Pages

vendredi 15 mars 2013

Elizabeth Gaskell : Cranford et les confessions de Mr Harrison




Pour cette lecture commune je présente deux livres d'Elizabeth Gaskell : Cranford et Les confessions de Mr Harrisson.
Cranford

Dans Cranford, comme dans la plupart de ses romans, Elizabeth Gaskell prend pour cadre une petite ville qu'elle oppose d'une manière ironique à Londres pour mieux souligner le calme de cette vie provinciale pour ne pas dire la platitude.  Même si l'on est en pleine révolution industrielle, en pleine période de mutation avec l'arrivée du chemin de fer, les journées suivent un train train quotidien monotone relevé simplement par des rencontres entre amies autour d'une tasse de thé et d'une partie de cartes. A la simplicité voire la naïveté de cette modeste bourgeoisie villageoise, Gaskell oppose la vie trépidante mais snob de Londres où l'on pense plus à paraître qu'à être..
Une narratrice extérieure  (qui sait peut-être l'auteure elle-même?) vient visiter ses amies à Cranford et  raconte ce qu'elle voit. Elle apporte une vision lucide et pleine d'humour sur les habitantes de Cranford car là-bas il n'y a que des femmes :

.. d'une manière ou d'une autre, le monsieur disparaît; tantôt, finit par mourir tout simplement de peur, à l'idée d'être le seul homme à fréquenter les soirées de l'endroit; tantôt il a une bonne raison d'être absent, puisqu'il se trouve qui avec  son régiment, qui sur son navire, qui tout à fait accaparé par ses affaires.

Aussi l'arrivée d'un homme, le capitaine Brown, nanti de deux filles, et qui n'observe pas le code de bienséance en vigueur à Cranford va révolutionner la petite ville. Ce n'est pourtant pas le personnage principal et l'on peut dire que l'on passe d'un récit à l'autre, ce qui permet de mettre en valeur des personnages différents, le cadre de la ville servant d'unité de lieu.
Tous les petits travers de ces femmes, leur sens strict de la hiérarchie qui confine parfois au ridicule, le snobisme entre classes sociales, les commérages incessants, nous sont dévoilés. Mais le regard porté sur elles, s'il est lucide, est aussi plein d'affection. Leur générosité malgré la modestie des revenus, la solidarité qui s'exerce en secret pour éviter de froisser celle à qui l'on porte secours, la dignité face à la pauvreté et au malheur, tout concourt à faire de ce roman une galerie de portraits pleins de vie. On rit souvent de la maladresse des personnages, de leurs petites ruses, de leurs superstitions, et certains épisodes sont franchement comiques mais la nostalgie naît devant la vie de ses femmes qui sont souvent passées à côté de leur amour et de leurs désirs, menant une vie étriquée, dictée par les convenances, la religion et le diktat de l'opinion publique. De beaux personnages apparaissent comme Mathilda Jenkins, Miss Matty, petite femme fragile et effacée, qui a toujours vécu sous la coupe de son père puis de sa soeur aînée sans jamais oser exprimer sa pensée ni ses sentiments. C'est ainsi qu'elle n'a pu épouser celui qu'elle aime et qu'elle rêve toujours d'une petite fille qui lui tendrait les bras et l'appellerait maman.
Une chronique donc tout en demi-teinte et en finesse que j'ai appréciée même si je préfère toujours Nord et sud et Femmes et filles, ce dernier bâti sur une structure identique à partir de l'observation de la vie en Province et des différentes classes sociales, mais plus développé.


Les confessions de Mr Harrison


Les confessions de Mr Harrison est un court roman qui ressemble à Cranford par le sujet même s'il s'en éloigne par d'autres aspects. 

Un jeune médecin, William Harrison raconte à son ami qui revient des Indes, comment il a rencontré son épouse Mary : Tout jeune médecin, il vient s'installer dans une petite ville de province pour aider le docteur en place, Mr Morgan, afin de lui succéder à la longue. A peine arrivé, il excite la convoitise de toutes les jeunes filles à marier et de leurs parents qui cherchent un bon parti. Will tombe très vite amoureux de Mary, la fille du pasteur et pour lui tout est clair mais... c'est un jeune homme très (trop?) poli! je vous laisse découvrir dans quelle situation il va se mettre ou plutôt dans quel guêpier il va tomber!

 On y retrouve les ingrédients qui font le succès de Gaskell, la description des particularités de la vie de province, les portraits aigres-doux de certains de ces habitants, l'ironie de la plume mais le ton est résolument celui de la comédie, les quiproquos se succèdent, et l'on sourit devant les ennuis de ce pauvre jeune homme! Un agréable roman!


Lecture commune du 15 Mars sur Cranford d'Elizabeth Gaskell et/ou sur deux autres de ses romans Les Confessions de Mr Harrison et Lady Ludlow avec :


et George :
Céline avec Les Confessions de Mr Harrison
Titine avec Lady Ludlow


mercredi 13 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand avec la Fée Poussière (3)



Quand on voyage avec une petite fille de trois ans et que l'on veut partir avec elle sur les traces de George Sand dans le Berry,  il n'y a rien de mieux que de lui lire La fée Poussière, un conte que George Sand a  imaginé pour ses petites filles, Aurore et Gabrielle, les filles de son fils Maurice et de Lina.
Lire? Non car le conte est bien difficile à la fois par le sujet et la langue mais raconter, oui! Tout en tournant les pages délicieusement illustrées par Ghislaine Dodet dans la série contes Anaïs aux éditions Saint-Mont…



Autrefois, il y a bien longtemps, mes chers enfants, j'étais jeune et j'entendais souvent les gens se plaindre d'une importune petite vieille qui entrait par les fenêtres quand on l'avait chassée par les portes. Elle était si fine et si menue, qu'en eût dit qu'elle flottait au lieu de marcher, et mes parents la comparaient à une petite fée. Les domestiques la détestaient et la renvoyaient à coups de plumeau, mais on ne l'avait pas plus tôt délogée d'une place qu'elle reparaissait à une autre.
Elle portait toujours une vilaine robe grise traînante et une sorte de voile pâle que le moindre vent faisait voltiger autour de sa tête ébouriffée en mèches jaunâtres.
La fée Poussière est méprisée par tous et on la chasse avec un plumeau. Pourtant, elle invite la petite fille à l'appeler par trois fois dans la nuit afin de pouvoir la rejoindre dans son palais enchanté où elle  apparaît à l'enfant sous la forme d'une belle dame resplendissante. Car la fée Poussière n'est pas celle que l'on croit. Sans elle, le monde minéral ne nous offrirait pas ses joyaux les plus beaux et rien de solide n'existerait sur cette terre.

