.
Lorenza Foschini fait allusion à des passages de l'oeuvre, elle cite des fragments de lettres, elle parle de la maladie de Proust, de ses rapports complexes avec son frère Robert malgré l'affection qui les lie, elle analyse des photographies qui les rassemblent. Le tout n'est pas inintéressant mais  m'a laissée sur ma faim.  Il faut dire que j'avais un à priori à propos de ce livre. Je pensais y rencontrer l'auteur de "Du côté de chez Swann", c'est Jacques Guérin qui en est le personnage principal!



Merci à la librairie Dialogues

lundi 1 octobre 2012

Wilkie Collins : La robe noire



Qu'est-ce que la robe noire? C'est celle du machiavélique jésuite, le père Benwell, qui cherche à récupérer une ancienne abbaye qui appartenait jadis à l'église catholique mais confisquée, en son temps, par Henri VIII. Machiavélique, ce jésuite, car après avoir converti le propriétaire de l'abbaye, Lewis Romayne, il place auprès de celui-ci un autre membre de son ordre, Penrose, fervent  et sincère mais convaincu d'agir pour le bien de la religion. Le mariage de Lewis avec Stella Eyrecourt et l'arrivée d'un enfant, met en péril le complot du jésuite qui cherche à obtenir un testament en faveur de l'église. Parviendra-t-il à ses fins? Lewis Romeyne sous influence va-t-il déshériter son fils?

Comme d'habitude, Collins fait preuve de talent pour nous conter une histoire noire, autant que la fameuse robe, couleur qui symbolise l'église catholique mais aussi l'âme du jésuite. Il sait créer une ambiance qui tient le lecteur en haleine, faire vivre des personnages torturés et pas seulement le "méchant" père  Benwell mais aussi le tourmenté et mystique Lewis Romayne. Il sait décrire à merveille les rapports de domination spirituelle du religieux sur son disciple et montrer comment il exploite la faiblesse psychique du jeune homme dans des buts intéressés. Nous retrouvons ici un thème toujours d'actualité, celui du pouvoir exercé par des "gourous" sur des personnages fragiles et sous influence.
Ceci dit ce livre est loin d'être mon préféré. Il souffre d'être trop démonstratif, ce qui nuit au récit. Collins a une thèse, celle de démontrer l'ineptie et la malhonnêteté de l'église catholique et l'on sent trop le pamphlet dans le roman. C'est tellement gros que cela prête parfois un peu à sourire!
Quant à la vision de la femme dans ce roman! Où est passé, je vous prie de me le dire, le Collins de Mari et femme qui prenait fait et cause pour les femmes en critiquant violemment la législation sur le mariage qui place l'épouse sous la tutelle de son mari et lui ôte tout pouvoir de décision sur sa propre vie? Wilkie Collins se laisse aller à une misogynie de bas étage. Jugez plutôt  :

Mais où se trouve la femme qui peut s'associer intimement avec le dur travail cérébral d'un homme qui s'est voué à des recherches intellectuelles absorbantes. Elle peut l'aimer, l'admirer, le servir, croire en lui plus que tout autre homme mais- en dépit d'exceptions qui ne viennent que confirmer la règle- elle n'est pas à sa place lorsqu'elle pénètre dans le cabinet de travail au moment où l'homme a la plume en main."

Il oublie de préciser que l'éducation de la jeune fille maintenue dans l'ignorance et la soumission par sa famille et la loi de la société victorienne, d'une part, et l'impossibilité, d'autre part, d'accéder au savoir détenu par les hommes sont peut-être les causes de cette prétendue infériorité de la femme. Il oublie aussi que même à son époque des écrivaines féminines (des exceptions?) lui tenaient la dragée haute et ne déméritaient pas, bien au contraire, à côté de lui!!




dimanche 30 septembre 2012

Un livre/Un film Jim Thompson : 1275 âmes/ Bertrand Tavernier : Coup de torchon




Réponse à l'énigme n° 41
Le livre est1275 âmes de Jim Thompson. Le film de Tarvernier a pour titre Coup de Torchon.
Ceux qui ont trouvé :Aifelle, Asphodèle, Dasola, Eeguab, Pierrot Bâton..
Bravo à tous et merci!

