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samedi 23 septembre 2023

Gaspard Koenig : Humus

 



Humus de Gaspard Koenig est un roman écologique où deux étudiants en agronomie prennent la mesure du défi qui les attend et du sort qui menace le genre humain face à l’appauvrissement des sols ruinés par les pesticides, dépourvus d'humus. C’est une évidence qui nous mène tout droit à la famine alimentaire et à la fin de l’humanité. Car, il faut savoir que Humus, en latin signifie Homme et que sans humus, la vie n’est plus possible ! Mais il semble qu’il y ait une solution, apprennent les deux amis, Kevin et Arthur, au cours d’une conférence sur les vers de terre, c’est le vermicompostage. Et oui, le lombric comme sauveur de l’humanité ! Il faut dire que ces adorables petites bêtes travaillent pour nous, aèrent la terre, transforment les déchets en matière organique et enrichissent nos sous-sols ! Au lieu de les empoisonner, il faut, au contraire, les protéger et et les réintroduire par inoculation dans les sols épuisés. Et voilà nos deux agronomes partis en croisade ! Les Rastignac du ver de terre !


Le lombric : 7000 espèces différentes


Les espaces infinis qui fascinent  les philosophes ne se trouvent pas au-dessus de nos têtes mais sous nos pieds. Les vers de terre transforment le sol en un dédale de chemins, de croisements, de puits, de cachettes. Chaque mètre carré dissimule  cinq mètres de galeries, un réseau encore plus dense que celui  des pyramides. Ce sont elles qui permettent de remonter depuis les entrailles de la Terre, les éléments nutritifs à la vie et, inversement, qui drainent l’eau de la pluie pour la garder en réserve. Sans cette architecture complexe, les sols se tassent, l’eau ruisselle en surface et les plantes restent affamées.


Ironie et dérision

 

C'est la faux qui doit travailler...

 

Arthur le bourgeois, fils d’avocat, choisit d’aller cultiver ( c’est logique ! Lui, ne sait pas ce que c’est !) la terre familiale « pesticidée », si j’ose dire, au dernier degré.
 Kevin, fils d’ouvriers agricoles, se gardent bien de suivre l’exemple de ses parents (pas bête ! Lui, sait  !)

« Malgré tout le prix qu'il accordait à leur amitié, Kevin ne s'imaginait pas un instant vivre en Basse-Normandie avec deux néo-ruraux émerveillés par les papillons. »

 
Il se lance dans la création d’une start-up de vermicompostage à grande échelle, qui, grâce aux lombrics de tout acabit et par un procédé naturel, sans engrais et sans pesticides, va fournir une terre noire, grasse et riche qui sera vendue partout dans le monde. Certes, il ne connaît rien à la gestion de l’entreprise et à la recherche des financements mais il est aidé par la cupide Philippine, qui incarne le capitalisme sans scrupules, dans toute son horreur et sa malhonnêteté.

Et bien, sachez-le, nos deux agronomes échoueront ! C’était couru d’avance mais il faut lire le roman pour  comprendre pourquoi et comment. Humus est une charge contre notre monde actuel qui ne sait pas s’arrêter dans cette course vers la mort et est déjà, comme le champ d’Arthur, à un point de non retour. Il est une critique du capitalisme qui n’hésite pas à vendre son âme (c’est ce que finit par faire Kevin) lorsqu’il s’agit d'argent.

Si c’est un constat assez amer, c’est avec ironie et dérision que Gaspard Koenig nous raconte cette histoire qui ne laisse pas cependant d’être angoissante. Il y a des moments d’humour que j’aime beaucoup quand Arthur, par exemple, défrichant son champ à la faux et refusant vertueusement l’utilisation du tracteur, est obligé - couvert de pansements -  de lire le mode d’emploi de cet outil qu’il est bien incapable de manier !

