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dimanche 14 novembre 2010

Herta Müller : la bascule du souffle


Dans La bascule du souffle, Herta Müller* écrit pour la première fois sur un sujet qui est resté longtemps tabou, l'internement, en 1945, dans des camps de travaux forcés russes, des hommes et des femmes appartenant à une minorité germanophone en Roumanie, pays qui jusqu'à sa capitulation devant la Russie en 1944  a soutenu l'Allemagne nazie.
Le personnage principal Léopold a dix sept ans. Il est envoyé en Russie où il restera cinq ans. Ces camps n'ont rien à envier aux camps de concentration nazis. Les conditions de travail à l'usine sont terribles, les conditions de vie des ouvriers aussi. Les prisonniers doivent survivre avec un ration de pain et deux soupes à l'eau claire par jour. La faim fait des ravages dans leur rang. Les internés souffrent des écarts de température excessifs entre l'hiver glacial et l'été torride contre lesquels rien ne les protège. Ils sont obligés de dépouiller les cadavres de leurs vêtements pour se protéger du froid.  Le manque d'hygiène, les poux, les maladies, les accidents du travail achèvent les autres.
Le récit est raconté à la première personne par Léopold. L'homosexualité du jeune homme, à une époque où celle-ci entraînait des peines sévères en Roumanie et la mort dans l'Allemagne Hitlérienne, fait déjà de lui un être en marge, qui doit exercer un contrôle continu sur lui-même. Dans le camp, pour se protéger, il refuse tout sentiment, cherche à s'insensibiliser. Il ne pleurera que deux fois : la première, le jour où il reçoit une carte de sa mère avec la photographie d'un petit frère né après son départ; celui-ci semble l'avoir remplacé dans le coeur de sa mère qui n'a aucun mot d'affection pour lui.  Et la deuxième fois, le jour de son retour au pays.
Le moyen le plus sûr de survie pour Léopold est sa manière de percevoir le monde. Les objets, la nature, les choses sont doués de vie : sa pelle en forme de coeur est vivante, elle règne en maître. L'outil, c'est moi, elle collabore pour qu'il parvienne à pelleter, le ciment est fourbe, il guette sa proie, prêt à l'ensevelir dans le silo au moindre faux pas. La faim est omniprésente, elle se présente sous la forme d'un Ange. L'Ange de la faim donne de mauvais conseils :  pourquoi ne pas lâcher prise..., il bouscule mon souffle. La bascule du souffle est un délire, et quel délire. On doit résister à l'Ange de la faim, ne pas écouter ses propos insidieux; on doit lui répondre même lorsque sa chair fond, que l'on devient de plus en plus léger : Mais je ne suis pas ma chair. Je suis autre chose et je ne vais pas lâcher prise.
C'est ainsi que le style de Herta Müller transfigure le réel, c'est ainsi que naît une poésie de l'horrible. J'ai été très sensible à cette transposition, à cette façon de prêter vie aux choses inanimées qui fait ressortir d'autant plus la déshumanisation des êtres vivants qui ont pourtant une grandeur certaine dans leur refus d'abandonner la lutte. Cependant, il y a une telle froideur dans le personnage du fait qu'il crée volontairement une distanciation par rapport à ce qu'il vit, que l'on se sent extérieur au récit. Nous sommes placés en observateurs, nous sommes pénétrés par l'horreur du récit mais jamais nous ne sommes partie prenante. C'est ce qu'a voulu l'écrivain mais ce qui m'a manqué, à moi, lectrice,  ce sont l'émotion et  l'empathie avec les personnages.
*Herta Müller est un écrivain  d'origine roumaine  appartenant à une minorité germanophone. Elle vit maintenant en Allemagne et a reçu le prix Nobel en 2009. Sa mère a été envoyée dans un camp de travail et c'est le poète roumain Oskar Pastior lui aussi déporté qui a fourni à l'écrivain les matériaux nécessaires pour écrire ce livre..
 
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Merci à Dialogues croisés et aux éditions Gallimard

samedi 13 novembre 2010

Paul Eluard, Je te l’ai dit pour les nuages…




Je te l'ai dit pour les nuages  
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit  
Pour les mains familières  
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage  
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes 
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
 
Et quand tu n'es pas là
 Je rêve que je dors je rêve que je rêve.

