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dimanche 7 février 2016

Agatha Christie : Mon petit doigt m'a dit




Le roman d'Agatha Christie Mon petit doigt m'a dit  paru en 1968 est la traduction du titre anglais By the pricking of my thumbs, réplique d'une des sorcières dans Macbeth de Shakespeare. Le film de Pascal Thomasen en est l'adaptation avec les excellents Catherine Frot et André Dussollier qui incarnent les deux héros : Tommy et Tuppence Beresford, personnages récurrents d'Agatha Christie dans quatre de ses romans.
Maintenant retraités Tommy et Tuppence vont rendre visite à leur tante, redoutable vieille dame, installée dans une maison de retraite. C'est là que Tuppence Beresford rencontre Mrs Lancaster, une pensionnaire bizarre qui lui offre un verre de lait (récurrent aussi chez Agatha Christie) en prononçant des paroles étranges il est question d'un enfant mort, peut-être assassiné. Tuppence est intriguée mais, à la mort de la tante, quand elle retourne à la maison de retraite, Mrs Lancaster a disparu. Tuppence n'aura de cesse de la retrouver, ce qui n'ira pas sans dangers!

Un roman très agréable à lire avec des dialogues pleins d'humour. J'ai bien aimé aussi   la sympathique adaptation française au cinéma.



 Les perspicaces enquêteurs qui ont trouvé la réponse sont  : Aifelle Asphodèle, Eeguab,  Keisha, Dasola, Nanou, Valentine. Bravo!

samedi 6 février 2016

Un livre/un film : énigme 121


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Pour ceux qui ne connaissent pas Un Livre/un film, l'énigme du samedi, je rappelle la règle du jeu.

Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Consignes  

Vous pouvez donner vos réponses par mail, adresse que vous trouverez dans mon profil : Qui suis-je? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.

La prochaine énigme aura lieu le troisième samedi  du mois de Février , le 20

Enigme N° 121
Ecrit par l'une des plus éminentes écrivaines anglaises de romans policiers (vous ne pouvez pas vous tromper) ce roman paru à la fin des années soixante en France porte un titre anglais tiré d'une oeuvre de Shakespeare. Il présente un couple récurrent dans l'oeuvre de l'écrivain. Il y est question d'une tante acariâtre et d'une vieille femme qui boit un verre de lait et qui disparaît mystérieusement.


C’était un couple sans rien de particulier. Des centaines de couples du même genre et d’âge tout aussi respectable prenaient leur petit déjeuner au même instant dans toute l’Angleterre. La journée non plus n’avait rien de particulier. On en voyait de pareilles cinq jours sur sept. La pluie menaçait mais il pouvait tout aussi bien ne pas pleuvoir.

Si vous avez un caractère désagréable à vingt ans, qui ne s'améliore pas à quarante ni à soixante et qui empire aux approches du cap des quatre-vingts... je ne vois pas pourquoi j'éprouverais la moindre sympathie pour vous, simplement parce que vous êtes vieux?

vendredi 5 février 2016

George R.R. Martin : Dragon de glace illustré par Luis Royo



Dragon de glace est un livre pour enfants (7 /8/ 9 ans?) écrit par George R.R. Martin, l’auteur de Game of Thrones. Je n’ai jamais lu G. Martin mais les belles illustrations de Luis Royo m’ont attirée et j’ai trouvé ce petit roman fantasy si joli que j’ai su tout de suite à qui je voulais l’offrir.

Luis Royo : Adara, la fille de l'hiver

Adara a été marquée par le froid terrible qui tué sa maman à sa naissance. C’est une fille de l’hiver, c’est pourquoi le dragon de glace qui apporte le gel et la désolation dans son pays est devenu son ami. Elle seule peut monter sur son dos et voyager dans les airs avec lui. Son père, son frère et sa soeur le redoutent comme toute la population.. Mais un jour la guerre arrive dans le royaume et les dragonniers, ceux qui commandent des dragons qui crachent le feu, sont vaincus par une armée plus puissante.  Alors Adara  appelle à l’aide son dragon de glace… Pourra-t-il battre les dragons de feu du roi ennemi? Et Adora verra-t-elle fondre son coeur de glace pour éprouver des sentiments?

Luis Royo : Adar et son ami, le dragon de glace


L’histoire est bien racontée et fait appel à l’imaginaire de l’enfant d’une très jolie façon. Le thème sous-jacent au récit est celui de l’impossibilité pour la fillette de ressentir affection et amour. On pense au conte russe : La fille de Neige, façonnée par ses parents avec de la neige et qui s’en va avec l’arrivée du printemps. Mais ici la fin est différente. Quant aux illustrations en noir et blanc, elles sont un plaisir pour les yeux et contribuent à faire de ce livre cartonné, à la belle couverture, un joli objet qui devrait être apprécié.

Luis Royo : Le combat entre les dragons du feu et le dragon de glace

jeudi 4 février 2016

Fiodor Dostoievsky : Le rêve d’un homme ridicule




Le rêve d’un homme ridicule est une toute petite nouvelle, écrite tardivement, que les inconditionnels de Dostoievsky adorent parce qu’elle contient tous les thèmes chers à l’écrivain développés dans ces grands romans. J’ai lu et étudié Dostoievsky quant j’étais à l’université et je me souviens de mon admiration pour ses oeuvres et pour l’Idiot en particulier. Lointains souvenirs que j’ai ranimés dernièrement par la lecture de Le double, Les nuits blanches et Souvenirs de la maison des morts, dernier lu que j’ai beaucoup apprécié. Et pourtant je n’ai pas aimé Le Rêve de l’homme ridicule.