Le titre du roman de Jim Thompson Pop. 1280 (population 1280), a été traduit par Marcel Duhamel d'une manière bizarre en français :  1275 âmes! Il s'agit du nombre d'habitants  du canton de Potts, un trou perdu au sud des Etats-Unis, dont le personnage principal Nick Corey est shérif en chef. Que sont devenus les cinq habitants et pourquoi ont-ils été supprimés? Mystère! C'est un détail me direz-vous et je suis bien d'accord mais il m'amuse. Par contre, ce titre POp 1280 que Tavernier transpose en Coup de torchon, n'est pas anodin. Il prend toute sa signification lors du dialogue de Nick Corey, le héros du livre et de son collègue, l'infect shérif  Ken Lacey,  qui affirme qu'il ne peut y avoir 1275 âmes à Pottsville! Et pourquoi n'y a-t-il pas 1275 âmes ?
Comprenez Nick, ces 1275 âmes, ça serait en comptant les nègres… que ces sacrés législateurs yankees nous forcent à compter. Et ces nègres, ils n'ont pas d'âmes.

Le ton est donné! Dans ce livre, Jim Thompson règle ses comptes avec une société sudiste raciste, violente, corrompue où les pauvres blancs et les noirs perdent toujours et où  ceux qui ont le pouvoir et l'argent peuvent tout se permettre. Nick Corey a toujours fait partie des perdants. Dès son enfance, il est battu par son père qui lui reproche d'avoir tué sa mère à sa naissance. Trop bon, trop naïf peut-être, à l'origine, il est la cible des moqueries et des coups de ses collègues mais aussi de sa femme qui le trompe et le méprise. Il s'est donc fait une philosophie qu'il applique à la lettre en tant que shérif, ne rien voir, ne pas intervenir surtout s'il s'agit de personnes importantes, être lâche pour survivre et toucher sa paye. Et il ne dédaigne pas non plus les pots de vin! Seulement un jour la coupe des humiliations et des brimades est pleine et celui que l'on prend pour un imbécile va se venger. Il va tuer ceux qui le gênent en se débrouillant pour faire accuser les petits malins qui se moquent de lui!

Jim Thompson par son âpreté, son pessimisme n'est pas sans rappeler Céline. Nick est un Bardamu, comme lui il porte un regard lucide et sans complaisance sur la société et sur l'homme. Pour lui, la noirceur de l'âme humaine est absolue! L'homme est mauvais, personne n'est jamais vraiment innocent même le noir que Nick assassine est à sa manière coupable, il pactise avec les blancs pour en obtenir des faveurs..  Comme Céline, Jim Thompson  fait descendre le lecteur dans des abysses qui semblent sans fond! Et pourtant on rit, un rire grinçant, certes, que Marcel Duhamel dans sa préface qualifie de bouffonnerie. Voilà sa conclusion à propose de ce roman : J'ai lu et relu le bouquin, révisé ma traduction, réfléchi et réfléchi encore, pour finalement jeter à la poubelle mes velléités de critique littéraire et décider que, pareil en cela à n'importe quel autre échantillon de l'espèce humaine, "j' savais foutre point c'qu'i' fallait en penser." Sinon, peut-être que le pouvoir rend fou, même à Ploucville.
Un livre/ Un film : La transposition de l'intrigue dans l'Afrique coloniale française par Bertrand Tavernier est une idée excellente comme l'est l'interprétation de tous, en particulier de Noiret dans le rôle de Nick. La société française coloniale se comporte avec les noirs comme les blancs américains, persuadés de leur supériorité et exploitant et opprimant une main d'oeuvre docile et peu coûteuse.  Les dialogues sont presque entièrement conservés et l'adaptation est très fidèle au récit et surtout à son esprit.   


samedi 29 septembre 2012

Un livre/un film : Enigme n°41





Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.

Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.