  Premièrement (extraits)

Les compagnons Troubadours du dimanche :
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

vendredi 12 novembre 2010

La mère de Socrate par Annie Leclerc

 
La naissance de Marie : Domenico Ghirlandaio


La sage-femme

Qui aurait jamais su que la mère de Socrate était sage-femme si Socrate ne nous l'avait dit?
A elle de faire naître les corps, disait-il, à moi de faire naître les esprits dans l'enfantement de la parole.
Mais ta mère Socrate, as-tu jamais songé à la questionner? A l'entendre? Etait-elle sans esprit? As-tu songé que ta sage-femme de mère en savait plus long que toi, sage-homme, sur ce que c'est que de vivre?
Non seulement jamais tu ne l'as questionnée mais tu lui as refusé toi et les beaux esprits que tu fis naître l'espace où déployer son immense sagesse.
                                        

Annie Leclerc

samedi 6 novembre 2010

Daeninckx et Tardi : Le der des ders (BD)



Je n'ai  pas lu le livre de Daeninckx Le der des ders que Tardi a adapté pour sa bande dessinée. Je ne peux donc juger de la valeur de l'adaptation et c'est donc sur la BD de Tardi que je m'attarderai.
Varlot, détective privé, aidé par sa secrétaire et petite amie Irène, enquête sur une affaire confidentielle à la demande du colonel Fantin de Larsaudière. Celui-ci un héros de la guerre de 14 se voit menacé dans son honneur par un maître chanteur qui est au courant des infidélités de sa femme. Histoire banale et simple, pense Varlot! Le détective va s'apercevoir peu à peu que l'enquête est beaucoup plus complexe que prévu et qu'elle met en cause le passé du colonel et sa conduite en temps de guerre. Une affaire dangereuse qui pourrait bien être fatale à plus d'un comme nous le constaterons en lisant le livre!
Dans cette BD, on retrouve un thème commun aux deux hommes, Daeninckx et Tardi, tous deux hantés par la guerre de 14-18 dont ils sont devenus des spécialistes. Ils dénoncent l'horreur la stupidité de ces combats meurtriers présents partout et d'une manière presque hallucinatoire dans l'image et le texte : Varlot passe devant l'abattoir de la Villette vers lequel est conduit un troupeau de  moutons et l'image se transforme sous ses yeux en une armée de poilus marchant en rangs serrés vers la mort, prêts à l'abattage dans cette grande "boucherie héroïque" dont parle Voltaire. Varlot aperçoit, en ouvrant une porte, les corps enlacés d'un club échangiste? Se substituent alors la vision  et les râles des corps gisant dans la douleur et le sang des soldats de la Grande Guerre. La guerre est partout. Elle poursuit le jeune détective jusque dans ses rêves violents et obsessionnels qui ne le quittent jamais. Ici, on visite l'hôpital des Gueules cassées. Là on voit une charmante mariée sortant de l'église à côté d'un infirme, assis dans un fauteuil roulant. C'est donc avec véhémence et passion que Daeninckx et Tardi dénoncent la guerre mais aussi ceux qui en vivent, ceux qui envoient les simples soldats se faire tuer en se retranchant derrière leur tenue galonnée. Autant dire que l'antimilitarisme des deux est virulent et que leur vision de la société est pessimiste parce que la raison du plus fort, comme nous le prouve le dénouement, est toujours la meilleure. Une vision amère et désabusée à la Céline!
J'aime beaucoup les illustrations de Tardi. Le Paris des années 1920 nous y apparaît reproduit avec une précision et une richesse qui se révèlent dans le moindre détail. Le choix du noir et blanc est fidèle à l'esprit du livre, à son pessimisme et rappelle le cinéma de l'époque. Détailler chaque image est un plaisir ainsi que reconnaître les rues, les quartiers de Paris, constater la différence avec la ville contemporaine. La circulation a bien changé, peu intense. Les voitures hippomobiles concurrencent encore l'automobile surtout pour les véhicules utilitaires servant aux livraisons. La bébé Peugeot voisine avec la petite anglaise Carden ou l'énorme Vauxhall, la grosse anglaise des riches, du colonel et de la colonelle Fantin. Le train à vapeur avec sa grosse colonne de fumée, le métro avec la publicités du lait Maggie, les pavés des rues minutieusement dessinés luisant sous la pluie, le siège de l'Humanité, l'Opéra, Neuilly avec ses hôtels particuliers, la place Clichy , Roissy ... le Paris des riches et des pauvres apparaît ici avec une foule de personnages dont certains ont pratiquement disparu du paysage français : les Hirondelles, agents de police sur leur vélo avec leurs grandes capes déployées comme des ailes, les religieuses en cornette, la Nurse coiffée d'un bonnet blanc promenant les trois enfants de bonne famille en costume de marin, les ouvriers grévistes (ceux-là, non, ils sont toujours d'actualité!), cigarette au bec, casquette enfoncée sur la tête, surveillés par les gardes mobiles à cheval.. Un monde passé ressucite traversé par des images de cauchemar et fait de cette BD une réussite!