Le récit

Fiodor Dostoievsky : Tombe du cimetière à Saint Pétersbourg

Le héros de ce livre a toujours été ridicule. Dès l’enfance, il a suscité les moqueries de ses semblables, à tel point que le voilà, adulte, dégoûté de la vie car « tout lui est égal ». Il décide de se suicider et achète un pistolet qu’il tient en réserve pour le jour J.  Enfin, celui-ci arrive. L’homme ridicule rentre chez lui pour mettre son projet en exécution. En chemin, il rencontre une petite fille pauvre et désespérée, qui lui demande de l’aide pour sa mère malade. Notre héros la chasse et rentre chez lui. Mais au moment de se tuer, le souvenir de la fillette revient l’obséder, le remplit de honte et de pitié. Le jeune homme s’endort et fait un rêve. Il arrive sur une planète semblable à la Terre qui semble être le paradis, dans une société ou tout le monde s’aime et connaît le bonheur. Hélas! le héros va introduire le mal dans cet Eden et le corrompre. Quand il le quitte, le malheur, la jalousie, la violence règnent dans ce paradis perdu. Mais l’homme ridicule a découvert la Vérité et va se mettre à prêcher et la révéler à ses semblables pour que notre monde devienne meilleur.

Une belle écriture

 D’abord, notons-le, Fiodor Dostoievsky, c’est toujours une belle écriture à laquelle il est difficile de résister. Les quelques pages, par exemple, qui racontent la rencontre de l’homme ridicule avec la petite fille, dans cette nuit « lugubre » où tout ce qui l’entoure paraît animé d’une grande hostilité à l’encontre du personnage, sont celles d’un grand écrivain et elles fascinent.

Il avait plu toute la journée, et c'était une pluie froide, et la plus lugubre, une pluie, même, qui était comme féroce, je me souviens de ça, pleine d'une hostilité flagrante envers les gens, et là, d'un coup, vers onze heures du soir, la pluie s'est arrêtée, et une humidité terrible a commencé, c'était encore plus humide et plus froid que pendant la pluie, et une espèce de vapeur remontait de tout ça, de chaque pierre dans la rue et de chaque ruelle, si l'on plongeait ses yeux dedans, au plus profond, le plus loin possible, depuis la rue. D'un coup, j'ai eu l'idée que si le gaz s'était éteint partout ç'aurait été plus gai, que le gaz rendait le coeur plus triste, parce qu'il éclairait tout. (…)
Quand j'ai eu cette idée sur le gaz, dans la rue, j'ai regardé le ciel. Le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans une de ces taches noires, j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'était parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée : j'ai décidé de me tuer cette nuit-là.

Une réflexion Philosophique

Ce récit nous entraîne avec Dostoievsky vers une réflexion philosophique qui s’empare du personnage au moment où il sort son revolver pour mettre fin à ses jours.

La détestation de soi attisée par les moqueries de son entourage l’a conduit à considérer que tout était égal. Alors pourquoi la pitié et la honte qu’il a ressenties en refusant d’aider la fillette le détournent-il du suicide? Tout ne lui serait donc pas égal!  C’est une première constatation.

D’autre part, le monde existe-t-il en dehors de la conscience?
S’il se tue « le monde entier, à peine ma conscience sera éteinte, s’éteindra tout de suite comme un spectre, un attribut de ma seule conscience… ». Le monde n’existe pas en dehors de lui. Ce sentiment de honte et de pitié disparaîtra donc avec lui. Alors pourquoi s’en soucier? Mais le fait est qu’il s’en soucie. C’est la seconde constatation.

C’est donc un sentiment de pitié ressenti sous la forme d’une douleur qui peut le ramener à la conscience de sa propre existence - tout ne m’est pas égal-  c’est la honte éprouvée pour un acte méprisable qui fait que le monde redevient signifiant - je ne peux mourir sans avoir résolu ce dilemme-.

Ainsi l’on peut déjà entrevoir ce que sera la conclusion de la nouvelle. Ne serait-ce pas l’amour d’autrui qui donnerait du sens à la vie? C’est ce que son rêve va lui permettre de comprendre : seul l’amour peut sauver l’humanité. Ce message, il est vrai qu’il se retrouve dans toute l’oeuvre de Dostoievsky. L’homme ridicule deviendra donc prêcheur pour porter la parole du Christ : « aimez-vous les uns, les autres » « Aime ton prochain comme toi même ». S’il est toujours ridicule, c’est que l’humanité n’est pas prête à recevoir ce message.

  Une réflexion métaphysique

Mais c’est avec l’utopie que cela s’est gâché pour moi. Avant d’en arriver au message « aime ton prochain comme toi-même » l’écrivain fait revivre dans son Utopie, le mythe de l’Eden, celui de la bonté originelle de l’homme liée à son ignorance primitive qui le détourne du mal.
" Oh! tout de suite, dès que je vis leur visage, je compris tout, oui tout! C’était une terre qui n’était pas encore souillée par le péché originel, n’y vivaient que des hommes qui n’avaient pas encore péché, ils vivaient dans un paradis semblable à celui dans lesquels avaient vécu, d’après toutes les légendes de l’humanité, nos ancêtres pécheurs, avec cette différence qu’ici, la terre était partout  un seul et même paradis! "
Dans cette utopie, effectivement les hommes ne connaissent pas « cette sensualité cruelle qui touche presque tout le monde sur notre terre »  mais  « il y avait de l’amour et des enfants naissaient ». Voilà qui est vite expédié! On se demande bien si les femmes y sont pour quelque chose.

Comme dans la Bible, c’est la découverte de la sensualité qui met fin au bonheur des humains. Il  est à noter que cette fois-ci ce n’est pas une femme qui en responsable mais un homme. De plus, l’accès à la connaissance et à la science, entraîne le malheur. Si l’on ne peut qu'être d’accord avec le message d’amour délivré par la nouvelle, par contre cette seconde partie qui reprend le thème de la chute liée au péché, souillure que l’homme doit effacer pour atteindre la rédemption ne me touche pas du tout. Et pourtant elle est au centre de l’oeuvre de l’écrivain marqué par le christianisme. Je ne peux adhérer à l'idée de la bonté originelle de l'homme, je ne peux penser que la connaissance lui est néfaste. Je vois la science comme un progrès, et non comme un obstacle au bonheur. Et dans tous les cas, je pense que l'être humain a le droit d'accéder à la connaissance même si celle-ci introduit doute et tourment. Je suis donc à des années lumière des croyances métaphysiques de Dostoievsky.