Enigme 41
Le livre adapté au cinéma sous un autre titre est écrit par un écrivain américain qui a une vision pessimiste de l'humanité et un univers très noir.  Le réalisateur du film a transposé l'action du roman - qui se déroule dans le Sud des Etats-Unis -  dans l'Afrique coloniale française. J'ai choisi cet extrait qui montre les rapports du personnage, quand il était enfant, avec son père parce que cela explique en partie sa personnalité et ses actes.
Je lui montre le prix de lecture que j'ai eu à l'école. Je suis sûr que ça va lui faire plaisir, et puis il faut bien que je le montre à quelqu'un. Et je rêve... non, je me retrouve par terre, après avoir reçu mon prix en pleine figure, une petite coupe qui m'a mis le nez en sang. Et lui m'injurie, en braillant que je n'irai plus à l'école parce qu'il sait, maintenant, que je suis un hypocrite, en plus de tout le reste. En fait, il ne supporte pas que je fasse quoi que ce soit de bien. Parce qu'autrement, je ne pourrais pas être l'ignoble petit monstre qui a tué sa propre mère en venant au monde; et il faut que je sois ça pour qu'il ait quelqu'un à blâmer.
A l'heure qu'il est, je ne lui en veux plus guère, parce que j'en ai connu pas mal de son espèce. De ceux qui cherchent une solution facile aux problèmes compliqués. De ceux qui mettent leurs ennuis sur le dos des juifs ou des gens de couleur....

vendredi 28 septembre 2012

Présentation du challenge breton : Littérature, Arts, Histoire


George Sand disait en parlant des écrivains bretons : Génie épique, dramatique, amoureux, guerrier, tendre, triste, sombre, naïf, tout est là! En vérité aucun de ceux qui tiennent une plume ne devrait  rencontrer un breton sans lui ôter son chapeau."

et Michel Lebris écrit : " Que serait un voyage sans le livre qui l'avive et en prolonge la trace - sans le bruissement de tous ces livres que nous lûmes avant de prendre la route? Samarcande, Trébizonde, tant de mots, dès l'enfance, qui nous furent comme des portes, tant de récits, tant de légendes ! 

Mon challenge breton

 Paysannes bretonnes Paul Gauguin

Je rentre de Bretagne, après un séjour de trois semaines dans cette belle région, les yeux et l'esprit plein d'images, de sensations et aussi de lectures intéressantes, passionnantes, parfois obsédantes.  Lire, n'est-ce pas un des plus belles manières d'approfondir la découverte d'une région, de la comprendre par l'intérieur, de prolonger le voyage…

Vous prenez du granit, des chênes, un peu de bruyère, du vent, de la pluie, de la mer, vous mêlez le tout, vous agitez fortement et vous avez la Bretagne. Oui et non. Elle est cela  sans doute, mais qu'elle est encore autre chose!  Anatole Le Braz

Après avoir consulté Lystig qui a initié un challenge passionnant auquel je suis inscrite : Vivent nos régions et pour m'assurer que mon challenge ne ferait pas un doublet avec le sien, je décide donc, avec ses encouragements, de vous proposer le mien : Challenge breton : Littérature, Arts, Histoire. Ce sera le prolongement et l'approfondissement à une unique région de celui de Lystig. Et un coup double, puisqu'un seul billet servira pour les deux! C'est pas beau, ça?

Pourquoi la Bretagne? parce que la région est belle et diverse, parce que les textes sont variés, parce que les auteurs bretons ont une plume forte et originale, parce que les auteurs non bretons qui écrivent sur la Bretagne sont inspirés, parce que la civilisation bretonne nourrie de légendes et mythes, avec ses origines celtes, ses chevaliers de la table ronde, sa forêt de Brocéliande, son histoire mouvementée, avec la présence obsédante de l'océan, son peuple de terriens et de pêcheurs, ses croyances et de ses coutumes, est bien propre à nourrir l'imagination et à nous entraîner dans l'aventure littéraire et artistique!

