Pendant quelques jours, je serai là! A bientôt!
vendredi 13 juin 2014
Pause Lozère

dimanche 8 juin 2014
Homère : L'odyssée
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Ulysse contant ses aventures accompagné d'un aède |
Je n'ai pas l'intention de présenter l'Odyssée, ce long poème d'Homère, l'un des livres les plus importants de notre patrimoine littéraire; il fait partie de ceux qui ont construit les mythes fondateurs de notre civilisation. Je souhaite plutôt en conseiller la lecture à ceux ou celles qui ne l'ont pas encore lu. On en retarde souvent la lecture! Pourquoi? Peut-être parce que l'on connaît trop bien les récits si souvent rencontrés, peut-être parce que l'on a peur de s'ennuyer?
Et bien il faut savoir que le livre du divin Homère est passionnant et que son style ou plutôt sa traduction quand elle est réussie est d'une grande poésie, pleine d'images, et possède un rythme, une mélodie, un souffle épique qui portent le lecteur.
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Cratère : L'Odyssée |
Il y a eu un grand nombre des traductions du poème d'Homère. Pour ma part, je possède deux exemplaires de l'Odyssée que je vais vous présenter. Non, ce ne sont pas des livres précieux ni très anciens mais je les aime.
Le premier appartenait à mes parents et est paru en 1948 au club du livre, collection Les portiques, aux presses de l'Entreprise à Paris. La traduction est de Victor Bérard et la préface de Jean Bérard. C'est dans ce livre que j'ai lu pour la première fois l'Odyssée et éprouvé la beauté du texte et des images. Depuis j'ai su que cette traduction avait de nombreux détracteurs : elle s'éloigne un peu trop du texte si j'en crois les critiques et n'est donc pas fidèle. Certains la trouvent lourde..
Le second exemplaire est paru en 1973 à Paris chez l'éditeur Jean de Bonnot dans un traduction de Leconte de Lisle (1861). Il paraît que le poète est très fidèle au texte mais beaucoup pense que la traduction de Philippe Jaccottet qui date de 1955 est la plus réussie et la plus élégante.
Pour ma part, comme je ne connais pas la traduction de Jaccotet, je continue donc à avoir une préférence pour celle de Bérard; ce que j'aime en elle c'est la musicalité des vers (hexamètres) et le goût pour l'archaïsme des mots et de la phrase. Mais n'ayant jamais étudié le grec, je ne saurais vous dire si j'ai raison. Je vous donne juste un petit aperçu.
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Le buste de Homère |
Le poème d'Homère commence par une invocation à la Muse : chant 1
Victor Bérard
C'est l'homme aux mille tours, Muse, qu'il faut me dire, Celui qui tant erra quand de Troade*, il eut pillé la ville Sainte, Celui qui visita les cités de tant d'hommes et connut leur esprit, Celui qui, sur les mers, passa par tant d'angoisses, en luttant pour survivre et ramener ses gens. Hélas! même à ce prix, tout son désir ne put sauver son équipage : ils ne durent la mort qu'à leur propre sottise, ces fous qui, du Soleil, avaient mangé mes boeufs; c'est lui, le Fils d'en haut, qui raya de leur vie, la journée du retour.
Viens , ô fille de Zeus, nous dire à nous aussi, quelqu'un de ces exploits. * Troie
Leconte de Lisle
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troie. Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ; et, dans son coeur, il endura beaucoup de maux, sur la mer, pour sa propre vie et le retour de ses compagnons. Mais il ne les sauva point, contre son désir; et ils périrent par leur impiété, les insensés ! ayant mangé les boeufs de Hèlios Hypérionade. Et ce dernier leur ravit l'heure du retour. Dis-moi une partie de ces choses, Déesse, fille de Zeus.
L’Odyssée, traduction Philippe Jaccottet
Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif, celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra, voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages, souffrant beaucoup d’angoisses dans son âme sur la mer pour défendre sa vie et le retour de ses marins sans en pouvoir sauver un seul, quoi qu'il en eût ; par leur propre fureur ils furent perdus en effet,ces enfants qui touchèrent aux troupeaux du dieu d'En Haut, le Soleil qui leur prit le bonheur du retour...
À nous aussi, Fille de Zeus, conte un peu ces exploits !
Et vous quelle version préférez-vous?
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La traduction de Jaccottet |
La réponse est :
L'Odyssée d'Homère le porcher se nomme Eumée.
Le film ; Ulysse de Mario Camerini avec Kirk Douglas, Sylvana Mangano, Antony Quinn....
Félicitations à nos Pénéloppe qui sont aujourd'hui : Aifelle, Asphodèle, Dasola, Miriam, Pierrot Bâton,Thérèse...
Samedi14 Juin, l'énigme est chez Eeguab

samedi 7 juin 2014
Un livre/un jeu : énigme 97
Wens En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis
un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature
et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez
trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Consignes : Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez
dans mon profil : Qui êtes-vous? et me laisser un mot dans les
commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre
participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs
seront donnés le Dimanche.
La prochaine énigme aura lieu le samedi 14 Juin chez Eeeguab.
Enigme n°97
Ce texte antique qui est un des mythes fondateurs de notre civilisation ne vous sera pas trop difficile à trouver, je pense. Vous devrez me dire le titre de cette oeuvre et le nom de l'aède qui conte ces aventures et aussi une question supplémentaire : quel est le personnage qui prend la parole dans l'extrait ci-dessous?
Étranger, il ne m'est point permis de mépriser même un hôte plus misérable encore, car les étrangers et les pauvres viennent de Zeus
et le présent modique que nous leur faisons lui plaît ; car cela seul
est au pouvoir d'esclaves toujours tremblants que commandent de jeunes
rois. Certes, les Dieux s'opposent au retour de celui qui m'aimait et
qui m'eût donné un domaine aussi grand qu'un bon roi a coutume d'en
donner à son serviteur qui a beaucoup travaillé pour lui et dont un Dieu
a fait fructifier le labeur ; et, aussi, une demeure, une part de ses
biens et une femme désirable. Ainsi mon travail a prospéré, et le Roi
m'eût grandement récompensé, s'il était devenu vieux ici ; mais il a
péri. Plût aux Dieux que la race des Hélénè eût péri entièrement,
puisqu'elle a rompu les genoux de tant de guerriers !

mardi 3 juin 2014
Horace Walpole : Le château d'Otrante
Dans la préface du roman gothique Le château d'Otrante d'Horace Walpole, Paul Eluard salue cette oeuvre ainsi :
“Le château d’Otrante est un drame plastique, la forme la plus amère, la plus rugueuse, mais aussi la mieux taillée du malheur en amour. Seuls immortels, les désirs vont leur chemin, malgré d’extraordinaires obstacles, malgré les rideaux du sang et les miroirs vides, la nature exclue, l’existence approximative, la vue inutile, les ancêtres vomis par l’Enfer, malgré la peur, l’héroïsme, la férocité, malgré le marbre des tombeaux et les squelettes, les désirs sans cesse au fil de la mort, cherchent à briser avec l’imaginaire.
Horace Walpole a été le précurseur du Roman noir : de Maturin (pour la mise en scène), de Lewis (pour la précipitation passionnée des événements), d'Ann Radcliffe (pour l’atmosphère et le droit à l’absurde) et même d’Achim d’Arnim (pour la froideur dans le bizarre). Et quelques-uns des grands pans d’ombre du Château d’Otrante alimentent le terrible feu qu’allumèrent Sade, Poe et Lautréamont pour échapper au néant. Comme il n’y a qu’une grandeur, cela assure à jamais la gloire d’Horace Walpole.”