L'Idiot

Le prince Muichkine dans l'Idiot : Gérard Philippe

  Alors pourquoi ai-je tant aimé L'Idiot? C'est que dans les grands romans de Dostoievsky, les personnages sont des êtres de chair et d'os.  Le personnage de l'idiot, le prince Muichkine, incapable de faire le mal, à l'égal du Christ, est le frère de l'homme ridicule. Il représente la bonté originelle mais que peut-il, face à la société corrompue, sinon chercher à rendre ceux qui l'entourent meilleurs? C'est un personnage complexe, attachant avec ses souffrances, ses peurs et ses doutes, c'est un être vivant et non une idée abstraite. Tout le contraire du personnage de la nouvelle. S'il est le Christ, il est plus Homme que Dieu. On se sent proche de lui et c'est ce que j'aime.  De plus, le  roman est abordable par tous ses aspects, métaphysique, réaliste, politique et social, et l'écrivain ne s'en tient pas qu'à un seul thème. Il foisonne d'idées. Et c’est pourquoi, pour en revenir à la nouvelle Le rêve de l'homme ridicule, je n’ai pas aimé cette seconde partie trop démonstrative malgré les qualités littéraires évidentes.


mardi 2 février 2016

William Butler Yeats : Down by the Salley Gardens/Au bas des jardins de saules

Saule et nymphéa de Monet

Down By The Salley Gardens

Down by the salley gardens my love and I did meet;
She passed the salley gardens with little snow-white feet.
She bid me take love easy, as the leaves grow on the tree;
But I, being young and foolish, with her did not agree.

In a field by the river my love and I did stand,
And on my leaning shoulder she laid her snow-white hand.
She bid me take life easy, as the grass grows on the weirs;
But I was young and foolish, and now I am full of tears.




Claude Monet

Au bas des jardins de saules

Au bas des jardins de saules je t’ai rencontrée, mon amour.
Tu passais les jardins de saules d’un pied qui est comme neige
Tu me dis de prendre l’amour simplement ainsi que poussent les feuilles,
Mais moi j’étais jeune et fou et n’ai pas voulu comprendre.

Dans un champ près de la rivière nous nous sommes tenus, mon amour,
Et sur mon épaule penchée tu posas la main qui est comme neige.
Tu me dis de prendre la vie simplement, comme l’herbe pousse sur la levée,
Mais moi j’étais jeune et fou et depuis lors je te pleure.






 traduction Yves Bonnefoy aux éditions Gallimard/Poésie : Quarante cinq poèmes suivis de La Résurrection














dimanche 31 janvier 2016

Helen Oyeyemi : Boy, Snow, Bird





Helen Oyeyemi

Née en 1984, Helen Oyeyemi a grandi à Londres et vit aujourd'hui à Prague. Jeune auteur prodige, elle a écrit son premier livre à dix-neuf ans. Le blanc va aux sorcières, son troisième roman, a paru aux éditions Galaade en septembre 2011. Récompensée par le prix Somerset Maugham et acclamée en France comme à l’étranger par la presse, elle est considérée comme l’une des dix artistes qui comptent au Royaume-Uni, et fait partie de la liste 2013 des meilleurs jeunes espoirs de la littérature britannique établie par la revue Granta. (source)



 Boy, Snow, Bird est une belle surprise, une plongée dans un monde romanesque à part, qui s’éloigne de ce qui est attendu, qui emprunte au conte de fée traditionnel tout en étant profondément ancré dans la réalité, un mélange d’irrationalité et de poésie nous questionnant sur l’identité, la couleur, le genre.

Nous sommes aux Etats-Unis, dans les années 1930 marquées par la ségrégation et la haine des noirs.  Les questions se pressent : Qui est la mère de Boy, un des trois personnages féminins qui donnent son titre au roman? Est-ce elle qui lui a choisi ce prénom, Boy, comme cadeau de naissance, don venimeux d'une sorcière penchée sur le berceau du bébé? La fillette ne l’a jamais connue, elle est élevée par un preneur de rats, géniteur violent et haineux, qu’elle est obligée de fuir.  Elle se réfugie dans un petite ville du Massachussets et épouse Arturo Whitmann un bijoutier. Mais à la différence du conte, le mariage n'est pas le happy end attendu pour la jeune héroïne car un enfant naît de cette union. Mais pourquoi Bird, la fille de la blanche et blonde Boy et d'Arturo, est-elle noire?

 Nous sommes dans un pays de conte où les frontières se brouillent, où nous perdons tout repère, où les choses ne sont pas ce qu'elles devraient être, où le blanc apparaît noir, et dans un pays bien réel où le noir est considéré comme laid. Les deux univers se rejoignent dans leur cruauté. L'intelligence de Helen Oyyemi, c'est d'avoir détourné le conte de Blanche Neige pour parler du racisme et de l'intolérable souffrance de ceux qui le subissent.
L’écrivaine brouille habilement les pistes. Le conte traditionnel épouse si étroitement la réalité que l’on ne peut remettre en question la crédibilité de l’histoire : Le preneur de rats ( nous dirions de nos jours, dératiseur) n’évoque-t-il pas le joueur de flûte d’Hamelin? Et qu’en est-il de Snow, la fille d’un premier mariage d’Arturo, si belle avec sa peau blanche et ses cheveux si noirs? et de sa marâtre Boy? Blanche Neige!
Helen Oyeyemi introduit le thème récurrent du miroir qui unit les trois femmes : Boy, Snow et Bird, interrogation sur  une identité qui repose sur le mensonge, interrogation aussi sur le Bien et le Mal. Nous ne sommes pas ce que nous paraissons car les miroirs ne sont pas fiables. Boy est la narratrice de la première et dernière partie et Bird prend le relais en deuxième partie. Changement de point de vue qui permet l’effet miroir réfléchissant à l’infini une multitude d’images. Que se cache-t-il derrière la beauté de Snow ? La gentillesse ou une subtile cruauté? Et Boy, est-elle méchante et vicieuse comme l'affirme le preneur de rats? De même Olivia Whitman, la mère d’Arturo, est une femme de caractère, terrible dans sa détermination à paraître ce qu’elle n’est pas, peut-être par haine d’elle-même, et à écarter ce qui se met sur son chemin.