vendredi 5 novembre 2010

Dang Thuy Trâm (1968-1970) : Les carnets retrouvés


Les carnets retrouvés, journal intime de la jeune Vietnamienne Dang Thuy Trâm dans les années 68-70, ont connu une histoire extraordinaire qui nous étonne avant même d'en avoir lu le contenu. Retrouvés par un américain chargé de brûler les papiers saisis pendant les combats, ils ont échappé à la destruction et ont été envoyés en 2005 à la famille de Thuy. Publiés, ces carnets ont fait de Thuy une héroïne nationale à la manière d'Anne Franck. Ils sont lus et étudiés dans les écoles vietnamiennes par une jeunesse qui s'identifie à la jeune fille et apprend à lire l'histoire de son pays non plus officiellement mais par l'intervention de l'humain, avec empathie..
Traduits en français et publiés chez Picquier pour la rentrée littéraire 2010, ces carnets nous plongent dans un passé tragique, la guerre d'indépendance du Vietnam contre les américains. Et surtout, ils nous font découvrir une adorable jeune fille courageuse et fragile, idéaliste et romantique, pourtant efficace et pragmatique dans l'exercice de son métier, prise dans la tourmente des combats, affrontant à chaque instant la peur et la mort. Les premiers cahiers ayant été perdus, nous suivons Thuy du mois d'Avril 1968 au mois de Juin 1970, date à laquelle elle a été tuée d'une balle dans la tête par un détachement américain.
Qui suis-je? une jeune fille dont le coeur déborde d'émotion mais dont l'esprit n'hésite jamais  devant une situation compliquée et dangereuse.
Dang Thuy Trâm est une jeune fille d'un milieu bourgeois qui a eu une enfance protégée et choyée, à l'abri de la guerre, dans le Nord du Vietnam. Mais les souffrances que connaît le sud de son pays  occupé par les Américains pour acquérir son indépendance la touchent. Communiste, engagement qu'elle vit comme un très beau et très noble idéal, elle pense que son devoir est de partir aider son peuple. Ce qu'elle fait après avoir obtenu son diplôme de médecin. Elle va alors connaître une vie itinérante dans un hôpital situé dans les montagnes du centre du Vietnam, opérant, sous les bombes, avec des moyens de fortune, les soldats blessés, déménageant sans cesse pour échapper au repérage de l'armée américaine, parcourant les sentiers montagneux pour aller soigner les malades sur place et tout ceci au péril de sa vie.
J'ai opéré une appendicite dans des conditions désastreuses. Je n'avais que quelques flacons d'anesthésique mais le jeune soldat blessé ne s'est jamais plaint. Il souriait même pour m'encourager.
Si Thuy est prête à mourir pour son pays, si elle est animée devant chacun des morts qu'elle chérit par des sentiments de haine envers l'envahisseur et si elle a foi en son parti, il n'y a jamais en elle ni dogmatisme, ni fanatisme. Le communisme lui apparaît comme un moyen à l'échelle du pays de rendre le peuple heureux et à titre personnel comme un but à atteindre pour se perfectionner,  lutter contre son égoïsme, penser aux autres, leur venir en aide. Elle pense que l'autocritique exigée par le parti doit permettre de combattre ses propres défauts; elle n'en voit pas le danger. Parfois, elle s'insurge contre ceux qui dans le parti lui reprochent d'être  bourgeoise :
J'ai peut-être des sentiments de petite bourgeoise mais je n'en ai pas le comportement malgré ce que certains prétendent.
C'est donc un beau portrait de femme qui se dessine à travers ce journal intime, entière, animée d'un désir de pureté, exigeante envers elle-même, fière et indépendante. Mais  c'est aussi et c'est ce qui est extrêmement touchant, le portrait d'une jeune fille comme les autres qui souffre d'avoir été trahie par son amoureux, qui rêve d'une vie paisible, qui parle des ses soupirants qu'elles considèrent comme ses petits frères, qui est en quête d'approbation, d'encouragement car elle  doute d'elle-même, s'interroge sur la vie et qui, souvent, se parle à elle-même pour s'exhorter au  courage, pour devenir meilleure  :
Pourquoi es-tu toujours si triste, Thuy?
Ne pleure pas Thuy,  reste calme et maîtresse de toi-même..

Enfin,  parfois dans la peur et la douleur elle devient une toute petite fille qui a besoin de sa maman, à qui sa famille manque terriblement :
Aujourd'hui c'est mon anniversaire et le bruit des salves répétés de l'ennemi résonne partout... Soudain je me souviens des jours paisibles dans le nord, du soleil en hiver, la douce chaleur d'une grande joie, papa et maman m'offraient des fleurs, on organisait une fête, les amis venaient me féliciter.

Avec ce journal intime nous parcourons donc avec cette belle jeune fille un moment de ce chemin qui l'amène à la mort. Autour d'elle, apparaissent de nombreux personnages attachants, emportés par la guerre. Le tout est rythmé par les explosions, les bombardements, les corps déchiquetés, la nature saccagée, la fuite devant une patrouille américaine qui ne vous rate que de peu, les traques incessantes, les caches pratiquées à même le sol où l'on baigne jusqu'au cou dans une eau glaciale en attendant le départ de l'ennemi qui marche sur votre tête sans le savoir. Un livre plein d'émotions et qui peint mieux que tout l'horreur de la guerre!