« C’est la faux qui doit travailler et non vous. » Il était bien d’accord.
Votre faux étant à plat sur le sol, posez un point de repère quelconque au point A au ras de la lame. Tout en maintenant la pointe du manche contre votre botte, saisissez la poignée du milieu et faites pivoter la faux au ras du sol jusqu’à ce que la pointe p vienne jusqu’au repère A. » etc…


ou quand désireux de se suicider, il calcule quel genre de mort aura le moins d’impact sur l’environnement!
Ce n’est pas pour rien que Arthur se trouve vers l’éco- terrorisme, lui aussi, voué à l’échec.

Une satire de certains milieux
 
Campus Agro Paris tech


Le roman est aussi une satire des milieux bourgeois comme des milieux financiers qui, lorsqu’ils apprennent que Kevin est issu d’un milieu modeste et fait ses études dans cette grande école d’agronomie, l’Agro Paris Tech, se réjouissent, confortés dans leur bonne conscience, que « l’ascenseur social » fonctionne en France (même si Kevin est le seul avoir atteint ce niveau !).

« Kevin resta muet. Il ne comprenait pas cette histoire d’ascenseur. Il avait plutôt l’impression de marcher d’une aventure à l’autre sans monter ni descendre. »

Ironie aussi envers le parisianisme de la directrice RSE  (de l’Oréal) qui rencontre Kevin :

« Madame RSE le regarda avec étonnement. Si l’idée qu’on puisse naître et grandir dans le Limousin était un
e vérité théorique incontestable, elle n’avait encore jamais rencontré de cas pratique. »

L’Agro Paris Tech, d’ailleurs, n’échappe pas à l’ironie de Koenig, cette grande école qui oeuvre pour booster le déploiement de la bioéconomie mais qui forment surtout des jeunes loups  soucieux de faire une carrière lucrative. L’hypocrisie consiste à la fin de l’année d’étude à laisser parler pendant quelques minutes « les bifurqueurs » «  pour dénoncer l’agribusiness et présenter leurs projets alternatifs en ferme autogérée ou à la Confédération paysanne, sous les applaudissements de leurs camarades qui, eux, auraient déjà signé leurs contrats chez Danone. »

Sous la forme d’un roman présentant des personnages que l’on suit avec plaisir, Gaspard Koenig dresse, avec un  humour grinçant, un constat pessimiste de l’état de la planète mais la fin présente pourtant une note d’espoir.


LC avec Keisha ICI  et Je lis je blogue ICI

samedi 15 mars 2014

Un livre/ Un film : Enigme 87





Wens de En effeuillant le chrysanthème et moi-même, nous vous proposons, le 1er et le 3ème samedi du mois, un jeu sous forme d'énigme qui unit nos deux passions : La littérature et le cinéma! Il s'intitule : Un livre, Un film. Chez Wens vous devez trouver le film et le réalisateur, chez moi le livre et l'auteur.

Chez Eeguab, le 2ème et 4ème samedi du mois vous trouverez l'énigme sur le film et le livre
Consignes :  Vous pouvez donner vos réponses par mail que vous trouverez dans mon profil : Qui êtes-vous? et  me laisser un mot dans les commentaires sans révéler la réponse pour m'avertir de votre participation. Le résultat de l'énigme et la proclamation des vainqueurs seront donnés le Dimanche.
Samedi 22 Mars la prochaine énigme, N° 88, aura lieu chez Eeguab.


Enigme 87
 
Ce roman noir  américain compte une série de romans ayant un personnage principal récurrent, inspecteur de police. La région des Etats-Unis où se déroule l'action est partie prenante du récit et joue donc un rôle primordial, tout autant que l'enquête policière. L'écrivain a une sensibilité à la nature peu commune dans le roman noir.  Le roman nous présente une société gagnée par la violence, la drogue, la corruption et dont les dérives inquiètent inspecteur. Les malfaiteurs les plus puissants s'en sortent toujours.