En langue celtique Bretagne se dit Breiz, ce qui signifie :  "bigarré". Pays de toutes les couleurs et de toutes les lumières, y compris la lumière du soleil …  Paul Guilloux

Par Littérature, j'entends tous les livres d'écrivains bretons ou non qui écrivent sur la Bretagne et nous permettent de découvrir la région. Tous les genres sont les bienvenues :  tous les styles de romans, que ce soit les récits de mer, d'aventures, romans historiques, policiers, Fantasy, contes, légendes, BD, biographies de personnages bretons, livres pour la jeunesse, relations de voyage, poésies, chansons…
Le challenge peut s'ouvrir sur l'art :  peintres bretons ou non peignant la Bretagne, musique, sculpture, films qui ont pour cadre ou pour sujet la Bretagne...

Je vous présente ici une liste de livres non exhaustive. Je ne commente que les livres que j'ai lus ou ceux dont j'ai trouvé un commentaire chez des blogueurs. Je n'ai pas tout lu et je découvrirai avec vous la plupart de ces livres en espérant y engranger des richesses. Si vous avez d'autres titres à me proposer, n'hésitez pas!

Ecrivains bretons

Chateaubriand

François-René de Chateaubriand :   Les Mémoires d'Outretombe 
Lisez le tome I des Mémoires d'Outretombe où Chateaubriand raconte son enfance et son adolescence avec humour et tendresse. Vous y découvrirez une autre facette de l'écrivain et c'est une lecture agréable.

Ernest Capendu : Marcof Le Malouin West France Editions

Jean Déguignet  Mémoires d'un paysan bas-breton 
Jean-Marie Déguignet est de ce type d'hommes dont le destin fait immanquablement penser à un roman picaresque. Né en 1834 dans une très modeste famille bretonne, il a grandi dans un milieu "où presque personne ne savait lire ou même parler un mot de français". Mais, dévoré par le désir de s'instruire, le petit vacher misérable apprit d'abord seul à lire et à écrire ..

Paul Féval : La fée des Grèves
 Un roman d'aventure et d'amour qui se déroule entre le Mont Saint Michel et l'île de Tombelène. Paul Féval y fait preuve d'un talent de conteur  incontestable. On frémit, on craint pour la vie de la jolie héroïne perdue  dans les lises de Mont  Saint Michel. Espérons que son amoureux, le noble chevalier arrivera à temps pour la sauver!

Pierre Jakès Helias : Le cheval d'orgueil, L'herbe d'or,  La colline des solitudes.
J'ai lu, il y a longtemps  Le cheval d'orgueil, un livre d'ethnologue qui nous apprend beaucoup sur la Bretagne. Et je viens de finir L'herbe d'or et la colline des solitudes, dont je vous parlerai bientôt.

Max Jacob  : Il s'inspirera de Quimper et de la Bretagne pour situer ses romans, notamment "Le Terrain Bouchaballe", "La Côte", "Morven le Gaélique". C'est aussi à Quimper, vers 1917, qu'il écrivit en partie "Le Cornet à dès".

Louis Guilloux : Le pain des rêves
 Je suis en train de le lire..

Jean Guehenno : Changer la vie

Anatole Le Braz : La légende de la mort (Kindle), Le sang de la sirène (voir ICI), Les noces noires de Guernaham (Voir ICI), le gardien du feu; Au pays des Pardons, Conte du soleil et de la brume; Contes de vent et de la pluie;

Pierre Loti : Pêcheurs d'Islande
Lu quand j'étais enfant. Aimerais-je toujours autant l'histoire de ces hommes partant de Paimpol pour affronter les dangers des glaces du Nord et l'histoire d'amour de Yann, le fier pêcheur et de Gaud, la jeune paimpolaise?

Charles Le Goffic : Le crucifié de Keraliès
 Le moins que l'on puisse dire c'est que les écrivains bretons ne sont pas mièvres! Si vous lisez Le crucifié de Kéraliès et La tour d'amour de Rachilde (voir ci-dessous) vous serez secoués par la force de l'écriture et la vigueur de l'analyse psychologique. Quant à moi, je ne suis pas prête à oublier de tels récits!

François-Marie Luzel : Contes populaires, contes bretons

Henri Pollès : Sophie de Tréguier :
 Un étude  mordante et âpre de la société trégoroise au XIX siècle et de la condition féminine à travers le portrait d'une jeune fille trop douce pour survivre à la cruauté et l'égoïsme de son entourage.

