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mardi 20 septembre 2011

La journée du patrimoine 2011 à Avignon (2) : La fondation Lambert, Le temps retrouvé

L'exposition Twombly à la Fondation Lambert jusqu'au 2 Octobre
Le temps retrouvé, à la Fondation Lambert, est une exposition de 60 photographies, jamais présentées en France, du peintre et  photographe américain Cy Twombly dont le premières ont été réalisées en 1951 et les dernières en 2011. Elles sont associées aux images de nombreux artistes choisis par Twombly.  

Cy Twombly devait être présent en Septembre à la fondation Lambert mais il est mort le 5 Juillet  2011, l'exposition devenant alors son dernier regard. Sept salles lui sont consacrées, chacune selon les voeux de Twombly "devant être davantage thématique d'historique, enjambant les décennies". Parmi les images que je préfère, celles des natures mortes, grappes de raisin, cerneaux de noix, pétales  flétris en couleurs ou en noir et blanc rappelant les peintures de Murillo ou de Chardin (Salle 3) ou (salle 4) les fleurs de pivoine, les oeillets, les citrons aux couleurs éclatantes.  Les objets regardés pris en gros plans  ou avec un flou, donnent l'impression de la matière, deviennent étranges, autres que ce qu'il sont dans la vie quotidienne. Ou encore (salle7) ces clichés de la mer toujours renouvelée, plus proches du dessin que de la photographie où la lumière semble en suspension comme des petites bulles.


Cy Twombly 




 Cy Twombly

C'est l'artiste lui-même qui, à la demande de Yves Lambert, a conçu cette exposition en invitant les  artistes qu'il admire :  photographies du XIX ème siècle  de Constantin Brancusi, Emile Bernard, Edgar Degas, Pierre Bonnard . .. On y retrouve aussi les oeuvres d'Edward Muybridge, de Sol Le Witt, Cindy Sherman, Hiroshi Sugimoto, Louise Lawler, Sally Mann, David Claerbout, Jacques-Henri Lartigue…

Parmi mes préférées, les photographies de Sally Mann, artiste américaine qui photographie sa propriété entourée de bois. L'image promet plus que ce qu'elle montre, un beau paysage mais qui a quelque chose de vaguement inquiétant, mystérieux, corps allongés sur le sol se fondant dans la Nature..


 Sally Mann

 Hiroshi Sugimoto est le photographe le plus reconnu de sa génération  dans l'art contemporain. Il expose trois grandes photographies qui représente la mer  barrée par la ligne d'horizon. D'une image à l'autre, dans un sens ou dans l'autre, l'image passe du net au flou ou l'inverse comme si elle avait le pouvoir de disparaître ou de réapparaître. Le temps d'exposition est si lent que nous passons dans une autre dimension, au-delà du réel. Comme dans les oeuvres de Rodko mais avec des dégradés de noirs et de gris, la photographie de Hiroshi Sogimoto semble émettre des vibrations comme si une énergie émanait d'elle.

 Hiroshi Sugimoto

Le dessin de Sol Le Witt et les photos de Louise Lawler



 Sol Le Witt, salle vue de l'extérieur

La collection de Yves Lambert est installée à Avignon dans un des plus élégants hôtels de la ville, l'hôtel du marquis de Caumont réalisé d'après les plans de l'architecte Jean-Baptiste Franque, achevé en 1733. La collection est constituée d'oeuvres de Robert Ryman, Brice Marden, Carl Andre, Gordon Matta-Clark, Anselm Kiefer, Christian Boltanski, Andres Serrano, Douglas Gordon, Cy Twombly ou Nan Goldin. Chaque année a lieu une exposition temporaire.










lundi 19 septembre 2011

La journée du patrimoine 2011 à Avignon (1) : le Musée Vouland, Regards de Provence


Il y avait plusieurs tableaux  de Henri Manguin, un des principaux initiateurs du fauvisme, au musée Vouland dont cette magnifique image du port de Marseille.

 Pour ces journées du patrimoine à Avignon, je suis allée, en effet, voir l'exposition du Musée Vouland : Regards de Provence. 

 
Le musée Vouland est une riche maison bourgeoise du XIXème siècle devenue fondation après la disparition de son propriétaire, un ancien industriel et collectionneur. Elle accueille jusqu'au mois d'octobre une exposition d'une centaine de tableaux choisis parmi les oeuvres de la collection Dumon  sur le thème de La Provence. Les peintures du  XVIII ème siècle au XIXème sont  installées dans les salles d'exposition temporaire et représentent des scènes de la vie rurale provençale, des ports, la mer.. mais ce que j'ai aimé surtout ce sont les tableaux du XXème siècle accrochés dans pièces de la maison Vouland, au-dessus de meubles précieux, parmi les faïences de  Moustiers ou de Delft, dans la chambre chinoise...  Lhote, Dufy, Manguin, Ambrogiani, Lebasque, Bonnard, pour ne citer qu'eux. Une magnifique statue en bronze d'Arman nous accueille dans le hall.