L'orage avait viré au noir au crépuscule et l'orage né sur le Golfe avait baratté l'intérieur des terres, noyant NI sous son déluge pour laisser EM jonché de feuilles et de branches d'arbres tombées de la longue marquise de chênes qui couvrait la rue depuis la vieille poste en briques jusqu'au pont mobile sur le Bayou Teche aux limites de la ville. L'air était frais maintenant , et s'y mêlait une pluie fine chargée par les odeurs lourdes et riches d'humus humide, jasmins de nuit, roses et jeunes pousses de bambou.

samedi 27 octobre 2018

Honoré de Balzac : Le Lys dans la vallée

Aurélia Frey : Dilectae exposition au Musée de Saché 2018 jusqu'au 6 janvier 2019
Aurélia Frey : Dilectae exposition au Musée de Saché sur Le Lys dans la vallée

Félix de Vendenesse écrit une longue lettre à Nathalie de Manerville, sa fiancée, pour lui faire le récit de sa vie; la jeune femme, en effet, veut apprendre le secret de la mélancolie qui le ronge et qu’elle devine enfoui dans son passé. Cette lettre, c’est  Le Lys dans la vallée. Il lui dévoile alors son amour platonique pour la comtesse de Mortsauf, épouse malheureuse du comte de Mortsauf :  Henriette qu’il a idéalisée et qui a été son Lys, symbole de pureté, Henriette qui s’est refusée à lui  malgré leur amour réciproque, pour respecter les lois du mariage et de la vertu. Lorsque Félix lancé dans le grand monde devient l’amant de Lady Dudley, une femme ardente et libérée, Henriette, folle de jalousie, meurt en proie à une révolte et une colère proches du désespoir.

J’ai lu et relu plusieurs fois, à différents moments de ma vie, Le lys dans la vallée de Balzac et une autre fois, encore, cette année, ma fille Aurélia, photographe, ayant une résidence au château de Saché où Balzac a écrit cette oeuvre… A l'heure actuelle, ce travail photographique a donné lieu à une exposition intitulée Dilectae, jusqu'au 6 Janvier 2019, au château de Saché, musée de Balzac.

Aurélia Frey : Dilectae exposition au Musée de Saché 2018 jusqu'au 6 janvier 2019 d'après Le Lys dans la vallée de Balzac
Aurélia Frey : Dilectae exposition au Musée de Saché

Lors de ma première lecture, je devais avoir autour de 15 ans et c’est ce livre qui m’a fait connaître et aimer Balzac. Donc, c'est une lecture importante pour moi. J'avais été séduite, surtout, par cette histoire d’amour impossible, Henriette de Mortsauf tiraillée entre la passion et la vertu, et admirative du beau Félix de Vendenesse, émue par le tragique de la mort de Madame de Mortsauf que je trouvais romantique, au sens impropre et réducteur que l’on donne parfois à ce terme, c’est à dire sentimental. Oui, je n’avais pas tout compris de ce roman, je l’avoue ! 

Aurélia Frey : Dilectae exposition au Musée de Saché 2018 jusqu'au 6 janvier 2019
Aurélia Frey : La dilectae Le lys dans la vallée.
Mais je me souviens très bien, que la beauté des descriptions de la vallée et surtout des bouquets que compose Félix pour la jeune femme m’avait transportée. Bien sûr, à l’époque, je n’avais pas vu la portée symbolique et l’érotisme qui émanaient de la description de ces fleurs. Ce qui me frappe maintenant !  Il y a dans le Le lys dans la vallée, de magnifiques et lyriques descriptions de paysages qui, comme d’habitude chez Balzac, sont à lire au second degré. Une prose incantatoire où la métaphore amoureuse se confond avec celle de la mort qui reste étroitement liée à Madame de Mortsauf.

« Mais déjà plus haut, quelques roses du Bengale clairsemées parmi les folles dentelles du daucus, les plumes de la linaigrette, les marabous de la reine des prés, les ombellules du cerfeuil sauvage, les blonds cheveux de la clématite en fruits, les mignons sautoirs de la croisette au blanc de lait, les corymbes des millefeuilles, les tiges diffuses de la fumeterre aux fleurs roses et noires, les vrilles de la vigne, les brins tortueux des chèvrefeuilles ; enfin tout ce que ces naïves créatures ont de plus échevelé, de plus déchiré, des flammes et de triples dards, des feuilles lancéolées, déchiquetées, des tiges tourmentées comme les désirs entortillés au fond de l’âme. Du sein de ce prolixe torrent d’amour qui déborde, s’élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s’ouvrir, déployant les flammèches de son incendie au-dessus des jasmins et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l’air, en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! Quelle femme enivrée par la senteur d’Aphrodide cachée dans la flouve, ne comprendra ce luxe d’idées soumises, cette blanche tendresse troublée par des mouvements indomptés, et ce rouge désir de l’amour qui demande un bonheur refusé dans les luttes cent fois recommencées de la passion contenue, infatigable, éternelle ? »