Henri Queffelec : Le recteur de l'île de Sein

Rachilde : La tour d'amour
 Un huis-clos hallucinant entre deux hommes, gardiens de Ar- Men, un des phares les plus isolés , les plus terrifiants de Bretagne, au bout de la chaussée de Sein hérissée de récifs. Une force d'écriture impressionnante pour décrire le glissement irrépressible vers la folie.

Jakez Riou : L'herbe de la vierge Terre de brume bibliothèque celte
La campagne bretonne sert de décor à ses récits, qui semblent venir d'un autre âge, « Les marins » est la seule nouvelle qui parle des gens de mer.
« L'herbe de la vierge », nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage est l' histoire de la mort d'une jeune femme, victime de la pingrerie de son père. Ce texte donne une idée de l'ensemble du livre, avec l'omniprésence de l'Ankou.( Blog Ma Bretagne Ici)

Ernest Renan : Souvenirs d'enfance et de jeunesse (kindle)

Emile Souvestre : Les Derniers Bretons (1835-1837), Le Foyer breton (1844), L’échelle de femmes (1835), La Bretagne pittoresque (1841), ......Mémoires d'un sans-culotte bas-breton (roman). La Pierre sainte de la bruyère (légende). — 1841. La Bretagne pittoresque. 1842. La Goutte d'eau, Le Mât de Cocagne (romans).

Gustave Toudouze : Le bateau des sorcières

Roger Vercel : Remorques (Voir ICI)

Autres écrivains bretons : André Breton, Jules Verne, Lamennais, Louis Ferdinand Céline,Villiers de l'Isle Adam...

Auteurs classiques 

Balzac : Les chouans

Victor Hugo : Quatre-vingt-treize
Quatre-vingt-treize met particulièrement en évidence le déroulement de la contre-révolution vendéenne et l'acharnement breton et montre l'opposition entre les bleus, révolutionnaires, et les blancs, monarchistes. "Moi, si je faisais l'histoire de la Révolution (et je la ferai), je dirais tous les crimes des révolutionnaires, seulement je dirais quels sont les vrais coupables, ce sont les crimes de la monarchie ».Hugo

Balzac les Chouans

Publié en 1829  le roman peint donc l’impossibilité du compromis entre Chouans et Révolutionnaires.
Il a été conçu beaucoup plus comme la peinture d’une ambiance que comme un roman historique. L’auteur dit que le romancier qui fait œuvre d’historien ne doit pas faire « de l’histoire un charnier, une gazette, un état civil de la Nation ». Au contraire, il doit restituer l’esprit d’une époque ou d’un événement.

Barbey D'Aurevilly : Le chevalier Destouches

Jules Sandeau : La roche aux mouettes

Poètes bretons

René-Guy Cadou

 

 René-Guy CadouTristan Corbière, Xavier Grall, Eugène Guillevic, Saint Pol Roux

et des poètes contemporains..

Biographies

Anne de Bretagne

Toutes biographies sur des personnages célèbres de Bretagne. 

 

Relations de voyages 

 
Michel Le Bris

Flaubert : Par les champs et les grèves

Michelet : Carnets de Bretagne

Pierre Mac Orlan : Brest

Stendhal Mémoires d'un touriste en Bretagne

Michel Le Bris : Voyage en Bretagne
L'auteur, breton né à Plougasnou, passe l'hiver sur les bords de la baie de Morlaix. Il se promène le long des grèves, dans le vent et la tempête, se souvient de ses sorties en mer, de ses parties de pêche à pied et de ses rêves d'enfant ... Il évoque également le souvenir des marins et des paysans bretons d'autrefois : le dur labeur des goémoniers, les aventures du roi des mers, Nicolas Coëtanlem, grand corsaire .... Dans de petites tavernes enfumées, il en profite pour nous raconter l'histoire d'un Robinson breton, William Le Squin qui survécut à un naufrage aux îles Crozet et celle d'un certain Troïlus du Mesgouez, mauvais seigneur qui tenta de soumettre la ville « libre » de Morlaix en usant de ses appuis à la cour. (LJ Sébastien.)