Façade côté rue Victor Hugo

 La façade intérieure et le jardin de la maison Vouland


Quelques sculptures dans le jardin





 Un très beau tableau de André Lhote, peintre cubiste




Sylvie Tanette : Amalia Albanesi, Mercure de france


 Amalia Albanesi de Sylvie Tanette est un premier roman.
L’institutrice de Théo, petit garçon de huit ans, lui a demandé d’établir un arbre généalogique. C’est le prétexte, pour la mère de Théo, de raconter à son fils l’histoire de ses ancêtres. Peu à peu la construction de l’arbre généalogique de cette famille va nous entraîner bien loin dans l’espace à Tornavalo, près de Bari dans les Pouilles mais aussi à Alexandrie, à Athènes, à Malte, sur les remparts de Dubrovnik, puis à Marseille… C’est avec intérêt que l’on suit cette longue histoire qui forme une trame complexe assez fascinante. Ce grand voyage dans le temps, du début du XIX ème siècle à nos jours, va nous faire découvrir des personnages peu banals. Et d’abord, bien sûr, Amalia Albanesi, cette arrière-grand-mère qui donne son titre au récit, née à Tornavalo dans une famille de paysans vaguement enrichie, peu ouverte aux sentiments, qui ne connaît de la vie que le labeur dur, écrasant et sans répit, qui permet de tirer  subsistance de la terre ingrate de Tornavalo. Cette terre rouge qui s’insinue partout, dans les maisons, les vêtements, dans la bouche, dans les poumons, Amalia n’aura de cesse de la fuir. Elle le pourra en épousant un étranger voyageur, révolutionnaire en exil à Tornavalo, Stepan Iscenderini qui l’amènera loin de son pays avant de l’abandonner pour épouser la cause des Bolcheviks et partir en Russie. Nous assisterons à la naissance de la douce Luna, à Alexandrie, la grand-mère de la narratrice, suivrons son enfance dans le port de Bari, ses amours avec l’anarchiste Elias, le rebelle aux yeux dorés, qui vient de Malte, idéaliste qui sera brisé par son internement dans les camps de concentration dans les années 40… Et puis il y a la rencontre de la fille de L’Estaque avec le garçon du Panier à Marseille, autrement dit, les parents de la narratrice, grands-parents de Théo, avec lesquels s’achève cette remontée dans le temps…
Et ces personnages au destin peu commun, aux origines si diverses, qui ont échappé à toutes les tragédies de l’Histoire, sont si profondément ancrés dans les pays de la Méditerranée qu’ils semblent  en représenter tous les peuples, en illustrer la quintessence. Ainsi pour aboutir à ce petit écolier de huit ans, Théo, il fallu une telle multitude d’ancêtres et d’événements, tant de nationalités différentes, tant de hasards et de rencontres  que l’on a l’impression vertigineuse d’une accélération du Temps, d’une infinité de possibilités. On pense au vers de Beaucarne :
En voyant naître cet enfant/ Je voyais du fin fond des siècles/ Tous mes ancêtres, tous mes parents/ Dans ce petit corps renaître…
Par quelle fissure du temps/ S’est-il glissé jusqu’à maintenant…
Et oui, mon petit Théo, écrit la narratrice, il va bien falloir que tu vives avec tout ça. Toutes ces histoires et tous ces gens, que l’on n’a pas choisis, que l’on ne connaît pas, mais qui sont là dans un coin de nos têtes, et parfois se bousculent jusque dans le moindre de nos gestes.

L’écrivain, journaliste, écrit ce roman comme s’il s’agissait d’une enquête journalistique. Elle s’appuie sur les récits de sa grand mère Luna, puise dans les souvenirs de chacun, interroge les photographies anciennes, met à contribution sa mère pour reconstituer la mémoire familiale. Elle s’interroge sur les motivations des personnages, doute de la véracité de ses sources, avoue son ignorance, fait la part de la légende et de l’Histoire dans les récits familiaux. Parfois, elle supplée au manque d’information en imaginant ce qui s’est passé. Ce procédé journalistique, mais aussi romanesque, qui permet peu à peu de s’immiscer à l’intérieur des personnages, de les faire vivre, de reconstituer les faits comme s’il s’agissait d’un puzzle, m’avait passionnée lors de la lecture du roman de Javier Cercas Les Soldats de Salamine. Certes, Sylvie Tanette n’a  pas le talent  de Cercas et je n’ai pas éprouvé la même intensité d’émotion en la lisant, mais il n’en reste pas moins que ce court roman (trop rapide à mon goût! ) est une réussite puisque l’on s’intéresse à ces vies qui se déroulent devant nous et que l’on aimerait en savoir plus! Certains passages révèlent d’ailleurs de belles qualités de plume :  Lorsqu’elle suivait son âne jusqu’au bord de la falaise, Amalia se glissait entre les oliviers en évitant de les regarder, comme on traverse une foule hostile ou silencieuse. Dans ce qui était pour tous, de simples murets de pierres sèches, oliveraies, amandiers et figuiers de Barbarie, mon arrière-grand-mère ne voyait qu’écorchures, blessures, cris de douleur. (…)  Un jour, elle avait dit à ses frères que les plaines de Bari n’était probablement qu’un immense cimetière, où chaque mort était devenu un olivier; Il n’y avait, pour s’en convaincre, qu’à voir comment chacun d’eux tentait de rejoindre le ciel, leurs bras tordus de martyrs, leurs corps figés dans un ultime effort pour s’extraire des entrailles de l’Enfer.

ICI


dimanche 18 septembre 2011

Pierre Boulle : la Planète des singes




Un livre, un film: Réponse à l'énigme (2)

Merci aux participantes et bravo à toutes celles qui ont trouvé le titre du livre de Pierre Boulle La Planète des singes et le nom du réalisateur du film Franklin J. Schaffner avec Charlton Eston : Aifelle, Keisha, Lire au jardin, Myriam,  Maggie, Sabbio, Tilia, Aymeline, Lystig...

 Pierre Boulle est né en 1912 à Avignon. Deux romans  ont assuré sa célébrité, tous deux ont été adaptés au cinéma par les américains : Le pont de la Rivière Kwai. (1952) et La planète de singes (1963).  Pierre Boulle est mort en 1994 à Paris après avoir obtenu plusieurs prix littéraires.

Dans La planète de singes, Jinn et Phillys qui passent leurs vacances dans l'espace intersidéral recueillent une bouteille contenant un rouleau de papier à l'intérieur. Le texte qu'ils découvrent a été écrit par Ulysse Mérou qui raconte ses aventures et lance aussi un SOS pour sauver l'espèce humaine.
En 2500 Ulysse Mérou part  dans un vaisseau cosmique qui voyage à la vitesse de la lumière avec deux compagnons dont le très érudit professeur Antelle. Arrivés en vue de Beltégeuse, ils se posent sur une planète semblable à la Terre qu'ils baptisent Soror. Là, ils découvrent, à leur grande stupéfaction, une civilisation dominée par les singes qui possèdent intelligence et pouvoir. Là, les hommes se comportent comme des animaux et sont traités comme tels.
Ce sujet sorti de l'imagination de  Pierre Boulle ne manquait, à l'époque, ni  d'originalité, ni d'audace. Il est maintenant connu de tous par l'intermédiaire des films, même si l'on a oublié le nom de l'auteur,  et a été exploité jusqu'à la trame!