Ces passages provoquent toujours mon admiration. Cette nature exaltée par Balzac est celle de la Touraine que l’écrivain aime tant, un écrin verdoyant et vallonné où se déroule une vie rurale paisible, idéalisée, avec ses travaux quotidiens, les vendanges, le ramassage des châtaignes et le gaulage des noyers, les promenades sous les ormes et les peupliers, un pays de châteaux et d’eau. Une véritable déclaration d’amour à cette région   :
« Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine? Je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis en plein désert; je l’aime comme un artiste aime l’art… »

Madame de Mortsauf

Aurélia Frey : La dilectae  exposition au musée de BalzacSaché
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Saché
Madame de Mortsauf, dont le vrai prénom est Blanche demande à  Félix de l’appeler Henriette. Deux prénoms, témoins de sa dualité.  Le blanc de la pureté et le rouge du désir, le lys et et le pavot :  elle est déchirée entre la passion qu’elle éprouve pour Félix et son devoir d’épouse. Mais elle est aussi et avant tout une mère et ne pourrait se résoudre à quitter ses enfants malades.

Moi! reprit-elle, de quel moi parlez-vous ? Je sens bien des moi en moi? Ces deux enfants, ajouta-t-elle en montrant Madeleine et Jacques, sont des moi, Félix, dit-elle avec un accent déchirant, me croyez-vous donc égoïste ?

A travers elle, Balzac dénonce l’assujettissement de la femme, son manque d’indépendance soumise par les lois à son mari après l’avoir été à son père.

Les hommes font eux-mêmes les évènements de leur vie, et la mienne est à jamais fixée. Aucune puissance ne peut briser cette lourde chaîne à laquelle la femme tient par un anneau d’or, emblème de la pureté des épouses.

Pourtant, Blanche-Henriette n’est pas une faible femme. C’est elle, on l’apprendra, qui gère le domaine de Clochegourde, qui le fait prospérer, qui veille sur la santé de ses enfants malades et de son mari atteint de démence.
C’est elle aussi qui donne à Félix des leçons de conduite dans le Monde et qui le dirige dans sa conquête du pouvoir et de la fortune. Le récit se déroule pendant les cent jours et au moment de la Restauration. Blanche, élevée religieusement, dans une famille monarchiste, légitimiste, très conventionnelle, très infatuée de sa noblesse, dirige le jeune homme avec des conseil bien de sa caste :

« Vous apprendrez combien les principes de liberté sont impuissants à créer le bonheur du peuple. Mon bon sens de paysanne me dit que les Sociétés n’existent que par la hiérarchie. Vous êtes à un moment de la vie où il faut choisir ! Soyez de votre parti. Surtout quand il gagne ! »

L’agonie de madame de Mortsauf atteinte d’une maladie du pylore, nous dit-on, et sa révolte  quand elle s’aperçoit qu’elle n’a jamais connu l’amour, qu’elle s’est sacrifiée en vain aux conventions sociales est d’une terrible violence. Balzac prend alors position, en tout cas c’est ce que on lui a reproché, contre les valeurs hypocrites de la religion, contre la négation du corps, les conventions qui enferment les femmes. Les souffrances physiques et morales de son personnage exacerbées par la jalousie et par l’approche de la mort, sont atroces.

 « … car elle si sainte, si résignée, si faite à mourir, elle jette sur ceux qui sont pleins de vie des regards où, pour la première fois, se peignent des sentiments sombres et envieux. » dit l’abbé de Dominis à son propos

Les lecteurs et critiques de la Restauration ne s’y sont pas trompés et reprochèrent à l'auteur de ne pas avoir conçu un dénouement édifiant qui aurait exalté la vertu de la jeune femme. Balzac avait pourtant édulcoré cette fin et fait entrer Henriette dans une phase de repentir et d'apaisement à la demande de Laure de Berny, la dilecta, sa bien-aimée, qui voulait lui éviter un scandale !