Tout ce que tu vois là, me dit-elle, est mon ouvrage. Tout cela est fait de poussière ; c'est en secouant ma robe dans les nuages que j'ai fourni tous les matériaux de ce paradis. Mon ami le feu les avait lancés dans les airs, les a repris pour les recuire, les cristalliser ou les agglomérer après que mon serviteur le vent les a eu promenés dans l'humidité et dans l'électricité des nues, et rabattus sur la terre ; ce grand plateau solidifié s'est revêtu alors de ma substance féconde et la pluie en a fait des sables et des engrais, après en avoir fait des granits, des porphyres, des marbres, des métaux et des roches de toute sorte.



George Sand nous convie alors à un voyage dans le temps, dans le "laboratoire" de la Fée où s'élabore la matière, où les corps gazeux deviennent solides après avoir illuminé l'espace. Et la fée confectionne, à partir de la poussière, devant les yeux émerveillés de la fillette, une savante cuisine. Elle pile, pulvérise, mélange, met au feu de savantes préparations qui deviennent granit, grès, sable, quartz, ardoises… Elle emprisonne aussi des animaux  et des végétaux mystérieux dans une gangue de calcaire, de silice et d'argile, témoins des vies passées qui ont laissé leur place à d'autres car la Nature est toujours en perpétuelle évolution. Tout disparaît pour renaître encore sous de nouvelles formes. Lorsque la fée dit au revoir à l'enfant, elle lui donne un morceau de sa robe de bal :

Tout disparut, et, quand j'ouvris les yeux, je me retrouvai dans mon lit. Le soleil était levé et m'envoyait un beau rayon. Je regardai le bout d'étoffe que la fée m'avait mis dans la main. Ce n'était qu'un petit tas de fine poussière, mais mon esprit était encore sous le charme du rêve et il communiqua à mes sens le pouvoir de distinguer les moindres atomes de cette poussière.
Je fus émerveillée ; il y avait de tout : de l'air, de l'eau, du soleil, de l'or, des diamants, de la cendre, du pollen de fleur, des coquillages, des perles, de la poussière d'ailes de papillon, du fil, de la cire, du fer, du bois, et beaucoup de cadavres microscopiques ; mais, au milieu de ce mélange de débris imperceptibles, je vis fermenter je ne sais quelle vie d'êtres insaisissables qui paraissaient chercher à se fixer quelque part pour éclore ou pour se transformer, et qui se fondirent en nuage d'or dans le rayon rose du soleil levant.


Ce conte est une petite merveille de poésie. Il peut être lu à plusieurs degrés. On  voit que George Sand était convertie au darwinisme et que le récit est une manière de faire comprendre  l'évolutionnisme à ses petites filles tout en les plongeant dans le Merveilleux et le rêve… Quant à Nini, la petite admiratrice de George Sand, elle n'a certes pas tout compris mais elle a adoré la Fée Poussière qui vit dans un palais magnifique et qui a des robes de princesse. Et vous pouvez lui demander qui est George Sand! Elle vous répondra que c'est la mamie d'Aurore et de Gabrielle et qu'elle raconte de belles histoires!


Suite Lundi :  Le Berry : Sur les traces de George Sand (4)




mardi 12 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand : Angibault et Sarzay (2)


Le château de Sarzay

Visiter le Berry de George Sand, c'est rencontrer au fond d'un bois, au coeur d'un château ou d'une chaumière, dans les méandres de la Creuse, les personnages de ses romans, Marcelle de Blanchemont et Grand Louis près du moulin d'Angibault, la petite Marie et Germain perdus dans le brouillard au bord de la mare, Emile et Gilberte marchant la main dans la main dans les ruines de Châteaubrun non loin de Gargilesse...


Carte des oeuvres de George Sand






Le meunier d'Angibault

Le meunier  d'Angibault de George Sand a pour personnage principal, la baronne, Marcelle de Blanchemont. Celle-ci vient de perdre son mari qu'elle n'aimait pas. Veuve et indépendante, elle se rend, accompagnée de son fils Edouard, dans sa propriété de Blanchemont, chez son fermier Bricolin.  voir ICI

C'est le château de Sarzay qui a servi de modèle au domaine de Marcelle de Blanchemont. 

 Le château de Blanchemont avec son paysage, sa garenne et sa ferme, existe tel que je l'ai fidèlement dépeint ; seulement il s'appelle autrement, et les Bricolin sont des types fictifs.

Ce château n'a jamais été d'une grande défense : les murs n'ont pas plus de cinq à six pieds d'épaisseur en bas, les tours élancées sont encorbellées. Il date de la fin des guerres de la féodalité. Cependant la petitesse des portes, la rareté des fenêtres, et les nombreux débris de murailles et de tourelles qui lui servaient d'enceinte, signalent un temps de méfiance où l'on se mettait encore à l'abri d'un coup de main.