Le sujet
L’action du roman Le Château d’Otrante se déroule à Otrante, dans le Salento, au
sud de l’Italie.
Il commence avec la mort de Conrad, le fils
de Manfred, le jour même de son mariage, tué par la chute d'un casque
géant tombé du ciel. En raison des implications politiques du mariage,
Manfred décide de divorcer de sa femme Hippolita et d’épouser Isabella,
la fiancée de Conrad. Une antique prophétie affirme cependant que le
château et la seigneurie sur Otrante seront perdus pour ses détenteurs
lorsque le vrai propriétaire sera devenu trop grand pour l’habiter. Le
second mariage de Manfred sera perturbé par une série d’événements
surnaturels comme l’apparition de membres surdimensionnés, des fantômes,
du sang mystérieux et d'un vrai prince. (source)
Mon avis :
Je voulais lire ce roman fondateur du gothique parce que je savais
l'importance qu'il a eu sur le mouvement romantique français mais aussi
dans la littérature en général et encore au XX siècle sur le surréalisme
français.
Je comprends pourquoi l'étrangeté du récit a frappé l'imagination et alimenté toute une littérature fantastique en permettant aux écrivains comme aux lecteurs de se libérer du rationalisme pour goûter ces romans noirs où la mort rôde dans des paysages en ruines, où les fantômes, les statues s'animent et procurent des émotions fortes : Walter Scott, Balzac, Victor Hugo, Nodier, Gautier, Sand pour ne citer qu'eux... mais aussi le roman policier de nos jours et tant d'autres s'en sont largement inspiré.
Mais de mon point de vue, non seulement ce roman "terrifiant" ne fonctionne pas mais je ne le trouve ni bien construit, ni bien écrit. Je suis cependant heureuse de le connaître d'un point de vue de
l'histoire littéraire! Mais alors que j'avais pu apprécier le roman
gothique de Ann Radcliffe avec le mystère d'Udolphe, je dois dire que Le château d'Otrante ne m'a pas convaincue du tout.
LC avec Miriam ICI
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dimanche 1 juin 2014
Maylis de Kerangal : Réparer les vivants
Réparer les vivants : le titre fait référence à un extrait de Platonov de Tchekhov : Que faire Nicolas? Réparer les vivants et enterrer nos morts. Et le roman de Maylis de Kerangal est bien l'histoire d'une réparation, celle d'une transplantation cardiaque. Il a obtenu plusieurs prix et des critiques élogieuses voire dithyrambiques de la presse. D'où vient que je ne suis pas arrivée à partager totalement cet enthousiasme collectif?
Certes le roman a des qualités : il nous raconte avec une précision rigoureuse toutes les étapes d'une transplantation cardiaque de la mort accidentelle du jeune surfeur, Simon, à la greffe de la malade qui va recevoir le coeur, Claire. Ce sujet est délicat et pourrait glisser dans le pathos; les précisions médicales, la chronologie qui se met en branle à partir du moment où le jeune homme est déclaré en mort cérébrale jusqu'à l'opération chirurgicale, pourrait paraître fastidieuse; il n'en est rien! Maylis de Kerangal sait éviter ces pièges et déroule devant nous 24 heures de cette odyssée médicale en parvenant à nous intéresser. L'auteur a aussi le mérite de poser toutes les questions affectives, religieuses et philosophiques que soulève le don d'organe. Les réactions des parents de Simon, leur réticence, leur hésitation, montrent combien le corps reste étroitement lié à l'âme dans les mentalités, le coeur, en particulier, tenu pour le siège de sentiments.
Là où j'ai un peu achoppé, c'est d'abord sur les personnages; ils n'existent pas vraiment, ils sont des représentants de l'humanité: les parents, la petite amie, les copains, le médecin, l'infirmier … Ils ne m'ont jamais intéressée en tant qu'être humains. Admettons que ce soit le sujet qui impose cela. L'analyse clinique ne permet pas la vie, l'émotion. Et puis il y a surtout la volonté de l'écrivain d'écrire non pas au ras du sol, au ras de l'humain, mais au niveau cosmique. Il y a une amplification rendu par le style qui transcende le don des organes et en particulier du coeur pour en faire une Grande Messe, un don religieux. La transplantation se fait épopée, pas étonnant que l'on en arrive au mythe avec la convocation des images du Christ, de la Grèce antique et d'Ulysse.. Un style très travaillé, très esthétique, manquant de simplicité, de silence, de recueillement. Bien sûr, c'est un art maîtrisé, l'écrivaine a du talent dans son domaine… J'admire, mais voilà, cela ne me touche pas parce que, dans le fond, le jeune homme, Simon, il peut mourir, le lecteur n'éprouve rien!
Voir Nadael
Un style qui s'éloigne de l'humain pour prendre une dimension cosmique
La catastrophe s'est propagée sur les éléments, les lieux, les choses, un fléau, comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin, en arrière des falaises, la camionnette peinturlurée écrasée à pleine vitesse contre le poteau et ce jeune type propulsé tête la première sur le pare-brise, comme si le dehors avait absorbé l'impact de l'accident, en avait englouti les répliques, étouffé les dernières vibrations, comme si l'onde de choc avait diminué d'amplitude, étirée, affaiblie jusqu'à devenir une ligne plate, cette simple ligne qui filait dans l'espace se mêler à toutes les autres, rejoignait les milliards de milliards d'autres lignes qui formaient la violence du monde, cette pelote de tristesse et de ruines, et aussi loin que porte le regard, rien, ni touche de lumière, ni éclat de couleur vive, jaune d'or, rouge carmin, ni chanson échappée d'une fenêtre ouverte, ni odeur de café, parfum de fleurs ou d'épices, rien, pas un enfant aux joues rouges courant après un ballon, pas un cri, pas un seul être vivant pris dans la continuité des jours, occupé aux actes simples, insignifiants, d'un matin d'hiver ….
Un style épique, l'apparition du mythe
Un style épique, l'apparition du mythe
Et les cicatrices en travers de l'abdomen rappellent un coup mortel- la lance au flanc du Christ, le coup d'épée du guerrier, la lame du chevalier. Alors est-ce ce geste de coudre qui a reconduit le chant de l'aède, celui du rhapsode de la Grèce ancienne, est-ce la figure de Simon, sa beauté de jeune homme issu de la vague marine, ses cheveux pleins de sel encore et bouclés comme ceux des compagnons d'Ulysse qui le troublent, est-ce la cicatrice en croix, mais Thomas commence à chanter.
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Sylire et Lisa |
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Glendon Swarthout : Homesman
Homesman de Glendon Swarthout aux éditions Gallsmeister, que l'on peut traduire par un néologisme - le rapatrieur - , est celui qui va être chargé de rapatrier vers l'est, dans leur famille, quatre femmes qui ont perdu la raison pendant un hiver particulièrement rigoureux dans les Grandes Plaines de l'Ouest des Etats-Unis au Nebraska. Cet homme, Briggs, n'est ni altruiste, ni volontaire! Disons qu'il y est obligé parce que Mary Bee l'a sauvé de la pendaison auquel ses vols l'avaient condamné et qu'il a juré de lui obéir. Mary Bee, une femme courageuse, a accepté de convoyer les malades à la place de leur mari. Mais elle se sent bien seule et peu apte à mener à bien sa tâche, c'est pourquoi elle s'adjoint les services de ce voleur qui ne lui inspire pourtant aucune confiance. La longue marche à travers les grands espaces déserts commence.