Mais pour comprendre madame de Mortsauf, il faut savoir qui est son mari.


Monsieur de Mortsauf

Aurélia Frey : La dilectae  exposition au musée de Saché
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Saché
 Monsieur de Mortsauf  est le type même de l’émigré, semblable en cela à toute une noblesse légitimiste qui a refusé de servir l’Empire. Brisé par ses longues années d’exil et de privations, il souffre aussi d’une maladie qui débilite son corps et donne lieu à des crises de démence. Je dois dire qu’il m’a fallu quelques lectures depuis celles de ma jeunesse avant de comprendre de quoi souffrait Monsieur le comte. C’est pourtant bien dit, même si le mot n’est jamais prononcé et si Balzac brouille les pistes en donnant de vagues indications. La syphilis ! On comprend que dans le prude et hypocrite XIX siècle l’écrivain devait nous le faire comprendre d’une autre manière et cela donne :

« Ses amours ensevelis dans le plus profonds de son âme et que moi seul ai découvert, furent des amours de bas étage, qui n’attaquèrent pas seulement sa vie, ils en ruinèrent l’avenir. »
Et lorsqu’il apprend, à la naissance de ses enfants, que ceux-ci sont condamnés :

« Son nom à jamais éteint, une jeune femme pure, irréprochable, malheureuse à ses côtés, vouée aux angoisses de la maternité, sans en avoir les plaisirs; cet humus de son ancienne vie d’où germaient de nouvelles souffrances lui tomba sur le coeur et paracheva sa destruction. »

Aigri, violent, égoïste,  humiliant sa femme en public, et syphilitique, tel nous apparaît le comte. On comprend que Balzac, même s’il proteste de son estime pour eux, se soit attiré des inimitiés auprès des émigrés qui étaient rentrés en France à la restauration de Louis XVIII en peignant ce portrait !
Quant à Blanche, mariée à un homme qu’elle n’aime pas, elle qui ne sait rien de la sexualité si ce n’est qu’il s’agit d’un devoir pénible et dégradant (Monsieur de Mortsauf se plaint auprès de Félix qu’elle le repousse et veut continuer à être « vierge » avec lui), elle a peut-être été, de surcroît, contaminée par son mari et elle sait ses enfants atteints d'une maladie incurable.

« Tout a été mensonge dans ma vie, je les ai comptées depuis quelques jours ces impostures. Est-il possible que je meure, moi qui n’ai jamais vécu? » dit Henriette mourante.

Phrase auquel fait écho une pensée de Félix d’une grande cruauté et qui révèle bien ce que pense Balzac :

"Je me demande si la vertu d’Henriette n’avait pas été de l’ignorance, si j’étais bien coupable de sa mort »

Et il semble qu’il n’ait pas tort puisque la comtesse lui avoue dans son ultime lettre :

« Ah! si dans ces moments où je redoublais de froideur, vous m’eussiez prise dans vos bras, je serai morte de bonheur; j’ai parfois désiré de vous quelque violence, mais la prière chassait promptement cette mauvaise pensée. »

Félix de Vendenesse

 
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Saché Herbier photographique

Personne n’aime Félix de Vendenesse, aucun lecteur, sauf peut-être quand on a quinze ans, à la première lecture, parce qu’il est beau, qu’il a eu une enfance malheureuse et qu’il a l’âme d’un poète.
Non, les lectrices, surtout, le trouvent lâche, égoïste, sans personnalité. Et la réponse de la fiancée Natalie qui le traite de « chevalier à la triste figure » et  lui donne une bonne leçon en rompant avec lui, est réjouissante !

