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samedi 6 octobre 2018

Honoré de Balzac : Gobsek


Gobsek fait partie des Scènes de la vie privée de La comédie humaine. 

La scène débute dans le salon de Madame de Grandlieu, en conversation avec un ami de la famille, l’avoué Maître Derville. L’avoué entend, pendant la conversation de Mme de Grandlieu avec sa fille Camille, que celle-ci est amoureuse du jeune Ernest de Restaud, fils d’Anastasie de Restaud, née Goriot. Mme de Grandlieu désapprouve cet amour : la mère d’Ernest est dépensière, enlisée dans une relation illégitime avec Maxime de Trailles, pour lequel elle gaspille sa fortune. Derville intervient en faveur de Camille : il démontre qu’Ernest s’est vu attribuer depuis peu l’intégralité de l’héritage familial. Ce récit, qui constitue une mise en abîme d’un type humain du monde balzacien, met en lumière les personnages de Jean-Esther van Gobseck, usurier, et de Maître Derville, avocat en début de carrière. Ces deux personnages, qui jouent un rôle essentiel dans ce roman, reparaissent dans l’ensemble de la Comédie humaine, soit sous forme d’évocation : Gobseck, soit en personne : Maître Derville, que l’on retrouve dans Le Colonel Chabert, Splendeurs et misères des courtisanes et dans de nombreux autres volumes de La Comédie humaine. Il fait partie, dans les personnages de la Comédie humaine, des Gens de robe honnêtes. (quatrième de couverture)

La nouvelle de Balzac, Gobsek, publiée en 1830 et d’abord intitulée Les dangers de l’inconduite dans Scènes de la vie privée, parut ensuite sous le nom de Papa Gobsek dans Scènes de la vie parisienne, pour réintégrer Scènes de la vie privée avec le titre définitif Gobsek

Rembrandt

Et ce titre paraît le mieux adapté tant il est vrai que le personnage éponyme occupe toute la scène, image peu commune de l’usurier que « le réalisme visionnaire » de Balzac transforme en personnage fantastique, complexe. Araignée tapie dans sa toile, il est reclus dans sa maison dont il ne sort que rarement attendant le client pour le dévorer… et pourtant il s'agit d'un homme "honnête" à sa manière, car s’il est impitoyable, avide dans ses transactions, avare, bref, usurier sans état d’âme, il sait tenir la promesse faite qui vaut plus que n’importe quel papier signé.

" Il existe deux hommes en lui : il est avare et philosophe, petit et grand. »
 
"Il avait les lèvres minces de ces alchimistes et de ces petits vieillards peints par Rembrandt ou par Metsu. Cet homme parlait bas, d’un ton doux et ne s’emportait jamais."
"Cette maison, qui n’a pas de cour, est humide et sombre. Les appartements n’y tirent leur jour que de la rue.
Sa maison et lui se ressemblaient. Vous eussiez dit de l’huître et son rocher."

En effet, s’il est un personnage qui permet de comprendre l’expression de «  réalisme visionnaire »,  c’est bien Gobsek ! Celui-ci illustre la pensée de Théophile Gautier  « Les personnages de Balzac sont plus grands que nature, ce sont des types, et non des individus tels qu’il s’en rencontre dans le monde réel. »

« Ce petit vieillard sec avait grandi. Il s’était changé à mes yeux en une image fantastique où se personnifiait le pouvoir de l’or. » dit de lui le narrateur.

Gobsek est un observateur de la vie humaine, il sait percer les mobiles profonds de chacun, il connaît l’intimité, jusqu’au fond de l’alcôve, de tous ceux qui se présentent devant lui. On peut dire qu’il est l’égal de Dieu .. ou du romancier, de Balzac lui-même dont la position en hauteur, si je puis dire, permet d’observer l’espèce humaine un peu comme un entomologiste observe la vie des insectes.

« Mon regard est comme celui de Dieu, je vois dans les coeurs. Rien ne m’est caché. L’on ne refuse rien à qui  lie et délie les cordons du sac. Je suis assez riche pour acheter les consciences de ceux qui font mouvoir les ministres… »

Gobsek : la comtesse Anastasie de Restaud

Dans cette nouvelle, il s’agit bien de peindre la vie privée, les amours adultères d’Anastasie de Restaud (une des filles du père Goriot), et de son amant le mondain Maxime de Trailles; on assiste à leur visite chez l’usurier où la dame va achever de ruiner son mari. Mais c'est aussi la vie parisienne que décrit Balzac. Maxime de Trailles est lui aussi un type, celui du dandy sans argent qui vit au-dessus de ses moyens grâce à ses relations haut placées et aux crochets de ses maîtresses séduites par sa belle figure et sa prestance.  L'écrivain dresse un portrait de la noblesse parisienne, corrompue, dissipée, dépensière, inapte au travail,qui pendant cette période de la Restauration ne pense qu’au plaisir et à la débauche, une aristocratie pleine de morgue, se considérant comme d’essence supérieure, classe sociale creusant elle-même le trou dans laquelle elle finira pas disparaître au profit de la bourgeoisie. Cette dernière est représentée par l’avoué maître Derville, un personnage positif, honnête, qui part de rien mais grâce à son travail va parvenir à s’élever. Il épouse une jeune fille du peuple, Fanny, modeste mais sage et sérieuse et forme avec elle un couple heureux et solide. A travers ce personnage à l'opposé de la noblesse, Balzac décrit l'ascension d'une classe sociale qui va peu à peu prendre le pouvoir..