Un récit loin des images d'Epinal
Nous sommes au XIX siècle siècle, la conquête de l'Ouest continue mais cela ne va pas sans dommage surtout pour les femmes qui viennent de l'Est, habituées à une vie moins rude, et qui se retrouvent isolées dans des fermes sans voisinage, coupées de du monde pendant des hivers longs, d'une rigueur extrême. En plus de des conditions de vie difficiles, de la neige, du froid, de l'inconfort des maisons, de la faim quand les provisions viennent à faire défaut et qu'une épidémie s'abat sur le troupeau, elles ont à subir des grossesses non désirées et à répétition, à accoucher toute seule et sans aide, à assister, impuissantes, à la mort de leurs enfants, et parfois à composer avec la violence physique ou morale que leur inflige leur mari. L'écrivain nous montre un monde dur pour tous mais en particulier pour les femmes, une société où la solidarité et le partage n'existent pas toujours.
C'est la première fois qu'un livre consacré au western décrit avec autant de réalisme le sort de ces femmes de pionniers qui souvent nous a été présenté à travers des images d'Epinal, héroïques et fortes face aux dangers ou bien faibles héroïnes mourant de mort violente. Mais la vie quotidienne, banale, sordide, faite de solitude, de petites souffrances répétées, et de désespoirs insondables, c'est cela que ce roman a le mérite de nous décrire. Et il y réussit très bien.
Des personnages loin des lieux communs
Au départ, les personnages correspondent à des types : la femme de tête, seule, autoritaire, qui mène sa ferme d'une main ferme (Mary Bee), le voleur, hors la loi sans morale et sans éducation (Briggs), le pasteur, le forgeron... Mais bien vite ils échappent au lieux communs et cessent d'être des stéréotypes. Sans entrer dans les détails pour ne pas révéler la suite, on s'aperçoit que la femme et le brigand sont des êtres plus complexes que ce que l'on pensait, ce qui nous ménage des surprises au cours du récit. Le lecteur ne reste donc pas dans le cadre confortable du western classique. Les personnages évoluent selon leur caractère, leur éducation, les aléas du voyage, les difficultés rencontrées. Ils ne sont pas toujours là où on les attendait mais ils nous paraissent vrais, humains avec leurs forces et leurs faiblesses.
Une nature loin d'être idyllique
Homesman est donc un récit d'aventures qui sort des sentiers battus. Les grands espaces couverts de neige, à la végétation rare, au sol gelé, dur comme la roche, qui ne permet pas d'enterrer les corps des morts de l'hiver, sont synonymes de prison. L'immensité, les horizons sans limites, paradoxalement, ne procurent pas une impression de liberté mais d'oppression. Les individus se replient sur eux-mêmes, perdent leur vitalité et l'espoir.
J'ai beaucoup aimé la lecture de ce beau roman. Peut-être le film de Tommy Lee Jones paraît-il parfois un peu confus en ce qui concerne l'histoire des femmes devenues folles par excès de malheur? C'est plus détaillé dans le roman. Mais les acteurs qui interprètent les personnages sont excellents et la mise en images procure un sentiment d'angoisse en refusant tout idéalisme.
La réponse est :
roman : Glendon Swarthout : Homesman
film : Tommy Lee Jones Homesman
Félicitations à Aifelle, Dasola, Eeguab, Kathel, Keisha, Pierrot Bâton, Somaja, Syl et merci à tous
Je mets le livre en voyageur pour ceux qui le souhaitent
Samedi 7 Juin, l'énigme est toujours chez nous
Merci à la Librairie dialogues et aux éditions Gallmeister
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Un Livre/un film

samedi 31 mai 2014
Un livre/ Un film : Enigme 96
Wens En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, et le 5ème pour les mois avec cinq samedis
un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature
et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez
trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.
Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Consignes : Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez
dans mon profil : Qui êtes-vous? et me laisser un mot dans les
commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre
participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs
seront donnés le Dimanche.
Samedi 7 Juin la prochaine énigme aura lieu à nouveau chez Wens et Claudialucia et le samedi 14 Juin chez Eeeguab.
Enigme n°96
Publié à la fin des années 80 par un auteur américain ce roman a obtenu plusieurs prix aux Etats-Unis. Il a été traduit une fois en français dans une édition maintenant épuisée. Il est paru récemment dans une nouvelle traduction qui conserve le titre anglais et dans une célèbre édition connue pour ses romans sur la nature et les grands espaces. Voir Wens pour le film.
Il l'aperçut à plus de deux kilomètres, une tache noire sur fond blanc près de la maison. Il réfléchit en chevauchant. Il avait entendu dire par les voisins qu'elle se tenait souvent de la sorte par temps clément, scrutant les grands espaces dans l'espoir de voir-quoi? Un bison? Un cavalier? Une file de chariots? Ou bien un miracle, un arbre qui pousserait, rien qu'un arbre pour lui rappeler sa terre d'origine? Il se demanda s'il existait une façon de mesurer la solitude.

mercredi 28 mai 2014
Ian Manook : Yeruldelgger / Harlan Coben: Dans les bois
Comme je suis toujours à la recherche de temps, je vous présente deux polars en même temps. Je ne vous cache pas que ma préférence va au premier.
Ian Manook a sûrement été le seul beatnick à traverser d'Est en Ouest tous les États-Unis en trois jours pour assister au festival de Woodstock et s'apercevoir en arrivant en Californie qu'il s'ouvrait le même jour sur la côte Est, à quelques kilomètres à peine de son point de départ. C'est dire s'il a la tête ailleurs. Et l'esprit voyageur!
Journaliste, éditeur, publicitaire et désormais romancier, Yeruldelgger est son premier roman, et le premier opus d'une série autour du personnage éponyme qui nous conduit des steppes oubliées de Mongolie aux bas-fonds inquiétants d'Oulan-Bator.
Il vit à Paris.
Quatrième de couverture
Le corps enfoui d’une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l’assassinat jamais élucidé de sa propre fille, Kushi. Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d’autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité. Il n’y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses « terres rares » vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas.
Dans ce thriller d’une maîtrise époustouflante, Ian Manook nous entraine sur un rythme effréné des déserts balayés par les vents de l’Asie Centrale jusqu’à l’enfer des bas-fonds d’Oulan-Bator. Il y avait la Suède de Mankell, l’Islande d’Indridason, l’Ecosse de Rankin, il y a désormais la Mongolie de Ian Manook !
Avant de vous dire pourquoi j'ai aimé Yerudlegger, je vous donne un aperçu d'un article intitulé : Dix bonnes raisons de ne pas lire Ian Manook. Allez le lire car il est à savourer :
D’abord Ian Manook est tellement vieux que sa boîte à synapses ne doit plus être très étanche. Pense un peu : ce type est né dans la première moitié du dernier siècle du millénaire précédent !
Ensuite c’est un pur et dur ex-soixante-huitard, du genre baba-cool voyageur qui nous a pourri notre belle jeunesse d’aujourd’hui pour pouvoir fumer la sienne en kaléidoscope aux quatre coins du monde.
Juste pour te dégoûter définitivement de ce gus, note bien ça. Dans toute l’histoire des millions de siècles de l’humanité, du Big Bang jusqu’au marécage hollandais, il n’y a eu qu’une infinitésimale période d’une vingtaine d’années pendant lesquelles il y avait déjà la pilule et pas encore le SIDA. Et ce salopard a eu juste vingt ans pendant cette période-là, si tu vois ce que je veux dire !
ou encore...