« N’imitez pas les veuves qui parlent toujours de leur première mari, qui jettent toujours à la face du second les vertus du défunt »

Il l’a bien mérité ce grand benêt qui va pleurer dans le giron de sa belle pour se faire consoler de ses amours avec une autre :

« Merci, cher comte, je ne veux de rivale ni au-delà, ni en deçà de la tombe. » « Savez-vous pour qui je suis prise de pitié? pour la quatrième femme que vous aimerez. Celle-là sera nécessairement forcée de lutter avec trois personnes. »

Ah! Voilà une femme qui a du caractère, de l’ironie, et qui change agréablement de l’angélisme (forcé) de madame de Mortsauf et des bêlements transis de son amoureux !
Pourtant, je me sens tout de même obligée de prendre la défense du jeune Félix .

Balzac a mis beaucoup de lui-même dans ce personnage. Comme Félix, il a été mal aimé par sa mère, placé dans une pension qui avait tout du « pénitentiaire », laissé à sa solitude, n’ayant aucune autorisation de sortie et souffrant de privations, deu froid et surtout du manque d’amour. Quand Félix rencontre la comtesse de Mortsauf, il a 21 ans et en paraît 14, elle en a 28 et est mariée et mère. Lui est encore physiquement et psychiquement un enfant; elle, une femme. Il est souffreteux, timide, il n’a jamais vécu, ne connaît rien à la société et encore moins à l’amour. Certes, il se sent frustré par cet amour platonique, essaie parfois d’aller au-delà, est arrêté par la peur de la perdre. Ne lui a -t-elle pas dit qu’elle le chasserait définitivement s’il devenait trop pressant ?
Si vous me demandez, pourquoi, jeune et plein de fougueux vouloirs, je demeurais dans les abusives croyances de l’amour platonique, je vous avouerai que je n’étais pas assez homme encore pour tourmenter cette femme toujours en crainte de quelques catastrophes pour ses enfants.
C’est son inexpérience, son manque de connaissance des femmes, mais aussi son respect et un amour profond et sincère qui provoquent le drame et après tout on ne peut le lui reprocher, pas plus que de prendre une maîtresse, plus tard, pour satisfaire « ses fougueux vouloirs ! »
Cependant je n’aime pas le Félix devenu adulte, homme à succès et courtisan de Louis XVIII, suffisant et  égoïste. Quant à la « lettre » qu’il écrit à Nathalie, elle est d’une goujaterie ou d’une naïveté ! On dirait bien que même à son âge, il n’a rien appris sur les femmes!

  Pascal disait "l'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange, fait la bête".  Et oui, c'est bien ce que veut montrer Balzac avec la mort si douloureuse, si horrible, de madame de Mortsauf qui prend conscience qu'elle est passée passe à côté de la vie parce qu'elle a obéi aux préceptes de la religion et aux préjugés de la société.  Cependant, l'on sent que l'écrivain s'est pris d'affection pour son Lys et que ce n'est pas elle qu'il met en cause mais une société hypocrite toujours prête à condamner la femme, celle-ci n'ayant d'autre choix que d'être soumise ou perdue. Il nous livre ainsi une critique de la noblesse provinciale au temps de la Restauration.

Quelques images de l'exposition du musée Saché : La dilectae


Dilectae propose un parcours à travers les souvenirs de madame de Mortsauf, un aperçu de ce qu'elle laisse derrière elle, de ses désirs et de ses rêves, des dernières images qu'elle eut avant de fermer les yeux.

Car il n'y a que la trace...

                                                              Aurélia Frey

Aurélia qui imagine les dernières visions de Blanche Henriette de Mortsauf, appelle sa série Dilectae, en référence au grand amour de Balzac, Laure de Berny, baptisée par lui-même Dilecta.