C'est un caste ! assez élégant, un carré long renfermant à tous les étages une seule grande pièce, avec quatre tours contenant de plus petites chambres aux angles, et une autre tour sur la face de derrière servant de cage à l'unique escalier. La chapelle est isolée par la destruction des anciens communs ; les fossés sont comblés en partie, les tourelles d'enceinte sont tronquées à la moitié, et l'étang qui baignait jadis le château du côté du nord est devenu une jolie prairie oblongue, avec une petite source au milieu.


Perdue dans des chemins hasardeux, elle rencontre le meunier d'Angibault surnommé le Grand-Louis, jeune homme honnête et travailleur, qui l'accueille dans son moulin pour une nuit. 


Voilà comment George Sand parle de ce moulin dans le prologue de son roman :

Or, il y a dans notre vallée un joli moulin qu'on appelle Angibault, dont je ne connais pas le meunier, mais dont j'ai connu le propriétaire. C'était un vieux monsieur, qui, depuis sa liaison à Paris avec M. de Robespierre (il l'appelait toujours ainsi), avait laissé croître autour de ses écluses tout ce qui avait voulu pousser : l'aune et la ronce, le chêne et le roseau. La rivière, abandonnée à son caprice, s'était creusé, dans le sable et dans l'herbe, un réseau de petits torrents qu'aux jours d'été, dans les eaux basses, les plantes fontinales couvraient de leurs touffes vigoureuses. Mais le vieux monsieur est mort ; la cognée a fait sa besogne ; il y avait bien des fagots à tailler, bien des planches à scier dans cette forêt vierge en miniature. Il y reste encore quelques beaux arbres, des eaux courantes, un petit bassin assez frais, et quelques buissons de ces ronces gigantesques qui sont les lianes de nos climats.

Mais ce coin de paradis sauvage que mes enfants et moi avions découvert en 1844, avec des cris de surprise et de joie, n'est plus qu'un joli endroit comme tant d'autres.



  
Et voilà comment Marcelle de Blanchemont découvre le moulin en se levant de bonne heure le lendemain matin
Curieuse de savoir en quoi consistaient ces préparatifs, Marcelle franchit le pont rustique qui servait en même temps de pelle au réservoir du moulin, et laissant sur sa droite une belle plantation de jeunes peupliers, elle traversa la prairie en longeant le cours de la rivière, ou plutôt du ruisseau, qui, toujours plein jusqu'aux bords et rasant l'herbe fleurie, n'a guère en cet endroit plus de dix pieds de large. Ce mince cours d'eau est pourtant d'une grande force, et aux abords du moulin il forme un bassin assez considérable, immobile, profond et uni comme une glace, où se reflètent les vieux saules et les toits moussus de l'habitation. 



Marcelle contempla ce site paisible et charmant, qui parlait à son coeur sans qu'elle sût pourquoi. Elle en avait vu de plus beaux; mais il est des lieux qui nous disposent à je ne sais quel attendrissement invincible, et où il semble que la destinée nous attire pour nous y faire accepter des joies, des tristesses ou des devoirs.

Jeudi : Sur les traces de George Sand (3) suite




lundi 11 mars 2013

Le Berry : Sur les traces de George Sand : La Vallée Noire et Nohant (1)


Buste de George Sand à Gargilesse


Passer ces vacances à Issoudun, près de Nohant, c'est évidemment se trouver immergé au coeur du pays de George Sand, c'est aller à la rencontre de cette femme dont le souvenir est si vivace ici, dans ce pays qu'elle a appelé par un caprice d'écrivain, La Vallée Noire. C'est vivre avec des fantômes, apercevoir la petite silhouette d'Aurore Dupin au détour d'une allée ou les boucles blondes de son jeune amant Jules Sandeau, c'est galoper avec elle chaque jour jusqu'à La Châtre pour apprendre les péripéties de la Révolution de 1830 à Paris, c'est partager les discussions passionnées,  au cours des veillées de Nohant, des plus grands personnages du romantisme...


La vallée Noire

Mais qu'est-ce que la Vallée Noire? George Sand dans un long texte éponyme précise les limites de cette région pour répondre à une question posée par un habitant de la Brenne qui l'a piquée au vif. Elle analyse les caractéristiques de la Vallée Noire et le caractère de ses habitants  .

Mais puisqu'on veut que la Vallée-Noire n'existe que dans ma cervelle, je prétends prouver qu'elle existe, distincte de toutes les régions environnantes, et qu'elle méritait un nom propre.

Elle fait partie de l'arrondissement de La Châtre ; mais cet arrondissement s'étend plus loin, vers Eguzon et l'ancienne Marche. Là, le pays change tellement d'aspect, que c'est bien réellement un autre pays, une autre nature. La Vallée-Noire s'arrête par là à Cluis. De cette hauteur on plonge sur deux versants bien différents. L'un sombre de végétation, fertile, profond et vaste, c'est la Vallée-Noire : l'autre maigre, ondulé, semé d'étangs, de bruyères et de bois de châtaigniers.

  Du côté de Cluis, toutes les hauteurs sont boisées, c'est ce qui donne à nos lointains cette belle couleur bleue qui devient violette et quasi noire dans les jours orageux. 


Dans les pays à grands accidents, comme les montagnes élevées, la nature est orgueilleuse et semble dédaigner les regards, comme ces fières beautés qui sont certaines de les attirer toujours.
Dans d'autres contrées moins grandioses, elle se fait coquette dans les détails, et inspire des passions au paysagiste. Mais elle n'est ni farouche ni prévenante dans la Vallée-Noire elle est tranquille, sereine, et muette sous un sourire de bonté mystérieuse. Si l'on comprend bien sa physionomie, on peut être sûr que l'on connaît le caractère de ses habitants. C'est une nature qui ne se farde en rien et qui s'ignore elle-même. Il n'y a pas là d'exubérance irréfléchie, mais une fécondité patiente et inépuisable. Point de luxe, et pourtant la richesse ; aucun détail qui mérite de fixer l'attention, mais un vaste ensemble dont l'harmonie vous pénètre peu à peu, et fait entrer dans l'âme le sentiment du repos. Enfin on peut dire de cette nature qu'elle possède une aménité grave, une majesté forte et douce, et qu'elle semble dire à l'étranger qui la contemple : «Regarde-moi si tu veux, peu m'importe. Si tu passes, bon voyage ; si tu restes, tant mieux pour toi.»