Et voilà qu’après avoir taras-boulbé notre belle jeunesse il nous gengiskhanise nos illusions en mongolisant ces fiers nomades que nous aurions tant aimé garder dans leur spectaculaire misère vagabonde devant l’objectif irisé de nos Canon 5D Mark 2 dont chaque exemplaire suffirait à leur offrir un troupeau.
Par ailleurs, quel auteur peut être à ce point arrogant pour laisser passer un dos de couverture qui le compare rien de moins qu’à Indridason, Mankel ou Rankin. Avoir lutté contre le mur de lave du volcan Eldfell sur l’île islandaise de Westmaneyar, avoir perdu sa virginité sur les rochers du fjord suédois de Vestervick ou avoir un beau-frère écossais qui s’est marié en kilt suffit-il à justifier de la part d’un auteur inconnu une telle prétention ?
Ensuite c’est un pur et dur ex-soixante-huitard, du genre baba-cool voyageur qui nous a pourri notre belle jeunesse d’aujourd’hui pour pouvoir fumer la sienne en kaléidoscope aux quatre coins du monde.
Juste pour te dégoûter définitivement de ce gus, note bien ça. Dans toute l’histoire des millions de siècles de l’humanité, du Big Bang jusqu’au marécage hollandais, il n’y a eu qu’une infinitésimale période d’une vingtaine d’années pendant lesquelles il y avait déjà la pilule et pas encore le SIDA. Et ce salopard a eu juste vingt ans pendant cette période-là, si tu vois ce que je veux dire !
ou encore...
Et voilà qu’après avoir taras-boulbé notre belle jeunesse il nous gengiskhanise nos illusions en mongolisant ces fiers nomades que nous aurions tant aimé garder dans leur spectaculaire misère vagabonde devant l’objectif irisé de nos Canon 5D Mark 2 dont chaque exemplaire suffirait à leur offrir un troupeau.
Par ailleurs, quel auteur peut être à ce point arrogant pour laisser passer un dos de couverture qui le compare rien de moins qu’à Indridason, Mankel ou Rankin. Avoir lutté contre le mur de lave du volcan Eldfell sur l’île islandaise de Westmaneyar, avoir perdu sa virginité sur les rochers du fjord suédois de Vestervick ou avoir un beau-frère écossais qui s’est marié en kilt suffit-il à justifier de la part d’un auteur inconnu une telle prétention ?
Hilarant, non ? d'autant plus que l'article est signé par... Ian Manook lui-même !
Mon avis :
Yourte mongole |
Ce que j'ai préféré dans le roman, bien sûr, c'est le voyage en Mongolie à l'époque actuelle, période de transition où la population est en pleine mutation, où les traditions sont effacées par une civilisation occidentale dont les progrès techniques ne remplacent pas la perte des valeurs et de la spiritualité. Certes les nomades fuient la vie de labeur sous la yourte, la pauvreté, le manque de confort, les privations, mais lorsqu'ils arrivent dans l'enfer de la ville, c'est pour perdre toute dignité et toute morale. Ian Manook écrit sur la prostitution, les enfants des rues livrés à eux-mêmes, les malheureux qui s'entassent sous terre, près des canalisations d'eau chaude, pour survivre aux hivers rigoureux.
L'écrivain nous montre un pays qui, après avoir subi la colonisation russe, n'a pas encore conquis sa liberté, méprisé et opprimé pour des raisons économiques par la Chine ou la Corée qui viennent exploiter les ressources minières, détruisent les paysages et exploitent les ouvriers. Mais tandis que le peuple mongol est opprimé, les profiteurs sont là pour se partager les terres, établir de grandes fortunes, tout en ménageant le chinois ou Coréen qui se comportent en occupant. Au milieu de ce désordre et de cette corruption fleurissent des bandes de décérébrés néo-nazis.
J'ai aimé face à cette perte d'identité, découvrir les croyances et les traditions des anciens, le sens de l'hospitalité et toutes les valeurs humaines qui sont attachés à la vieille civilisation. Certes Ian Manook ne critique pas vraiment l'abandon de l'ancien mode de vie si difficile mais il nous fait ressentir de la nostalgie face à la fin d'un monde; cela ne va pas parfois sans humour comme dans ce passage où les nomades qui ont découvert le corps de la victime en pleine steppe se révèle des fans de New York Miami et ne veulent pas "polluer la scène de crime" !
Quant au commissaire Yeruldelgger, il est habité par la colère, ce que les moines lui apprennent à gérer. Il est fascinant par bien des côtés mais il ne me convainc pas tout à fait. C'est une sorte de surhomme qui échappe deux fois à une mort certaine, un héros à l'américaine d'une violence extrême, qui n'hésite pas à tuer si nécessaire. Ce n'est plus la justice qu'il essaie de faire triompher mais la vengeance! Je n'aimerais pas être de ses ennemis! Je trouve son amoureuse Salongo plus humaine, plus riche. Et je pense que les personnages sont parfois traités avec une distanciation qui ne permet pas toujours l'émotion et l'empathie.
Keisha
![]() |
photoMiriam Berkley |
Né en 1962, Harlan Coben vit dans le
New Jersey avec sa femme et leurs quatre enfants.
Diplômé en sciences
politiques du Amherst College, il a travaillé dans l’industrie du voyage
avant de se consacrer à l’écriture.
Depuis ses débuts en 1995, la
critique n’a cessé de l’acclamer. Il est notamment le premier auteur à
avoir reçu le Edgar Award, le Shamus Award et le Anthony Award, les
trois prix majeurs de la littérature à suspense aux États-Unis. Traduits
dans une quarantaine de langues, ses romans occupent les têtes de
listes de best-sellers dans le monde entier.
Le premier de ses romans
traduit en France, Ne le dis à personne (Belfond, 2002) – prix du polar
des lectrices de Elle en 2003 – a obtenu d’emblée un énorme succès
auprès du public et de la critique. Succès confirmé avec : Disparu à
jamais (2003), Une chance de trop (2004), Juste un regard (2005),
Innocent (2006), Promets-moi (2007), Dans les bois (2008), Sans un mot
(2009), Sans laisser d’adresse (2010) et Sans un adieu (2010), son
premier roman écrit à vingt-cinq ans à peine.
Adapté au cinéma avec
François Cluzet et Kristin Scott-Thomas par Guillaume Canet en 2006, Ne
le dis à personne a remporté quatre Césars et s’est hissé en tête du
box-office des films étrangers aux États-Unis.
Quatrième de couverture
Que
s'est-il passé cette nuit-là ? Secrets, chantages, règlements de
compte, faux-semblants... Un véritable cauchemar, mené sur un rythme
effréné. Harlan Coben au sommet de son art.1985.
Paul
Copeland est un jeune animateur de camp d'ados. Une nuit, alors qu'il
s'est éloigné du camp pour retrouver Lucy, sa petite amie, quatre jeunes
disparaissent, dont sa sœur, Camille. Seuls deux corps seront
retrouvés. On attribuera la mort des ados à un serial killer qui
sévissait dans la région.
Vingt ans plus tard. Paul est devenu
procureur. Alors qu'il plaide dans une affaire de viol, il est appelé
pour l'identification d'un corps : pour lui, pas de doute possible, il
s'agit de Gil Perez, un des garçons qui avaient disparu dans les bois.
Pourquoi les parents du jeune homme s'obstinent-ils à nier son identité ?