Pierre Boulle : un scientifique et un écrivain

Pierre Boulle de formation scientifique (il est ingénieur) utilise plusieurs théories pour étayer son roman :
 La théorie de la relativité restreinte d'Einstein qui a démontré l'effet de la vitesse sur la dilatation du temps et sur la contraction des longueurs. En se déplaçant à la vitesse de la lumière, explique le professeur Antelle,  "notre temps s'écarte sensiblement du temps de la terre, l'écart étant d'autant plus grand que nous allons vite. En ce moment nous avons vécu plusieurs minutes qui correspondent à plusieurs mois sur la terre."  "Comme il l’avait prévu,  ajoute Ulysse, le voyage dura environ deux ans de notre temps, pendant lesquels trois siècles et demi durent passer sur la Terre…
Voir ici 
 L'évolutionnisme de Darwin :  Quand Boulle présente une civilisation où le singe a supplanté  l'homme c'est à Darwin qu'il fait référence et à sa théorie de l'évolution des espèces (De l'origine des espèces). L'évolutionnisme permet d'expliquer la diversité des espèces et la survie de certaines  au détriment des autres par leurs capacités naturelles d'adaptation à l'environnement et à ses changements. Mais dans le monde de Pierre Boulle c'est l'espèce humaine qui a échoué à la sélection naturelle, au profit des singes, plus aptes à l'évolution.
Croyez-moi, affirme le chimpanzé Cornélius, un jour viendra où nous dépasserons les hommes dans tous les domaines. Ce n'est pas par suite d'un accident, comme vous pourriez l'imaginer, que nous avons pris leur succession. Cet évènement était inscrit dans les lignes normales de l'évolution. L'homme raisonnable avait fait son temps, un être supérieur devait lui succéder…

Cependant si Pierre Boulle s'appuie sur des théories scientifiques très sérieuses, il ne s'intéresse pas outre mesure à la technique. Il est avant tout écrivain, reste sensible à la beauté de l'Univers et nous communique cette admiration.
"L'exaltation que procure un pareil spectacle ne peut être décrite : une étoile, hier encore un point brillant parmi la multitude des points anonymes du firmament, se détacha peu à peu du fond noir, s'inscrivit dans l'espace avec une dimension, apparaissant d'abord comme une noix étincelante, puis se dilata en même temps pour devenir semblable à une orange, s'intégra enfin dans le cosmos…"

 Il  utilise fréquemment  la métaphore. Ainsi, le vaisseau de Jinn et Phyllis obéit à des lois physiques, certes, mais semble être un grand navire sur l'océan "avec sa voile miraculeusement fine et légère" qui se gonfle "au souffle des radiations" et utilise "l'ombre des planètes" pour virer de bord; La métaphore se poursuit avec la tempête qui secouent "leur esquif comme une coquille de noix" et les oblige à rentrer "au port" et bien sûr, avec  la fameuse bouteille qui n'est pas ici à la mer (!) mais que Phyllis "pêche" avec une "épuisette à long manche".
D'autre part, en appelant son héros Ulysse, Pierre Boulle se place sous le signe d'Homère  et revendique l'aspect poétique mais aussi métaphorique de ce récit. Dans les deux oeuvres, il s'agit bien d'un long voyage, l'un à travers la mer Méditerranée, l'autre dans le Cosmos, voyage au cours duquel le héros devra subir des épreuves hors du commun. On peut même dire que l'écrivain  surenchérit sur le poète grec : si Ulysse met 20 ans pour retrouver Ithaque après la fin de la guerre de Troie, Ulysse Mérou mettra 700 ans pour retourner sur la Terre. Pas étonnant si quelques "petits" changements, et pas des plus rassurants, ont eu lieu depuis! D'autre part, si le Ulysse d'Homère est le jouet des Dieux démontrant ainsi le manque de liberté de l'Homme, le Ulysse de Pierre Boulle, lui, se considère comme investi pas Dieu d'une mission sacrée, celle de sauver l'espèce humaine.

Mais La planète des singes est aussi un récit d'aventures, plein de rebondissements, de temps forts comme la fameuse chasse des gorilles exposant leur gibier humain, de situations palpitantes (quand Ulysse parvient à se faire reconnaître comme un être pensant) ou cocasses telle cette scène où Ulysse et la guenon chimpanzé Zira sont sur le point de s'embrasser amoureusement. Ulysse cherche à oublier le faciès de sa compagne mais  celle-ci ne parvient pas à surmonter sa répulsion pour la laideur de l'homme! C'est l'extrait que j'ai choisi pour présenter l'énigme*! On comprend toute la valeur ironique du propos, Pierre Boule s'amusant à nos dépens mais attirant aussi notre attention sur le relativisme et l'outrecuidance de l'homme qui se prétend supérieur à toutes les créatures de l'univers. Jusqu'au dénouement, Pierre Boulle, en écrivain consommé, sait ménager ses effets et la chute du récit que je vous laisse redécouvrir (et qui n'est pas la même que celle du film) en est d'autant plus saisissante et fait froid dans le dos.

*"Zira!"
Je me suis arrêtée et l'ai prise dans mes bras. Je vois une larme couler sur son mufle, tandis que nous sommes étroitement enlacés. Ah! qu'importe cette horrible enveloppe matérielle! C'est son âme qui communique avec la mienne. Je ferme les yeux pour ne pas voir ce faciès grotesque que l'émotion enlaidit encore... Nous  allons nous embrasser comme deux amants quand elle a un sursaut instinctif et me repousse avec violence.
Alors que je reste interdit, ne sachant quelle contenance prendre, elle enfouit son museau dans ses longues pattes velues, et cette hideuse guenon me déclare avec désespoir, en éclatant en sanglots.
"Mon chéri, c'est impossible. C'est dommage, mais je ne peux pas, je ne peux pas. Tu es vraiment trop affreux!"