Si certains passages m’ont paru moins soutenus quelque fois, cela n’a été qu’un ressenti passager car le récit est souvent extrêmement fort comme le sont aussi les personnages. Le preneur de rats, surtout, est terrifiant et envoûtant, dès qu’il apparaît. j’ai beaucoup aimé aussi la lettre de Charlie, un amoureux éconduit de Boy, sur sa tante Jozsa, qui refuse de renier ses idéaux; ou encore l’affrontement de Boy et de sa belle mère Olivia après la naissance du bébé, ce qui aboutit au récit de la vieille dame sur sa jeunesse. Mais je ne vais pas tout vous raconter et je vous laisse découvrir ce livre que j’ai beaucoup aimé.

Personne ne m'avait jamais prévenu au sujet des miroirs, de sorte que je les ai appréciés durant longtemps, les croyant fiables. Je me cachais entre eux en en plaçant deux face à face  de sorte que, debout au milieu, j'étais réfléchie à l'infini dans l'un ou l'autre sens. Beaucoup, beaucoup de moi. Quand je me dressais sur la pointe des pieds nous étions toutes dressées sur la pointe des pieds, à tâcher de voir la première d'entre nous, et la dernière. L'effet était vertigineux, une immense pulsation, pas tout à fait vivante, tenant plus du fonctionnement de l'automate. Je ressentais le reflet sur mon épaule comme un tapotement. j'étais avec lui dans les termes les plus intimes, comme n'importe quelle petite nouille trop seule pour être difficile avec ces fréquentations.




 Merci à Dialogues croisés et aux éditions Galaade

samedi 30 janvier 2016

Myriam Beaudoin : Hadassa





Voilà ce que dit l’éditeur (Bibliothèque Québécoise)  à propos de Hadassa, roman de Myriam Beaudoin, écrivaine québécoise :  
« Une jeune femme, professeure de français dans un établissement pour écolières juives orthodoxes, découvre tout au long de l’année scolaire un monde à part, enveloppé de mystère et d’interdits, mais séduisant et rassurant. Au fil des conversations chuchotées avec les jeunes élèves, dans un franglais parsemé de yiddish, dans l’apprivoisement, dans la surprise et dans l’inconfort de la différence, se détache alors le visage d’une enfant boudeuse, rêveuse, fragile prénommée Hadassa. Le choc des cultures peut-il être un choc amoureux ? Oui, puisque se tisse en parallèle une histoire d’amour entre un jeune épicier récemment immigré de Pologne et une Juive mariée, effrayée par la violence de ses sentiments. C’est le prix de la liberté qui est ici remis en question – une liberté dont nous ne savons parfois plus que faire. Drôle et émouvant, vif et nostalgique, Hadassa est le roman du respect et de l’ouverture. Myriam Beaudoin confronte en douceur les valeurs de l’Occident et celles d’une culture millénaire qui fait tout pour préserver les siennes, y compris se refermer sur elle-même. »

Il est certain que c’est avec douceur, ouverture et respect que Myriam Beaudoin explore les traditions, les croyances et les moeurs de cette communauté de juifs hassidites d’un quartier de Montréal. Elle tombe littéralement sous le charme des ces petites filles qui n’ont que onze ans. Elles ont encore gardé une relative spontanéité et une fraîcheur qui les emmènent à s’intéresser à leur professeure de français (une goyim) et a « l’avoir dans le coeur » comme le fait Hadassa! Myriam Beaudoin rend compte de ces rapports de l’adulte et des enfants avec finesse, poésie et humour. Les échanges de l’enseignante et de ses jeunes élèves qui parlent une mélange de yiddish, d’anglais et de français malmené sont savoureux. L’on ne peut qu’aimer ces fillettes si différentes les unes des autres, intelligentes et intéressantes, attachantes dans leur naïveté et leur curiosité, sachant qu’à douze ans, après leur Bat Mitzva, leur enfance sera terminée :

«  A partir de douze ans, on devient des Kalemyd, des filles à marier, et on doit se comporter en femme, il faut être jolie toujours, le mariage va venir, le shadchen cherche un mari pour nous.. (…) Quand une fille devient Bat Mitzva, c’est la fin de l’école primaire, le début d’une longue préparation au mariage, et surtout, surtout, la séparation définitive avec les non-juifs. »

Pourtant quand on affirme que ce monde est « rassurant » alors je m’interroge. En quoi, un repli communautaire est-il bienfaisant quand il protège ses traditions en refusant tout contact avec ceux qui ne sont pas de la même religion, considérant l’Autre, celui qui est différent, comme impur? En quoi est-il positif qu'un enseignement interdise  "tout évènement historique ou scientifique qui date de plus de six mille ans", négation de l'évolutionnisme, et bien d'autres choses encore? En quoi est-il bon quand il s’oppose à la liberté des femmes, en les retranchant dès leur enfance de tout contact avec la vie extérieure et en les tenant pour inférieures?
Après s’être lavé les mains, son époux revêtit son châle de prière, enroula à son front et à son son bras gauche deux écrins de cuir noir, se tournant vers Jérusalem, pieds joints, récita la prière du matin, et il rendit grâce à Dieu de ne pas avoir été fait femme : «  L’homme est né de la terre et la femme d’un os. Les femmes ont besoin de parfum et non les hommes : la poussière du sol ne se corrompt pas tandis qu’il faut du sel pour conserver la viande…