             Souvenirs de Nohant d'Aurore Sand 

 Le château de Nohant


Aurore, la petite fille de George Sand évoque la vie à Nohant dans un texte intitulé : Souvenirs de Nohant. Elle fait revivre sa grand mère, à une époque où âgée, celle-ci est apaisée et sereine, entourée de l'affection des siens. L'évocation d'Aurore est à la fois pleine d'admiration pour cette grande dame et ce grand écrivain et d'amour pour la grand mère qui l'a entourée d'affection, l'a bercée d'histoires, lui a enseigné avec douceur et patience mais aussi avec intelligence et habileté les principales matières, le français, l'anglais, la géographie, l'histoire, les sciences.. Sauf, nous dit-elle, la religion et les mathématiques. C'est une découverte pour moi : L'écrivaine était aussi une bonne pédagogue! Elle se passionnait pour les sciences, passion qu'elle partageait avec son fils Maurice, la botanique, l'entomologie, la paléontologie… Et comme elle était une excellente pianiste, une érudite en ce qui concerne l'art, la musique, l'architecture, la peinture, on peut dire qu'elle forçait l'admiration de tout son entourage.

Le château de George Sand à Nohant a été construit en 1760 sur l'emplacement d'un château-fort du XIV° siècle. Madame Dupin de Franceuil, la grand-mère d'Aurore, l'acheta en 1793, avant de la léguer à sa petite fille en 1821.
La visite de la demeure de George Sand est guidée. Impossible de s'arrêter, de rêver devant un tableau, un objet, une relique, mais elle est conduite par des guides qui parlent d'Elle avec une sorte de vénération. Tout est fait pour que l'on ait l'impression que la propriétaire est là, qu'elle va bientôt rentrer d'une promenade dans le parc, que la table toujours dressée selon les indications d'Aurore est prête accueillir ses hôtes illustres : Chopin, Balzac, Le prince Napoléon, Delacroix, Flaubert, Tourguéniev, Liszt et Marie d'Agoult…autour de George Sand, de Maurice son fils, de Lina sa belle-fille et de ses petites filles, Aurore et Gabrielle.
 
Une des pièces les plus remarquables est bien sûr, le théâtre, construit pour convier les hôtes du château à des spectacles conçus par Maurice Sand et sa mère. C'est Maurice qui fabrique les marionnettes, c'est George Sand qui confectionne leurs vêtements.

A l'étage la chambre bleue est celle de la romancière. Aurore se souvient très bien des visites faites à sa grand mère dans cette chambre. C'est là aussi qu'elle a vu sa grand mère pour la dernière fois sur son lit de mort après une agonie douloureuse. La chambre de Chopin, le cabinet d'études qui renfermait les collections de fossiles, de papillons, les herbiers, la chambre au décor japonisant de Gabrielle et d'Aurore font suite, en enfilade, à celle de l'écrivaine.

Le parc et le jardin méritaient l'attention et les soins constants de George Sand qui adoraient les fleurs. Aurore Sand explique tous les embellissements voulus par sa grand mère, les plantations d'arbres, le choix des espèces végétales pour faire de ce lieu un séjour enivrant de couleurs et de parfums.

 Le parc de Nohant


Sur les traces des romans de George Sand (2)

Demain je présenterai les lieux où se déroule l'intrigue de nombreux romans de George Sand : pour commencer Angibault et Sarzay






dimanche 10 mars 2013

Un livre/ Un film : Drieu La Rochelle : Le feu follet




Résultat de l'énigme n°58


Bravo à : Dasola, Eeguab, Jeneen, Lystig, Pierrot Bâton, Syl, Somaja


Le roman : Drieu La Rochelle  Le feu Follet
Les deux films : Louis Malle : Le feu follet
                          : Joachim Trier : Oslo, 31 août



Romancier et essayiste Drieu la Rochelle naît né à Paris en 1893. Il prend part aux combats de la Première Guerre mondiale. Hanté par la décadence de la société,  il se rallie au fascisme. A la tête de la NRF , sa collaboration avec l'Allemagne nazie pendant la guerre vaut à son oeuvre d'être tenue à l'écart . En 2012, l'édition de son oeuvre dans la Pléïade  fait polémique mais reconnaît sa valeur en tant qu'écrivain..
Drieu la Rochelle met beaucoup de lui-même dans Alain, personnage de son roman Le feu follet. Comme son héros, La Rochelle ne se trouve pas sa place dans une société dont il voit les dérives, a laquelle il ne peut s'adapter  et il est hanté par l'idée du suicide.