 Sarah Barnarht Mémoires

Armelle Lavallou Le voyage en Bretagne
Le chapitre « Géographie littéraire » ouvre ce bel ouvrage consacré à la Bretagne à travers des auteurs « nés ou venus séjourner » là-bas, et qui ont écrit des textes évocateurs de paysages, événements et ambiances de cette « province de l'âme ». Le voyage va de Nantes à Brest, pour revenir à Saint-Malo, Rennes, Vitré et Fougères. On croise Stendhal et Flaubert en pays de Nantes, Proust à Beg-Meil, avantde suivre Maupassant, de Vannes à Douarnenez. Un poème de Guillevic, Pierre Loti et ses amis marins, Julien Gracq en pays bigouden.. (critique Télérama)

Histoire 

 
Du Guesclin

Alain Berbouche :  Pirates, flibustiers et corsaires de Duguay-Trouin à Robert Surcouf
Histoire maritime a le vent en poupe. Pour le constater il suffit de parcourir les salons littéraires consacrés aux livres de mer. En particulier celui des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo : la prestigieuse cité maritime dont le plus illustre des fils, François-René de Chateaubriand, disait dans ses Mémoires qu elle n égalait pas en superficie celle du jardin des Tuileries mais qu elle donna à la France tant de marins célèbres. Haut lieu de mémoire où les pirates, flibustiers et autres corsaires exercent toujours leur fascination aventureuse.

Alain Roman : La saga des Surcoufs, mythes et réalités 

Jean Markalé : Les celtes et la civilisation celtique Payot :

Jean Markalé : Merlin l'enchanteur Albin Michel  :
Qui est Merlin l'enchanteur ? On le représente souvent comme un magicien prêt à plaisanter et à jouer des tours. C'est là réduire l'une des incarnations les plus audacieuses et les plus originales de la Sagesse.A travers Merlin, conseiller du Roi Arthur et organisateur de la Table Ronde, se cristallisent les rapports mystérieux entre l'homme et la nature, entre le passé et l'avenir, entre la connaissance et le trésor caché qui gît au coeur de l'âme.

 Yves-Marie Rudel : Le roman d'Anne de Bretagne

Yves-Marie Rudel : Typhaine l'amour au temps de Du Guesclin

Hervé Jaouen : Les filles de Roz-Kelenn  voir chez Oncle Paul ici
La saga d'une famille bretonne de la fin du XIX siècle à nos jours

et romans historiques


Michel Herubel : Surcouf, titan des mers

Michel Herubel Gilles de Rais ou la fin du monde édit. Fayard

Michel Herubel  Les caravelles du soleil Fayard

 Pierre Emmanuel Marais Les messagers du Duc de Bretagne Edit Yoran Embanner

Guy Gauthier : La conspiration de Pontallec Edit. Coop Breizh

Gabriel Jan : Ys, le monde englouti 
Tout comme l’Atlantide, la cité d’Ys a alimenté l’imaginaire des conteurs qui ont puisé dans le drame de cette ville engloutie pour écrire moult histoires. Gabriel JAN nous propose sa version qui n’est pas dénuée de charme et d’enchantement, malgré le dénouement cataclysmique que tout le monde connait, ou presque.  Blog de Oncle Paul Ici 

Gabriel Jan : Le réveil des Menhirs 
Le Réveil des menhirs est tout autant un roman de chevalerie médiéval qu’un roman d’anticipation, l’épilogue nous le prouvera, avec une fracture temporelle qui nous plonge au cœur de la Bretagne profonde. Une agréable histoire pleine de rebondissements, comme dans les romans de cape et d’épée, empreinte d’aventures mystérieuses et d’un final époustouflant. (Voir Oncle Paul ICI)

Contes et légendes 


 Chrétien  de Troyes  : Les chevaliers de la table ronde     

 Joseh Bédier : Tristan et Yseut

Charles Guyot : La légende d'Ys
  
Anatole Le Braz : La légende de la mort

Yann Brekilien : Contes et légendes de Bretagne

OL Aubert Légendes traditionnelles de la Bretagne,  La légende de la ville d'Ys etc..