Aurélia Frey : La dilectae  musée de Saché d'après le Lys danla  vallée
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Saché

Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché d'après le lys dans la vallée
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché

Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché d'après le Lys dans la vallée
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché

Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché d'après le Lys dans la vallée
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché

Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché d'après Le lys dans la vallée
Aurélia Frey : La dilectae  musée de Balzac Saché


jeudi 6 décembre 2018

Malte : Promenade avec Daniel Rondeau, auteur de Malta Hanina,

Les falaises de Dingli

Il est agréable de quitter la ville et les routes à la circulation intense et folle pour aller vers le sud de l'île, au bord de la mer, des falaises de Dingli, en passant par la grotte bleue jusqu'à Marsaxlokk, petit port de pêcheur.  La promenade se fait avec le livre de Daniel Rondeau, Malta Hanina, (Malte l'Aimée, la Généreuse)

 Malte est cette île mystérieuse, habitée et bâtie depuis le printemps de l'humanité, posée sur la route du milieu  (celle des audacieux, les prudents préféraient le cabotage), à égale distance de Tanger et de Beyrouth, entre la Sicile et le rivage Libyen. Il ne faut jamais sous-estimer la géographie. Elle assigne souvent notre rôle dans l'histoire. Bouton de la rose des vents méditerranéens, nombril de la mer, l'île s'est toujours montrée à la fois fermée et ouverte, avec ses remparts de falaise battus par les flots, ses à-pic taillés dans le vif d'une roche d'un seul tenant, et sa dentelle de criques et de baies d'eau profonde, faites pour le mouillage et les aiguades, où viennent mourir des cultures en terrasses, entourées de bas murs de pierres sèches, de haies de lauriers ou de figuiers de barbarie.

Les figuiers de barbarie débordent des murets le long des petites routes


 Je laisse donc à Daniel Rondeau,  le soin de décrire ces murs de pierre si typiques du pays et ces champs dont certains plein de pierres ne sont pas encore gagnés à la culture.

Des deux côtés de la route, des murs de pierre, parfois solidement assis sur la roche structurent le paysage. Tous signes d'une vieille ordonnance humaine, protection des jardins et retenues de soutien pour les maigres parcelles cultivées, ils ont été arrachés à la roche, comme l'humus des terrasses, mélange de pierres concassées, de sable et de terre, parfois importée de Sicile. En contrebas, la mer éblouissante, déroule son immense nappe de lumière.



Au pied des falaises de Dingli,  les petits jardins entretenus.


au pied des falaises de Dingli
Falaise de Wield Babu en face de la Grotte bleue de Wied Iz-Zurrieq
Agave : ils sont très nombreux à Malte
Falaise de Wield Babu
La grotte bleue
La grotte bleue
 La grotte bleue avec son va-et-vient de bateaux emplis de touristes. Je ne l'ai pas visitée, j'ai préféré aller voir les sites mégalithiques de Hagar Qim et de Mnajdra Temples dont je vous parlerai longuement plus tard.

Le site de Mnajdra Temples
Végétation typique de l'île
La tour de guet
Au loin la petite île de Fifla


 Béni Catana, retraité du Corinthia Hotel, vient quotidiennement de Siggiewi, pour pêcher ou pour regarder la mer. Il parle de l'île de Fifla, au large de la côte, aujourd'hui réserve naturelle dont l'accès est interdit, et où les pêcheurs allaient autrefois suivre la messe le dimanche, avant que les artilleurs britanniques ne la prennent comme cible pour leurs entraînements et la réduisent de moitié.
Une centaine d'hommes continue de pêcher dans cette échancrure de la côte. Béni me fait les honneurs de sa cave à bateaux. Vus de l'extérieur, ces trous dans la roche sont de proportions insoupçonnables. Son hangar abrite deux grosses barques et du matériel de pêche, mais aussi une table et des chaises. Et peut servir de dortoir pendant les nuits d'été.

La petite île de Fifla

Fifla et ses variations incessantes de lumière

 En l'espace de quelques minutes la mer et le ciel varient de couleurs, les jeux de lumière sont intenses et changent  sans cesse. C' est ce que remarque Daniel Rondeau.

 Cet automne, lumineux et doux dure longtemps. Nous allons parfois marcher sur la côte à la nuit tombante. Les eaux paraissent jaunes, violettes, puis virent au bleu sombre. La route suit le lit d'un oued toujours à sec et longe une succession d'échancrures, serties dans les falaises bleues, grises, noires, parfois ceinturées par de modestes baraquements qui servent de garages aux bateaux et de maisons aux pêcheurs.... Pendant quelques jours , le ciel reste sans nuage, la mer sans ride, claire et transparente. Il arrive que quelques tempêtes passent. Embruns, gerbes d'eau, couleurs vives, ciel breton où filent les nuages. Tout s'apaise toujours très vite. Grand soleil et nuits étoilées, parfums de campagne chaude, l'automne n'existe pas.