 Pour ma part, et au nom de la tolérance et de la liberté, j’ai été glacée par un repli communautaire qui entraîne la négation de l’étranger, interdit tout rapport avec lui même par le regard. J’ai été choquée par le mépris de la femme et par sa mise sous tutelle, son absence de liberté physique mais aussi intellectuelle. Il faut l’empêcher de penser par elle-même. Et que l’on justifie cela par le « confort » que cela lui procure (elle n’est pas en proie au doute, elle est heureuse parce qu’elle a des certitudes, elle sait où est sa place etc…) me paraît bien triste parce que même si la liberté n’est pas de tout repos, elle fait de nous des êtres humains à part entière.

C’est d’ailleurs ce que prouve l’autre aspect du roman de Myriam Beaudoin, celui qui montre une femme juive tourmentée par l’amour qu’elle éprouve pour un goyim.  Ses souffrances permettent de comprendre ce qu’éprouvent les femmes qui ne savent pas se couler dans un moule. En France, encore jusqu'au XIX siècle, les femmes différentes, qui s’opposaient à la tutelle toute puissante de leur mari, ou ne voulaient pas être mariées contre leur gré, ou ne voulaient pas être mères, bref! qui étaient différentes, étaient considérées comme folles et parfois enfermées dans des asiles ou des couvents.
Finalement toutes les religions, chrétienne, musulmane, juive… ont mené à ce résultat. Pas à l’origine, certainement, mais parce qu’elles ont toutes été prises en main et codifiées par des hommes. Saint Augustin  affirme :« Homme, tu es le maître, la femme est ton esclave, c'est Dieu qui l'a voulu. » Ben, voyons! Dieu serait-il anti-féministe?
Nous avons évolué chez nous depuis, bien heureusement? Pourtant quand un membre d’une association humanitaire, en France, affirme refuser de serrer la main à une femme et ceci sur un plateau de télévision, l’on ne nous dit même pas si cette association continue à recevoir de subventions de l’état français au nom de sa « modération ». En Belgique, des députés musulmans « modérés »  ont refusé de regarder les journalistes féminines et de répondre à leurs questions.

Ma conclusion est que l'extrémisme religieux est dangereux car il s’attaque à la liberté, en général, et aux droits de la femme. Je ne vois pas pourquoi l’on accepterait chez l’un, ce que l’on combat chez l’autre. L’on me dira que les Hassidites ne  sont pas violents mais n’est-ce pas une violence en soi que de refuser les autres sous prétexte de se protéger. Et peut-on dire que les femmes ont le choix et qu’on ne leur fait pas violence en les privant de leur libre arbitre, en leur refusant à l'école tous les sujets qui pourraient former leur sens critique? D'ailleurs je suis étonnée que le gouvernement canadien autorise un enseignement aussi restrictif, aussi passéiste et aussi inégalitaire; ce n'est pas possible en France même dans des écoles confessionnelles agréées par l'Etat (du moins, je l'espère!!). Lisez ce livre, vous n'en reviendrez pas! C’est pourquoi je n’ai pas été convaincue par les termes employés par le critique, Benoît Jutras, à propos de la communauté décrite dans le roman de Myriam Beaudoin, admirant «la dignité sans nom d’être autre ».

Ceci dit, vous comprendrez qu’étant donné toutes les questions que soulève ce livre, et qui sont de plus au coeur de nos préoccupations actuelles, et sans oublier l’écriture de Myriam Beaudoin,  il ne peut être que très intéressant de lire "Hadassa".

Merci à Aifelle pour l’envoi de ce roman son billet est ICI  

mardi 26 janvier 2016

Arnaldur Indridason : Opération Napoléon





Quatrième de couverture : Arnaldur Indridason : Opération Napoléon

1945. Un bombardier allemand, pris dans le blizzard en survolant l’Islande, s’écrase sur le Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe. Parmi les survivants, étrangement, des officiers allemands et américains. L’Allemand le plus gradé affirme que leur meilleure chance de survie est de marcher vers la ferme la plus proche. Une mallette menottée au poignet, il disparaît dans l’immensité blanche. Dans les années qui suivent les Américains lancent en vain des expéditions pour faire disparaître cette opération militaire mystérieuse et encombrante.
1999. Le glacier fond et les satellites repèrent une carcasse d’avion, les forces spéciales de l’armée américaine envahissent immédiatement le Vatnajökull et tentent en secret de dégager l’avion. Deux jeunes randonneurs surprennent ces manœuvres et sont rapidement réduits au silence. Avant d’être capturé l’un d’eux contacte sa sœur Kristin, une jeune avocate sans histoires. Celle-ci se lance sur les traces de son frère dans une course poursuite au cœur d’une nature glaçante. Les événements se précipitent. Les hypothèses historiques déconcertantes, parfois dérangeantes, et la séduction inoubliable qu’exerce cette héroïne à la fois tenace et perspicace, font de ce texte un formidable roman à suspense.