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1287673206.pngMerci à Dialogues croisés et aux éditions Picquier
Livre voyageur

mercredi 3 novembre 2010

Paul Doherty : Le combat des Reines




Dans Le combat des reines, Paul Doherty, historien anglais, place une intrigue policière dans l'Angleterre d'Edouard II pendant l'année 1308. C'est à  Mathilde de Clairebon, première dame de la reine Isabelle de France, qu'incombe le soin de résoudre l'énigme de plusieurs meurtres dus au poison ou commis dans des chambres fermées de l'intérieur. Que de mystères! Il faudra toute l'intelligence et la perspicacité de Mathilde pour découvrir l'auteur de ces violences et lever le secret de l'identité de l' Empoisonneuse qui oeuvre dans l'ombre pour le roi de France, Philippe Le Bel, ce dernier bien décidé à s'emparer de la couronne d'Angleterre.
Le lecteur est introduit dans la cour d'Angleterre au moment où les grands barons anglais se révoltent, jaloux des privilèges octroyés par Edouard II à son favori Peter Gaveston. Assiégé dans son palais de Westminster le roi doit faire face à ses adversaires anglais qui veulent la tête de son bien aimé mais menace aussi la couronne royale et aux agissements de Philippe Le Bel qui profite de la position de faiblesse de son ennemi.
L'écrivain a créé un personnage fictif, Mathilde, qui évolue dans ce contexte historique précis et bien documenté. C'est un procédé bien connu depuis le roman de Maurice Druon. Et si je pense à cette fresque historique, Les Rois Maudits, que j'avais tant aimée à sa parution, c'est parce que nous sommes transportés à la même époque mais du côté anglais. L'ordre des Templiers a été détruit et Jacques de Molay mourant sur le bûcher allumé par Philippe le Bel a prononcé sa fameuse malédiction qui pèsera sur la tête des rois de France jusqu'à la septième génération. Les templiers ont fui en Angleterre où nous les retrouvons à la faveur des aventures de Mathilde de Clairebon.
Si l'histoire policière ne m'a pas outre mesure passionnée, j'ai bien aimé le contexte historique qui nous plonge dans les intrigues houleuses de la cour d'Angleterre, ce qui permet de se remémorer avec plaisir la filiation des rois d'Angleterre, les liens avec la France. En effet, la reine douairière Marguerite, seconde épouse de Edouard 1er ( marié en première noce à Eléonore de Castille) est la soeur de Philippe le Bel comme Isabelle en est la fille. Mais Paul Doherty n'a pas les talents de conteur de Maurice Druon, l'art de faire vivre ses personnages, de nous attacher à eux. Je suis donc restée assez extérieure à ce récit.
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Edouard I      +      Eleonore de Castille (1ère épouse de Edouard I)
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Edouard II   +  Isabelle de France (fille de Philippe le Bel)
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Edouard III
fils de Edouard II et  Isabelle de France

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Marguerite de France seconde épouse d'Edouard I, soeur de Philippe Le Bel
Mère de Thomas de Brotherton et de Edmund de Woodstock, demi-frères de Edouard II
Ce personnage occupe une place importante dans le roman.

Benoît Charlat : Nénègle sur la Montagne


Nenegle sur la Montagne de  Benoît Charlat est un charmant album qui s'adresse aux tout-petits et leur raconte que grandir est d'abord un renoncement à l'enfance, un renoncement  qui fait un peu mal mais  qui est nécessaire pour  devenir grand. Triste alors? Mais  non! Car la récompense est grande et ne promet rien d'autre que la liberté. Un grave et beau sujet traité d'une manière légère et avec humour par Benoît Charlart.
Nénègle comme son nom l'indique (ou non) est un petit aigle mignon à craquer,  perché sur un pic montagneux en équilibre instable, accroché à son doudou, son biberon.. et j'en passe! Mais que se passe- t-il quand il tombe? Il va falloir qu'il lâche d'abord sa tétine et puis son camion et puis .... Je n'en révèle pas plus de peur de détruire le suspense. Qu'arrivera-t-il à Nénègle le petit aigle? Vous le saurez en lisant ce joli album qui nous parle de nos bébés qui ne resteront pas toujours.. des bébés. Nostalgie pour les parents.


Et ma petite-fille Léonie Apolline, comment a-t-elle réagi du haut de ses 7 mois? Non, elle n'a pas dévoré le livre tout de suite! Oui, elle a regardé jusqu'au bout les images. Oui, elle n'a mangé le livre qu'à la fin! Etonnant, non?