Pierre Boulle : Un philosophe  :

Car La Planète des singes, est aussi une fable philosophique à la Voltaire qui, sous couvert d'un voyage, permet de s'interroger sur la société mais aussi sur des questions philosophiques essentielles. On pense à Candide ou Zadig, bien sûr, mais aussi à Micromégas, ce personnage venu de l'espace sur notre toute petite et insignifiante planète!
Dans La planète des singes Pierre Boulle, en nous présentant  un évolutionnisme inversé où notre espèce a pris du retard par rapport à celles de singes, nous oblige à nous interroger sur notre place dans l'univers et notre comportement par rapport aux autres espèces. La scène de chasse, les expériences médicales, l'emprisonnement dans des cages, où les victimes sont des êtres humains, nous inspirent de l'horreur. Pourtant, nous dit Pierre Boulle, c'est ainsi que nous nous comportons vis à vis du règne animal. Qu'est-ce qui fait l'essence de l'homme et assure sa supériorité? L'intelligence? Mais le professeur Antelle qui devient fou de terreur et régresse d'une manière irréversible dans son comportement n'est-il plus humain parce que son intelligence disparaît? A quoi tient la supériorité de l'homme et sa légitimité à écraser les autres si cette frontière entre les espèces est si fragile qu'elle peut être détruite avec autant de facilité? Bref! Qu'est-ce qui fait l'Homme? Autant de questions qui - comme le fait le Micromégas de Voltaire- nous remettent magistralement à notre place!

Le Livre/Le film
Dans le film, la planète sur laquelle les astronautes atterrissent -  ils le découvriront plus tard - est La Terre lorsque la civilisation humaine a disparu.  Dans le livre, ils arrivent sur une planète semblable à la terre mais qui  appartient à la constellation d'Orion dont Beltégeuse est le "soleil". Ulysse Mérou ne reviendra sur la Terre que cinq ans après son départ (temps du vaisseau) lorsqu'il fuit avec sa femme Nova et son bébé, soit 700 ans après son départ (temps terrestre). Dans les deux oeuvres, l'espèce humaine a disparu supplantée par celle des singes.

Guillaume Apollinaire : la chanson du mal aimé : Voie lactée ô soeur lumineuse (extrait)

Encore  un court passage de La chanson du Mal-aimé juste pour commencer ce Dimanche en beauté et en musique...

Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses

Les démons du hasard selon

Le chant du firmament nous mènent
A sons perdus leurs violons
Font danser notre race humaine
Sur la descente à reculons

Destins destins impénétrables

Rois secoués par la folie
Et ces grelottantes étoiles
De fausses femmes dans vos lits
Aux déserts que l'histoire accable

Luitpold le vieux prince régent

Tuteur de deux royautés folles
Sanglote-t-il en y songeant
Quand vacillent les lucioles
Mouches dorées de la Saint-Jean

Près d'un château sans châtelaine

La barque aux barcarols chantants
Sur un lac blanc et sous l'haleine
Des vents qui tremblent au printemps
Voguait cygne mourant sirène

Un jour le roi dans l'eau d'argent

Se noya puis la bouche ouverte
Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte
Face tournée au ciel changeant

Juin ton soleil ardente lyre

Brûle mes doigts endoloris
Triste et mélodieux délire
J'erre à travers mon beau Paris
Sans avoir le coeur d'y mourir

Les dimanches s'y éternisent

Et les orgues de Barbarie
Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris
Penchent comme la tour de Pise

Soirs de Paris ivres du gin

Flambant de l'électricité
Les tramways feux verts sur l'échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines

Les cafés gonflés de fumée

Crient tout l'amour de leurs tziganes
De tous leurs siphons enrhumés
De leurz garçons vêtus d'un pagne
Vers toi toi que j'ai tant aimée

Moi qui sais des lais pour les reines

Les complaintes de mes années
Des hymnes d'esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Dimanche poétique  
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :

samedi 17 septembre 2011

Un livre, un film: jeu-énigme du samedi (2)



Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre/ Un film.

  Il s'agit de découvrir à partir d'un extrait de texte et d'indices quelle est l'oeuvre littéraire - titre et nom de l'auteur - qui est à l'origine d'une adaptation au cinéma. Pour le film, il vous faudra trouver le nom du réalisateur, des acteurs principaux et éventuellement le titre s'il est différent de celui du roman ou de la nouvelle et pour cela aller sur le blog de Wens : ICI.

Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail (que vous trouverez dans mon profil) et me laisser des indices dans les commentaires sans révéler la réponse, indices qui me permettront de savoir que vous avez participé et d'aider ceux qui ne savent pas. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs (qui n'auront gagné que la gloire de participer, avouez que c'est beaucoup!) sera donnée le Dimanche.


                                                                   Enigme du samedi (2)


SF Moebius
Il s'agit d'un auteur français et avignonnais, ceci sans chauvinisme aucun envers ma ville de résidence! Deux oeuvres adaptées au cinéma l'ont rendu célèbre, non seulement  en France mais aussi aux Etats-Unis. Le livre qui nous intéresse aujourd'hui est un roman de Science-fiction paru en 1963. C'est le récit d'un grand voyage vers l'Espace. Roman d'aventure, donc,  mais qui pose aussi des questions philosophiques.
Et maintenant allez voir WENS  pour résoudre les questions sur le film, son réalisateur et acteur... .


Je me suis arrêtée et l'ai prise dans mes bras. Je vois une larme couler sur son mufle, tandis que nous sommes étroitement enlacés. Ah! qu'importe cette horrible enveloppe matérielle! C'est son âme qui communique avec la mienne. Je ferme les yeux pour ne pas voir ce faciès grotesque que l'émotion enlaidit encore... Nous  allons nous embrasser comme deux amants quand elle a un sursaut instinctif et me repousse avec violence.(...)
"Mon chéri, c'est impossible. C'est dommage, mais je ne peux pas, je ne peux pas. Tu es vraiment trop affreux!"

vendredi 16 septembre 2011

Un livre, un film : Jeu-énigme du samedi. Venez jouer avec nous...

Juste un petit rappel. A demain pour notre jeu énigme du samedi.

Wens du Blog En effeuillant le chrysanthème et  moi-même Claudialucia de Ma Librairie, nous vous proposons pendant toute l'année un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma!