Alain est un personnage nihiliste, sombre et désespéré.  C'est en vain qu'il cherche, au cours des derniers jours de sa vie, une raison de raccrocher  en rencontrant ses amis. Il n'aime pas les autres et les autres le lui rendent bien. Son seul dieu est l'argent dont il est séparé "par sa paresse, et sa volonté secrète et à peu près immuable de ne jamais le chercher par le travail". Il vit donc au crochet de ses amis  et surtout des femmes qui lui en donnent mais jamais assez. Gigolo vieillissant, il  est prêt à divorcer de sa femme Dorothy parce qu'elle n'est pas assez riche,  pour épouser Lydia qui lui donnera de l'argent à volonté. Or à quoi lui sert l'argent? 
" L'argent résumant pour lui l'univers , était à son tour résumé par la drogue... Voilà ce que signifiait le chèque de Lydia posé sur sa table. C'était la nuit, c'était la drogue."
Drieu la Rochelle fait une analyse lucide et terrible de la dépendance liée à la drogue, de cet enchaînement auquel on ne peut se soustraire,  de cet engrenage inexorable qui conduit à la mort.
Tel est le sophisme que la drogue inspire pour justifier la rechute : je suis perdu, donc je puis me redroguer.
Les souffrance physiques et morales qui lui sont attachées sont d'autant plus fortes qu'il n'a pas les ressources de caractère qui lui permettraient de lutter :
Cette souffrance était grande; mais même si eut moindre, elle eut encore été terrible pour un être dont toutes les lâchetés devant la rudesse de la vie s'étaient conjurées depuis longtemps pour le maintenir dans cette dérobade complète de paradis artificiel.
On voit que Drieu la Rochelle n'épargne pas son personnage et  en dresse un portrait sans concession. De plus,  il porte un jugement sans appel contre la drogue, dénonçant sans équivoque les bassesses et les faux semblants de ces paradis artificiels.
Il avait vu en pleine lumière les caractères véritables de la vie des drogués : elle est rangée, casanière, pantouflarde. Une petite existence de rentiers qui, les rideaux tirés, fuient les aventures et difficultés. Un train train de vieilles filles unies dans une commune dévotion, chastes, aigres, papoteuses, et qui se détroussent avec scandale quand on dit du mal de la religion.
Mais la société qui entoure Alain n'est pas meilleure et l'image que lui en renvoient ses amis est décidément négative. Si Alain se tue, c'est parce qu'il a regardé "les gens comme jamais il ne les avait regardés" :
Contre ce monde des hommes et des femmes, il n'y a rien à dire, c'est un monde de brutes. Et si je me tue, c'est parce que je ne suis pas une brute réussie. Mais le reste, la pensée, la littérature, ah! je me tue aussi parce que j'ai été blessé de ce côté-là par un mensonge abominable. Mensonge, mensonge. Ils savent qu'aucune sincérité n'est possible et pourtant ils en parlent; Ils en parlent les salauds.

La seule solution reste donc le suicide :
La destruction, c'est le revers de la foi dans la vie; si un homme au-delà de dix-huit ans, parvient à se tuer, c'est qu'il est doué d'un certain sens de l'action.
Le suicide, c'est la ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l'action, mais ils ont retardé l'action; alors l'action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c'est un acte, l'acte de ceux qui n'ont pu en accomplir d'autres

Le suicide nous dit La Rochelle est "l'aboutissement obligé d'une morale de dégoût ou de mépris." Ces mots écrits en 1931 sont prémonitoires puisque Drieu La Rochelle passera à l'acte  en 1945.

Maurice Ronet dans le film de Louis Malle

Les deux adaptations du roman réalisées par  Louis Malle (Le feu follet 1963), et par le norvégien Joachim Trier (Oslo 31 août  2011) sont remarquables. Elles prouvent l'universalité du sujet puisque les réalisateurs ont tous les deux transposé dans leur pays et à leur époque l'histoire d'Alain et sa quête désespérée pour trouver une raison de vivre avant sa mort programmée. 23 Juillet, c'est la date écrite sur un miroir par Maurice Ronet (Alain) qui fixe le jour de sa mort;  31 Août, le dernier jour de l'été en Norvège, c'est celle prévue par Anders Danielsen Lie (Anders) pour son suicide. Joachim Trier veut  montrer "la façon dont on passe à côté les uns des autres".  Pour Drieu la Rochelle, son héros se suicide parce que c'est le seul acte de noblesse qu'il peut accomplir.  Avec Louis Malle, Alain se tue parce qu'il refuse de vieillir.



samedi 9 mars 2013

Un livre/ Un film : Enigme n°58






Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.
Enigme N° 58

Le titre du roman que vous devez trouver aujourd'hui est écrit par un écrivain des plus contestés pour ses opinions politiques dans les années trente et ses amitiés,  sa collaboration, pendant la dernière guerre mondiale. Le roman, lui, paraît en 1931, avant l'adhésion de l'écrivain au fascisme. Il traite du suicide comme solution à la détresse existentielle.

La destruction, c'est le revers de  la foi dans la vie; si un homme au-delà de dix-huit ans, parvient à se tuer, c'est qu'il est doué d'un certain sens de l'action.
Le suicide, c'est la ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l'action, mais ils ont retardé l'action; alors l'action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c'est un acte, l'acte de ceux qui n'ont pu en accomplir d'autres.

vendredi 8 mars 2013

Retour du Berry et reprise de l'énigme du samedi


Le Berry : Aurélia Frey


Retour dans mon blog après notre séjour dans le Berry sur les traces de George Sand, découvertes que je me ferai un plaisir de partager bientôt avec vous.
En attendant demain reprise avec Wens  (voir En effeuillant le chrysanthème) de l'énigme du samedi : Un livre / Un film.
A vos marques, prêts?

vendredi 15 février 2013

Voyage sur les traces de George Sand


Aurélia Frey : Berry,  travail sur George Sand


Et oui, pas d'énigme ce samedi... Nous partons pour le pays de George Sand à la recherche de la Fée Poussière ou de la Fée aux Gros Yeux, des meneurs de loups, des farfadets dansant autour de la mare au diable. Rencontrerons-nous les Lavandières de la nuit, les Flammettes, le moine bourru? Je ne sais! Quelles aventures nous réserve le pays berrichon?
A bientôt!

lundi 11 février 2013

Elizabeth Gaskell : Femmes et filles



Femmes et filles d'Elizabeth Gaskell est le deuxième roman que je lis de cette écrivaine après Nord et Sud dont j'avais déjà apprécié l'analyse psychologique et sociale. Comme le titre l'indique, le livre offre une galerie de portraits de femmes et de filles qui révèle de la part de l'auteur une finesse de plume, une acuité du regard et une vive intelligence dans la peinture de la société victorienne d'une petite ville de la province anglaise. Elizabeth Gaskell refuse tout manichéisme et sait peindre d'un trait précis et pourtant subtil toutes les nuances de l'âme humaine.