Si Gil était bien vivant pendant ces vingt ans, y a-t-il un espoir pour
que Camille le soit aussi ? Que s'est-il réellement passé dans les
bois, cette nuit-là ?Bien décidé à résoudre enfin cette affaire qui le
ronge depuis tant d'années, Paul va replonger dans les souvenirs de la
nuit qui a fait basculer sa vie...
Mon avis
Les
premières pages de ce roman, une sorte de prologue, montre un vieil homme
en train de creuser des trous dans un bois. Chaque dimanche il
recommence cette activité sous les yeux de son fils qui se cache pour
l'épier puis il meurt. Il n'aura jamais retrouvé le corps de sa fille
Camille et il a l'air de considérer son fils Paul comme responsable de
la mort de la jeune fille.
Et ces quelques pages sont d'une
force, d'une violence intérieure extraordinaires. Pas d'analyse, pas de
délayage, des actes qui se passent d'explication, des non-dits qui
traduisent le désespoir à l'état brut; un moment littéraire digne d'un
grand écrivain.
Ensuite, il y a le récit proprement dit et Harlan
Coben est un bon conteur. Il mène l'intrigue rondement, sait distiller
le suspense, nous intéresse à ses personnages .. mais rien n'est aussi
concentré, aussi puissant que ces deux ou trois pages qui ouvrent le
livre !
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Yeruldelgger de Ian Manook

lundi 26 mai 2014
Louis Meunier : Les cavaliers afghans
Si j'ai choisi de lire Les cavaliers afghans de Louis Meunier aux éditions Kero, c'est parce que je savais que l'auteur était parti sur les traces du roman de Joseph Kessel, Les Cavaliers dont les pages superbes m'avaient procuré une impression de liberté exaltante. Elles m'avaient aussi permis de connaître un peuple par l'intérieur, c'est à dire dans sa mentalité profonde que l'on découvre à travers le jeu du buzkashi, sport national qui allie l'amour des chevaux au goût du risque, de la violence et à un orgueilleux sens de l'honneur.
Disons-le tout de suite vous ne retrouverez pas ici le style inspiré et le souffle épique de Kessel qui reste inégalé mais le récit de Louis Meunier se lit avec plaisir. Il faut dire que le jeune homme qui connaît parfaitement cette région d'Afghanistan, la province de Maïmana, est presque aussi fou (c'est un compliment!) que Ouroz, le héros du roman de Kessel!
Louis Meunier, en effet, vient de terminer son école de commerce; il a 23 ans mais il refuse une vie sage et ordonnée. Nous sommes en 2001; les Etats-Unis renversent le régime des Talibans qu'ils avaient auparavant favorisé et les aides internationales affluent en Afghanistan. Aussi lorsqu'on lui propose un poste dans une ONG, dans la province de Maïmana, il n'hésite pas. C'est le début de plusieurs longs séjours dans ce pays immense, sauvage, mosaïque de nombreux peuples qui n'obéissent encore de nos jours qu'à leurs lois et leurs coutumes. Louis Meunier qui a une passion pour les chevaux et qui vient de lire le roman de Kessel ne va avoir de cesse de disputer lui aussi un Buzkashi et de devenir à son tour un Tchopendoz; pas facile pour un étranger à cette culture! Mais il est têtu, impatient, passionné et il s'accroche!
Buzkashi signifie littéralement "attrape-chèvre" : joute équestre des cavaliers des steppes du Nord, le jeu consiste à s'emparer d'une dépouille de chèvre ou de veau, à faire le tour d'un drapeau et à la déposer dans le Hallal, le "cercle de justice", un rond dessiné à la craie sur le sol. Ce sont les seules règles. Au Buzkashi tous les coups sont permis. Les cavaliers, les Tchopendoz, sont des gladiateurs qui placent leur honneur dans la victoire. Ils ne craignent ni les blessures ni la mort.
![]() |
Le Buzkashi (source) |
Louis Meunier nous présente l'Afghanistan sur dix années de Mars 2002 à Avril 2012, il faut au moins cela pour comprendre toute la complexité de ces peuples qui ont toujours connu la guerre et n'ont jamais pu être soumis. Le jeune aventurier connaît bien son sujet, il a appris la langue et, avec son ONG, il est confronté à toutes les particularités et les difficultés de la région où elle est implantée. Il nous fait découvrir les traditions, les mentalités, le vocabulaire, les habitants et avec eux les chefs de tribus qui règnent en seigneurs sur leur domaine se moquant du président de la république afghane qu'ils appellent par dérision : "le maire de Kaboul"; et puis il y a les groupes maffieux qui organisent le trafic de l'opium et la culture des champs de pavots. Il nous montre aussi la résistance à l'envahisseur étranger depuis les russes en passant par les américains et tous les occidentaux mais comment aussi ces ingérences transforment malheureusement le pays :
La magie s'est estompée, dissimulée par le brouillard de la guerre. Je côtoie des politiciens en campagne, des ambassadeurs en transition, des militaires occidentaux en mission, des seigneurs de guerre sur le retour, des mercenaires en quête d'action… et toujours de moins en moins d'afghans satisfaits. L'opinion internationale s'émeut de chaque vie étrangère perdue tandis que les frappes aériennes occidentales font chaque mois des centaines de victimes parmi les civils. Les attentats se multiplient contre les étrangers-occupants et, parmi les afghans, les querelles fraîches ou anciennes, refont surface entre les Panjshiris et les Pashtouns, les Kuchis et les hasards, les Ouzbeks et les Turkmènes….
Un écrit qui explore donc le présent même si le passé à travers le buzkashi et les traditions subsistent encore. Nous nous intéressons aux aventures du jeune homme qui pour n'être pas celles d'Ouroz ne sont pourtant pas de tout repos! Ainsi quand il entreprend un long voyage à travers les montagnes gagnées par l'hiver pour refaire à l'envers le trajet accompli par Ouroz, il risque bien, avec l'insouciance de la jeunesse, lui aussi, comme son personnage favori, d'y laisser la vie! Les péripéties pour essayer de devenir
Tchopendoz, ses espoirs, ses échecs et par dessus tout l'amour du
cheval qui le relie à la terre afghane , Ashvagan, "la terre des
chevaux" en persan, sont autant de centres d'intérêt de ce récit de voyage qui se lit comme un roman. Enfin si vous voulez savoir si Louis Meunier a pu réaliser son rêve, être tchopendoz, il vous reste à lire son livre, une agréable lecture dont je ne vous dirai pas plus!
Merci à Dialogues croisés et aux Editions Kero
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jeudi 22 mai 2014
Alexandre Pouchkine : La fille du capitaine
Alexandre Sergueïevitch Pouchkine est un poète, dramaturge et romancier russe né à Moscou en 1799 et mort à Saint-Pétersbourg en 1837 Il était l'arrière-petit-fils d'Abraham Hanibal, un prince éthiopien au destin étonnant, capturé par des marchands d'esclaves au service des Ottomans et devenu le filleul de Pierre le Grand. En 1820, pour avoir écrit quelques poèmes séditieux, il est condamné à l'exil au Caucase par le tsar Alexandre Ier. L’influence de Byron se retrouve dans Le Prisonnier du Caucase (1821) qui décrit les coutumes guerrières des Circassiens, La Fontaine de Bakhtchirsaraï (1822) qui traduit l’atmosphère du harem et des évocations de la Crimée, et enfin Les Tziganes (1824). Un nouvel exil à Mikaïlovskoïe lui permet de finir Eugène Onéguine (1823-1830), d’écrire sa tragédie Boris Goudounov (1824-1825), de composer les « contes en vers » ironiques et réalistes.