La semaine dernière le  titre du livre et du  film était "Quai des Brumes" respectivement de Pierre Mac Orlan et Marcel Carné.
Et demain?



Des Mots, une histoire : La Mort, Danse dans le ciel

James Ensor : La mort et les masques

Dans son blog Désirs d'Histoire, Olivia reprend le jeu d'écriture : Des mots une histoire. Aujourd'hui voilà la liste des mots qu'il fallait placer dans le texte.

étrange – incandescent – pâmoison – parcimonie – crème – vulgaire – courir – virevolter – salmonelle – froid – oignon – aspirer – panthère – calvaire – effacer – prier – crisser – courage

Vous avouerez que écrire un poème sur la Salmonelle, il faut le faire! j'ai failli baisser les bras, je vous l'avoue et puis non, le voilà! J'ai relevé le défi! Si vous connaissez un autre poème dédié à cette bactérie tueuse, faites-moi signe! 
Mais ensuite je me suis fait le plaisir d'un autre poème … sans ce mot !

La Mort
Salmonelle, Au nom ailé
Panthère tueuse,
Vulgaire avorteuse
Froide et zélée,
Tu cours à Dia
Tu virevoltes sur le fil
de la mort
Comme l'oignon dans sa corbeille
Tu caches sous un joli nom
L'incandescence des entrailles;
La pâmoison et le calvaire,
le corps qui se tord et qui prie
Le visage crème exsangue
Le courage qui bat campagne
Tu aspires, vide la vie
Tu effaces et tu mitrailles
Etrange mot, la Salmonelle
Sans parcimonie, elle appelle
La Mort qui crisse et qui crécelle.





Danse dans le ciel..

Efface le pas des années qui te suivent
La pâmoison de l'enfance dans le berceau
de ta vie
Ne te pare pas des froides couleurs,
crème et argent du linceul
Ne te traîne pas au pieds des calvaires,
Ne marche pas sur la frange du Temps
Etrange étrangère

Comme l'oignon de la Fleur, Femme, Flamme, 
Sois le Feu qui réchauffe
Sois la femme poisson, la femme oiseau
Sois panthère, aie le courage du Vulgaire
Dont le pied fait crisser la prison de glace
Exploser la parcimonie de l'amour partagé
Et de l'amitié qui se donne.

Marche,  Cours, Virevolte, sur le fil incandescent
de ta vie
Danse dans le ciel de Nuit et de Lune
Dans le Jour qui chavire
Prie, aspire, respire, chante
ta vie
Etrange étrangère

jeudi 15 septembre 2011

Mo Hayder : Tokyo

Le roman de Mo Hayder Tokyo est surprenant parce qu'il est présenté comme un thriller, ce qu'il est assurément, mais il est aussi bien autre chose.

Quand Grey, (un surnom qui signifie extra-terrestre en anglais), arrive à Tokyo, c'est une fille qui paraît perdue, bizarre, marginale et dominée par une idée fixe. Etudiante en histoire à l'université de Londres et spécialisée dans la guerre en Chine lors de l'invasion de Nankin par les japonais, elle veut absolument rencontrer le professeur Shi Chongming, chinois qui enseigne à l'université de Tokyo. Celui, croit-elle, détient un film qui montre les atrocités commises par les Japonais à Nankin en 1937, un massacre que la droite japonaise s'efforce encore  de cacher. Shi Chongming nie détenir ce film mais il changera d'avis quand il apprend que Grey est devenu hôtesse dans une boîte de nuit fréquentée par des yakuzas. Il lui met alors en main un marché : il lui fera voir ce film mais seulement si elle arrive à percer le secret de la longévité du terrible et dangereux Yakusa, Fuyuki et à le lui dérober. Mais pourquoi Grey est-elle prête à risquer sa vie pour voir ce film? Et pourquoi Shi Chongming ne veut-il pas le montrer?

Le livre présente deux récits parallèles :
 L'un, en 1937, est constitué des notes du journal de Shi Chongming qui raconte la prise de Nankin par les Japonais les meurtres, le sadisme, la cruauté de l'armée japonaise envers la population civile. C'est un pan d'Histoire que nous connaissons mal et qui a été tenu secret, occulté par les autorités japonaises. Le récit est fascinant. Grâce aux notes de Shi Chongming nous pénétrons dans la vie des familles chinoises qui attendent avec anxiété l'arrivée des japonais, nous assistons aux exactions commises par les soldats à l'instigation de leurs officiers, à l'extermination de gens sans défense qui n'opposent aucune résistance. Le style de Mo Hayder est à la hauteur de l'horreur qu'elle nous fait vivre, il est doté d'une puissance visuelle absolument angoissante qui nous plonge dans cet enfer. Nous nous intéressons aussi à côté de l'Histoire collective au destin individuel du jeune Shi Chongming, éminent professeur, marié à une paysanne illettrée et superstitieuse envers qui il éprouve une affection assortie d'un sentiment de supériorité. Pourtant, il découvrira, que c'est elle, ignorante, qui détient la sagesse. La fuite de Shi Chongming avec sa femme enceinte, prête à accoucher, se lit comme un roman d'aventure. Mo Hayder a l'art d'alterner les passages de crainte et d'espoir, de  distiller la peur.

L'autre récit, en 1990, est l'histoire de Grey, personnage complexe, d'une grande érudition mais aussi extrêmement fragile. Il est raconté à la première personne avec des retours en arrière qui nous permet de comprendre la jeune fille, de savoir ce qui l'a marquée dans son enfance et pourquoi elle mène cette quête désespérée qui, on le pressent, est une question de vie ou de mort pour elle. Le récit nous transporte dans le Japon moderne, dans la ville de Tokyo que nous arpentons avec elle quand elle est sans le sou, et qu'elle couche dans la rue. Là encore, la description de la ville est splendide et a beaucoup de force, Mo hayder opposant le présent et le passé, la cité contemporaine érigée sur décombres d'un monde ancien.
Au-dessus de ma tête, à perte de vue, les gratte-ciel de Tokyo étincelaient dans l'azur, et les rayons du soleil étaient renvoyés par un million de fenêtres. Je me penchai en avant pour contempler ce spectacle hallucinant. j'en savais long sur cette cité phénix, resurgie des cendres de la Seconde Guerre mondiale, mais ici , en chair et en os, elle ne me paraissait pas tout à fait réelle. (...) je décidai de considérer cette parade d'acier et de béton armé comme une réincarnation de Tokyo superposée à la ville authentique, au véritable coeur battant du Japon.