Indignation de Philip Roth


Philip Roth, Indignation : Voilà ce qu'en pense Maggie:
blog Mille et un classiques
Dans son dernier roman, Philip Roth nous livre un destin individuel sur fond de guerre de Corée. C'est à travers les souvenirs d'un jeune étudiant, Marcus Messner, que nous voyons l'histoire de l'Amérique des années 50 se dérouler sous nos yeux. Fils d'un boucher juif, pour échapper à ce milieu et à un père devenu protecteur jusqu'à la folie, il entre à l'université de Winesburg dans l'Ohio. Là, ce jeune homme honnête et travailleur est confronté à un monde conservateur, raciste, dans lequel il a bien des difficultés à s'adapter.
Particulièrement agréable et fluide, l'écriture de ce roman nous entraîne dans la vie de Marcus Messner. Pourquoi cette écriture est-elle si attrayante ? Lire la suite

mardi 2 novembre 2010

Philip Roth : Indignation



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Dans Indignation Philip Roth signe un livre rempli d'émotion, de fureur rentrée, de révolte réprimée, sentiments à l'image de son jeune héros, le trop gentil et trop honnête Marcus Messner. Indignation est un roman dont le titre reflète le ton même du récit. Indignation du jeune homme fougueux, entier, idéaliste mais peu adapté à une société hypocrite où règne le faux-semblant des bonnes moeurs et des apparences; indignation de l'écrivain qui dénonce une société qui envoie ses enfants se faire tuer sur le front de Corée s'ils ne satisfont pas à ce que l'on attend d'eux.
Marcus Messner, fils de boucher avec lequel il a appris l'amour du travail bien fait, a dix-neuf ans quand il décide de quitter le cocon familial dans le New Jersey et de poursuivre ses études au Winnesburg Collège, dans l'Ohio. Nous sommes dans les années 50, encore marqué par les morts de la guerre de 40-45, ce qui explique peut-être la paranoïa que développe le père du jeune homme à son sujet, une peur si violente et maladive que Marcus n'a que cette échappatoire, partir! il veut être indépendant et grâce à son intelligence et un travail assidu il veut réussir dans la vie. Etudiant brillant, il va vite déchanter pourtant dans cette université où on l'oblige à suivre des études religieuses chrétiennes alors qu'il est de famille juive et qui plus est - c'est ce qui lui sera d'ailleurs le plus reproché - profondément athée. Le jeune homme va vite s'apercevoir qu'il n'est pas libre d'avoir des idées, des convictions ni même une vie privée, y compris sexuelle. Or, Marcus sait que, s'il échoue dans ses études, il sera renvoyé de l'université et devra partir mourir en Corée.
La force de ce roman est là figurée par cette épée de Damoclès prête à s'abattre sur celui qui n'est pas conforme. La rencontre de Marcus avec le doyen illustre avec une violence presque caricaturale cette violation de la conscience, cette incroyable atteinte à la vie privée, Marcus vomissant au sens propre comme au sens figuré dans le bureau du doyen. Je dis caricatural car le lecteur a peine à croire qu'une telle intrusion dans l'intimité puisse être possible. Mais je me souviens avoir "assisté" à une scène semblable, côté filles, dans le roman de Joyce Carol Oates : Je vous emmène et ceci au début des années soixante. iI est vrai aussi qu'il faut se replacer dans une époque où les jeunes n'ont aucune liberté sexuelle. Il faut savoir aussi qu'en quittant le New Jersey, Marcus arrive dans un état  rétrograde, l'Ohio, sous l'emprise de la religion qui s'exerce par la répression, traditionaliste au sens de manque d'ouverture, où les préjugés raciaux sont larvés et s'expriment par des insultes, par des ségrégations au sein même des fraternités. L'inégalité sociale est aussi très présente dans Indignation et l'on se demande si le doyen aurait pu exercer une telle pression sur un fils de famille riche. Marcus est fils de boucher kasher il combine donc deux handicaps aux yeux de cette classe dominante : pauvre et juif! Pourtant c'est grâce à son père - un beau personnage- avec qui il a appris à travailler dans la boucherie, qu'il possède des qualités morales et des principes : l'amour du travail bien fait, ne pas avoir honte de ses origines, savoir que nous sommes responsables du moindre de nos actes et tenons en main notre propre destin. En un mot, l'honnêteté! Et paradoxalement c'est cette honnêteté qui le perdra.
On voit que ce beau roman est très pessimiste. Une sorte de fatalité pèse sur le héros. Lorsqu'il tombe amoureux, c'est d'une fille si terriblement abimée par son père qu'elle ne peut l'entraîner que vers le malheur. La boucherie kasher et les abattoirs où Marcus a travaillé sont comme la métaphore de sa vie et préfigurent l'horreur des massacres en Corée, le sang versé dans toute guerre.
Philip Roth ajoute à la fin du roman une note historique plus optimiste. Il explique comment les contestations de 68 ont provoqué des bouleversement dans l'université, une libéralisation, l'obligation d'assister à l'office étant abolie. Pourtant, Philip Roth écrivant sur le passé, nous rappelle un présent très proche de nous. Que la guerre soit celle de Corée, que l'action se déroule dans les années 1950 et non maintenant, n'empêchent pas que le propos soit très contemporain. La guerre en Irak, où sont allés mourir ces jeunes gens des classes populaires qui voulaient gagner de quoi payer leurs études, en est bien la preuve!