À la mort du tsar Alexandre Ier, Nicolas Ier le prend sous sa protection et lui permet de revenir à Moscou. De cette époque date Poltava (1828), poème à la gloire de Pierre le Grand. Il reprend sa vie oisive et épouse Natalia Gontcharova. (18 février 1831). Il entame réellement sa maturité et écrit en prose : Les Récits de Buekjube (1830) qui décrivent la vie russe et son roman historique La Fille du capitaine (1836) où il retrace la révolte de Pougatchev. De cette dernière période datent encore les « petites tragédies » : Le Chevalier avare (1836) sous influence Shakespearienne, Le Convive de pierre (1836) reprend le thème de Don Juan, et enfin le célèbre poème du Cavalier de bronze (1833).
Il mourut à l’âge de trente-huit ans, des suites d'une blessure reçue lors d'un duel avec un officier français, le baron d’Anthès, qui était son beau-frère, et qui aurait courtisé sa femme. Lermontov écrivit alors : "La Mort du poète". source
Le récit
Le jeune Piotr Andréievitch Griniov, fils d'une famille noble, est le héros de ce court roman d'Alexandre Pouchkine. Il est âgé de dix sept ans quand son père décide de l'envoyer au service non pas à Peterbourg comme le jeune homme l'espérait mais à Orenbourg, une forteresse militaire au sud de l'Oural, région de cosaques. Il part avec son fidèle serf Savelitch. Au cours de long voyage il rencontre un moujik mystérieux qui lui sert de guide pour échapper à une tempête de neige. En guise de remerciement Piotr donne son touloupe de lièvre à cet homm trop légèrement vêtu, un don qui lui sauvera la vie comme on le verra par la suite. Arrivé à la forteresse de Biélogorsjkaïa, il fait connaissance du capitaine Ivan Kouzmitch Mironova commandant de la forteresse, de son épouse Vassilisa Iegorova et de leur fille, Maria Ivanovna. Il se lie d'amitié avec l'officier Chvabrine qui devient son ami avant de devenir son rival auprès de Maria. Car on s'en doute, Piotr tombe amoureux de la fille du capitaine et veut l'épouser à la grande colère du père du jeune homme. C'est alors qu'éclate la révolte d'Emilian Pougatchev.
Le contexte historique
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Emilian Pougatchov |
Le roman publié en 1836 se situe à la fin du XVIII siècle, au moment ou le cosaque Emilian Pougatchev, après s'être auto proclamé Tsar sous le nom de Pierre III, organise l'insurrection des cosaques du Yaïk (ancien nom de l'Oural) auxquels se joignent des Tatares, des Bachkirs, des Kazakhs et des serfs désireux de secouer le joug de l'esclavage. D'abord considéré comme un ennemi négligeable, Pougatchev emporte des victoires militaires (il a servi dans l'armée russe), s'empare de forteresses de l'Oural puis assiège Orenbourg. La tsarine Catherine II le prend alors au sérieux et concentre ses forces sur l'usurpateur. Celui-ci abandonné par la noblesse cosaque qui voit d'un mauvais oeil les serfs s'allier à eux, est défait en septembre 1774 et exécuté en Janvier1775.
C'est dans ce contexte que se déroule l'histoire des amours contrariés de Piotr Andriévitch Griniov et de Maria Ivanovna Mironova. Pouchkine qui s'est documenté sur Pougatchov dont il voulait écrire l'histoire mêle dans ce roman des connaissances historiques précises et des éléments purement romanesques. Le "bandit" Pougatchov dont Pouchkine décrit par ailleurs la cruauté, devient sous la plume de l'écrivain un personnage complexe, capable d'amitié et de reconnaissance, pratiquant une forme d'honneur, de fidélité à la parole donnée, qui pour ne pas être russe et noble, n'en est pas moins sympathique. L'on peut sentir de la part de Pouchkine, libéral exilé pour ses écrits par le tsar Alexandre Ier, une certaine admiration envers cet homme qui a lutté contre l'autoritarisme tsariste.
Des personnages attachants et vivants
Deux jeunes héros romantiques
Les personnages de deux jeunes amoureux sont attachants et charmants bien qu'un peu conventionnels. Tous deux sont dotés des qualités qui font les héros romantiques de l'époque : Piotr est courageux, ardent, sincère, généreux, fidèle à la parole donnée, il a le sens de l'honneur, se bat en duel pour les beaux yeux de sa belle. Quant à ses faiblesses, ce sont celles d'un tout jeune homme et donc pardonnables car il a un bon fond et s'en repent! C'est peut-être grâce à ces défauts liés à son inexpérience et son impétuosité qu'il échappe à la convention pour devenir tout à fait humain.
Maria, la petite Macha, est une poltronne qui a peur de tout comme le dit sa mère mais elle aussi à le sens de l'honneur; ainsi elle refuse d'épouser le jeune homme si le père n'y consent pas mais elle a un rôle assez fade dans la première partie; elle disparaît ensuite dans le récit au profit du jeune homme qui est en fait le véritable héros du récit même si le titre semble dire le contraire. C'est dans la dernière partie qu'elle devient plus intéressante et que la "poltronne" affirme sa personnalité et son courage. Lorsque, prisonnière, elle préfère mourir plutôt que d'épouser Chvabrine contre son gré, lorsqu'elle se fait aimer des parents du jeune homme par sa simplicité et sa dignité, lorsqu'elle se rend, enfin, près de l'impératrice Catherine II pour sauver la vie de celui qu'elle aime.
Des personnages secondaires bien campés
J'aime beaucoup aussi les parents de Maria. Issus d'une classe moins élevée que celle des Griniov, plus populaires et sans fortune, ils sont criants de vérité dans leur manière de s'exprimer, la simplicité de leur vie, leurs querelles de vieux couple indissolublement lié pourtant par un amour qui ne recule devant aucun danger quand la forteresse est attaquée par Pougatchov. La manière dont Vassilisa Iegorova, une maîtresse femme, mène son mari par le bout du nez et de même les soldats qui obéissent à "la commandante", permet quelques délicieuses scènes de comédie; ce qui n'empêche pas la grandeur du personnage quand elle rejoint son mari dans la mort.
Bien, dit la commandante. D'accord, envoyons Macha. Quant à moi, ne rêve même pas de me le demander. Je ne partirai pas. Pour rien au monde, en mes vieux jours, je ne me séparerai de toi et n'irai chercher une tombe solitaire dans une terre étrangère. Ensemble on a vécu, ensemble on mourra.
Des personnages du peuple savoureux
Mais là où Pouchkine excelle, c'est quand il brosse le portrait des classes populaires, des paysans, et en particulier, ici, du serf Savelitch qui a éduqué Piotr Andriévitch et l'aime comme un fils. Pouchkine a le don de faire parler les hommes du peuple. Il peint à merveille le mélange de soumission absolu de l'esclave au maître, les gémissements et les plaintes du serviteur qui s'estime mal traité, les grommellements mécontents quand le petit se conduit mal introduisant ainsi des petits moments de comique répétitif comme lorsque Savelitch reproche à Piotr Andréiévitch d'avoir donné sa pelisse de lièvre "presque entièrement neuve" à un brigand; ce qui n'empêche pas les éclats de courage pleins de grandeur quand il s'agit de défendre l'enfant qui est sous sa garde.