Je me trouvais dans le jardin d'un temple, environnée d'érables, de cyprès, de camélias aux fleurs fanées qui mouchetaient l'ombre. Un endroit frais et silencieux hormis le frisson occasionnel des prières bouddhistes de papier nouées aux branches par centaines. Ce fut alors que je vis, alignés sous les arbres dans un silence spectral, des rangs et des rangs d'enfants de pierre. Des centaines d'effigies, chacune coiffée d'un bonnet rouge tricoté à la main.

 Vient s'y ajouter et c'est encore un intérêt supplémentaire, l'introduction des mentalités, coutumes et croyances japonaises. De plus, le mélange entre réalisme et fantastique ajoute à la fascination. La description du monde des boîtes de nuit et des yakusas a une dimension fantastique comme si les personnages au physique hors norme, la nurse, géante, mi-homme mi-femme, par exemple, étaient plutôt des personnages de conte, les sorcières ou les ogres d'un autre monde. Fantastique, aussi, cette maison extraordinaire qui semble un monde en décomposition prête à absorber ses habitants, à les entraîner dans sa ruine.

Enfin, allez-vous me dire où est le thriller? Et bien dans les investigations menées par la jeune fille qui joue un jeu dangereux face à des hommes qui n'ont plus rien d'humain. Lorsque l'objet de la recherche de Grey sera volé, l'enfer va se déchaîner sur sa tête, une violence terrible secouera le monde qui l'entoure. Et le suspense fonctionne très bien! Oui, j'ai eu peur, poursuivie par la nurse, obligée de me cacher dans des lieux abominables au péril de ma vie, le coeur serré par l'angoisse.  Mais ce que j'ai aimé surtout dans ce roman c'est la dimension historique et psychologique servie par un style efficace et très évocateur. Un bon roman et un sujet original, très bien traité.
Lecture commune avec Canel

mercredi 14 septembre 2011

Eric Puchner : Famille modèle



Famille modèle :  le titre du roman de Eric Puchner est à prendre ironiquement si l’on en juge par les tribulations, déboires, drames et autres calamités qui s’abattent sur la famille américaine des Ziller, révélant des aspects cachés et pas toujours glorieux du caractère de chacun.
Dans la famille Ziller, il y a d’abord le père, Warren, issu de famille modeste, il caresse le rêve de la réussite sociale. Il quitte la vie confortable qu’il s’était créée dans le Wisconsin, pour faire fortune (du moins le croit-il) en Californie en achetant un terrain constructible dans le désert pour devenir promoteur immobilier d’un lot de maisons modestes qu’il espère vendre comme des petits pains. Lorsqu’il s’aperçoit que les autorités déversent des déchets industriels à proximité, il est anéanti. C’est le début d’une faillite qu’il n’ose avouer à sa famille. Pour réussir et correspondre à l’image de chef de famille battant qu’il veut donner aux siens, il serait prêt à vendre des maisons à des familles modestes en leur cachant la vérité sur la pollution du terrain.

Dans la famille Ziller vient la mère, Camille. Toujours habillée de couleurs pastels et de vêtements désuets, elle réalise des films d’éducation sexuelle complètement ratés en direction des écoles. Ecolo, elle fait des leçons de morale à ses enfants sur leur alimentation. Sa fille et ses deux fils la jugent démodée, un tantinet ennuyeuse et moralisatrice, vaguement ridicule mais ils la croient incapable de faire du mal, d’avoir des mauvais sentiments. Ils s’apercevront pourtant que quand les choses se dégradent chez eux, leur mère n’est pas aussi parfaite qu’ils le pensaient.

Enfin il y a les enfants : Dustin est l’aîné de la famille. Sûr de lui, intelligent, beau et charmeur, il a tout pour plaire et réussir sa vie. Il va partir à l’université. Il adore la Californie, le soleil, la mer et le surf. Il est amoureux de Kira, si belle et si parfaitement bourgeoise qu’il s’ennuie un peu avec elle.
Sa passion: son groupe de musique qui, il en est persuadé, le mènera à la gloire.
Ses faiblesses : Il est attirée par Taz, la petite soeur de Kira, marginale paumée, droguée, passablement agressive et suicidaire.
Lyle, l’intellectuelle de la famille, toujours dans ses livres, est en révolte contre les parents. Elle a horreur de la Californie, de la plage. Son teint de rousse ne lui permet pas de s’exposer au soleil. Elle couche avec Hector, un latino-américain pour se prouver qu’elle peut plaire.
Jonas, le mal aimé, est un gamin aux idées morbides, étrange et asocial.
Ah! j’allais oublier Mister Leonard, un des membres et non des moindres de la famille Ziller, j’ai nommé le vieux chien qui a déjà un pied dans la tombe mais qui n’en demeure pas moins un personnage incontournable du roman.