Le personnage principal est Molly Gibson, fille du médecin de la ville, une jeune fille douce et gentille, "docile" comme disent les gens autour d'elle, qualité éminemment recommandable pour une femme dans la société victorienne!  Ce qui ne l'empêche pas d'avoir du caractère et de savoir, à l'occasion, affronter l'opprobre générale si elle est consciente de son bon droit. Courageuse donc, altruiste, elle a un petit rien de méchanceté qui lui permet parfois de prendre plaisir à avoir raison sur ses détracteurs. Face à elle, sa belle mère, la second épouse de son père et la fille de celle-ci, Cynthia, sont des personnages plus négatifs.
Hyacinth Clare, Mrs Kirkpatrick du nom de son premier mariage, devient donc Mrs Gibson. Elle est le type de la femme de condition modeste qui ne doit sa fortune qu'à sa beauté. Pour le reste, elle est sotte et superficielle, inculte, snob, monstrueusement égocentrique, incapable d'amour vrai mais très habile pour défendre ses intérêts. Si Elizabeth Gaskell ne l'aime pas, elle ne l'accable pas. A travers elle, elle peint les humiliations que doit subir une femme sans fortune, engagée comme gouvernante dans une noble famille, à la merci des sautes d'humeur, des revirements de sa patronne et devant avaler en silence toutes les vexations. Malgré ses défauts, Hyacinth Clare sait faire preuve de dignité quand elle essaie de cacher sa pauvreté, ses dettes et raccommode ses toilettes pour se rendre présentable.
Cynthia sa fille, qui n'a jamais reçu d'amour de sa mère, est un curieux mélange de qualités et de faiblesses. Son charisme et sa beauté agissent sur tout son entourage et lui ouvrent les coeurs, mais son désir de plaire, sa coquetterie désespèrent maints jeunes gens et la mettent dans une situation épouvantable aux yeux de la société. Elle est parfois égoïste, légère, vaniteuse mais elle peut être aussi dévouée et sincère.
Autour des trois personnages centraux, il y a les vieilles filles, les miss Browning, un peu ridicules mais attendrissantes qui veillent sur Molly comme sur leur fille, Mrs Hamley, la charmante et languissante épouse du squire, la redoutable et autoritaire Lady Cumnor et sa fille Harriet, l'insubordonnée qui refuse d'obéir aux règles imposées aux femmes mais peut se le permettre parce qu'elle est fille de lord. Et puis, autour de toutes ces femmes, des hommes, qui sont les pères, les fiancés, les maris, les soupirants, les amants, les amis, ce qui permet de brosser un tableau complet des classes sociales de l'époque (l'action se situe dans les années 1820 alors que Gaskell écrit à la fin de sa vie en 1865; elle n'aura pas le temps de terminer son roman). La condition féminine dans toutes les couches sociales est ainsi évoquée par une écrivaine qui possède à la fois  une culture et un esprit indépendant et a donc le possibilité de dénoncer et de critiquer le pouvoir dominateur exercé par les hommes sur l'éducation des filles, leur mariage, leur place dans la société. Elizabeth Gaskell est donc une femme à l'esprit critique, à la conscience sociale affirmée et ce n'est pas étonnant que certaines de ses oeuvres aient fait scandale..
C'est aussi une excellente écrivaine qui sait par touches légères et ironiques montrer les défauts et les faiblesses de ses personnages, les hiérarchies sociales, les travers d'une grande noblesse encore féodale et tyrannique, ceux aussi d'une bourgeoisie vaniteuse, prise entre son admiration pour les grands de ce monde et son mépris des plus humbles, microcosme obéissant à des règles précises, à des conventions, des préjugés, société corsetée dans ses principes, ses certitudes religieuses et sa bonne conscience. Le trait est parfois acéré qui décrit les mesquineries de la vie provinciale, la méchanceté, la médisance, la jalousie. Mais il est pourtant adouci par l'humour et la tendresse que Gaskell porte à ces personnages!
Un très bon roman!






Avec mes remerciements à la librairie Dialogues

dimanche 10 février 2013

Un livre/ Un film : Boileau-Narcejac, Les diaboliques




Résultat de l'énigme n°57

Le roman : Boileau-Narcejac : Celle qui n'était plus (ou les Diaboliques)
Le film  :   Henri- Georges Clouzot : Les diaboliques
Félicitations à Dasola, Dominique, Eeguab, Pierrot Bâton, Nanou








 Boileau-Narcejac
Sous ce double nom se cachent deux auteurs, Pierre Boileau (1906-1989) et Thomas Narcejac (1908-1998). Tous deux épris de littérature policière et auteurs de romans d'aventures, ils se rencontrent et s'associent en 1948. Inséparables, leurs rôles sont néanmoins nettement définis : Pierre Boileau bâtit l'intrigue, Thomas Narcejac rédige, étoffe, met au propre le texte définitif. La plupart de leurs romans ont été portés à l'écran notamment par Clouzot et Hitchcock. Le cycle des Sans Atout consacre un genre policier pour les enfants : une intrigue sophistiquée, débrouillée rondement par l'intelligence aiguë d'un jeune garçon.
( présentation éditions Gallimard)

Fernand Ravinel et sa maîtresse Lucienne, une femme autoritaire, à la forte personnalité, ont décidé de se débarrasser de Mireille, l'épouse de Fernand, pour toucher l'assurance sur la vie qu'elle a contractée en faveur de son mari. Lucienne, qui est médecin, administre un somnifère à la jeune femme et tous deux l'immergent dans une baignoire pour la noyer. Le forfait accompli, les deux complices transportent le cadavre et le jettent dans un étang à proximité de la maison des Ravinel. Mais le lendemain le corps a disparu et voilà que Mireille est aperçue partout et qu'elle laisse des messages à son mari! Celui-ci est fou de terreur…