Arnaldur Indridason source

Voilà pour l’histoire! Ce que j’aime chez Arnaldur Indridason, historien de formation, c’est que la petite histoire, dans nombreux de ses romans, rejoint la Grande. Ici, après la fin de la guerre, Indridason s’intéresse, pour la critiquer, à l’occupation américaine de l’Islande sous prétexte de protection. Des bases militaires américaines solidement établies à Kevflavik provoquent la grogne des islandais, tout au moins de ceux qui n’ont pas d’intérêts économiques directement liés à la base. L’hostilité de la population induit une valse-hésitation du gouvernement islandais qui cherche à préserver son hégémonie tout en n’interrompant pas la manne financière qui coule à flots du fait de cette présence sur son sol. En introduisant le mystère de cet avion nazi disparu dans le glacier et que recherchent pendant tant d’années les services secrets américains, l’écrivain a imaginé la situation idéale pour mettre en lumière ces problèmes. Il a réuni tous les ingrédients pour régler son compte -tout au moins littérairement- aux Etats-Unis.

le Vatnajökull, source
 Ensuite, bien sûr, le pays est là avec ses hivers rigoureux, la neige contrastant avec les champs de lave noirâtres et la découverte de cet immense glacier le Vatnajökull, monstre crevassé, chaotique, qui engloutit l’avion et le recrachera des années après.
Et puis, il y a Kristin, ce personnage de femme intrépide, qui, pour sauver le jeune frère qu’elle a élevé, va risquer sa vie et vivre des aventures rocambolesques. Le livre ne se livre pas à des analyses psychologiques et s’intéresse surtout à l’action : attentats, meurtres, dangers, revirements de situation spectaculaires! Kristin est une super-woman qui échappe à de nombreux attentats. Elle est douée pour mettre l’embrouille dans les services secrets américains. Les exploits de cette héroïne ne sont certainement pas toujours crédibles mais le lecteur jubile car dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer, c’est le pot de terre qui gagne… enfin presque! Ce qui est dommage, c’est que le personnage masculin, ait aussi peu intéressé l’auteur. Il n’a pas beaucoup de personnalité et l’on ne comprend pas bien pourquoi il risque ainsi sa vie pour une fille qui n’avait été qu’une relation passagère même si, bien sûr, on devine qu’il en est amoureux.
Opération Napoléon est le troisième roman de Arnaldur Indridason. Il sait ménager un bon suspense et, avec ses forces et ses faiblesses, constitue une agréable lecture.


lundi 25 janvier 2016

Marceline Loridan-Ivens et Judith Perrignon : Et tu n’es pas revenu




Et tu n’es pas revenu est le livre que Marceline Loridan-Ivens écrit pour son père avec le concours de Judith Perrignon.

Marceline et son père, Salomon, ont été arrêtés par les allemands en 1944 puis transportés vers L’Est : Birkenau pour elle, Auschwitz pour lui. Les deux camps sont voisins l’un de l’autre. Un jour, elle l’aperçoit dans un groupe qui se rend au travail. Elle court vers lui, l’embrasse. Un SS la roue de coups, elle s’évanouit mais a le temps de lui donner son numéro de baraquement. Il peut ainsi lui glisser dans la main, cadeau inestimable, cadeau de vie, un oignon et une tomate et, plus tard,  lui envoyer une lettre qu’il signe de son nom juif : Shloïme, ultime résistance d’un homme qui va mourir de privations et de sévices vécus dans cet enfer.
Avec Tu n’es n’es pas revenu, plus de soixante dix ans après, Marceline répond à son père et lui adresse une lettre témoignage : le quotidien d'un  camp de concentration, le travail dans les tranchées, la faim, le froid, le manque d’hygiène, les maladies, les coups, le pouvoir absolu des médecins comme Mengele sur la vie et la mort, les humiliations et surtout la violence partout, la fumée des crématoires qui ne s’arrêtent jamais.. Mais aussi une lettre hommage à travers ce dialogue, au-delà des années et  de la mort, avec cet homme qui aimait tant sa « chère petite fille «  et qui lui demandait de vivre.
Ensuite la libération, le retour, l’incompréhension des autres, la difficulté de réadaptation, la honte d’avoir survécu et surtout une expérience terrifiante que tous les rescapés des camps ont expérimentée : l’on ne sort jamais tout à fait d'un camp de concentration. On en garde la marque dans son esprit et dans son corps. Mais pour continuer à vivre il faut croire en l’avenir, penser à un monde meilleur. Marceline devient une femme engagée, communiste; elle est scénariste, réalisatrice avec son mari Joris Ivens mais le désenchantement viendra.

A la fin du livre elle porte un regard pessimiste sur le monde actuel :
Tu avais choisi la France, écrit-elle à son père, elle n’est pas le creuset que tu espérais. Tout se tend encore une fois, on nous appelle les juifs de France, il y a aussi les musulmans de France, nous voilà mis face à face, moi qui m’étais voulue de tous bords, en tout cas du côté de la liberté.
Ce qui l’amène à se demander quand elle analyse l’état du monde à notre époque s’il valait le coup de revenir des camps.
Mais j’espère que si la question m’était posée mon tour juste avant que je m’en aille, je saurai dire oui, ça valait le coup.

Certains propos sur notre société m'ont pourtant gênée : 
C’est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l’extrême. Et plus il s’échauffe, plus l’obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs.
Je pense que, à l'heure actuelle, les replis communautaires et les extrémismes religieux sont le propre de toutes les religions qu'elles soient chrétienne, juive, musulmane... Nous en portons tous la responsabilité. Il n'y a pas d'un côté les responsables qui sont les autres, et de l'autre les victimes qui sont les juifs. Nous sommes tous victimes de la barbarie. Des personnes de toutes les religions et des athées meurent dans les attentats.

Ceci dit,  j'ai trouvé le  livre poignant.  Il laisse une tristesse au fond du coeur longtemps après l’avoir lu. L’on se dit en voyant la haine et l’intolérance qui se déchaînent autour de nous que l’homme ne sait pas tirer une leçon de l’Histoire, qu’il recommence toujours les mêmes erreurs.  