La faillite du père est à l’origine de la détérioration des rapports entre les membres de la famille, une fissure qui ne cessera de s’agrandir mais c’est surtout la tragédie qui s’abat sur eux qui va les anéantir. Chacun va réagir selon son âge, son caractère, sa position dans la famille, mais aucun n’en sortira indemne. Le désespoir affleure sans cesse, les vies sont brisées. Pourront-ils se reconstruire? L’écrivain manie une ironie cruelle au détriment de ses personnages comme si, démiurge tout puissant, il les punissait par là où ils ont péché!
Comme souvent dans les romans contemporains américains, les personnages d’Erich Puchner mais aussi leurs amis, les connaissances qui gravitent autour d’eux, sont atypiques, étranges et se fourrent dans des situations absolument loufoques qui provoquent à la fois la surprise et le rire. De nombreuses scènes, en effet, racontées avec brio et panache sont d’une drôlerie irrésistible comme celle où Warren pour venir en aide à son fils et lui éviter un chagrin d’amour s’introduit chez les parents de Kira ou comme la conversation de Jonas avec le chauffeur de camion qui est tout aussi réussie. De même le traitement de la sexualité dans les films de Camille est inénarrable. Pourtant le ton de la comédie, la légèreté apparente du récit ont toujours pour corollaire la tragédie et  l’échec. Ces différentes tonalités représentent une des grandes qualités du roman qui sait à la fois toucher, susciter l’émotion et amuser. De plus la variation des points de vue – chacun présentant tour à tour sa vision des autres mais aussi sa propre intériorité- permet une approche riche et subtile des personnages et donne des éclairages variés au récit.. J’ai beaucoup aimé pénétrer dans l’intimité de cette famille, en partageant le quotidien, les pensées intimes de chacun, j’ai aimé m’identifier aux personnages, m’attacher à eux car ils sont tous fragiles et émouvants, profondément humains avec leurs espoirs et leurs doutes, leurs qualités mais aussi leurs défauts. J’ai suivi avec un intérêt toujours renouvelé leur histoire, ayant envie de connaître la suite, de découvrir s’ils vont s’en sortir et  comment.

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mardi 13 septembre 2011

Peter Fromm : Indian Creek, un hiver au coeur des Rocheuses Edit. Gallmeister


 Indian Creek, un hiver au coeur des Rocheuses de Peter Fromm est  devenu un livre culte aux Etats-Unis. Des parcours sont organisés pour retrouver les lieux où se sont déroulés les faits qu'il relate dans Indian Creek et que les touristes visitent ... en été!
Peter Fromm y raconte l'expérience qu'il a vécue, lorsqu'il était jeune étudiant, à la fin des années 70 dans une université du Montana où il étudie la biologie animale.. Sur un coup de tête due à son admiration pour les récits de trappeurs, il accepte un travail dans l'Idaho qui implique de passer l'hiver dans les montagnes Rocheuses. Isolé de toute civilisation,  pendant de longs mois, il doit veiller sur quelques millions d'oeufs de saumons en empêchant la réserve où ils sont entreposés de geler. C'est le début d'une aventure parfois exaltante, souvent  éprouvante, pour lui qui ne connaît rien à la montagne, et qui va changer le cours de sa vie.
C'est avec humour que l'auteur nous raconte son expérience. Au départ, rien ne prédisposait le jeune homme, sportif, certes, puisqu'il fait de la natation en compétition, mais sans expérience, à une telle aventure. Il n'a pas le caractère d'un solitaire, lui qui aime les fêtes nocturnes bien arrosées entre copains, la vie de famille nombreuse avec ses parents, son jumeau et ses frères et soeurs. Il n'a aucune connaissance ni de la montagne, ni des animaux sauvages, ni de la chasse ou de la vie sous la tente à l'exception de petites excursions en camping. Aussi la réaction des gardes forestiers devant  l'étendue de son ignorance lorsqu'ils viennent l'installer dans son campement  provoque le rire.... mais aussi l'inquiétude. Voilà où mène le romantisme  nourri pas des lectures passionnantes mais théoriques!

Au-delà de l'humour, nous comprenons que le jeune homme est en train de se jeter un défi à lui-même. La réussite de ce projet le transformera complètement. Nous suivons donc avec intérêt les difficultés de sa vie quotidienne, qui, lorsqu'il est entièrement isolé par la neige, se révèle non seulement dangereuse sur le plan physique mais aussi psychique, notre jeune héros sombrant dans la dépression. Heureusement, il a l'amour inconditionnel de sa chienne Boone pour le soutenir et surtout il comprend qu'il doit avoir toujours les mains occupées pour empêcher l'esprit de battre la campagne. Le récit est donc  initiatique puis que Peter Fromm, passé les premiers mois  d'abattement, va apprendre à aimer sa solitude, va entrer en communion avec la nature dont il s'imprègne, conscient de cette beauté qui l'entoure, une vie de liberté rude et difficile mais pleine de richesses. La lecture va aussi l'aider à emplir sa vie. Le jeune homme mûrit, change à un tel point qu'il se retrouve un peu étranger à ses anciens amis quand il les revoit.

A côté de la description de la vie quotidienne dans sa monotonie et  sa répétition car le jeune homme accomplit son travail de préservation des saumons avec conscience,  le récit contient de grands moments de bravoure où le quotidien fait place à l'épopée. Ainsi, il accomplit un trajet en raquettes à la recherche de son père et de son frère venus le rejoindre mais perdus dans la montagne, la peur au ventre, craignant de les retrouver morts.  Les avalanches à répétition, son combat avec le Lynx blessé, la chasse au Lion des Neiges sont aussi, entre autres, des passages passionnants.
Le roman est donc très attachant et j'ai vraiment adoré découvrir ce si célèbre Indian Creek.

Challenge de Folfaerie

Keisha, les lectures de Folfaerie, Hélène, Choco, Cathulu, Marie . Jeneen.
Scor

lundi 12 septembre 2011

Ida Hattemer-Higgins : L'histoire de l'Histoire, Flammarion


Avec L'histoire de l'Histoire de Ida Hattemer-Higgins le lecteur vit une aventure déroutante. Pour  comprendre ce roman il faut quitter les sentiers balisés, accepter de se perdre dans un labyrinthe étouffant d'où l'on a l'impression de ne pouvoir s'échapper. Impression pas toujours agréable, déconcertante, mais qui nous permet d'émerger à l'air libre en découvrant le sens du roman. Car celui-ci est une interrogation sur la mémoire, sur la culpabilité aussi, à la fois collective et individuelle. C'est le sens du titre, la petite histoire du personnage nous permettant de rejoindre la grande, l'Histoire collective de l'Allemagne à l'époque nazie.