Le titre du roman de Boileau-Narcejac était à l'origine :  Celle qui n'était plus (1952). Après le succès du film il va porter le titre choisi par Clouzot en hommage à Barbey D'Aurevilly : Les diaboliques.(1955)
 Le film  s'éloigne du roman : Clouzot a choisi un lieu clos, un établissement scolaire, pension privée, dont Michel est le directeur et Christina, son épouse, la propriétaire. Michel maltraite sa femme et ne se prive pas de l'humilier en public; il fait de même avec Nicole qui est un de ses professeurs dans l'établissement. Christina et Nicole décident de le tuer en le noyant dans une baignoire puis en le jetant dans la piscine. Mais le corps disparaît et la fragile Christina est terrifiée…

Christina (Vera Clouzot) et Nicole (Simone Signoret)

Dans leur préface de l'édition du roman en Livre de poche (1965), Boileau et Narcejac déclarent que le film est une adaptation très éloignée de leur roman.
Entre Celle qui n'était plus.. et le film que ce roman a inspiré à H.G. Clouzot, les Diaboliques, il n'y a qu'un lien, si mince qu'on pourrait croire le film étranger au livre, si solide qu'on est pourtant obligé de reconnaître leur profonde parenté. C'est qu'en vérité ils développent exactement la même idée mais avec des moyens différents et l'on peut aller jusqu'à dire que plus le film s'efforcerait de rester fidèle au livre, plus il était contraint de s'en éloigner.
Loin de s'en plaindre, ils constatent que le réalisateur a traduit en images ce qu'ils avaient voulu montrer par des mots :  D'une part la solitude du héros  (un homme dans le livre, une femme dans le film) qui est écrasé par des "apparences qu'il ne comprend plus", qui perd pied avec la réalité, car "le monde est un masque" et  "le mensonge corrompt invisiblement les aspects les plus familiers de la vie".
Ainsi donc, il vrai que monsieur Clouzot s'est délibérément dégagé de notre roman. Il a pris son bien où il trouvait, comme tous les grands créateurs. Mais il est également vrai qu'ils ne nous ont pas trahis, car ce que nous tentions d'apporter de neuf, c'est exactement ce qu'il a développé, approfondi, illustré, avec cette force , ce punch qui caractérisent sa manière. Merci Monsieur Clouzot."

Voilà une affirmation qui devrait répondre définitivement à la question de la trahison dans l'adaptation d'une oeuvre littéraire au cinéma.

samedi 9 février 2013

Un livre/Un film : Enigme n° 57





Pour les nouveaux venus : De quoi s'agit-il?

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le samedi, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film.
Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Pendant les vacances, nous arrêtons le jeu Un livre/ Un film.
 
Enigme N° 57
 
 Ce roman policier a été écrit à quatre mains.  Le film a assuré le succès des deux auteurs et a modifié le titre du livre.  Il raconte l'histoire d'un couple, maîtresse et amant, qui veut se débarrasser de l'épouse gênante. Banal, me direz-vous? Oui, Mais...


Il tâta l'eau, comme s'il se fût agi d'un vrai bain et, tout à coup, se redressa, les tempes battantes. La vérité venait encore une fois de le frapper, car c'était bien un coup. Coup de poing et en même temps coup de lumière. Il comprenait ce qu'il était en train de faire et il tremblait des pieds à la tête... Heureusement cette impression ne dura pas. Il cessa très vite de réaliser qu'il était coupable, lui, R... M. avait bu un somnifère. Une baignoire s'emplissait. Rien de toute cela ne ressemblait à un crime. Rien de tout cela n'était terrible. Il avait versé de l'eau dans un verre, porté sa femme jusqu'au lit... Gestes de tous les jours.
 

vendredi 8 février 2013

Petite taupe, ouvre-moi ta porte... éditions Auzou




Petite taupe, ouvre-moi ta porte est un délicieux petit livre de Claire Fossard et Orianne Lallemand paru aux éditions Auzou dans la collection Mes p'tits albums.

C'est l'hiver, la neige tombe et Petite Taupe se prépare à aller se coucher. Mais soudain! Toc! toc! qui frappe à la porte? Un à un les animaux  piteux et  transis vont se présenter et lui demander l'hospitalité  : un blaireau, une grenouille, une mésange et ses petits, un écureuil…   Tous sont bien reçus et réconfortés avec des boissons chaudes et des édredons douillets. Quand Soudain!! AHHHHH! un horrible loup! Mais pas de panique! Dans la maison de la Petite Taupe tout le monde a droit de cité et tout le monde vivra en paix!

Le livre est destiné aux enfants de 4 à 6 ans mais je peux vous dire qu'il a plu à ma petite fille dès l'âge de 18 mois et qu'elle ne s'en lasse pas! Il peut donc accompagner les enfants sur plusieurs années.




Il présente, en effet, de charmantes illustrations  qui peignent un monde chaleureux, rassurant et lumineux opposé à la nuit et au froid de la forêt. Il y aussi la répétition des phrases qui sonnent comme une poésie, un leit-motif que l'enfant, même, tout petit, a vite fait de mimer et d'apprendre par coeur :

Toc! Toc! qui frapper à la porte de la petite taupe? (…)
La petite taupe le fait entrer et l'installe sur...



Quant au loup qui vient détruire un instant l'harmonie de ce petit monde, il sera vite jugulé, saucissonné mais pas jeté dehors, non! Il devra manger la soupe à l'oignon comme tous les autres… ou plutôt non! pas comme les autres mais avec une paille, son museau étant lui aussi solidement ficelé!  Voilà qui est rassurant et qui fait rire! Trait d'humour hautement apprécié par la gent enfantine.