Le port de Marsaxlokk est toujours un port de pêche traditionnel. On y pêche le thon, la dorade et l'espadon.

Des palmes fraîchement coupées sont rangées dans le bas de d'une étagère. Béni va les tresser pour en faire une sorte de radeau (appelé cima) qui sert de piège aux lampukas (dorades coryphènes) le poisson favori des Maltais. Les pêcheurs posent ces radeaux sur l'eau. Les premières dorades de Septembre se rassemblent sous leur ombre, et les patrons de barques n'ont plus qu'à jeter leurs filets. La saisons des lampukas dure plusieurs semaines, puis les cimas finissent par sombrer. Leurs palmes imputrescibles tapissent les fonds des bords de l'île.





Le port de Marsaxlokk




Marsaxlokk est célèbre pour la beauté des barques vivement colorées. Certaines sont décorées d'un oeil, l'oculus, héritage des dieux Horus ou Osiris, et sont censés éloigner le mauvais sort.

 Malte a tenu tous les rôles du théâtre méditerranéen. Sous son masque pierre, dans ses robes de soleil et de mer, elle fut la convoitée, l'oubliée, la disputée, la cruelle, la fervente, la débauchée, l'île refuge, l'île citadelle, l'île prison, plateforme pour tous les commerces (le blé, les oranges, le vin, les esclaves) et pour la guerre, base navale depuis les Phéniciens, grande infirmerie de la première grande guerre mondiale, bunker essentiel des Alliés pendant la seconde, toujours grenier à rêves variés et contradictoires. Les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ont fait la gloire de son nom.


dimanche 10 septembre 2023

Rentrée littéraire 2023 : Que choisir ?

 

 


 

 

En cette rentrée littéraire 2023, je suis allée acheter des livres car la tentation était trop forte.  Bien sûr, j'ai trouvé en ville tous les livres qui font la une de la presse en ce moment, ceux qui sont unanimement repérés et déjà présélectionnés. J'en ai choisi quelques-uns mais dès que j'ai voulu autre chose, rien !  J'avais noté un livre d'une écrivaine portugaise Lidia Jorge, Misericordia, ou celui de Hernan Diaz, Trust, Prix Pulitzer ou le 4 TTTT de Télérama : La mer de la tranquillité de Emily St. John Mandel ... Rien de tout cela.

Je m'étais dit que je n'achèterai pas sur internet cette année mais... Les libraires se plaignent des commandes en ligne qui leur enlèvent des ventes et, en particulier, d'Amazone, mais il n'y en a aucun qui prend le risque de sortir des sentiers battus en achetant au moins un ou deux exemplaires d'autres livres, moins repérés, qui ne seront peut-être pas sélectionnés pour les prix ! C'est dommage de ne pas leur laisser une chance ! Ceci dit, j'ai l'air de râler, comme ça, mais non,  j'ai pris ceux que j'ai trouvés et, on peut le dire, cette année, c'est l'embarras du choix! J'ai l'impression d'avoir fait une bonne pioche et je suis ravie de mes achats !

Si vous avez un de ces titres on peut faire une LC ensemble pour une date que l'on déterminera ensemble ? Si oui, incrivez-vous dans les commentaires.

Laurent Binet : Perspectives  Editions Grasset voir Eimelle Ici ;  Voir Je lis je blogue Ici

Sorj Chalandon : L'enragé   EditionsGrasset Voir Eimelle

David Grann :  Les naufragés du Wager  Editions du Sous-sol

Pekka Juntti : chien sauvage  Editions Gallmeister

Kimi Cunningham Grant : Les rancoeurs et la terre Editions Buchet.Chastel

Fred Vargas : Sur la dalle  Editions Flammarion

Gaspard Koening : Humus Edition  Voir Kathel