François-Marie Luzel : Contes populaires, contes bretons

Philippe Camby :  Les dicts du druide Cadoc

Romans fantasy 


La fantasy arthurienne se rapproche tantôt du roman historique, tantôt de la fantasy mythique. Elle met en scène les éléments issus de la mythologie liée au Roi Arthur : Merlin, la dame du lac, Viviane, Morgane la Fée, le Saint Graal, Excalibur, Les chevaliers de la table ronde(wikipedia)

Jean-Lous Fetjaine : La Trilogie des elfes (le Crépuscule des elfes en 1998, la Nuit des elfes en 1999 et l'Heure des elfes en 2000) Le Pas de Merlin, Brocéliande

Stephen R. Lawhead : Le Cycle de Pendragon   Taliesin (I), Merlin (II), Arthur (III), Pendragon (IV) et Le Graal (V).

Marion Zimmer Bradley :  Le Cycle d'Avalon 

Romans policiers ou noirs


Simenon :  Le chien jaune se passe à Concarneau

Michel Herubel:  Tempête sur Ouessant (prix du roman historique de l'académie française 1977)


 Béatrice Nicodème : Les loups de la terreur
Béatrice Nicodème, qui est entre autre une spécialiste des aventures de Sherlock Holmes et a imaginé de nouvelles péripéties au jeune Wiggins, l’aide occasionnel du détective britannique, Béatrice Nicodème nous entraîne un peu plus de deux siècles en arrière, sous la Terreur, dans la forêt de Brocéliande qui connût les exploits de Merlin l’Enchanteur et de la Fée Viviane.
Des éditions locales se sont spécialisés en Bretagne dans le roman policier breton. Blog de l'oncle Paul

Michèle Cofdir  Nuits assassines à Paimpol  édit. Alain Bargain
Paimpol, la nuit, l'hiver... et des enfants victimes de farces sinistres, de harcèlement, d'agressions. L'angoisse plane sur la ville. Qui s'amuse à ces jeux cruels ? " Deux cas de figure se présentent à nous, déclare le criminologue consulté. Ou il s'agit d'un individu qui prend un plaisir sadique à terroriser des gamins, et qui s'en tiendra là. Ou c'est un pervers beaucoup plus dangereux...
du même auteur  dans la même édition : Il court, il court le furet des Abers; Herbes amères à Belle Isle

Hervé Jaouen : Flora des Embruns Presses de la Cité
Dans ce petit port tranquille de Bretagne, le café des Embruns vit au rythme des marées, du départ et du retour des pêcheurs, de la rotation du phare. Le café des Embrubs, c’est le refuge des marins. A sa barre, Flora, veuve de pêcheur et mère de Viviane, une jeunette de dix-huit ans, délurée, à la langue agile, lycéenne à l’étroit dans ce petit village. Oncle Paul

Coatmeur : Escale à Brest  Edit. terre de brume


Bande dessinée


Cotias et Wachs Marie Tempête

Comme vous pouvez le découvrir sur cette première planche, l'histoire s'ouvre à Versailles, le 10 mai 1774. Nous sommes à la veille de la Révolution et dans toute la série, le peuple gronde.  Une femme vient de mettre au monde un enfant, une petite fille. Le père est noble et marié. . Le nouveau-né est donc confié à un des régisseurs du père, en Bretagne... Le premier tome de la série s'attache à nous présenter l'enfance de Marie. On découvre également la vie dans une ferme bretonne au XVIIIe siècle. voir  Margotte ICI

 Patrice Pellerin : L'épervier
 Une BD de cape et d'épée et de mer au XVII ème siècle à recommander sans réserves, par la qualité et la précision du dessin ( les lieux, réels, sont magnifiquement croqués, quant aux bateaux, les vaisseaux de la Royale sous Louis XV, c'est somptueux ) et la cohérence et la correction du scénario. De quoi faire passer Hergé, pourtant une référence sérieuse, pour un amateur... (Voir blog droopyvert)

BD : Sandro Masin :  Le sang de la sirène d'après le roman d'Anatole le Braz (voir Ici)

Cinéma

Grémillon : Remorques d'après Vercel (Brest)    

Jacques Demy : Lola ( Nantes)

Manuel Poirier :   Western
                     

Je vous renvoie aussi à des éditions comme : Coop Breiz et Terres de brume


Le logo est réalisé à partir d'un tableau de Armand Seguin

jeudi 27 septembre 2012

Anatole Le Braz : Les noces noires de Guernaham




C'est dans le manoir de Guernaham dans la commune Le Vieux-Marché, au sud de Lannion, Côtes d'Armor,  qu'Anatole Le Braz nous transporte avec cette courte nouvelle.