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1287673206.png Avec mes remerciements à Dialogues croisés et aux Editions Gallimard


vendredi 22 octobre 2010

Anne-Laure Witschger, Zozo et les chiffres



Un petit livre bleu et carré, joli, avec en première de couverture un petit chat, Zozo sous un croissant de lune et en quatrième, un escargot qui sème des chiffres dans son sillage. A priori, la lecture de ce livre pour enfants destinés à leur faire connaître les chiffres s'annonce bien mais la suite m'a parfois un peu déçue. Dès l'abord, je n'ai pas trop aimé les illustrations intérieures dont le fond uni a des couleurs qui m'ont paru agressives.

Le sujet est le suivant : Il s'agit d'apprendre la table de multiplication par dix de manière amusante. Zozo le chat aimerait être le "plus super" des animaux, or il se juge le "moins beau". Il voudrait être dix fois plus... Ainsi, il souhaiterait un nez dix fois plus long, de cette façon il aurait un nez semblable à celui de l'éléphant. Suivent d'autres exemples qui font défiler la table.

L'idée est sympathique mais ces exemples ne me semblent pas bien choisis. Je sais bien que le but de l'ouvrage est une initiation à la multiplication mais je trouve dommage que les renseignements donnés sur les animaux soient aussi fantaisistes : mon petit neveu, 5 ans et demi, qui va rentrer au CP en septembre, m'a fait remarquer qu'une araignée n'a pas 40 pattes et un lion 20 oreilles... De plus, les chiffres annoncés dans le texte ne correspondent pas au dessin qui les représente, ce qui entraîne une certaine confusion : le zèbre qui devrait avoir 70 rayures en a moins, la vache n'a pas 30 taches, le requin a 10 dents au lieu de 80. Je comprends bien que les chiffres jusqu'à cent sont trop importants pour être représentés dans l'illustration mais c'est assez gênant quand on a un petit lecteur déjà pointilleux qui s'étonne de cet état de fait.

Par contre la discussion engagée à propos du livre est intéressante même si elle ne concerne pas les mathématiques : l'enfant a trouvé le livre "rigolo" parce que "Zozo est bête; il veut être dix fois plus alors que c'est impossible". Je lui ai fait remarquer que tout le monde a envie d'être autre qu'il ne l'est et il a admis que c'était vrai. : "moi, je voudrais être mille fois plus grand". Nous avons fini tous les deux par convenir que Zozo "rêvait" d'être plus beau et que finalement "on a tous le droit de rêver". Du point de vue de l'idée, le récit est donc enrichissant.




Merci à Dialogues croisés et à Belem editions pour l'envoi de ce livre

jeudi 21 octobre 2010

Victor Hugo : Nul n'ira jusqu'au fond..

Mary Cassat

Nul n'ira jusqu'au fond du rire d'un enfant
Victor Hugo
 
 
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Didier Daeninckx : Galadio





Pour son roman Galadio, Didier Daeninckx  se tourne vers l'histoire allemande à l'époque du nazisme et s'intéresse au sort fait aux enfants noirs dans les années Trente.  Ulrich est  né d'un père noir, sénégalais, militaire français envoyé à Duisbourg après le traité de 1918 et d'une mère allemande mise au ban de la société à cause de cette union. Il a vécu jusqu'à son adolescence en s'efforçant de s'intégrer et sans souffrir de discrimination. Son nom secret, c'est Galadio, le prénom de son oncle, frère bien-aimé de son père. Ce dernier a été rappelé en France avant la naissance de Galadio qu'il ne connaît pas.
Mais voilà qu'avec les nouvelles lois de 1930, Galadio se voit interdit l'accès de la piscine, puis de son club de football. Peu à peu les menaces qui pèsent sur lui mais aussi sur les juifs se précisent. Le jeune garçon assiste aux exactions commises contre les juifs et en souffre d'autant plus qu'elles atteignent sa petite amie Déborah. Un jour, on vient le chercher pour l'amener dans un hôpital où sont accueillis, entre autres, des malades handicapés que l'on ne revoit jamais.  Que va devenir Galadio? C'est ce que nous conte Daeninckx au cours d'un récit qui va durer des années et entraînera l'enfant, puis le jeune homme, dans les coulisses du cinéma nazi, en Afrique et dans l'armée française où il s'engagera pour lutter contre le nazisme.
Galadio est un roman qui se lit d'une traite. Intéressant, on n'a pas envie de le quitter avant de l'avoir terminé. Les faits qu'il relate sont si terribles, la destinée de l'enfant si extraordinaire que l'on est subjugué par ce récit historique très documenté qui raconte des faits, hélas, véridiques.  Certains passages ont beaucoup de force, par exemple la mise à mort des animaux appartenant aux juifs, la stérilisation des jeunes noirs à l'hôpital, le tournage de films de propagande nazie ou Galadio et ses amis jouent les "sauvages" primitifs et dénudés. L'auteur utilise le présent de narration qui convient très bien à un récit court, vif, qui ne s'attarde pas en chemin, qui montre les actes sans chercher à les analyser. Pas de pathos. Les faits dans leur sècheresse. On peut dire que son pari est réussi.
Mais d'où vient alors que je suis restée sur ma faim? C'est que le parti pris de l'auteur conviendrait mieux, il me semble, à une plongée dans un  moment précis et court de l'Histoire et non à une narration qui s'étend sur des années et sur plusieurs pays. Du coup j'aimerais en savoir plus sur les personnages qui sont parfois à peine esquissés, sur les pays traversés en temps de guerre que l'on ne fait qu'apercevoir. J'aimerais que certains épisodes soient plus développés. Le roman a la taille d'une nouvelle mais l'étoffe d'un long roman et c'est ce qui me gêne.