L'exotisme du récit
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La justice de Pougatchov |
Et puis comme d'habitude il y a le charme des récits d'aventure russes, le long voyage en traîneau dans la steppe et l'inévitable tempête de neige comme dans la nouvelle du même titre de Pouchkine ou de Tolstoï; ce qui correspond à une réalité russe et fait passer sur nous, lecteurs, le frisson glacé de l'aventure
Le vent entre temps devenait d'heure en heure plus violent. Le petit nuage s'était transformé en un gros nuage blanc, qui montait lourdement, grandissait et par degrés envahissait le ciel. Une neige fine commença à tomber, puis soudain elle se déversa en gros flocons. Le vent se mit à hurler, la tourmente se déchaîna. Instantanément le ciel sombre se confondit avec la mer de neige. Tout disparut. (…) Je regardai par la portière de la Kibitka : tout n'était que ténèbres et tourbillons.
Le siège d'Orenbourg, les "forçats défigurés par les tenailles du bourreau" (on leur arrachait les narines jusqu'à l'os en signe d'infamie) travaillant aux renforcements des murailles de la forteresse, la famine, la maladie qui déciment les assiégés, les bandes de Pougatchov avec ses moujiks armés de gourdins, ses criminels évadés des mines sibériennes, ses cosaques chargeant sur leurs chevaux kirghizes, et par dessus tout la figure du faux tsar Pougatchov lui-même rendant la justice, tout concourt à faire de cette histoire un récit d'aventure passionnant et qui excite non seulement l'imagination du lecteur mais aussi celle du jeune héros!
Pougatchov était assis dans un fauteuil sur le perron de la maison du commandant. Il portait un cafetan rouge à la cosaque bordé de galons. Un haut bonnet de zibeline à glands d'or était enfoncé jusqu'à ses yeux étincelants. Son visage me semble connu. Les chefs cosaques l'entouraient.
Un petit livre passionnant et vraiment très agréable à lire!
Lecture commune avec Miriam ICI
Un petit livre passionnant et vraiment très agréable à lire!
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mardi 20 mai 2014
Dona Tartt : Le chardonneret
À 50 ans, l'Américaine Dona Tartt née à Greewood, Mississippi, étudiante à Bennington College en compagnie d'un certain Bret Easton Ellis, est entrée en littérature en 1992 avec Le Maître des illusions, premier roman et succès international suivi, dix ans plus tard, par Le Petit Copain. Il faudra encore attendre dix ans avant que cette jeune femme secrète publie Le Chardonneret. Cet impressionnant roman de plus de 800 pages rencontra l'an dernier un succès colossal partout dans le monde. Il a obtenu le prix Pullitzer. (Source Le figaro)
Le récit
Au cours d'une visite au Metropolitan museum de NY pour visiter une exposition sur les peintres nordiques de l'âge d'Or, en compagnie de sa mère, un jeune garçon de 13 ans,Théo, découvre un tableau de Carel Fabritius, élève de Rembrandt et maître de Vermeer. Cette image représente en trompe l'oeil, un chardonneret dont la patte est cerclée d'un petite chaîne qui le retient prisonnier. Cette image le fascine comme l'attire aussi la petite fille rousse qui passe à côté de lui avec son grand père; c'est alors qu'une bombe explose plongeant les visiteurs dans la terreur et le chaos. L'enfant parvient à sortir du musée en emportant le tableau du chardonneret qu'il veut sauver. Sa mère et le grand père de la petite fille y perdent la vie. Les deux enfants finiront par se retrouver, tous deux marqués, chacun à leur manière, par ces évènements traumatiques. Theo doit réapprendre à vivre, à accepter le deuil et à composer avec la peur qui ne le quitte plus. Il se raccroche alors à ce tableau qu'aimait tant sa mère et décide de le conserver ; celui-ci va le suivre partout jusqu'au jour où...
Je n'en dirai pas plus, consciente que l'on ne peut résumer ce livre non seulement parce qu'il est complexe, touffu et présente beaucoup de personnages, mais aussi parce qu'il prend des directions diverses et participent à des genres différents, roman d'initiation, roman social, et thriller.
On a comparé Joe, le personnage principal du roman de Dona Tartt à Oliver Twist : orphelin de mère, rejeté par ses grands parents, il est ensuite récupéré par un père alcoolique, joueur, brutal et intéressé. Depuis le XIX siècle la société a bien changé mais notre XXI siècle est à peine plus tendre qu'avant envers l'enfant qui n'a pas de parents aimants. Il peut être maltraité par les adultes et les services sociaux qui les protègent ne sont pas toujours efficaces et créent aussi une autre forme de violence, celui de la séparation d'avec la famille. Boris, le petit ukrainien, ami de Joe couvre son père qui le bat parce qu'il ne veut pas être séparé de lui. De plus la violence du terrorisme (même si l'écrivain ne donne pas d'explication à l'attentat), la drogue et l'alcool trop facilement à leur portée, rend notre époque tout aussi dangereuse pour eux qu'avant.
C'est l'aspect du roman qui m'a plus touchée et que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt car il raconte le chagrin du deuil, la difficulté de survivre à une mère bien aimée, les dégâts irréversibles que cause l'absence d'amour, il raconte le traumatisme de l'attentat et comment l'on n'en guérit jamais. Les évènements de l'enfance suivront Joe toute sa vie, à tel point qu'il passera à côté de la seule femme qu'il aime, Pip, cette petite fille rousse tout aussi traumatisée que lui qu'il avait remarquée avant l'attentat.
Le chardonneret, c'est aussi la ville de New York très présente dans le roman et la société américaine à la fois dans les milieux bourgeois (la famille de son ami Andy qui le recueille) et dans les milieux populaires ( le père de Joe et celui de Boris ).
Enfin le thème de l'art qui apporte le réconfort à l'enfant, et qui revêt une telle importance pour lui, est passionnant. Le tableau (1654) a survécu à l'explosion de la poudrerie qui a détruit une grande partie de la ville de Delft et a coûté la vie à Fabritius. Le chardonneret, à travers les siècles, semble être une métaphore du destin de l'enfant. Vivant mais dans l'impossibilité de vivre, il est retenu par une chaîne qui l'empêche de s'envoler, tout comme Joe, qui ne pourra jamais se libérer du passé.
j'ai beaucoup moins aimé, par contre, l'aspect "thriller" du roman, le vol du tableau, qui ne me paraît pas apporter un plus au roman bien assez riche pour s'en passer. Cette histoire rocambolesque pour le récupérer, les mésaventures de Joe et de son ami Boris à Amsterdam poursuivi par les malfrats puis la police m'ont paru de trop, en tout cas ne m'ont pas intéressée..
A noter la beauté de la couverture du livre paru chez Plon collection Feux croisés
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dimanche 18 mai 2014
Heinrich Von Kleist : La marquise d'O
La marquise d'O de Kleist est une bien curieuse histoire tirée d'une anecdote de Montaigne qui racontait qu'une servante ayant été violée pendant son sommeil s'était retrouvée enceinte sans savoir de qui.
C'est ce qui arrive à Julietta, la marquise d'O., jeune veuve, mère de deux enfants, qui vit chez ses parents.. Fille du colonel Lorenzo von G., gouverneur d'une petite place forte de Lombardie elle est sur le point d'être violée par des soldats russes lors de l'attaque et de la prise de la ville. Nous sommes en 1799, toute l'Europe est en guerre contre les révolutionnaires français. Elle est sauvée par le comte F., officier qui commande l'armée ennemie et qui l'arrache aux violences des soudards. Le jeune homme part ensuite à la guerre où l'on apprend sa mort. Mais il n'est que blessé et réapparaît quelques temps après pour demander la main de la marquise. Celle-ci demande à réfléchir mais bientôt il lui faut reconnaître qu'elle est enceinte. Elle a beau proclamé son innocence, son père la chasse avec ses enfants. Elle écrit alors dans un journal qu'elle épousera celui qui se présentera comme le père de son enfant à naître.