Une jeune femme se retrouve dans la forêt, près de Berlin, vêtue de  vêtements masculins souillés de terre.  Elle ne sait plus qui elle est. Son passeport américain porte le nom de Margaret Taub. Comme une automate, elle regagne Berlin et son appartement et reprend ses activités de guide dans la ville où elle fait visiter les hauts lieux du nazisme. Etudiante, elle retourne suivre des cours à l'université. Mais une partie de sa mémoire est occultée en ce qui concerne son passé personnel. Peu à peu des manifestations étranges apparaissent autour d'elle :  Les immeubles de Berlin prennent vie, deviennent chair, une femme-faucon, qui n'est autre que Magda Goebbels, la poursuit, les fantômes du passé viennent lui tenir compagnie. Sa souffrance est intense. Elle rencontre parfois des individus qui l'ont connue et qui lui restituent quelques bribes de sa mémoire. Le médecin qu'elle consulte, une vieille femme à la tête démesurée, semble faire partie du cauchemar. Qui est-elle? Que sait-elle sur le passé de Margaret? Pourquoi lui montre-t-elle ce vieux film où l'on voit un enfant surgir d'un lac en flammes?

Le talent de cette écrivain dont c'est le premier roman est grand mais sans concession. Il n'épargne pas le lecteur. D'abord, le fait de ne pas comprendre ce qui se passe pendant la plus grande partie de l'histoire est déstabilisante. Notre esprit cartésien est mis à mal. Ici pas de narrateur omniscient qui vient nous expliquer complaisamment de quoi il s'agit et nous mettre en position de force par rapport au personnage : nous savons, lui pas!  Non, Ida Hattemer-Higgins nous place dans la même situation que Margaret. Elle ne sait pas, nous non plus.
 La perte de mémoire n'est pas vécue comme une aventure romanesque qui flatte notre sens du mystère mais comme une maladie oppressante, une pathologie terrifiante, génératrice de maux insoutenables. Si bien que nous ressentons par l'intérieur l'étrangeté angoissante de ce qui se passe autour de Margaret. Une vision distordue de la réalité s'impose à nous. L'univers fantastique et effrayant qui l'entoure, nous le vivons nous aussi comme s'il était réel; d'ailleurs, il l'est peut-être? Car la distinction n'est peut-être pas aussi évidente! La frontière entre les deux mondes n'est plus très définie de même que celle entre coupables et victimes.  Nous nous raccrochons pourtant à cette certitude confortable mais simpliste, celle de la limite nette et franche entre le Bien et le Mal. Ida Hattemer-Higgins balaie cette idée rassurante d'un revers de main en nous montrant des juifs  bénéficiant de "points" dans les camps de concentration pour utiliser les services sexuels de prisonnières réduites à la prostitution..  Nous participons à la recherche de Margaret sur le personnage de Magda, l'épouse de Goebbels, qui a tué ses enfants à la fin de la guerre. Nous rencontrons nous aussi le fantôme de cette mère juive amenée à se suicider avec ses enfants. Mais qui de ces deux femmes est véritablement coupable ou victime? Pourquoi Margaret subit-elle leur attrait morbide? Peu à peu le puzzle se met en place jusqu'au moment où nous avons tous les morceaux en main, ce qui nous permet de comprendre. L'histoire et l'Histoire se sont rejoints et c'est une libération.
"Elle déclarerait que son égarement était allé très loin et avait occupé une longue période de sa vie. L'important serait de dire - de rentrer dans le rang, dans le doux refuge de ceux qui racontent, sans les déformer, les histoires de leur honte".
Maintenant si vous me demandez si j'ai aimé ce roman, je vous répondrai que je l'ai admiré mais que ce n'est pas une lecture aisée. La métaphore n'y est pas toujours évidente. Parfois, l'on éprouve comme l'héroïne le besoin de s'échapper et j'ai eu souvent envie de fermer le livre avant la fin de cette quête douloureuse. Le fait de ne pas l'avoir fait prouve que le talent de l'écrivain est réel et je suis heureuse d'avoir pu conduire ma lecture jusqu'au bout mais... non sans mal!

Quelques extraits :

"La ville s'était faite chair. Quand Margaret se réveilla, le stuc et le bois avaient laissé place à une peu humaine(;;)En sortant de son immeuble, Margaret leva les yeux vers le ciel et découvrit les façades de chair....
Les murs palpitaient et l'épiderme dont ils étaient revêtus était si tendu qu'il semblait recouvrir un foetus géant où d'immenses organes plongés dans un silence regorgeant de vie, à moins qu'il ne s'agit plutôt de millions de muscles frémissants."

"-je crois que je suis attirée par eux;
- Excusez-moi lança le médecin d'une voix claironnante, mais de qui parlons-nous? Par quoi êtes-vous  attirée?
Les joues brûlantes, la tête baissée, Margaret parla sans regarder la vieille femme. Son vertige s'aggravait, mais son seul espoir était de se dévoiler. Elle devait révéler le fonctionnement de son esprit, même si cela devait la conduire en enfer.
-Par la... par eux.  (Les nazis). Quand je lis leurs mémoires ou leurs biographies, il arrive qu'ils me paraissent normaux, et souvent ingénieux. Je m'imagine qu'ils sont mus par un sentiment qui n'est pas sans noblesse.
 Le médecin se mit à rire. Margaret était interloquée.
- Camarade, nous voudrions tous que le mal soit simple et stupide, mais il est flexible et intelligent."

"Margaret comprit alors ce qu'est vraiment un fantôme; : la résonance d'une vie. Un fantôme est la vibration intense et profonde d'une pensée bienveillante pour les morts. Chacun peut et doit croire aux fantômes."

                                          Merci à Librairie dialogues et aux éditions Flammarion

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dimanche 11 septembre 2011

Pierre Mc Orlan : Margaret chanson interprétée par Germaine Montero



La solution du jeu-énigme du samedi 10 Septembre est Le quai des brumes de Pierre Mac Mac Orlan. (voir billet sur Mc Orlan ICI ) Aussi ce dimanche poétique est consacré à ce poète, écrivain du XX ème siècle.

Cette chanson écrite en 1957 par Pierre Mac Orlan et interprétée par Germaine Montero raconte l'histoire d'une jeune fille qui quitte son Havre natal pour s'installer à Tampico, au Mexique, ville où elle se prostitue... Le destin de la  Nelly du roman Le quai des brumes même si elle ne quitte pas Paris est le même.



 




Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Dimanche poétique
 
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures
Océane :