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Mes remerciements à Dialogues croisés et aux éditions Gallimard


dimanche 17 octobre 2010

Robert Bober : On ne peut plus dormir tranquille …(2)

Dans les carnets de voyage de miriam vous trouverez un billet sur le livre de Robert Bober : On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois  ouverts les yeux. Ce roman a beaucoup plu a Miriam. Voici le début de son billet...

Mémoire de Paris ou plutôt d’un certain quartier juif autour de la République, délimité par la Rue Oberkampf, le Boulevard Saint Martin, Belleville, et Le père Lachaise. Quartier que je connaissais bien, où habitaient Noémie, Aviva, Tal, mes copines et copains du Mouvement, où leurs mère parlaient avec l’accent Yiddish qui berce la lecture de ces pages… Habituellement, je m’évade par la lecture, curieuse d’apprendre sur le monde et je laisse peu de place au retour sur les lieux de mon adolescence.
 Il faut bien dire que la promenade nostalgique est douce lorsqu’en plus elle se double des réminiscences cinéphiles : Jules et Jim, les  400 coups, Casque d’Or les  Frères Marx. Quelle scène géniale que ce retour du cinéma où la mère, après tant d’années raconte son histoire à son fils, écho de celle de Jules et Jim ! Le narrateur découvre à la suite les photos de famille…
... dont vous pourrez lire la suite ici.