L'invraisemblance
C'est ce qui arrive à Julietta, la marquise d'O., jeune veuve, mère de deux enfants, qui vit chez ses parents.. Fille du colonel Lorenzo von G., gouverneur d'une petite place forte de Lombardie elle est sur le point d'être violée par des soldats russes lors de l'attaque et de la prise de la ville. Nous sommes en 1799, toute l'Europe est en guerre contre les révolutionnaires français. Elle est sauvée par le comte F., officier qui commande l'armée ennemie et qui l'arrache aux violences des soudards. Le jeune homme part ensuite à la guerre où l'on apprend sa mort. Mais il n'est que blessé et réapparaît quelques temps après pour demander la main de la marquise. Celle-ci demande à réfléchir mais bientôt il lui faut reconnaître qu'elle est enceinte. Elle a beau proclamé son innocence, son père la chasse avec ses enfants. Elle écrit alors dans un journal qu'elle épousera celui qui se présentera comme le père de son enfant à naître.
L'invraisemblance
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Film d'Eric Rohmer : Julietta endormie |
L'invraisemblance de l'histoire a fait couler beaucoup d'encre. Comment croire, en effet, que la jeune femme ait pu être violée dans son sommeil sans qu'elle ne se réveille! Les contemporains de Kleist n'ont pas cru à l'innocence de Julietta et plus tard la psychanalyse s'est beaucoup intéressé à ce récit. La marquise d'O est-elle aussi innocente qu'elle veut bien le dire? N'a-t-elle pas cédé au désir du fait même de sa chasteté obligée? Son inconscient n'a-t-il pas refoulé l'acte qui la rendait coupable aux yeux de son père et de la société?
Kleist, par contre, s'est révolté contre le scepticisme de la bonne société allemande qui a très mal accueilli la nouvelle. Il raille dans cette épigramme ces gens bien pensants et leur morale étroite :
Ce roman n'est pas pour toi, ma fille! Evanouie! Quelle farce éhontée! Elle a seulement fermé les yeux, je le sais.
Je lis, de plus, dans la préface du roman, l'explication d'Antonia Fonyi à ce sujet : La vérité chez Kleist c'est l'invraisemblance. Ce n'est pas un thèse aventureuse, romanesque ou romantique, mais une conviction intellectuellement fondée : la vérité est l'invraisemblance parce que la vraisemblance est une catégorie de la raison et que la raison n'est pas apte à accéder à la vérité.
Mais si le roman paru en 1808, ne peut explorer, et pour cause, les zones de l'inconscient, il pose, de toutes façons, la question de la sexualité féminine. La jeune femme déclare qu'elle ne veut plus se remarier; l'on ne sait pas trop quelles relations elle a eues avec son mari, mais on comprend qu'elle veut se mette à l'abri d'une autre expérience en restant chez ses parents. Plus tard, Kleist, nous la montre aussi, lorsqu'elle est reconnue innocente, sur les genoux de son père qui l'embrasse passionnément sur la bouche "comme un amoureux", sous les regards attendris de la mère. Le moins que l'on puisse dire c'est que la situation est assez trouble. Les réactions violentes du père -il sort son arme pour tirer sur sa fille- quand il apprend que cette dernière est enceinte prend alors un autre éclairage : non celles d'un père blessé dans son honneur, révolté de la duplicité de sa fille, mais celui d'un amoureux jaloux.
Eric Rohmer, en adaptant ce roman, est manifestement gêné par cette invraisemblance et il imagine, ce qui n'est pas dans le roman, que la servante donne un narcotique à Julietta. Ceci expliquerait qu'elle ne se réveille pas, une réponse moderne, la marquise d'O victime de la drogue du viol ou équivalent! Avec ce détail réaliste qui chasse toute ambiguïté, Rohmer passe à côté de ce qui fait la complexité de la nouvelle et gomme la part d'ombre du personnage.
Eric Rohmer, en adaptant ce roman, est manifestement gêné par cette invraisemblance et il imagine, ce qui n'est pas dans le roman, que la servante donne un narcotique à Julietta. Ceci expliquerait qu'elle ne se réveille pas, une réponse moderne, la marquise d'O victime de la drogue du viol ou équivalent! Avec ce détail réaliste qui chasse toute ambiguïté, Rohmer passe à côté de ce qui fait la complexité de la nouvelle et gomme la part d'ombre du personnage.
Un personnage sans tache
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Marie-Magdeleine repentante : Greuze |
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Eric Rohmer : Julietta l'innocence accablée |
Une part d'ombre que n'a pas voulu l'écrivain! La vision de la femme sans tache et pure, c'est à dire sans sexualité, correspond à une vision romantique assez commune mais surtout chrétienne. Julietta est assimilé à la vierge Marie et si la conception de son enfant n'est pas immaculée, il n'y a aucune faute de sa part. C'est ce que signifie la métaphore du cygne couvert de boue que le comte F. voit dans son rêve, et dont il veut laver la souillure, le péché originel.
A la pureté de la femme s'oppose la bestialité de l'homme (le violeur); Sous l'apparence de la vertu, les pulsions bestiales sont toutes prêtes à ressurgir, le vernis de la bonne éducation toujours prêt à craquer. C'est ce que résume dans une formule frappante la marquise d'O : "qu'il ne lui fût point apparu comme un démon si, lors de sa première apparition devant elle, elle n'avait cru voir un ange." En épousant Julietta, le jeune homme répare sa faute et rétablit l'ordre social et l'unité familiale.
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Erice Rohmer : Le comte repentant et la marquise d'O |
Le film d'Eric Rohmer
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Le cauchemar de Füssli |
Le film de Rohmer offre une magnifique recherche picturale rendu avec talent par le chef opérateur Nestor Almendros : couleurs, lumières, éclairages, toutes les scènes évoquent des tableaux de peintres de la fin du XVIII siècle ou romantiques, Fussli, Friedrich, Greuze, David.. Esthétiquement réussi, le film est pourtant insupportable à visionner, ridicule à souhait! Ce n'est que mon avis, tous les critiques ont crié au chef d'oeuvre!
Certes, le roman de Kliest demande à ce que l'on se remette dans les mentalités du début du XIX siècle. Mais en cherchant à nous faire épouser la réalité historique de cette époque "sans aucune distanciation, à rajeunir l'oeuvre non pas en la rendant contemporaine mais en faisant de nous ses contemporains*" Eric Rohmer n'est parvenu qu'à la caricaturer. Il fait, en effet, jouer ses acteurs comme des personnages de tableau ou de théâtre. Il leur fait adopter les gestes étudiés, les poses outrées, excessives et maniérées que l'on voit dans les tableaux de Greuze, de Füssli ou dans la comédie larmoyante chère à Diderot. Mais dans la vie personne ne se comporte ainsi, au XIX siècle pas plus que maintenant, d'où cette impression que le réalisateur ironise, parodie l'oeuvre alors qu'au contraire il a voulu la servir!
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Greuze |
La réponse était : Heinrich Von Kleist : la marquise d'O
: Eric Rohmer La marquise d'O
Bravo à Aifelle, Asphodèle, Dasola Pierrot Bâton, Syl....
Samedi 24 Mai, l'énigme est chez Eeguab
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