J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »



Et celui de  Clara

dimanche 24 janvier 2016

Bruxelles : Les musées royaux des Beaux-Arts : Musée des Vieux maîtres

La petite fille à l'oiseau mort (source)
 La fillette à l'oiseau mort au musée des Vieux Maîtres de Bruxelles est un tableau de l'école flamande du XVI siècle. La beauté de la fillette, la clarté de ses yeux gris bleu, le regard intense, le sérieux de ce visage délicat qui a encore les rondeurs de la petite enfance, tout contraste avec le sujet du tableau qui rend compte de l'interrogation de l'être humain face à la mort. La petite fille a-t-elle compris l'aspect définitif de la mort? Retient-elle ses larmes? Ou a-t-elle encore l'incompréhension de la jeunesse face à la mort? La blancheur candide de la robe et de la coiffe se détache sur le fond noir, pour mieux nous dire que toute chair est promue à la corruption, que la beauté doit disparaître un jour, que nous sommes tous éphémères..

 Le mont des Arts

En montant vers le Mont des Arts

Le Mont des Arts, à Bruxelles, est un pôle artistique important qui concentre dans un seul bâtiment, trois musées des Beaux-Art, le musée des Vieux Maîtres, celui consacré à Magritte et le musée Fin de Siècle. Un bémol : il n'y a pas musée d'art contemporain pour l'instant, ce qui est une lacune de taille. 
Si vous y ajoutez, juste en face, dans un autre édifice art nouveau, le musée de la musique, vous comprendrez que c'est un lieu de Bruxelles passionnant.

 Le musée des Vieux Maîtres

Bruxelles Vierge à l'enfant de Quentin Metsys musée des Vieux maître au Mont des Arts
Vierge à l'enfant de Quentin Metsys
 Le musée des Vieux Maîtres expose des peintures du XV au XVIII siècle avec quelques oeuvres du début du XIX siècle, de Metsys, Van Weyden, Jérome Bosch, Brueghel à Rubens, Ruysdael Hals, Rembrandt, Van Dyck , Jordaens et david.
Comme je ne peux tout vous montrer, j'ai choisi quelques uns de mes tableaux préférés parmi les oeuvres du XV au XVI siècle.

Le maître de la légende de Sainte Lucie (dernier quart du XV siècle)

Virgo inter Virginespar le  Maître de la légende de Sainte Lucie bruxelles musées royaux des beaux-arts
Musée des Anciens Maîtres : Maître de la légende de Sainte Lucie Virgo inter Virgines
On ne connaît pas le nom du Maître de la légende de Saint Lucie.  Il existe plus de 25 scènes de la vie de Sainte Lucie qui peuvent lui être attribuées et qui sont disséminées partout dans le monde (Los Angeles, Washington, Mineapolis, Bruges, Pise..) Celui de Bruxelles s'intitule : Virgo inter Virgines : Vierge parmi les vierges. Le maître a certainement dirigé un  important atelier à Bruges dans le dernier quart du XV siècle, comme le prouve l'arrière plan de ces tableaux qui représentent différents stades de construction du beffroi de la ville.
Sainte Lucie a une robe vert clair. Elle est assise derrière la vierge qui est assise, tenant un livre sur ses genoux. Elle expose ses yeux arrachés dans un plat.

Brixelles Musée des Anciens Maîtres : Maître de la légende de Sainte Lucie les yeux arrachés de Sainte Lucie
Les yeux de Sainte Lucie (détail)
Bruxelles : Musée des Anciens Maîtres : Maître de la légende de Sainte Lucie d'étail le visage de Sainte Lucie
Sainte Lucie à gauche (détail)
Chaque jeune fille représente une sainte, certaines avec les attributs de leur martyre. Je ne les reconnais pas toutes et certains symboles m'échappent. Mais au-delà de l'histoire religieuse, j'aime  cette scène qui montre des jeunes filles réunies autour d'un bébé, dans un décor champêtre, devant des massifs de fleurs symboliques. Le détail des coiffures, la beauté de ces visages paisibles et recueillis, la luxuriance des étoffes, l'harmonie des couleurs, font oublier le futur tragique de ces femmes pour ne retenir que ce moment privilégié autour de l'Enfant.

Hans Memling (1435_1494)

Le maître de la légende de Saint Lucie a subi l'influence de Hans Memling. On peut voir dans le tableau suivant de Memling : La vierge et l'enfant,  les ressemblances existant entre ces deux peintres.
Hans Memling est un peintre primitif flamand né à Seligenstadt en Allemagne vers 1435-1440 et mort à Bruges en 1494.

Vierge à l'enfant de Memling

Quentin Metsys (1466-1530)

Quentin Metsys est un peintre flamand de l'école d'Anvers. Il est né en en 1466 à Louvain et est mort à Anvers en 1530. Le musée de Bruxelles présente ce grand et très beau triptyque.
Triptyque de Metsys : détail au centre la famille d'Anne Bruxelles Musée des vieux maîtres.
Triptyque de Quentin Metsys

A gauche, un ange prédit à Joachim la naissance de l'enfant; Au centre la famille de Sainte Anne; A droite, la mort de la Vierge.

Triptyque de Metsys : détail au centre la famille d'Anne Musée des vieux maîtres bruxelles
Triptyque de Metsys : détail au centre la famille d'Anne
Sainte Anne, la Vierge et tous les saints personnages qui l'entourent ont des visages doux, les yeux à demi fermés, comme en extase, dans un pose un peu hiératique. Mais Metsys peut être  aussi un portraitiste de talent et même un caricaturiste quand il représente des personnages incarnant le mal.

Triptyque de Metsys : L'annonciation à Joachim  panneau de gauche Bruxelles
Triptyque de Metsys : L'annonciation à Joachim
Triptyque de Metsys : La mort de la Vierge panneau de droite Bruxelles
Triptyque de Metsys : La mort de la Vierge

Jérome Bosch (1450_1516)

Hiéronimus van Aken, dit Jérôme Bosch,  est un peintre néerlandais, membre de l'Illustre confrérie de Notre-Dame.