samedi 16 octobre 2010

William Ospina : Le pays de la cannelle



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Le pays de la cannelle de William Ospina, écrivain colombien, est un beau roman riche, touffu et luxuriant comme la forêt amazonienne qu'il nous fait découvrir, éblouissant à l'égal de l'Empire du Soleil dont sont issus les rois incas, traversé par des éclairs de violence à l'image des conquistadors espagnols, les frères Pizarro, dont la cupidité, la cruauté et la démesure ont eu raison de cette brillante civilisation. Ouvrir ce livre, c'est entrer dans une aventure passionnante, à la découverte d'un monde étrange, qui nous amène aussi à une belle réflexion philosophique.
En 1540, le jeune héros du roman, âgé de 17 ans, (qui est aussi le narrateur) décide de quitter Hispanolia, abandonnant sa mère indienne pour partir au Pérou récupérer l'héritage de son père dont il vient d'apprendre la mort. Ce dernier, un conquistador espagnol, Marcos de Medina, a participé à la conquête à côté de Francisco Pizarro. Le jeune homme nourri par les récits des lettres de son père arrive donc peu de temps après la victoire des conquistadors. Il découvre, nostalgique, les ruines de cette grande civilisation en train de disparaître. Il comprend bientôt qu'il ne parviendra jamais à remettre la main sur la fortune de son père. Il s'engage alors à côté de Gonzalo Pizarro dans une expédition vers Quito, où d'après les dires des indiens, existe un pays entièrement planté de caneliers, à la recherche donc de la cannelle, épice plus précieuse encore que l'or. Une aventure qui le mènera bien au-delà du but poursuivi, sur le plus grand fleuve du monde, l'Amazone, à la découverte d'un monde étrange, mystérieux, fascinant et dangereux dont il sort transformé à jamais.
Le pays de la cannelle est donc d'abord un roman d'aventure qui raconte les épreuves endurées par ces hommes,  froid et souffrance sur les parois glacées de la cordillère des Andes, voyage sur les eaux déchaînées et tumultueuses de l'Amazone et de ses affluents, attaques des indiens hostiles, faim, maladies du corps et de l'âme,  désespérance, peur mais aussi découverte d'un monde sans limite, l'immense forêt amazonienne avec ses légendes, ses peuples, sa flore et sa faune. Beauté et douleurs étroitement liées. Il fallait le talent de William Ospina pour décrire cette équipée sauvage, composée de 240 soldats et officiers espagnols accompagnés par 4000 indiens, 2000 lamas, 2000 chiens de défense et 2000 porcs pour les nourrir - des chiffres qui passent l'imagination - menée par un chef d'une férocité et d'une brutalité proches de la démence.
Ce roman historique s'appuie sur une grande érudition qui nous fait découvrir la civilisation inca, les différentes phases de la conquête, la découverte de l'Amazonie. William Ospina fait revivre pour nous ces conquistadors espagnols, venus d'Estramadur, que la dureté de la vie en Espagne à cette époque a façonnés, âpres et ambitieux, sans scrupules, mi-homme, mi-bêtes, se riant de la mort, prêts à tout pour échapper à leur condition. Face à eux, une civilisation d'une richesse et d'une beauté inouïes, ancienne et raffinée, dont l'écrivain nous fait partager les croyances, les légendes, la quête spirituelle. Le roman se fait alors dénonciation de cette conquête féroce, de cette boucherie de l'Histoire accomplie pour l'amour de l'or. Il dénonce ainsi l'extinction d'une civilisation, l'extermination d'une race par une autre et au-delà toute colonisation basée une incompréhension de l'autre et un sentiment de supériorité qui dénie le statut d'hommes à ceux qu'elle soumet. Le jeune de Médina dont la mère est indienne comprend la spiritualité inca et se sent proche d'eux.
Ainsi Le pays de la canelle est un roman baroque, foisonnant, par la forme et  le style, qui nous entraîne bien loin dans le temps  et  dans l'espace mais c'est aussi une quête spirituelle à la recherche de soi-même.
Le Narrateur est âgé lorsqu'il raconte son histoire à Ursua, un ami plus jeune, pour le dissuader de partir sur sur l'Amazone et de l'entraîner avec lui. C'est ce qui explique que le récit s'accompagne toujours d'une réflexion sur l'expérience vécue dans sa jeunesse. Le vieillard sait ce que le jeune ne peut saisir. Avec les années, il donné un sens à ce qu'il a vécu. Il a compris que ce qui vaut la peine d'être recherché plus encore que la richesse, c'est la beauté: ... si l'on me demandait quel est le plus beau pays que j'ai connu, je dirai que c'est celui dont nous rêvons.. car seul le rêve permet à l'homme de se surpasser, d'aller au-delà de ses limites. Pourtant dans cette recherche de la beauté, les espagnols ont détruit une beauté plus grande encore. Il a compris aussi que ce que l'on recherche est en soi car "où que tu ailles, tu porteras ces vieilles questions, tu ne trouveras rien dans tes voyages qui n'ait été avec toi de toute éternité et quand tu affronteras les choses les plus inconnues, tu découvriras que ce furent elles qui bercèrent ton enfance."
Quelques passages :
On dit que seuls les hommes et les animaux laissent des fantômes sur la terre, et pourtant j'ai vu des pierres fantômes, des édifices fantômes, car de chaque ruine, de chaque pierre brisée mon regard tirait ce qu'elle avait été.
Alors, toi aussi tu connais cette légende de la cité brillant au loin grâce à ses pierres laminées d'or. Mais je peux te dire une chose encore plus étonnante : quand Pizarro apparut sur les sommets, il fut à la fois ébahi et effrayé car cette énorme cité avait la forme d'un puma d'or. Dans le monde antique, on n'avait jamais envisagé qu'une ville puisse être un dessin dans l'espace, or il avait sous les yeux le profil exact d'un puma, depuis la queue allongée et arquée jusqu'à la tête légèrement dressée au-dessus des sommets, avec son oeil aux grandes pierres dorées, au fond duquel veillaient les gardiens somptueux.
 Le soir quand je demandai à un de ces hommes de cuivre, qui portait un turban multicolore, si Quito était loin du pays des caneliers, il répondit à mon grand étonnement qu'il n'existait rien de ce genre, que sur ces terres les arbres sont tous différents et qu'il n'avait jamais entendu parler d'une forêt où tous les arbres seraient semblables. (..) Il ajouta que la terre ne s'arrête jamais à une seule pensée...
 Même si les arbres ne rient pas, cela ne veut pas dire qu'ils sont tristes, dirent-ils. Les arbres se contentent peut-être de méditer, de se rappeler les lunes qu'ils ont vues, les fables que murmure le vent dans leurs branches, les souvenirs des morts.

Et je m'arrête car tout est beau dans ce roman.

Voir aussi les avis de  : Folfaerie ; fleur de soleil

dailogues-croises-capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1301589566.pngMerci à Babelio et aux éditions JC Lattès