Un adorable album, donc, qui nous parle d'amitié et de solidarité.


Voir  Editions Auzou Livre 5€95

jeudi 7 février 2013

Citation : Peste et choléra de Patrick Deville




Le livre Peste et Choléra de Patrick Delville relate l'histoire d'Alexandre Yersin, médecin, biologiste,  découvreur du bacille de la peste et inventeur du vaccin. Génie touche-tout, savant exceptionnel, il a fait partie de la première équipe de chercheurs groupés autour de Pasteur et a mené une vie extraordinaire et aventureuse. Je vous parlerai bientôt de ce livre mais aujourd'hui je veux vous faire part de cette observation de Pasteur qui n'est devenue une évidence que grâce à lui, ce grand savant découvreur des microbes. Elle est suivie d'une réflexion que j'aime beaucoup de Patrick Deville sur la vie et la mort.


 Alexandre Yersin

Souvent le soir au châlet, seul avec ses chats siamois, il (Yersin) relit Pasteur :"Si les êtres microscopiques disparaissaient de notre globe, la surface de la terre serait encombrée de matière organique morte et de cadavres en tout genre, animaux et végétaux. Ce sont eux principalement qui donnent à l'oxygène ses propriétés comburantes. Sans eux, la vie serait impossible car l'oeuvre de mort serait incomplète."
C'est la vie qui veut vivre, abandonner au plus vite ce corps qui vieillit pour bondir dans un corps nouveau, et, ces corps, la vie au passage les rétribue de leur involontaire contribution à sa perpétuation par la menue monnaie de l'orgasme. Rien ne naît de rien. Tout ce qui naît doit mourir. Entre deux, libre à chacun de mener la vie calme et droite d'un cavalier en selle. Ce vieux Stoïcisme que retrouve Spinoza et la force immanente de la vie qui seule demeure. Ce pur principe, cette nature naturante à quoi tout retourne. La vie est la farce à mener par tous.

mercredi 6 février 2013

Anne Cuneo : Le trajet d'une rivière

Ce roman historique, Le trajet d'une rivière, La vie et les aventures parfois secrètes de Francis Tregian, gentilhomme et musicien  d'Anne Cuneo est placé sous le signe de Montaigne à qui il emprunte le titre : Quelle bonté est-ce, que je voyais hier en crédit et demain plus, et que le trajet d'une rivière fait un crime? 

Francis de Trégian, le personnage principal du roman, s'il ne rencontre pas Montaigne (celui-ci meurt en 1592 ) a connaissance des Essais et il en fait sa lecture quotidienne, une lecture qui l'apaise et contient des réponses à ses questions angoissées.  Le trajet d'une rivière est, en effet, une réflexion sur le bien-fondé des lois et de la justice, sur l'intolérance et la liberté de penser. L'action se situe d'abord en Angleterre où naît Francis Tregian, en 1574, dans une famille noble de Cornouailles puis en France, Pays-Bas, Italie, Espagne, au cours des voyages de notre héros en Europe. Le père de Françis, catholique fervent et fanatique, est emprisonné par la reine Elizabeth 1er, protestante. Son domaine lui est enlevé et ses enfants sont obligés de fuir et de se cacher. Francis Tregian, tolérant et  large d'esprit, refuse d'abjurer sa foi, parce qu'il pense, comme Montaigne, que chacun doit être libre de pratiquer la religion de ses pères.
C'est aussi un livre sur la musique puisque Anne Cuneo s'est intéressé à un musicien. Francis Tregian est, en effet, un excellent instrumentiste qui a collecté - en Angleterre où il a été l'élève de Thomas Morley et dans toute l'Europe- des musiques pour clavier qu'il a réunies dans le célèbre recueil le Fitzwilliam Book, témoignage précieux de tout ce qui se jouait en Europe de la fin du XVI° siècle au début du XVII°. Périodes tragiques et troublées au cours desquelles les populations sont décimées par la peste, la famine, où les guerres de religion font rage, la barbarie toujours prête à pointer le nez… mais d'où, pourtant, surgissent un bouillonnement de la pensée, une créativité, un renouveau dans tous les domaines de la connaissance, de la littérature et de l'art.

C'est avec érudition que Anne Cuneo nous introduit dans ce monde passionnant, de la la cour de la reine Elizabeth 1er, à la prison de la Fleet où est enfermé Tregian, aux champs de bataille de Henri de Navarre, notre bon roi Henri IV, à Amsterdam, centre du protestantisme.  Et c'est pour notre plus grand plaisir que nous rencontrons tous les personnages célèbres, amis de Tregian. Dans les théâtres londoniens, quand ils ne sont pas fermés par la peste ou par les puritains, Shakespeare écrit son Hamlet ou sa Mégère devant nous, les plus grands compositeurs de l'époque mettent au point de nouvelles théories, musiciens anglais comme Thomas Morley, John Bull, Peter Philips ou William Byrd,  italien comme Monterverdi…



 Thomas Morley

C'est à partir du Fitzwilliam Books que l'écrivain s'est livré à une véritable enquête sur ce personnage exceptionnel. Elle s'appuie sur des connaissances solides, des faits précis, des évènements réels, des  témoignages de l'époque, des registres de prison, des contrats..  Elle s'est imprégnée des lieux où a vécu Francis Tregian et répond d'une manière satisfaisante aux questions qui se posent à tout romancier écrivant sur l'Histoire : comment équilibrer ce qui est du domaine de l'Histoire et de l'imagination? Comment inventer et pourtant rester fidèle à la vérité historique? De cette réflexion et de ce travail est né un roman vivant, fourmillant de connaissances, de détails, d'évènements avec des personnages attachants. Un beau voyage dans une époque passionnante.




Monterverdi : Lamento d'Arianna