Bruxelles Jérome Bosch : triptyque de la Tentation de Saint Antoine Musée des Vieux Maîtres
Jérome Bosch : triptyque de la Tentation de Saint Antoine
Le tableau fait référence à La légende dorée de Jacques de Voragine qui raconte la tentation de Saint Antoine au désert, en Egypte.

Jérome Bosch : la tentation de Saint Antoine (détail) Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles Bruxelles
Jérome Bosch : la tentation de Saint Antoine (détail) Bruxelles musée des Vieux maîtres
 Panneau de Gauche: Antoine transporté dans les airs est fouetté par des diables. Après sa chute, il marche sur le pont, courbé, soutenue par des moines. Le pays est peuplé d'êtres monstrueux et d'objets dont le symbole n'est pas toujours évident.

Panneau central : Le vieillard est au centre du tableau; il est entouré de personnages étranges, mi-humains mi-animaux. A côté de lui, tous accourent, pauvres, infirmes, monstres, vers une table ronde où l'on sert à boire. Mais le saint ne les regarde pas puisqu'il est tourné vers nous et désigne de la main la voie suivie par Jésus Christ. A l'arrière plan, les flammes qui détruisent un village  semblent faire allusion à une scène de guerre. L'eau sale, trouble, qui coule au premier plan, au bas du tableau, sort de grands canalisations, gigantesques égouts ou portes menant à l'Enfer?

Panneau de droite :  Des femmes nues qui représentent la tentation de la chair apparaissent à Saint Antoine. Celui-ci ne les  regarde pas mais lit la bible. A nouveau, une table invite à la boisson qui est le symbole de la luxure. 
Dans ce tableau l'imagination de Jérome Bosch semble sans limites. Il  invente des créatures qui semblent tout droit sorties des pires cauchemars.
Jérome Bosch : la tentation de Saint Antoine (détail) Bruxelles musée des Vieux maîtres
Jérome Bosch : la tentation de Saint Antoine (détail)

Pierre Brueghel L'Ancien (1525_1569)

Pieter Brueghel ou Bruegel dit l'Ancien est un peintre brabançon né vers 1525 et mort en 1569 à Bruxelles

 La chute des anges rebelles

Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles Musée des Vieux maîtres de bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles
Dans La chute des anges rebelles, Pierre Brueghel est grandement influencé par Bosch et son imagination qui peuple ce tableau cauchemardesque est tout aussi délirante. La scène présente un luxe de détails grotesques, de diables monstrueux que combattent les anges.

Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles détail  Musée des Vieux maîtres de bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles détail
Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles détail  Bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : la chute des anges rebelles détail

 Le dénombrement de Bethléem

Le dénombrement de Bethléem qui représente l'entrée de la Vierge, Joseph, l'âne et le boeuf, est mon tableau préféré dans cette salle consacrée à Pierre Brueghel l'Ancien et à son fils Pierre Brueghel le Jeune.
Pierre Brueghel l'Ancien :  L'entrée à Bethléem Musée des Vieux maîtres de Bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : Le dénombrement de Bethléem

 Le tableau décrit un passage de l'Evangile selon Saint Luc où Marie, enceinte, et Joseph, vont se faire enregistrer comme le veut la loi romaine.
La scène est biblique et pourtant, replacée dans le contexte de ce village flamand, elle frappe par son réalisme, le nombre de détails qui montrent la vie quotidienne des habitants. Elle offre des renseignements sur le climat, l'habitat, le transport des marchandises, les occupations de ces gens, tout un peuple laborieux, la préparation du repas, les disputes entre adultes, les jeux d'enfants sur le canal gelé. C'est une scène tellement vivante, animée, curieuse, avec un atmosphère particulière due à la neige, à la glace, aux arbres dépouillés. J'adore!

Pierre Brueghel l'Ancien :  L'entrée à Bethléem détail    Musée des Vieux maîtres de bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : Le dénombrement de Bethléem détail

Bruxelles Pierre Brueghel l'Ancien : Le dénombrement de Bethléem détail
Pierre Brueghel l'Ancien : Le dénombrement de Bethléem détail

Pierre Brueghel l'Ancien :  L'entrée à Bethléem détail    Musée des Vieux maitres de Bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : Le dénombrement de Bethléem détail

Combat de Carnaval et de Carême

Pierre Brueghel : Combat de carnaval et de Carême

Dans Le combat de Carnaval et de Carême, Pierre Brueghel l'Ancien place au centre de la scène le Carnaval représenté par un homme gras, bedonnant et rubicond, assis sur un tonneau de vin,brandissant une broche et, lui faisant face, Carême, chevalier à la triste figure, long, maigre et blême, assis sur une chaise, transporté sur un chariot et tendant une palette avec deux poissons.

Pierre Brueghel l'Ancien : Au centre le Combat de Carnaval et de Carême (détail)
Pierre Brueghel l'Ancien : Du côté du Carnaval et de Carême (détail) Bruxelles
Pierre Brueghel l'Ancien : Du côté du Carnaval  (détail)

Pierre Brueghel l'Ancien : le combat de carnaval et carême : du côté deCarême (détail)
Pierre Brueghel l'Ancien : Du côté de Carême  (détail)

 Le tableau reprend cette division : A gauche c'est carnaval, on porte des masques, des costumes fantaisistes, on s'énivre, on prépare des gaufres, on ripaille, on joue, on danse sur des airs de musique. Les mendiants et les infirmes y sont légion. A droite, on sort de l'église, vêtus de noir,  on donne l'aumône, on achète du poisson pour faire maigre, on meurt de faim. La misère est représentée par un cadavre squelettique allongé à même le sol, des infirmes ou malades. D'un côté la licence, de l'autre l'austérité; d'un côté la vie païenne, de l'autre la vie religieuse.