Manoir de Guernaham (détail)


Emmanuel Prigent est un jeune homme pauvre. Il s'est engagé comme domestique  à Guarnaham, chez  Renée-Anne Guyomar,  une cousine éloignée qui a épousé Constant Dahorn. Ce dernier, un ivrogne brutal la maltraite.  Emmanuel veille discrètement sur la jeune femme, l'arrachant parfois aux brutalités de son vieux mari. A la mort de celui-ci, Prigent devient chef de labour de la jeune et riche veuve et l'aide à entretenir le grand domaine.  La jeune femme, élevée en demoiselle, est vite courtisée par des voisins de son rang, ce qui provoque la jalousie muette et la tristesse du jeune homme. Une barrière sociale sépare les jeunes gens. Emmanuel se ferme et se replie dans une solitude douloureuse mais digne. Il  refuse désormais de participer aux soirées dans la vieille demeure et s'absente chaque soir à la même heure. Renée-Anne dépite sans trop savoir pourquoi. Un soir, elle le suit en cachette, pensant qu'il va voir une autre femme et elle découvre....

 Mais qu'est-ce que les noces noires? Un an après la mort du conjoint ont lieu  des commémorations funèbres pour honorer la mémoire du disparu, la veuve est alors autorisée à se remarier.
 Le ton de cette nouvelle est plus léger que Le sang de la sirène que je vous ai présenté hier mais elle a beaucoup de charme car les deux jeunes gens sont attachants et l'histoire d'amour aussi. Nous nous intéressons à la Bretagne, toujours présente dans l'oeuvre d'Anatole Le Braz qui décrit les mentalités de la campagne,  les coutumes.  Nous assistons au Pardon de Saint-Sauveur; L'hiver avec ses veillées au coin du feu lui succède. Chacun y apporte son travail, les hommes du chanvre à éfibrer, les femmes leur fuseau et leur quenouille.
Le sujet m'a fait penser à un roman de Thomas Hardy Loin de la foule déchaînée où l'on voit un berger amoureux de sa riche patronne. Evidemment, la comparaison s'arrête là car il s'agit ici d'une nouvelle rapide, peu développée, donc plus superficielle, contrairement au roman de Hardy. Mais comme dans l'Angleterre victorienne, la hiérarchie sociale dans les campagnes bretonnes y est très marquée. Il y a presque autant de différence entre la propriétaire d'un riche domaine et son valet que dans la noblesse entre une princesse et un roturier! Le mariage est un marché, une négociation commerciale où la fortune, l'étendue des terres, la possession du bétail, le rang, sont minutieusement étudiées avant la demande en mariage.
Le récit d'Anatole Le Braz tient un peu du roman courtois où l'amoureux doit gagner le coeur de sa belle par sa bravoure et son dévouement. Ici "le charrueur" devra être compétent, valoriser les terres, aimer son métier mais aussi avoir des sentiments élevés qui lui suggèreront comment devenir l'égal de sa maîtresse. Les sentiments amoureux, dépit, jalousie, douleur, méconnaissance de ses propres sentiments, découverte de l'amour, sont analysés avec finesse et non sans humour. On y voit aussi la condition féminine du XIX siècle. Renée-Anne n'est libre que lorsqu'elle est veuve.  Mariée à une brute, elle doit subir ses violences qui mettent sa vie en danger. Le mari a tous les droits.

 Une lecture agréable! Petite anecdote : J'ai lu que les descendants de Prigent sont toujours les propriétaires du manoir de Guernaham.