Maître Derville, personnage récurrent de La Comédie humaine, est le narrateur principal. Voisin de Gobsek, peu fortuné à ses débuts, il occupe une place à part dans la vie de l’usurier et le connaît bien.  C’est à lui qu’il fait un emprunt pour acheter son étude et se nouent entre eux des relations qu’il est difficile d’appeler amitié (Gobsek ne fait de cadeau à personne) mais qui s’en approchent le plus. C’est à travers sa vision que nous découvrons Gobsek, sauf à quelques moments où l'usurier prend lui-même la parole pour exposer sa philosophie.

Le Pouvoir et le Plaisir ne résument-ils pas votre ordre social ? Nous (les usuriers) sommes dans Paris une dizaine ainsi, tous rois silencieux et inconnus, les arbitres de votre destinée.

Il est d'ailleurs assez piquant que Balzac place la critique de la société matérialiste dominée par l'argent  :

La vie n'est-elle pas une machine à laquelle l'argent imprime le mouvement.
 
L’or est le spiritualisme de vos sociétés actuelles.


dans la bouche d'un avare qui déclare par ailleurs :

Si vous aviez vécu autant que moi, vous sauriez qu'il n'est qu'une seule chose matérielle, dont la valeur soit assez certaine pour qu'un homme s'en occupe. Cette chose... c'est l'OR.  L'or représente toutes les forces humaines.


Ainsi cette nouvelle courte mais dense nous livre non seulement des portraits haut en couleurs, archétypes de leur classe sociale mais aussi, en condensé, la vision critique et lucide de la société de la Restauration, telle que Balzac la développera tout au long de La Comédie humaine



PROCHAINES LECTURES COMMUNES AVEC MAGGIE  SUR LES NOUVELLES DE BALZAC : Vous pouvez nous rejoindre

LE 10 OCTOBRE  :  LA BOURSE

LE 10 NOVEMBRE : L'AUBERGE ROUGE

16 commentaires:

  1. Oui j'ai vu passer cette LC, mais je n'avais pas le livre sosu la main, et je sortais de trois romans de Balzac, assez courts quand mêem. Mais c'est bien de revenir à cet auteur!

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    1. Oui et nous allons continuer maggie et moi-même. C'est Maggie qui propose les titres et comme je ne connais pas (ou mal) les nouvelles de Balzac,j'en profite !

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  2. Moi aussi j ai lu un Balzac récemment ! Mais c était la vendetta

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    1. Je ne connais pas non plus La vendetta mais je vois que cela correspond bien à ton voyage en Corse !

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  3. J'aime bien chez Balzac la cohabitation de l'observation d'un milieu et l'intrigue romanesque, parfois proche du feuilleton ! Ma prochaine lecture est pour dans deux semaine avec la bourse ( nouvelle) et ensuite, je vais lire l'auberge rouge pour le début du mois prochain :-)

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  4. totalement inconnu de moi, une découverte!

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    1. Même si le personnage est bien connu dans La comédie humaine,je n'avais pas lu la nouvelle.

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  5. Je l'ai lu il y a longtemps et je n'en gardais presque aucun souvenir si ce n'est qu'il m'avait plu. Je l'avais choisi à cause de la présence d'une fille Goriot.

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    1. Et oui, l'intérêt de La comédie humaine, c'est de retrouver les personnages d'un livre à l'autre. La fille du père Goriot devenue comtesse est toujours un personnage assez méprisable (cette fois-ci envers son mari après son père) même si sa beauté attendrit le narrateur.

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  6. ah je vois que comme moi tu plonges dans les nouvelles de Balzac
    Gobsek je ne l'ai pas encore lu par contre je te recommande la double famille une nouvelle très moderne pas son sujet

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    1. Oui, je me remets à Balzac sous l'impulsion de Maggie qui propose la découverte des nouvelles. la double famille ? Je note.

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  7. Je me souviens que quand je l'avais lu j'étais très méfiante vu que Balzac émaille souvent ses autres romans de remarques antisémites quand il s'agit de présenter Gobsek. Et heureuse surprise ! Dans un roman où le héros est Gobsek, Balzac s'attache à son personnage et en donne un portrait très intéressant.

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  8. Oui, un portrait intéressant qui fait de lui, malgré son horrible métier, un être complexe doté d'une certaine dignité et qui plus est, paradoxalement, un moraliste ! C'est lui qui juge la société!

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  9. Bonjour Claudialucia, c'est sympa de faire ces lectures communes avec Maggie Je n'ai jamais entendu parler de cette nouvelle. Merci. Bonne après-midi.

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    1. Je ne connais pas plus que toi ces nouvelles et je les découvre avec plaisir.

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